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Ecosia : Le Moteur De Recherch

25 janvier 2011 2 25 /01 /janvier /2011 03:20

Claude Lévi-Strauss s’est éteint…

Claude Lévi-Strauss, l’un des derniers géants de la pensée française du XXème siècle, vient de disparaître, à la veille de son 101ème anniversaire. Le fondateur de l’anthropologie structurale, l’« astronome des constellations humaines » dont l’oeuvre de portée universelle a bouleversé la pensée occidentale, avait fêté ses cents ans le 28 novembre 2008 - et l’Académie française son premier centenaire, aucun de ses Immortels depuis sa fondation en 1634 n’ayant encore atteint cet âge.

« Je hais les voyages et les explorateurs. Et voici que je m’apprête à raconter mes expéditions. Mais que de temps pour m’y résoudre ! » : ainsi s’ouvrait le livre paru en 1955 qui lui valut une célébrité immédiate, Tristes Tropiques, son « autobiographie intellectuelle ». Un livre si magnifiquement écrit que le jury du prix Goncourt publia cette année-là un communiqué exprimant ses regrets de ne pouvoir le couronner car c’est un essai et non pas un roman...

Plus qu’un prix c’est un honneur très littéraire qui avait marqué pour « le plus grand anthropologue du monde » l’année du centenaire : son entrée dans la prestigieuse Bibliothèque de la Pléiade avec sept oeuvres choisies par lui et assorties de nombreuses notes inédites. La philosophe Catherine Clément, qui fut son élève et qui lui a consacré un volume de la collection Que sais-je ?, l’avait défini à cette occasion comme « le plus grand intellectuel vivant », qui a « coupé les liens entre l’ethnologie et le colonialisme ».

Parmi l’avalanche d’hommages qu’avait suscités son 100ème anniversaire - dont celui du président de la République qui lui avait rendu visite « pour lui rendre un hommage chaleureux et lui dire la reconnaissance de toute la Nation » - le plus émouvant avait été celui du musée des Arts Premiers (quai Branly) consacré aux Arts et Civilisations d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques et qui se veut une passerelle entre les cultures. Claude Lévi-Strauss avait soutenu dès l’origine le projet de ce musée voulu par le président Jacques Chirac, musée qu’il avait visité, à 97 ans, la veille de son inauguration le 21 juin 2006, dont le théâtre porte son nom et dont il était conservateur d’honneur. Une « journée spéciale » lui avait été consacrée le jour de ses cent ans, marquée par la lecture de quelques-uns de ses plus grands textes par une centaine de personnalités du monde des arts, de la science et des lettres, devant une foule de visiteurs passionnés, sur le plateau des collections au milieu des objets qu’il avait lui-même collectionnés et qui font aujourd’hui partie des collections du musée. Des éditions originales de ses oeuvres, des photos dont il était l’auteur ainsi que des documentaires sur ses voyages avaient été également présentés, tandis qu’une plaque en son honneur était officiellement dévoilée à l’entrée de « son » théâtre. Sur la plaque, gravée dans le marbre, cette citation de l’anthropologue : « L’exclusive fatalité, l’unique tare, qui puisse affliger un groupe humain et l’empêcher de réaliser pleinement sa nature, c’est d’être seul ».

Claude Lévi-Strauss, avait accepté de donner son nom à un prix national, doté de 100.000 euros, qui distingue chaque année « le meilleur chercheur en sciences humaines et sociales en activité travaillant en France ».

