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Ecosia : Le Moteur De Recherch

10 janvier 2008 4 10 /01 /janvier /2008 16:02
«Le moi n’est pas ; j’existe comme sujet authentique, dans un jaillissement sans cesse renouvelé qui s’oppose à la réalité figée des choses ; je me jette sans secours, sans guide, dans un monde où je ne suis pas d’avance installé à m’attendre : je suis libre…»

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10 janvier 2008 4 10 /01 /janvier /2008 15:15
Simone de Beauvoir : une oeuvre-vie
LE MONDE DES LIVRES | 10.01.08 | 12h49  •  Mis à jour le 10.01.08 | 12h49
 
 
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Si l'on aime Simone de Beauvoir, on admire son honnêteté, sa lucidité, son souci de vérité, sa volonté de liberté. Voici un livre sur elle, Castor de guerre, de Danièle Sallenave, qui possède ces qualités. Et le désir de montrer plutôt que de juger.

 

La haine de Simone de Beauvoir a été constante chez les féministes dites "différentialistes", qui prêtent aux femmes des qualités particulières et une supériorité sur les hommes, la maternité. Au lendemain de sa mort, en avril 1986, Antoinette Fouque, la fondatrice du mouvement Psychanalyse et Politique, dénonçait, dans Libération, ses idées "égalitaristes, assimilatrices, normalisatrices", son "universalisme intolérant".

A cette opposition, fondée sur le rejet des thèses du Deuxième Sexe (1949), se sont ajoutés, depuis, des écrits de supposées féministes - tardives - expliquant à longueur de pages à quel point elles avaient "dépassé" Beauvoir, qu'elles semblaient ne pas avoir lue.

 

INVENTER SON PROPRE DESTIN

 

Danièle Sallenave, elle, a lu. Et tenté de comprendre vraiment. Pas seulement la Beauvoir qui a changé quelque chose dans la vie des femmes - même celles qui la détestent ou l'ignorent -, mais tout le parcours d'une combattante, attachée à inventer son propre destin, comme elle le confiait dans ses Cahiers de jeunesse : "Je construirai une force où je me réfugierai à jamais."

Pourquoi ce titre, Castor de guerre ? Beauvoir avait envoyé en 1939 à Jacques-Laurent Bost, mobilisé, une photo d'elle portant au dos cette mention (1). "Castor", le surnom qui lui est resté, lui a été donné par un de ses camarades d'études (Beauvoir = Beaver = Castor), en raison de son caractère industrieux et constructeur.

"Castor de guerre" lui convient au-delà de l'allusion aux années noires du XXe siècle, car elle a été une splendide guerrière de sa propre vie, avec les "dommages collatéraux" que cela suppose, et sur lesquels ni elle ni Danièle Sallenave ne font silence.

En tout premier lieu, ce pacte de transparence qu'elle avait conclu avec Jean-Paul Sartre, son compagnon pendant cinquante ans - "ce signe jumeau sur nos fronts" - et cette distinction entre leur amour "nécessaire" et leurs "amours contingentes", se faisait évidemment aux dépens desdites "contingentes", ce que Danièle Sallenave analyse avec précision et que Beauvoir elle-même relève dans le troisième volume de ses Mémoires, La Force des choses : "Il y a une question que nous avions étourdiment esquivée : comment le tiers s'accommoderait-il de notre arrangement ? Il arriva qu'il s'y pliât sans peine ; notre union laissait assez de place pour des amitiés ou des camaraderies amoureuses, pour des romances fugaces. Mais si le protagoniste souhaitait davantage, des conflits éclataient. Sur ce point, une discrétion nécessaire a compromis l'exactitude du tableau peint dans La Force de l'âge."

Dès le début de La Force de l'âge, elle avait prévenu : "Il ne s'agit pas ici de clabauder sur moi-même et sur mes amis ; je n'ai pas le goût des potinages. Je laisserai résolument dans l'ombre beaucoup de choses."

Depuis, les deux volumes de ses Lettres à Sartre, son Journal de guerre, ses Lettres à Nelson Algren, ont beaucoup éclairé le tableau. Et c'est avec tous ces livres, avec les romans de Beauvoir aussi, et avec les Cahiers de jeunesse, que Danièle Sallenave, suivant la trame donnée dans les Mémoires, veut reparcourir les soixante-dix-huit ans d'existence de celle qui affirmait : "Je veux tout de la vie."

Ce n'est pas une biographie, une enquête où l'on recherche témoignages et commentaires. C'est un portrait, dans lequel Beauvoir est confrontée à elle-même et à l'histoire du XXe siècle. "Un portrait, précise Danièle Sallenave, n'a pas à résoudre énigmes et contradictions ; encore moins à les ramener à l'unité d'une réponse simple, univoque. Les ombres sont essentielles pour lui donner du relief et de la vie. Un portrait se doit de les faire ressortir, non de les résorber."

Les contradictions de Beauvoir et de Sartre, leur rigueur - "Je nous ai reproché (...) notre façon de traiter les gens", écrit-elle à Sartre -, leurs aveuglements politiques, leur "schizophrénie historique", Danièle Sallenave les examine avec minutie. Faisant toujours la part du jugement qu'on peut porter aujourd'hui et de ce qu'ils auraient pu voir en leur temps et ont refusé de voir. Elle se tient à la bonne distance, loin de l'hagiographie comme de la malveillance, dans le souci de clarté qui a toujours animé Beauvoir elle-même.

