, dans le comté de Suffolk, qu'il « dirigea » jusqu'à sa mort. Il fut alors remplacé dans sa tâche par sa femme jusqu'en 1985, puis par sa fille qui est l'actuelle directrice de l'école.
Biographie[1] [modifier]
Le 23 septembre 1973 mourait Alexander Sutherland Neill. Cette disparition ne fit guère la une des journaux. Elle marquait la fin de l’aventure de Summerhill considéré comme un haut lieu de la pédagogie libertaire la plus avancée et installé Neill au cœur d’un vif débat pédagogique.
Mort à 90 ans, Neill aura passé la plus grande partie de sa vie dans les salles de classe, comme élève, élève maître près de son père, instituteur, puis directeur d’école.
Lecteur des ouvrages de Freud, il était habile à en utiliser les concepts pour railler ses collègues. C'était un adversaire farouche de Maria Montessori, déjà éminente théoricienne de l’éducation à qui il reprochait scientificité et moralisme. Neill sema la controverse et provoqua « beaucoup d’indignation ». On sait tout aussi peu qu’il participa au congrès de Calais, croisant là Decroly, Ferrière et tous les grands pionniers, s’y faisant remarquer comme un auteur d’ouvrage de combat.
Neill ouvre sa première école en 1922, au cours d’un périple en Europe, mais c’est en 1924, qu’il fonde Summerhill, près de Leiston, en Angleterre. Au travers d’une vingtaine d’ouvrages et d’innombrables articles, il en a conté la vie quotidienne, ne manquant jamais l’occasion de susciter la polémique, brossant sans cesse le tableau d’un lieu où l’adulte n’a pas imposé sa loi, lieu fait pour le jeu et où règne le plus parfait désordre.
Les journalistes baptisent Summerhill : l’école « à-la-faites-ce-qu’il-vous-plaira ». Pourtant, l’école, avec ses bâtiments de bois, son grand parc et ses arbres, apparaît, surtout l’été, comme un lieu des plus agréables, véritable école à la campagne comme Ferrière pouvait en rêver au début du siècle. Mais, dans cette école, les cours sont facultatifs, les enfants, s’ils le souhaitent, peuvent jouer toute la journée ou se livrer à des activités manuelles dans l’atelier. Les soirées sont réservées à la danse, au théâtre, aux fêtes. S’il ne craignait la fermeture de l’école par les autorités, Neill ne poserait aucun interdit pour la sexualité.
Le vendredi soir est réservé à l’assemblée générale. Durant cette réunion présidée par un élève élu, les enfants exposent leurs problèmes, en débattent, élaborent leurs lois — et, dans cette assemblée, la voix de Neill, ni celle des autres adultes, n’a pas plus de poids que celle d’un enfant.
Neill ne fut ni un scientifique ni un chercheur — peut-être un philosophe, mais surtout un rêveur et un idéaliste. Il ne fut pas l’homme d’une école pédagogique ou psychologique particulière, ne développa jamais une approche méthodique, réfléchie. Son œuvre n’est qu’une extension de sa personnalité. À vrai dire, à l’inverse de ses contemporains, Neill ne pose jamais d’abord les problèmes de l’éducation en termes de besoins, mais en termes de droit.
« Chacun est libre de faire ce qu’il veut aussi longtemps qu’il n’empiète pas sur la liberté des autres » : telle est la philosophie de la liberté qui prévaut à Summerhill. Mes gosses, notait-il à cette époque, ont fait ce qui leur a plu et je ne doute pas qu’ils ont exprimé le meilleur d’eux-mêmes. »
De son enfance, Neill ne sort pas sans difficulté ; la peur de pécher, la peur de mourir sans avoir pu sauver son âme. Et, dans cette famille nombreuse, entre un père qui ne l’estimait guère et une mère distante, le jeune Alexander ne semble pas avoir reçu l’amour qu’il réclamait — cet amour qu’il a su si bien donner à ses élèves. Une telle enfance forge un individualiste farouche, « le genre de gars à peindre son vélo en bleu quand tous les autres les avaient noirs ». Il aura été dans son école, effectivement, un solitaire, un marginal, trouvant là sa permanence, sa force et sa fragilité.