Né en 1908 à Bruxelles de parents juifs alsaciens, Claude Lévi-Strauss est reçu en 1931 à l’agrégation de philosophie. Un demi-siècle plus tard il se demandait encore « comment il l’avait passée ». « C’est un mystère ! », dit-il. Il avait raconté ensuite dans des pages célèbres de Tristes Tropiques comment, alors qu’il avait commencé à s’intéresser à l’ethnologie, il reçut, « un dimanche de l’automne 1934 à 9 heures du matin », un coup de téléphone du directeur de l’Ecole normale supérieure lui proposant un poste à l’Université de Sao Paolo pour y enseigner la sociologie. Ainsi commença ce qu’il a appelé « l’expérience la plus importante de sa vie » : la découverte du Brésil, un pays où il est adulé et envers lequel il avait déclaré se sentir « en dette très profonde ». Un pays où il avait vécu de 1935 à 1939, organisant et dirigeant plusieurs missions ethnographiques dans le Mato Grosso et en Amazonie, à la rencontre des tribus indiennes de l’Amazonie au sein de ces sociétés dites « primitives » dont il avait superbement décrit la vie, les coutumes, les croyances. Il avait aussi rapporté de ses voyages brésiliens une partie des collections aujourd’hui exposées au musée à Paris : souvent des objets modestes de la vie quotidienne mais aussi de magnifiques masques et objets mythiques achetés plus tard aux Etats-Unis, la côte nord-ouest de l’Amérique du Nord étant un autre « lieu magique » pour la découverte de ces « arts premiers » ; l’anthropologue avait lui-même partagé son importante collection entre le Brésil et la France.

Rentré en France au début de l’année 1939, mobilisé, il est révoqué de l’enseignement après l’armistice de 1940 en raison des premières lois anti-juives du gouvernement de Vichy. Devenu « un gibier de camp de concentration », il a la chance d’être intégré au programme de la Fondation Rockefeller pour le sauvetage des savants européens menacés par les nazis, et invité à enseigner à la New School for Social Research de New-York . Encore fallait-il trouver un bateau pour y aller et ce fut un voyage dans des conditions assez éprouvantes racontées dans Tristes Tropiques. En 1941 il embarque avec 218 autres réfugiés dont le Pape du surréalisme, André Breton.

Rallié à la France libre en 1942, affecté à la mission scientifique française aux Etats-Unis, il vivra à New-York, où il enseigne l’ethnologie, « une période d’excitation intellectuelle intense » au contact notamment des grands noms de l’anthropologie américaine. C’est là aussi qu’il découvrira la linguistique « grâce à Roman Jakobson ». « Je faisais du structuralisme sans le savoir. Jakobson m’a révélé l’existence d’un corps de doctrine déjà constitué ». A New York aussi, il trouve matière à nourrir un autre aspect de sa personnalité, longuement évoqué dans le livre Regarder, écouter, lire (1993) : l’amour de l’art et de la musique. Fils de peintre et arrière petit-fils du compositeur Isaac Strauss (même nom mais sans lien de famille avec les très célèbres Johann ou Richard Strauss), il adorait Wagner (dont il avait longuement étudié la Tétralogie du Ring), il « idolâtrait » Stravinsky, et il révéla plus tard avoir toujours rêvé d’être chef d’orchestre – « à défaut de compositeur ». !.

Parmi les artistes en exil, il se lie d’amitié avec Max Ernst, André Breton, Marcel Duchamp et d’autres surréalistes. De 1945 à fin1947, il est conseiller culturel à New-York auprès de l’ambassade de France aux Etats-Unis

Rentré en France en 1948, maître de recherche au CNRS, sous-directeur au musée de l’Homme, il soutient sa thèse en 1949 sur Les structures élémentaires de la parenté (l’une de ses oeuvres majeures, comme le sera en 1962 La pensée sauvage). En 1958 paraît aux éditions Plon le premier volume de l’anthropologie structurale, refusé auparavant chez Gallimard au motif que la pensée de l’auteur n’était « pas encore assez mûre » ! Le deuxième volume paraîtra en 1973. « La nature du vrai transparaît d’abord dans le soin qu’il met à se dérober » ; c’est en partant de ce postulat que Claude Levi-Strauss, véritable fondateur de la pensée structurale dans le domaine de l’anthropologie, élabore une méthode d’analyse des rapports de parenté et des mythes dans les sociétés « primitives » qui s’inspire de méthodes utilisées en linguistique.