Si l'on ne connaît pas Simone de Beauvoir, on la découvre dans sa complexité, si on a tout lu d'elle on la retrouve avec bonheur, on voit mieux comment elle s'est choisie, comment s'entremêlent la fiction - "qui fait monter au jour des zones plus secrètes" - et la réalité, comment, au temps de la mémoire, on trie et on recompose. Et pourquoi elle voulait "tout", à la fois écrire et vivre, voir le monde, s'enchanter de la beauté des paysages, des odeurs, de toutes les sensations.

Ecrire et vivre : ainsi, au moment même où elle vit une passion avec le romancier américain Nelson Algren, à partir de 1947, où elle se coule, avec humour, dans le rôle d'"épouse" dévouée à son "amant crocodile", Simone de Beauvoir écrit son essai majeur, Le Deuxième Sexe. "A des revendications éparses ce livre va donner de l'unité et de l'éclat, explique Danièle Sallenave, et surtout fournir un substrat philosophique, un appui conceptuel." Et elle montre avec beaucoup de pertinence comment Le Deuxième Sexe et les Mémoires d'une jeune fille rangée "sont en écho".

Au terme de quelque six cents pages de cette revisitation admirative et critique de Beauvoir, et de Sartre aussi - "Ils se tromperont souvent, ils feront mal, mais que serait un feu qui ne brûle pas et qui a jamais songé à donner toujours raison au feu ? Leur oeuvre brûle leur vie, leur vie brûle leur oeuvre et les deux ne font qu'un" -, Danièle Sallenave laisse son lecteur sur une terrible question dont Simone de Beauvoir a peut-être eu le "pressentiment" :

"Qu'aura-t-on en effet gagné si au rêve parfois manichéen d'émancipation, de justice et de vérité, dont son oeuvre s'est faite l'expression, on voit se substituer un nihilisme dévastateur où seules les valeurs de la consommation et du profit trouveront de quoi prospérer ?"


CASTOR DE GUERRE de Danièle Sallenave. Gallimard, 608 p., 25 €.

(1) Voir leur Correspondance croisée, Gallimard, 2004.

 

 

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10 janvier 2008 4 10 /01 /janvier /2008 13:11
Débat
C'est un beau cliché en noir et blanc, peu connu, il illustre le titre : « Simone de Beauvoir, la scandaleuse ». Il n'en reste pas moins surprenant de voir le postérieur de l'illustre intellectuelle en photo sur un journal. Elle a été immortalisée de dos dans une salle de bain par un ami photographe, à Chicago en 1952. Explication : « Cette photo symbolise parfaitement la liberté de cette femme et tout ce qu'elle représentait. D'habitude Simone de Beauvoir est montrée comme une toute jeune fille ou comme une institutrice revêche, ici on la voit sous son vrai jour, naturelle et à l'aise ». Elle se serait même exclamée « Naughty boy ! » (vilain garçon) et aurait ri en entendant le déclic de l'appareil. La nudité n'est pas ici gratuite, elle présente la féministe sous le même angle que l'ensemble du dossier, par ailleurs d'excellente qualité : celui d'une femme moderne, libre et iconoclaste. Le choix de la photo a pourtant fait débat au sein de la rédaction, certains journalistes se sont fortement opposés à sa publication, choqués de ce qui serait un manque de respect envers la défunte, qui n'a pas de descendants pour la défendre.
 

Vendredi 04 Janvier 2008 - 08:43
Pauline Delassus
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10 janvier 2008 4 10 /01 /janvier /2008 12:55
Les fesses de Simone de Beauvoir choquent les féministes
News
 
Couverture du Nouvel Obs
La couverture du dernier numéro du Nouvel Observateur ne passe pas inaperçu.
 
L’association féministe "Choisir la cause des femmes", fondée et anciennement présidée par Simone de Beauvoir, accuse l'hebdo d’être "clairement racoleur".

L’objet du délit ? Avoir placé en une, pour le centième anniversaire de la célèbre philosophe, les fesses de cette dernière, avec pour titre "Simone de Beauvoir, la scandaleuse".

On peut y voir la compagne de Jean-Paul Sartre de dos, en face d’un miroir et d’un lavabo. "En publiant en couverture une photo inédite d'un nu de Simone de Beauvoir", le magazine aurait "montré son côté clairement racoleur alors qu'il prétendait défendre la cause des femmes", affirme un communiqué de l'association.

"Cette photo, volée à son intimité, n'illustre en rien les écrits, la philosophie, le féminisme et la personnalité de Simone de Beauvoir. Elle choque à cet égard et démontre la volonté d'instrumentaliser à des fins purement commerciales le corps des femmes contrairement aux photos consacrées aux personnalités masculines", ajoute l'association, aujourd'hui présidée par l'avocate Gisèle Halimi.

Encore une histoire de fesses qui fait polémique.
 