« L’individualisme sauvera le monde, [...] ton pays a besoin de toi », dit-il à chacun de ses élèves dès 1915, car la liberté proposée aux élèves ne vise rien de moins qu’à en faire des hommes aux services des autres. Neill émerge de cette enfance en vouant une haine farouche à tout enseignement religieux et à toute imposition de valeurs quelles qu’en soient les formes. Sa vision de l’école traditionnelle avec les châtiments corporels ou de l’école nouvelle avec la méthode Coué (Père de la pensée positive sa théorie : « Il ne s’agit pas de vouloir guérir, mais de s’imaginer guérit. » Sa phrase de guérison été : « Tous les jours et à tous les points de vue, je vais de mieux en mieux.»), par exemple, exacerbe ses réactions. Neill voudra pour sa part n’en appeler jamais qu’à l’intelligence de l’enfant et à sa libre décision. « Je n’essaye jamais de faire partager mes croyances ou mes préjugés aux enfants. », « Je ne vois pas de quel droit les éducateurs forcent les enfants à adopter ce qu’ils considèrent comme le bon goût »
Pour Neill, le monde est noir, et cette noirceur révèle en creux la bonté de l’homme : « L’idée générale est que l’homme est un pêcheur en naissant et qu’il doit être formé pour être bon. »
« Je suis une personne très religieuse ; quel homme de l’Écosse calviniste ne le serait pas ? », redira souvent Neill. C’est qu’en effet son éducation formera en lui une sensibilité chrétienne d’une force exceptionnelle ; par deux fois, Neill souhaitera devenir pasteur.
Neill avait quelques raisons d’écrire que ses élèves « vivaient aussi honnêtement et aussi humainement que tout chrétien qui suit l’Évangile. »
Neill cessera très vite de lire Freud. En fait, il trébuche bel et bien sur la conception de l’homme véhiculée par la psychanalyse, rejette toute la théorie freudienne sur la structuration de la personnalité et ne reconnaîtra jamais l’existence du complexe d'Œdipe (ensemble des pulsions qui pousse l’enfant mâle lors du 3e stade du développement « stade œdipien ou génital », entre 2 ou 3 ans, après le stade « orale » et le stade « sadique-anale »), à ressentir pour sa mère une attirance et une hostilité chez son père. Il va jusqu'à dire qu’il y a plus d’éducation dans la fabrication d’une boule de neige qu’en écoutant de la grammaire pendant une heure.
Principes pédagogiques [modifier]
Grand lecteur de Rousseau, Neill croit en la bonté fondamentale de l'être humain, et préconise de tenir éloignés les enfants de la brutalité de la société des adultes. Il ne faut ainsi rien imposer à l'enfant, afin de jamais brimer ses pulsions, ses désirs, sa curiosités et sa joie de vivre. Le seuls interdits doivent concerner directement la sécurité physique de l'enfant. Ainsi Neill permet volontiers, voire encourage, des comportements qui peuvent paraître associaux : hurler, fainéanter, mentir, voler... À Summerhill les enfants ne sont pas tenus d'assister aux cours.
Neill accorde une très grande attention aux enfants, et s'attache à ne jamais les laisser sans réponses face à leurs interrogations ou problèmes, dès qu'ils en font la demande explicite. Ils leur accorde à volonté des séances individuelles au cours desquelles il réinvente constamment ses méthodes de psychothérapie active.
Les enfants sont fréquemment déstabilisés par les différences radicales de la vie à Summerhill par rapport au reste du monde, mais Neill rapporte que dans la grande majorité des cas, deux à trois mois de comportements associaux libres à Summerhill suffisent pour que les enfants se dirigent d'eux-mêmes vers les salles de classes et les ateliers. Ceci repose sur le principe de Neill "d'épuisement de l'intérêt". Toute activité reposerait sur l'intérêt. Or, les centres d'intérêts réprimés par la société des adultes, qu'il s'agisse des jeux ou de la masturbation, par exemple, demeurent actifs dans l'inconscient, comme autant de haine de l'autre et de soi, ce qui conduit à développer des comportements extrêmes, névrose ou déviance. L'intérêt épuisé, les enfants peuvent grandir "sainement".
Au-delà, Neill, depuis toujours aura renié tous les autres principes pédagogiques, et notamment la pédagogie traditionnelle : ce qui se passe dans les classes ne l'intéresse pas, étant donné que l'intérêt de l'enfant lui fera accepter toutes les contraintes pour parvenir à son but. Et c'est ici que réside le point le plus criticable du modèle neillien.
Bibliographie [modifier]
- A.S. Neill, La Liberté, pas l'anarchie, (suivi de : À propos de Summerhill, de Bruno Bettelheim), Hart Publishing (New York) 1966, Payot, coll. Petite bibliothèque, 1970.
- A.S. Neill, Neill ! Neill ! Peau de mandarine !, Hart Publishing (New York) 1972, Hachette, 1980. Autobiographie.
- A.S. Neill, Journal d'un instituteur de campagne, Payot (Paris), 1975.
Autres ouvrages à propos de A.S Neill [modifier]
- J. F. Saffange, Libres regards sur Summerhill, Lang (Genève), 2000.
Ouvrage comportant une biographie très complète, une modélisation de la pensée de Neill, ainsi qu'une foule de commentaires et de points de vue de chercheurs et pédagogues célèbres (Piaget, Freud, Dolto, Oury,...).
Liens [modifier]