En 1959, Claude Lévi-Strauss est nommé titulaire de la chaire d’anthropologie sociale au Collège de France (un poste qui lui avait été refusé deux fois auparavant), où il restera jusqu’à sa retraite en 1982 après avoir fondé en 1960 le Laboratoire d’anthropologie sociale et en 1961 la revue scientifique française d’anthropologie L’Homme. Le Collège de France estime qu’« aucun anthropologue n’a exercé (jusqu’à son enseignement) un tel rayonnement intellectuel touchant toutes les disciplines qui s’intéressent à l’homme et à ses oeuvres ». En 1973 il est le premier ethnologue élu à l’Académie Française, au fauteuil de l’écrivain Henry de Montherlant. L’Académie lui a rendu hommage la veille de son anniversaire qui est pour elle, selon son secrétaire perpétuel Hélène Carrère d’Encausse, « un immense événement et peut-être avant tout une fête de famille ».

Peu enclin à s’exprimer dans les médias, Claude Lévi-Strauss s’est bien gardé de la moindre réflexion sur « ses cent ans ». Mais dans une de ses très rares interviews, au Monde à l’occasion de l’année du Brésil en France en 2005, il disait « Nous sommes dans un monde auquel je n’appartiens déjà plus. Celui que j’ai connu, celui que j’ai aimé, avait 1,5 milliard d’habitants. Le monde actuel compte six milliards d’humains. Ce n’est plus le mien ».

Claudine Canetti

 

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24 janvier 2011 1 24 /01 /janvier /2011 15:34

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AlanWatts1.jpg Photographie d ' Alan Watts enfant - La pensée est aussi d 'Alan Watts .

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22 janvier 2011 6 22 /01 /janvier /2011 02:47

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Pensée du 22 janvier 11

 

Posted 22 janvier 2011 by L'Academie de Philosophie in CULTURE, PHILOSOPHIE, SAGESSE. Marqué : Antonio GRAMSCI. Laisser un commentaire

 

« Il faut détruire le préjugé très répandu que la philosophie est quelque chose de très difficile du fait qu’elle est l’activité intellectuelle propre d’une catégorie déterminée de savants spécialisés ou de philosophes professionnels ayant un système philosophique. Il faut donc démontrer en tout premier lieu que tous les hommes sont « philosophes », en définissant les limites et les caractères de cette « philosophie spontanée », propre à tout le monde, c’est-à-dire de la philosophie qui est contenue : 1. dans le langage même, qui est un ensemble de notions et de concepts déterminés et non certes exclusivement de mots grammaticalement vides de contenu ; 2. dans le sens commun et le bon sens ; 3. dans la religion populaire et donc également dans tout le système de croyances, de superstitions, opinions, façons de voir et d’agir qui sont ramassées généralement dans ce qu’on appelle le folklore. »

 

Antonio GRAMSCI, Introduction à l’étude de la philosophie et du matérialisme historique, Editions sociales, 1977.

 

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20 janvier 2011 4 20 /01 /janvier /2011 11:23

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Il y a un mystère animal dont le moindre mérite n'est pas de résister à la pensée : s'agissant de la question animale, le propos des philosophes, aussi grands soient-ils, est en général affligeant. Devant la bête silencieuse, profonde, énigmatique, le discours philosophique (et même scientifique), enlisé dans l’humain, se déprécie et se mord la queue : on croit parler de l’animal, c’est encore et toujours de l’homme qu’il s’agit. Chassez l’humain, il revient au galop…

Rétablir l’animal dans sa dignité ontologique, s’étonner du mépris dans lequel il est tenu au nom de l’Intelligence, dénoncer la bêtise des opinions communes engraissées à la Raison, chasser la honte des origines, telle est l’ambition de cet essai qui combine la réflexion, l’anecdote et le récit métaphorique, pour tenter de rompre le douloureux « silence des bêtes ».