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9 janvier 2008 3 09 /01 /janvier /2008 18:35
Essais & documents  ->  Questions de société et d'actualité  
 

De la bêtise intelligente...
Belinda Cannone   La Bêtise s'améliore
Stock - L'autre pensée 2007 /  18.50 € - 121.18 ffr. / 209 pages
ISBN : 978-2-234-05947-4
FORMAT : 12,0cm x 20,5cm

L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est l’auteur de Le Cinéma de Woody Allen (Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman (Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal.
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Les deux citations inscrites au commencement du livre de Belinda Cannone sont magnifiques. L'une est de Courteline et l'autre de Robert Musil. Un beau programme s’annonce. En effet, s'occuper de la bêtise est un exercice redoutable et périlleux dans le sens où, tentant de comprendre la bêtise ou de la cerner, on risque très rapidement de croire qu'on est à l'abri de cette même bêtise et donc de se classer comme plus rusé ou pire, «suprêmement intelligent» ! Est-ce si sûr ? A court terme, on risque plutôt bel et bien d'être le bête de l'histoire, et même d'être épinglé un jour dans une histoire de la bêtise qu'un autre écrivain écrirait...

Dans ce petit livre brillant, on a tout d'abord l'impression délicieuse de faire une promenade tout en étant entretenu de choses plus ou moins sérieuses, et parfois même fort sérieuses. Cependant, le ton n’est jamais tout à fait grave ni tout à fait léger. On oscille entre le roman et l'essai sans jamais tomber ni dans l'un ni dans l'autre. La volonté de Belinda Cannone est claire dans la mesure où elle ne tient visiblement pas à écrire un livre philosophique sur la bêtise, ni de faire un roman avec la bêtise comme propos principal. Nous sommes plutôt dans une espèce de "badinage philosophique" si l’on ose dire (un certain esprit XVIIIe siècle flotte sur le livre), non pas évidemment pour délivrer des choses insignifiantes, mais dans la façon élégante, gracieuse et légère d'agrémenter une conversation. Pour cela, le livre est fort agréable à lire, ce qui était au départ un pari difficile à réaliser, car il n'est pas aisé d'être léger et profond à la fois. Il y a là une authentique virtuosité que de parvenir à un tel équilibre.

Ensuite, que veux dire ce titre étrange, La Bêtise s'améliore ? Est-ce à dire que la bêtise serait moins "bête" ? Mais elle ne pourrait plus s'appeler bêtise dans ce cas ! Non, l'auteur veut simplement signifier que : "Là est le danger : la bêtise s'est renouvelée, elle a adopté des idées qui étaient intelligentes, c'est-à-dire vives, quelques générations plus tôt, et qui sont pur conformisme depuis plus de cinquante ans." (p.38) En ce sens, la bêtise "s'améliore", progresse, car elle est plus trompeuse, moins ouvertement visible, frontale, empruntant des idées intelligentes ou qui paraissent intelligentes. Belinda Cannone s'intéresse donc à la bêtise des gens intelligents. Il est vrai qu'avec la bêtise, il y a toujours anguille sous roche. Comme l'écrit Robert Musil : "Il n'est pas une seule pensée importante dont la bêtise ne sache aussitôt faire usage."

Belinda Cannone met en scène trois personnages (le narrateur, Clara et Gulliver) et ceux-ci discutent, enquêtent tout en se promenant. Ils flânent, vont dans les cafés, et dînent tout en dissertant sur la bêtise. On note au passage le grand plaisir de vivre de ces personnages, ce qui a son importance. Peut-on séparer nourritures terrestres et spirituelles ? Ils commencent tout d’abord par interroger le terme de réactionnaire qui a pullulé ces dernières années et qui sert à épingler vite fait bien fait ceux avec qui on n'est pas d'accord ou qui ne vont pas dans le sens du vent progressiste. Le terme ne veut plus dire grand chose alors qu'à l'origine, ce sont des gens qui veulent revenir à l'ancien régime. Ce n'est pas seulement un simple retour en arrière, si cela était même possible et quand bien même, un retour en arrière n'est pas obligatoirement une régression. D'ailleurs, on égratigne au passage la façon d’utiliser habilement des mots. Par exemple comment la droite politique a repris des termes comme changement, dialogue, liberté, réforme, notions initialement brandies par la gauche. "Mais pourquoi accepterait-on un changement qui ne signifie en réalité qu'adaptation à un monde qui se précipite vers l'avant pour le seul bénéfice des privilégiés ?" (p.53), dit l'un des personnages. Si l'on peut faire remarquer que cette politique "progressiste" favorise autant la gauche que la droite dans cette adaptation, il est urgent de dire que le néo-libéralisme n'a surtout plus rien de réactionnaire.

