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Ecosia : Le Moteur De Recherch

14 janvier 2011 5 14 /01 /janvier /2011 10:13

 

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Du philosophe allemand Hans-Georg Gadamer, Jacques Derrida a dit un jour qu'il était le "témoin absolu" parce qu'ayant vécu plus que centenaire (1900-2002), ce disciple des néokantiens et surtout de Martin Heidegger a participé à tous les débats philosophiques de son temps. De fait, sa philosophie est au fondement d'un tournant essentiel pour la discipline - et pour les sciences humaines en général - qui consiste à mettre au premier plan "l'herméneutique", c'est-à-dire l'interprétation considérée non plus seulement comme une approche nécessaire à la lecture des textes mais comme le principe même de l'existence.

 

A lire cette élégante biographie due à un spécialiste, le professeur Jean Grondin de l'université de Montréal, on comprend aussi à quel point son protagoniste a su se montrer un artiste de la survie dans ce siècle de fer. L'ouvrage, que son auteur avait fait relire au philosophe, avait été publié en allemand en 1999. Il paraît ici dans une version française refondue qui n'a plus besoin de l'imprimatur du maître. Son principal mérite est d'introduire à ce penseur capital, même si on peut lui reprocher une certaine indulgence sur la période la plus controversée du personnage, celle du nazisme. Le biographe ne fait nulle concession sur les faits. Mais il a une tendance à l'exonération dans ses commentaires où il multiplie les "cela l'honore" dès lors qu'il peut déceler une once d'écart par rapport au conformisme version IIIe Reich.

 

Jean Grondin force ainsi son récit jusqu'à dépeindre Gadamer en quasi dissident. Tel qu'il le décrit, cet itinéraire est plutôt celui d'un attentiste qui a profité de l'appel d'air constitué par le renvoi de ses nombreux "amis juifs" chassés de l'université. Une telle présentation fait peu de cas du principe de la responsabilité intellectuelle et de l'exemple déplorable que donne l'image d'une carrière de philosophe se poursuivant tranquillement dans de telles conditions.

 

Tournée de propagande

 

Gadamer n'avait, il est vrai, ni la stature ni l'aura de son mentor et aîné Heidegger et, à la différence de ce dernier, jamais il ne fut membre du parti nazi. Cela ne l'empêchera pas de séjourner volontairement en 1935 dans un camp de réhabilitation politique près de Dantzig et de se joindre à une tournée de propagande dans le Paris occupé de 1941. De même avait-il, le 11 novembre 1933, signé une déclaration des professeurs d'université "en faveur d'Adolf Hitler et de l'Etat national-socialiste". Autant de signes qui vont un peu au-delà de la simple accommodation.

 

Le statut très particulier et précaire du Privatdozent, typique des universités allemandes (docteur exerçant un enseignement non rémunéré), constituerait une piste pour expliquer les aléas de cette longue vie académique. Elle rendrait raison aussi de l'exceptionnelle productivité philosophique allemande issue de candidats malheureux à des postes en constante raréfaction, ayant un besoin vital de reconnaissance.

 

Excellente description de la façon dont fonctionnaient les universités allemandes à la veille de leur massification dans les années 1960, ce livre dévoile l'intimité régnant entre savants titulaires et aspirants, faite d'exploitation et d'adhésion parfois sectaire. Un tableau très vivant qui ne prête pas nécessairement à la nostalgie.

HANS-GEORG GADAMER. UNE BIOGRAPHIE de Jean Grondin. Grasset, "Collège de philosophie", 544 p., 23 €.

 

 

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