 

SOMMAIRE

 

Le buisson

Bamako

L'éléphant

La Comtesse et les cochons

Raoul Lopez

La douleur

Les animaux de la ferme

La grenouille

Taïaut

Compagnons de misère

Barbare

Mythes

Bataille

Crépuscule d'un roi

L'âne

Traces

Médecin des bêtes

Petit bestiaire des idées reçues

Le Rat est grand

 

 

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19 janvier 2011 3 19 /01 /janvier /2011 13:33

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17 janvier 2011 1 17 /01 /janvier /2011 11:06

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«This is the dead land
This is cactus land
Here the stone images
Are raised, here they receive
The supplication of a dead man's hand
Under the twinkle of a fading star.»
T.S. Eliot, The Hollow Men (1952).

Les Cahiers de Monsieur OuineVoici, au format PDF, l'un des chapitres de ma Littérature à contre-nuit (à laquelle, je le signale, une nouvelle critique a été consacrée ici avant d'être reprise dans un futur numéro de Liberté politique), évoquant une œuvre fascinante qui à mes yeux, sans conteste, demeure l'un des plus grands romans du siècle passé.
Ce texte a connu, avant de trouver dans mon essai sa forme définitive, bien des publications en revue : il m'a toujours paru essentiel en effet d'évoquer, chaque fois que je le pouvais, Monsieur Ouine, roman que je n'ai lu qu'après avoir dévoré plusieurs fois l'ensemble des livres de Georges Bernanos. Je n'ai pas de honte à avouer qu'une sorte de crainte, une méfiance respectueuse me gardaient d'aborder, trop vite, sans la moindre préparation, un roman que tous ses lecteurs, y compris universitaires (j'ai ainsi retrouvé, avec plaisir, sous la plume de Sarah Vajda, une évocation sensible et... mitterrandienne de l'ancien professeur de langues !), avaient déclaré difficile, opaque, ténébreux, elliptique, profondément étrange pour finir. Monsieur Ouine forme, avec une poignée d'autres romans tels que Absalon, Absalon !, Héros et Tombes et La mort de Virgile, une sorte de constellation noire, illuminant faiblement un monde désertique, spectral, où se dressent les étranges monuments de pierre évoqués par T. S. Eliot, une brèche par laquelle s'échappe la friable réalité de notre monde, une lézarde qui nous permet de regarder... Quoi ?

Qui a lu, qui a relu ces romans, qui a pris la peine, à propos de Bernanos, de lire les envoûtants Cahiers de Monsieur Ouine patiemment déchiffrés par Daniel Pezeril, buttant sur bien des difficultés stylistiques et formelles de pareilles écritures tentant de sonder le Mal et le Néant, parfois pris d'un malaise physique comme il en va des plongeurs en mer victimes de l'ivresse des profondeurs, n'est plus le même je crois, et soyez bien certains que je n'emploie pas à la légère un tel cliché.

Certes, un tel lecteur (qu'aucune caractéristique particulière ne saurait distinguer de tant d'autres si ce n'est son opiniâtreté, une vertu qui aujourd'hui se perd et inquiète...) n'a pas traversé le miroir, puisqu'il n'est pas certain que les romanciers en question aient accompli un tel voyage, en dépit de leurs propres innombrables confessions parfois désespérées, même si je n'occulte pas le fait que, pour au moins deux de ces livres, évoquer une sorte d'expérience initiatique n'est pas une sottise.

Du moins ce lecteur a-t-il cru entrevoir l'univers qui se cache derrière le miroir déformant dont parle l'apôtre.

J'ajoute, pour finir, que les lecteurs déjà familiarisés avec Monsieur Ouine peuvent lire deux longues études récemment publiées dans les Études bernanosiennes dirigées par Michel Estève et éditées par Minard.