L'écriture de Belinda Cannone est délicate et c'est avec beaucoup d'esprit qu'elle débusque le souffle de la bêtise de l'époque. Cela nous mène, de fil en aiguille, à ces personnes qui se déclarent subversives tout en s'affichant dans les musées nationaux et les maisons d'édition huppées. Ou qui répètent le geste de Duchamp avec sa fontaine des dizaines d'années plus tard, même si l'on peut se demander si le geste de Duchamp ne faisait pas en propre partie de la bêtise même. Il y a effectivement de quoi s'interroger sur cette subversion devenue publique, affichée et subventionnée. Rappelons tout de même qu'en décembre 2004, la Fontaine de Duchamp a été élue l'œuvre la plus significative du XXe siècle par cinq-cents hautes personnalités du milieu britannique de l'art ! Nous sommes sortis de l'acte subversif pour entrer dans de la copie indéfiniment dupliquée de l'acte subversif. A ce titre, Jean-Pierre Raynaud, avec ses pots, n'est pas épargné. Est-ce à dire que le conformisme et l'académisme se sont intégrés dans la modernité et dans la rébellion ? Car on peut se demander pourquoi ce «modernisme» n'aurait brusquement plus rien d'académique ? Un prétendu art échapperait comme par magie à l'académisme en ayant lui-même authentifié que l'académisme, c'était avant, c'était l'autre car lui était nouveau, profond, révolté, décalé, sensationnel ? Ou n'aurait-on pas plutôt une nouvelle variation de l'académisme ? C'est en ce sens que la bêtise s'améliore aussi. Et c'est le problème avec la "bêtise intelligente" que de s'abreuver à des sources plus élevées, pour mieux berner son interlocuteur.

Le livre aborde bon nombre d'autres thèmes comme l'égalitarisme, le relativisme (comment passer au culte du moi-moi ?) le reliant avec pertinence à l'exhibition publique de son ego. Mais aussi le féminisme (la position victimaire chez certains féministes) ; à ce titre, la romancière allemande Elfriede Jelinek est prise en défaut de stigmatiser facilement et démagogiquement le "pouvoir mâle". Ne laissant pas grand chose sur sa lancée, il s'en prend au théoricisme (à ceux qui empruntent des théories où il est facile de manipuler des concepts riches mais flous) et à des expressions faciles comme quelque part (genre "Il souffre quelque part."), manière de ne rien dire et de ne rien situer tout en se donnant l'air profond. Et pour notre plus grand plaisir aussi, Belinda Cannone repère des faits "hénormes" comme celui relaté dans un quotidien où une grande fête caritative à Londres a vu de généreuses personnes faire don de leur générosité en se livrant à une "immense séance publique de masturbation collective." Il fallait tenir le plus longtemps possible et quelqu'un a tenu huit heures ! On a même du mal à y croire...

Belinda Cannone, et c'est là son atout, n'hésite pas à aborder les sujets qui fâchent. Peu à peu, ce "petit" livre creuse son sillon, cherche le mécanisme intime de la bêtise intelligente, dynamite avec élégance quelques dogmes présents que certains prennent pour la vérité vraie. A déconseiller pour les dîners tranquilles et un tantinet hypocrites ! Car au fur et à mesure de notre lecture, on se rend compte que la bêtise, c'est la pensée confortable, l'élimination des nuances, la réduction de la complexité et de l'ambiguïté au simplisme. Et sur ce terrain, nous sommes un jour ou l'autre, tous plus ou moins coupables. On croit que... mais non. Qui n'a pas fanfaronné en reprenant des idées à d'autres puis en les simplifiant pour se donner raison ? Qui n'a pas fait des raccourcis grossiers pour donner une belle image de sa personne ? Etc. Voilà l'ennemi ultime, et le pire sans doute, celui de ne pas le reconnaître (c'est-à-dire manquer d'humour). Certes, il y a particulièrement ici la devanture intellectuelle qui fait que la bêtise parvient à se cacher plus facilement et plus intelligemment...

La courte bibliographie que nous donne l'auteur à la fin du livre révèle où elle se ressource : Léon Bloy, Gustave Flaubert, Robert Musil, Philippe Muray, etc., mais aussi Clément Rosset dont on ne dira jamais assez que ses livres sont remarquables. Il est regrettable, cependant, que Belinda Cannone ne mentionne pas les deux petits ouvrages de Georges Picard, parus chez José Corti, et qui abordent plus ou moins le même thème : Petit traité a l'usage de ceux qui veulent toujours avoir raison et De la connerie (même si la connerie n'est pas la bêtise, convenons-en). Cela dit, rassurons-nous, la bêtise est consubstantielle à l'être humain, il y a donc de quoi faire avec un tel livre car comme le dit le romancier Gonzalo Torrente Ballester, fort peu connu hélas : "Un homme qui n'est jamais idiot n'est pas tout à fait humain."


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 09/01/2008 )
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9 janvier 2008 3 09 /01 /janvier /2008 01:40

Benjamin Barber, Samedi 8 Décembre 2007


 

Comment le capitalisme nous infantilise

Il fut un temps où le capitalisme, celui des premières heures de la révolution industrielle, pouvait aller de pair avec la démocratie. Synonyme de liberté de choix, il exigeait de nouvelles conduites sociales et véhiculait des valeurs éthiques, morales ou religieuses - celles même caractérisées par Max Weber -. Selon Benjamin Barber, nous entrons dans une nouvelle ère du capitalisme : d'un côté, les adultes développent des désirs impulsifs de type enfantin, de l'autre le système marchand propose des produits à caractère infantilisant pour coller à cette tendance nouvelle. Extraits.