 

 

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16 janvier 2011 7 16 /01 /janvier /2011 02:23

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Edition : Bookclub

 

 

Lorsque, dans son récent essai, Annie Le Brun parle de Sade, du roman noir ou du surréalisme, elle reste fidèle à elle-même et à ses livres antérieurs, revenant à quelques-uns de ceux qui ont fait valoir la face obscur de l'humain. Mais, cette fois, elle élargit l'angle de vue et procède au grand rassemblement des univers philosophiques et littéraires qui ont pris en charge cette « noirceur ».

 

Elle va ainsi nous promener au long de trois siècles, mettant en évidence les œuvres minoritaires qui ont fait utilement valoir le mal et sa négativité en permettant à l'homme de libérer son imagination et de se libérer tout court. La grande question pour elle est donc celle d'un « noir » que la pensée contemporaine refoule méthodiquement, bloquant tout désir vrai. Ainsi sa thèse sera que, dans notre monde de rationalité technologique, plus aucune place n'est laissée à la si nécessaire possibilité de rejoindre la part d'inhumanité qui est en nous.

Annie Le Brun va donc mettre en présence deux champs de forces : celui du contrôle outrancier de la vie, celui du surgissement de cette même vie. Elle se contentera de stigmatiser le premier ; elle tentera de ranimer le second en rappelant quels furent ses hérauts dans le domaine de l'art et de la pensée. Mais Annie Le Brun commence par baliser son domaine d'investigation à partir d'emblématiques catastrophes. Elle fait ainsi du tremblement de terre de Lisbonne de 1755 une grande origine dans la mesure où ce séisme apprit à l'homme à extraire du carcan religieux les grands malheurs susceptibles de l'atteindre. Elle pointe ensuite comme double terminus Auschwitz et Nagasaki, massacres collectifs qui, deux siècles plus tard, sont cette fois le produit de l'homme même et d'une scission chez lui entre imagination et pouvoir d'action.

Dès l'époque des Lumières, observe l'auteure, les penseurs les plus importants feront la part qu'il faut à la négativité mais ils n'en tireront pas toutes les conséquences. Ainsi de Hegel qui, dans sa célèbre préface à La Phénoménologie de l'esprit, affirme « la puissance prodigieuse du négatif » mais pour la positiver ensuite dans l'idée de Progrès. Ainsi encore de Goethe qui conceptualise cette même puissance sous la forme du démonique mais sans réussir à exprimer la démesure radicale de ce qui fait le « noir ». 

Ce sont par conséquent des écrivains et des artistes qui vont véritablement prendre en charge l'excès du négatif et, en tête de leur lignée, le marquis de Sade, cher à Annie Le Brun. Venant d'évoquer Hegel, elle note à propos du divin marquis : « Aussi est-il pour le moins troublant qu'une vingtaine d'années plus tôt, Sade ne se sera, au contraire, soucié que de s'en remettre à l'excès du désir comme à son pouvoir de négation imaginante, pour en faire apparaître les figures toujours nouvelles. Le foisonnement, la luxuriance, la démesure de ce qui est alors figuré empêchent la négativité de se dissoudre, comme chez Hegel, dans la positivité du devenir, en forçant avec une détermination sans égale l'espace de la représentation pour inventer le premier théâtre d'où considérer notre néant. » (p . 85) Partant de quoi reste à jeter le pont qui s'impose entre le romantisme allemand des Hölderin et des Novalis et le surréalisme à la française qui est déjà, pour Le Brun, celui d'un Lautréamont ou d'un Jarry prophétiques, voire d'un Mallarmé érotique. Et de condamner au passage la conception autotélique de la littérature défendue par Maurice Blanchot et d'autres.

De façon plus inattendue mais dans la même ligne, Annie Le Brun appelle de ses vœux l'apparition d'une nouvelle mythologie, évoquant l'attrait exercé au début du XXe siècle par les cultures primitives sur un Gauguin ou un Picasso en peinture ou sur un Marcel Mauss en anthropologie. C'est encore le défaut d'imagination qui est ici en cause et qui trouverait à se résorber à la faveur d'une jonction –assez stimulante pour l'esprit– entre mythe à l'antique et mythe primitif. « Pourquoi, s'exclame Annie Le Brun dans une envolée lyrique, alors même que notre époque commence à voir dans quelle prison imaginaire le progressisme technologique nous détient depuis si longtemps, continue-t-on d'ignorer, proches ou lointaines, les forêts de signes, les mines de lumière et les jungles de rêve d'où, depuis toujours, l'insoumission sensible imagine les plus folles évasions ? » (p. 107)

En fin de volume, Annie Le Brun s'interroge sur ce qui reste d'espoir aujourd'hui de renouer avec les forces créatives profondes. Il est sympathique mais quelque peu naïf qu'elle mise à cet égard sur la passion amoureuse, dont elle dit qu'elle est la « seule solution dont chacun dispose encore et toujours pour s'aventurer au plus loin de la misère du monde. » (p. 203). Mais pourquoi pas ? Quand on n'a que l'amour, disait le poète... Robert Desnos pensait de même, qui définissait l'érotisme comme la science individuelle par excellence.

Au total, le procès qu'Annie Le Brun fait à la raison contemporaine avec ses technologies, ses virtualités, son économisme, est plus passionné qu'argumenté (ainsi désignée, ladite raison n'est-elle pas elle-même un mythe au mauvais sens du terme ?). Mais c'est conforme à un credo qui, en son meilleur, s'exprime dans un chatoiement heureux de l'écriture –apparent dès le beau titre du volume– comme dans la célébration de ces forces en péril que sont imagination, rêve, désir, amour. Et l'on ne peut qu'aimer avec Le Brun tous ceux et celles qui, au cours des temps, ont incarné ces forces dans leurs œuvres et leurs actes.

 

Annie Le Brun, Si rien avait une forme ce serait cela, Paris, Gallimard, 2010. € 21,90.  

La part du négatif, la place que nous lui faisons...

Notre fascination pour les faits (divers ?) du négati, aussi.

Sobre présentation de ce livre à lire, dont je retiens cette phrase :

«Pourquoi, alors même que notre
époque commence à voir dans quelle prison imaginaire le progressisme
technologique nous détient depuis si longtemps, continue-t-on
d'ignorer, proches ou lointaines, les forêts de signes, les mines de
lumière et les jungles de rêve d'où, depuis toujours, l'insoumission
sensible imagine les plus folles évasions ? »

Pour aller au bout des croisements, puisque Patrice cite ton article dans le sien, Jacques, et que ces échos infinis sont une des richesses de Mediapart :

http://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/020810/loeuvre-au-noir-dannie-le-brun

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14 janvier 2011 5 14 /01 /janvier /2011 10:13

 

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Du philosophe allemand Hans-Georg Gadamer, Jacques Derrida a dit un jour qu'il était le "témoin absolu" parce qu'ayant vécu plus que centenaire (1900-2002), ce disciple des néokantiens et surtout de Martin Heidegger a participé à tous les débats philosophiques de son temps. De fait, sa philosophie est au fondement d'un tournant essentiel pour la discipline - et pour les sciences humaines en général - qui consiste à mettre au premier plan "l'herméneutique", c'est-à-dire l'interprétation considérée non plus seulement comme une approche nécessaire à la lecture des textes mais comme le principe même de l'existence.

 

A lire cette élégante biographie due à un spécialiste, le professeur Jean Grondin de l'université de Montréal, on comprend aussi à quel point son protagoniste a su se montrer un artiste de la survie dans ce siècle de fer. L'ouvrage, que son auteur avait fait relire au philosophe, avait été publié en allemand en 1999. Il paraît ici dans une version française refondue qui n'a plus besoin de l'imprimatur du maître. Son principal mérite est d'introduire à ce penseur capital, même si on peut lui reprocher une certaine indulgence sur la période la plus controversée du personnage, celle du nazisme. Le biographe ne fait nulle concession sur les faits. Mais il a une tendance à l'exonération dans ses commentaires où il multiplie les "cela l'honore" dès lors qu'il peut déceler une once d'écart par rapport au conformisme version IIIe Reich.