Fayard, 2007

Le facile, pas le difficile
Dire que l'éthos infantiliste préfère le facile au difficile, c'est dire aussi, concrètement, que les jeunes sont naturellement attirés par ce qui est simple et non par ce qui est complexe, par ce qui est rapide et non par ce qui est lent. Facile contre difficile : cette dichotomie est un bon gabarit pour une grande partie de ce qui distingue l'enfant de l'adulte. Des expressions comme « écoute facile », « shopping facile », « jeux faciles (conviennent aux 2-8 ans) » ou personne aux « mœurs faciles » font la promotion de produits commerciaux taillés sur mesure pour correspondre au temps de concentration et aux goûts des jeunes. Dans le domaine du bonheur, le choix de la facilité suppose que les plaisirs simples l'emportent sur d'autres plus complexes, alors que les maîtres spirituels et les autorités morales ont en général soutenu l'inverse.

Principe de plaisir
La préférence pour la simplicité invoque les idées utilitaristes modernes. L'éthique traditionnelle (chez Aristote, saint Augustin ou Kant, par exemple) distinguait des formes de plaisir plus ou moins élevées et posait que ce qui donne du plaisir n'est pas toujours identique à ce qui est bon. Mais l'éthique utilitariste moderne exposée par des philosophes comme David Hume et Jeremy Bentham, s'est efforcée de subordonner le « bien » à ce qui fait plaisir, puis de simplifier le plaisir pour le réduire à des stimulations physiques élémentaires. Ne faisant aucune distinction entre les différentes sortes de plaisir (ou de douleur), elle postulait que le bonheur dépend simplement de la maximisation des plaisirs élémentaires et de la minimisation des douleurs élémentaires pour le plus grand nombre de gens. Ce principe a permis à Bentham, au début du XIXe siècle, de proposer son simpliste « calcul du bonheur et des peines », qui associait tout comportement humain et toute éthique humaine à des indicateurs simples, faciles à mesurer, des plaisirs et des douleurs élémentaires. Le bon était ce qui était ressenti comme bon. Ce qui était ressenti comme bon était la présence de plaisir et l'absence de douleur, mesurées au plus petit dénominateur commun de l'expérience sensorielle. Le bonheur était quantifiable. Quelle était son intensité ? Combien de temps durait-il ? Quand viendrait-il ? Etions-nous certains qu'il viendrait ? Mais ce type de calcul implique que le plaisir facile d'un enfant qui joue avec ses propres excréments (pour prendre un exemple freudien) est à peu près impossible à distinguer du plaisir limité que pourrait trouver un adulte à jouer de la flûte dans un groupe de rock afro-caraïbe.

La facilité récompensée
Le propre élève de Jeremy Bentham, John Stuart Mill, s'est révolté contre ces simplifications. Il a souligné que les plaisirs devaient être précisés, qu'il y avait plusieurs types de plaisir dont certains valaient mieux que d'autres – des faciles et des difficiles, des simples et des complexes, des puérils et des adultes. Tous les plaisirs n'étaient pas immédiatement commensurables : comme les oranges et les pommes, ou les excréments et les flûtes, ils se distinguaient qualitativement autant que quantitativement. Certains étaient préférables à d'autres, car c'étaient des plaisirs « plus élevés », gagnés par un travail plus dur, des efforts plus rigoureux, et donnant accès à un genre de bonheur plus complexe et satisfaisant. Sur la balance de Mill comme sur celle d'Aristote, les plaisirs difficiles et complexes l'emportaient sur les plaisirs faciles et simples. Dans son aphorisme célèbre, la poésie était préférable au jeu des aiguilles, puisqu'il fallait, pour être heureux, se conformer à cette injonction d'Epicure : « échange les plaisirs faciles contre les plaisirs difficiles » car ceux-ci « sont plus gratifiants ».
Ces traits de l'utilitarisme moderne, enraciné dans un hédonisme psychologique « plaisir/douleur », valent d'être remarqués, car ils suggèrent que l'infantilisme a assimilé les tendances utilitaristes et instrumentalistes de notre époque et s'en est servi pour démontrer les « vertus » supposées de la puérilité. Les tensions entre facile et difficile ont posé problème à toutes les sociétés, mais la nôtre est peut-être la première à voir les institutions adultes prendre parti pour le facile. Elles récompensent la facilité et pénalisent la difficulté. Elles promettent des profits à vie à ceux qui prennent des raccourcis et simplifient le complexe à toute occasion. Perte de poids sans exercice, mariage sans engagement, peinture ou piano par les chiffres sans pratique ni discipline, « diplômes d'université » par Internet sans suivre de cours ni apprendre, succès sportifs avec anabolisants et fanfaronnades. En politique étrangère, la noble stratégie mondiale du président Bush en faveur de la liberté se situe pleinement dans l'éthos de la facilité, car elle est faite de mots sans conséquences : guerre sans conscription, idéalisme sans impôt, morale sans sacrifice et vertu sans effort. L'exact contraire de l'éthique protestante : ce n'est plus « sans effort on n'a rien », c'est « on a tout sans effort ». Une vision du monde issue d'un rêve d'enfant, ou` il suffit de dire « je veux que ce soit comme ça » pour que ce soit comme ça. Un monde où, comme le penseur critique Slavoj Zizek l'a bien souligné, le marché consumériste propose des produits qui facilitent le choix – « des produits privés de leurs propriétés nocives : café sans caféine, crème sans matière grasse, bière sans alcool... le sexe virtuel comme sexe sans sexe, la doctrine Colin Powell de guerre sans victimes (dans notre camp, bien sûr) comme guerre sans guerre, et la redéfinition de la politique en gestion technocratique comme politique sans politique ».

Le mensonge et la triche plutôt que l'astreinte
Le mensonge, la triche et la tromperie (en particulier l'apti¬tude à s'auto-illusionner) ont existé de tout temps chez les hommes, mais ils sont mieux acceptés aujourd'hui, en partie parce qu'on voit en eux quelque chose de bien excusable : une solution de facilité. C'est tellement plus facile de battre des records et de devenir un athlète célèbre avec des anabolisants que sans anabolisants ! Le large recours aux drogues qui améliorent les résultats a été révélé dans les médias et le Congrès a légiféré à son sujet, mais, si les nouvelles règles (comme la suspension pour cinquante matchs en cas d'usage prouvé de substances illicites au base-ball) sont plus sévères que les anciennes (en gros, dix jours de suspension la pre¬mière fois, soixante jours la troisième, etc.), les livres des records n'ont pas été modifiés pour effacer l'impact antérieur des produits interdits. Et quand un sportif est interrogé à ce sujet, il lui est tellement plus facile de mentir que de dire la vérité ! Même des athlètes pris en flagrant délit ont persisté dans leurs mensonges. Lors d'un hearing du Congrès sur l'usage des anabolisants, le joueur de base-ball Rafael Palmeiro a déclaré tout net : « Je n'en ai jamais pris, point final » – quelques mois à peine avant d'être testé positif.
Les étudiants aussi jugent plus facile et entièrement défendable de tricher aux examens et de copier leur mémoire de fin de trimestre. « Sur la plupart des campus, 70 % des étudiants admettent avoir déjà triché. » Le problème, avec le plagiat, n'est plus sa fréquence, ni la multitude des sites Internet qui mettent en vente des devoirs, c'est que beaucoup ne voient plus ce qu'il y a de mal à ça. Parmi les dizaines de sites Internet qui proposent des dissertations, mémoires, thèses et... « thèses de doctorat » entièrement rédigés et « prêts à rendre », on trouve l'entreprise Best Custom Term Papers, dont la publicité sur Internet affiche un en-tête remarquable : « Mémoires de fin de trimestre personnalisés, 100 % sans plagiat ». Par cette formule, la société veut sans doute dire qu'elle-même n'a pas copié son texte ailleurs, pour que l'étu¬diant qui l'achète soit certain qu'il n'y a dans cette affaire qu'un seul plagiaire !
Avec des producteurs décidés à justifier le vol intellectuel commis par leurs clients, et des écrivains et chercheurs adultes en pleine confusion sur le sens de la propriété intellectuelle (notamment en ces temps de critique littéraire postmoderne, ou` les textes sont des produits censés appartenir à ceux qui les consomment autant qu'à ceux qui les produisent), il n'est pas surprenant que les étudiants s'abandonnent si facilement au plagiat – péché si véniel au regard des normes laxistes sur le vol qu'il ne se qualifie même pas pour un pardon. Après tout, emprunter du texte à d'autres universitaires et oublier de renvoyer à leurs travaux n'a pas nui sensiblement à la réputa¬tion de plusieurs historiens reconnus. Et la fabrication de faits et d'expériences dans les Mémoires de James Frey sur la drogue et la prison n'a pas eu d'impact majeur sur les ventes de son livre Mille morceaux, du moins jusqu'au jour où Frey a reçu un savon télévisé dévastateur de la célèbre « critique » Oprah (qui, lorsque la tricherie de Frey avait été révélée, l'avait d'abord soutenu). Des journalistes du New Republic et du New York Times ont acquis une grande renommée grâce à des articles d'« information » entièrement fabriqués, qui leur ont coûté, semble-t-il, plus de (vains) efforts pour ne pas se faire prendre que pour créer leurs distrayantes fictions.

Regarder plutôt que faire
A la différence des sociétés traditionnelles, la nôtre rend faciles des choses qui devraient être difficiles, comme acquérir une arme à feu ou un conjoint. Il est plus simple d'obtenir une autorisation de mariage qu'un permis de conduire, et presque aussi facile de divorcer que de se marier. Le fait qu'un mariage sur deux se termine aujourd'hui par un divorce a au moins un vague rapport avec l'attitude irresponsable, d'un narcissisme puéril, qu'ont les gens face au divorce, au mariage et bien sûr aux enfants qui en sont issus. Des idées réfléchies comme le covenant marriage, qui rend le mariage plus difficile dans l'espoir que les mariés divorceront moins facilement, ont eu de puissants avocats mais peu d'adeptes hors des communautés, majoritairement chrétiennes, qui ont adopté la formule.
Il est aussi plus facile, en règle générale, de regarder que de faire, plus facile de fixer la télévision (où l'imagination est plutôt passive) que de lire des livres (ou` elle doit être activée), plus facile de se masturber que d'établir les relations saines dont font partie les rapports sexuels et la sensualité interpersonnelle, plus facile d'entretenir une relation sexuelle discrétionnaire et capricieuse qu'une relation où l'on s'engage vraiment. Bref, plus facile d'être un enfant qu'un adulte, plus facile de jouer que de travailler, et plus facile de négliger ses responsabilités que de les assumer. Cette vérité n'est pas du prêchi-prêcha conservateur (même si les conservateurs l'ont peut-être mieux comprise que les autres). Disons qu'elle est aristotélicienne, voire utilitariste au sens de John Stuart Mill. Car ce qu'elle signifie, c'est que, à tous les points de vue, le facile risque de se révéler moins satisfaisant, d'entraver le bonheur humain au lieu de l'accroître. Mais c'est une leçon que seuls des adultes peuvent apprendre – après que leurs parents, l'école, l'Eglise et la société les ont aidés à grandir. Dans le contexte culturel de l'infantilisation, cette leçon paraît rigide et puritaine, née dans des esprits hostiles au bonheur.