 

Jean Grondin force ainsi son récit jusqu'à dépeindre Gadamer en quasi dissident. Tel qu'il le décrit, cet itinéraire est plutôt celui d'un attentiste qui a profité de l'appel d'air constitué par le renvoi de ses nombreux "amis juifs" chassés de l'université. Une telle présentation fait peu de cas du principe de la responsabilité intellectuelle et de l'exemple déplorable que donne l'image d'une carrière de philosophe se poursuivant tranquillement dans de telles conditions.

 

Tournée de propagande

 

Gadamer n'avait, il est vrai, ni la stature ni l'aura de son mentor et aîné Heidegger et, à la différence de ce dernier, jamais il ne fut membre du parti nazi. Cela ne l'empêchera pas de séjourner volontairement en 1935 dans un camp de réhabilitation politique près de Dantzig et de se joindre à une tournée de propagande dans le Paris occupé de 1941. De même avait-il, le 11 novembre 1933, signé une déclaration des professeurs d'université "en faveur d'Adolf Hitler et de l'Etat national-socialiste". Autant de signes qui vont un peu au-delà de la simple accommodation.

 

Le statut très particulier et précaire du Privatdozent, typique des universités allemandes (docteur exerçant un enseignement non rémunéré), constituerait une piste pour expliquer les aléas de cette longue vie académique. Elle rendrait raison aussi de l'exceptionnelle productivité philosophique allemande issue de candidats malheureux à des postes en constante raréfaction, ayant un besoin vital de reconnaissance.

 

Excellente description de la façon dont fonctionnaient les universités allemandes à la veille de leur massification dans les années 1960, ce livre dévoile l'intimité régnant entre savants titulaires et aspirants, faite d'exploitation et d'adhésion parfois sectaire. Un tableau très vivant qui ne prête pas nécessairement à la nostalgie.

HANS-GEORG GADAMER. UNE BIOGRAPHIE de Jean Grondin. Grasset, "Collège de philosophie", 544 p., 23 €.

 

 

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13 janvier 2011 4 13 /01 /janvier /2011 12:50

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13 janvier 2011 4 13 /01 /janvier /2011 12:09

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Communiqué du Grand Orient de France sur le thème de » La Laïcité et le Devoir de Solidarité »

 

« Les dernières prises de positions du Front National et la tenue prochaine de son congrès à Tours incitent les Francs-maçons du Grand Orient de France à réagir.

 

Des responsables associatifs ou politiques, prétendument laïques, tiennent aujourd’hui des propos démagogiques sur la chose publique. Leurs discours sont en totale contradiction avec le principe de laïcité et le devoir de solidarité qui en découle. Ils tentent de détourner la laïcité à des fins partisanes et xénophobes.

 

Les Francs-maçons du Grand Orient de France dénoncent ces comportements.

 

A un an d’échéances électorales importantes, certains veulent réinventer la laïcité parce que la société évolue, alors que c’est à notre société d’assimiler le principe de laïcité inscrit dans la Constitution. Il revient aux élus, à qui il faudra si nécessaire rappeler son essence républicaine, de l’appliquer sans concession.

 

Le Grand Orient de France réaffirme son attachement fondamental à la laïcité, à sa pratique émancipatrice pour tous les citoyens qui préserve, de manière intangible, la distinction entre espace public et vie privée, la liberté absolue de conscience, la distinction entre spiritualité et religion, le principe de stricte égalité entre les femmes et les hommes, la tolérance réciproque et le respect mutuel, la solidarité entre les êtres humains.

 

Paris, le 12 janvier 2011«

 

 

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