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8 janvier 2008 2 08 /01 /janvier /2008 19:57
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8 janvier 2008 2 08 /01 /janvier /2008 17:50
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5 janvier 2008 6 05 /01 /janvier /2008 15:13
«La libération de la femme est une révolution anthropologique»
Pour le Centenaire de la naissance de Simone de Beauvoir, Julia Kristeva a répondu aux questions des internautes de Libération. Pour cet anniversaire un "Colloque international Simone de Beauvoir 2008" se déroulera à Paris, du 9 au 11 janvier, à l'Université Paris 7, au Réfectoire des Cordeliers.
LIBERATION.FR : vendredi 4 janvier 2008
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Maquis: pourquoi organiser un colloque sur Simone de Beauvoir, que peuvent nous apporter aujourd'hui ses écrits, ses réflexions?
Julia Kristeva: cela fait 100 ans qu'elle est née, c'est toujours sympathique de fêter les anniversaires des personnes qui nous ont aidé à vivre. Ce n'est pas n'importe quelle personne, c'est quelqu'un qui dans ce monde menacé, de plus en plus sécuritaire, a écrit ceci: "la fin suprême que l'homme doit viser c'est la liberté, qui ne sera jamais donnée, mais toujours à conquérir". Voilà sur quoi on doit réfléchir, que l'on soit homme ou femme.

Novice: selon vous que reste-il de fondamental de la pensée de Simone de Beauvoir?
Il reste d'abord une libération de la femme, en tant que capable d'égalité avec l'homme, à tous les niveaux de la vie, à commencer par le plaisir, et jusqu'à toutes les fonctions de la pensée, de la politique, de la vie sociale. Ceci a souvent été considéré comme une nouveauté, une révolution politique, je crois que c'est beaucoup plus que cela, c'est une véritable révolution anthropologique. Cette liberté donnée aux femmes change la donne de la procréation, cela devient un choix possible. On a cru que ce choix allait déconsidérer la maternité, il n'en est rien. Les femmes peuvent aborder la fonction maternelle avec plus de lucidité et de créativité.
Simone de Beauvoir pensait que chaque personne doit se "transcender". Ce terme a toujours évoqué, et évoque aujourd'hui encore la religion. Nous savons combien l'expérience religieuse et les heurts des religions sont essentiels aujourd'hui. Simone de Beauvoir est celle qui a su dire aussi que "nous sommes libres de transcender toute transcendance", et ceci n'est possible qu'en assurant la liberté de chacun et de chacune au sein de la condition humaine. Voilà un projet politique, nous sommes encore loin, n'est-ce pas!

Gaelle: en quoi la philosophie de Simone de Beauvoir se différencie-t-elle de celle de Sartre?
Je pense d'abord qu'elle était plus combative et plus radicale en ce qui concerne le "deuxième sexe", mais comme elle le dit elle-même, elle est moins créative en philosophie. Elle écrit ses romans à partir de son expérience personnelle.

Bloch: Simone de Beauvoir aura eu plus d'importance, sur le plan de l'Histoire des idées...
D'une certaine façon je suis d'accord avec vous, si on juge une philosophie par ses réalisations sociales et politiques, on peut en effet considérer que sans Le Deuxième sexe (1), il n'y aurait ni avortement, ni parité, ni femmes ministres et présidente, que ce soit pour le meilleur ou pour le pire. Quant aux romans, tout en appréciant beaucoup ceux de Beauvoir, je trouve que La nausée (2) de Sartre, est inégalée.

Macla: que penserait Simone de Beauvoir de cette féminisation du monde, cette absence de distance entre vie publique et vie privée? de la sursexualisation de la sphère privée?
Je trouve très obscène que certaines femmes, qui adorent Simone de Beauvoir, se mettent à sa place pour nous dire ce qu'elle penserait sur tel ou tel sujet, mais je veux bien jouer le jeu avec vous. Je trouve qu'elle n'est pas une "féministe comme les autres". Loin de vouloir "féminiser le monde", elle tenait beaucoup à des relations avec l'autre sexe, c'est-à-dire le masculin. Ses amours avec Nelson Algren en particulier, sont d'une grande intensité, et d'un grand respect pour l'homme. Elle a réussi avec Sartre un exploit difficile qui consiste à maintenir le couple à travers toutes ses difficultés pour en faire un espace de pensée et de respect de la liberté d'autrui.

La Fontaine1984: Simone de Beauvoir et Julia Kristeva, points communs et différences sur les parcours de deux combattantes d'exception? Pouvez-vous en dire plus?
Tout me sépare de Simone de Beauvoir. Elle est une aristrocrate française, moi je suis un sombre sujet balkanique, émigrée d'un pays communiste. Elle est une amoureuse révoltée, et fort exhibée, moi je suis une maman dévouée, une épouse discrète, et une amante très secrète. Ceci dit, ce que j'apprécie surtout chez elle, c'est qu'elle a fondé le seul mouvement libertaire du 20ème siècle, dont le coeur est la personne. Que ce soit le "communiste" ou le "tiers mondiste", ils ont tous voulu libérer, "tous les prolétaires", "tout le tiers monde". Au contraire la réflexion du Deuxième sexe est fondée sur des cas exceptionnels de femmes exceptionnelles. Par exemple, la Sulamite du Cantique des Cantiques, Sainte Thèrèse d'Aliva, Théroigne de Méricourt, ou Colette. C'est le génie de la personne qui lui semble être la valeur suprême, qu'une communauté se doit à rendre possible, non pas toutes les femmes, mais chaque femme. C'est pourquoi j'ai dédié mon tryptique Le Génie féminin (3), à Simone de Beauvoir.

Caro: pour vous, est-elle un modèle ?
J'imagine que Beauvoir n'aurait jamais voulu être un modèle, au sens de quelqu'un qu'on répète, auquel on se soumet. Elle nous a appris à penser librement, ce qui veut dire aussi penser avec elle, mais aussi éventuellement contre elle.

Dilan: Simone de Beauvoir nous manque, sur quoi elle se batterait -elle aujourd'hui?
Il reste beaucoup de choses qui ne sont pas réalisées dans les démocraties avancées concernant les libertés des femmes. Sous le couvert de la parité, il reste beaucoup de mépris, sous-estimation, dévalorisation des femmes. Mais surtout l'inégalité au niveau du travail, emploi, rémunération, promotion, voire retraite. La question de l'avortement est en régression, et le sens de la vocation maternelle, comme une grande tâche de civilisation est loin d'être comprise. Mais ce qui reste surtout à faire c'est de faire passer le message de Beauvoir dans les pays en voie de développement. Nous sommes en train de créer autour du Colloque un Prix international Simone de Beauvoir qui pourrait récompenser ceux ou celles dont l'oeuvre et l'action contribuent à la liberté des femmes partout dans le monde. J'aimerais que nous puissions l'attribuer à des femmes qui risquent leur vie sous de nouvelles formes de menaces et d'oppression.

Romeo: Il n'y a plus vraiment d'intellectuels engagés politiquement comme l'étaient Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre, comment vous l'expliquez?
Les temps ont changés, l'ère du "spectaculaire intégré" rend toute action politique difficile, problématique, en tout cas impossible à comparer avec les actions politiques dans le siècle passé. Cependant, je comprends votre inquiétude et je trouve que les intellectuels, tout en tenant compte du nouveau contexte, trouvent de nouvelles formes d'action et d'engagement. J'essaye pour ma part de le faire, par exemple en créant le Conseil national handicap, ou lorsque j'ai reçu le prix international "Hannah Arendt pour le pensée politique", en l'offrant aux femmes afghanes qui s'immolent par le feu pour protester contre la privation totale de liberté dont elles sont victimes.

Camille: avez-vous l'impression que les femmes d'aujourd'hui ne sont plus assez féministes ?
Le mouvement féministe qui a obtenu beaucoup de résultats me semble enlisé dans un certain sectarisme qui l'a coupé des préoccupations quotidiennes des femmes. Par ailleurs, l'illettrisme galopant, la fascination pour la peopolisation et autre opium médiatique font que très peu de jeunes femmes se souviennent des luttes de la génération antérieure et connaissent le combat de Beauvoir. J'espère que cet anniversaire pourra être une occasion pour attirer leur attention sur ce passé pas si lointain, dont elles profitent néanmoins et qui pourrait être rénové.

DP: Sartre et Beauvoir n'étaient pas un couple ordinaire comment définiriez-vous leur relation?
Ils ont su maintenir le mythe du couple, essentiellement parce qu'ils avaient un respect infini de la liberté de l'autre et de sa pensée. Cependant, il semble avec le recul que Beauvoir, beaucoup plus que les féministes des générations suivantes, valorisait le "grand homme" et souhaitait s'égaler à lui dans une sorte de fraternité universelle, plutôt que d'accentuer sa différence. Ceci lui permettait de se rendre complice "des amours contigents" de Sartre, sans jamais mettre en cause la dépendance érotique que ses comportements révélaient de la part de son "cher petit être".
Une autre contemporaine de Beauvoir, Colette, qu'elle a d'ailleurs beaucoup admiré, et qui figure dans Le Deuxième sexe, n'avait aucun respect pour la psychanalyse, contrairement à Beauvoir, laquelle avait fait d'une psychanalyste, l'héroïne des Mandarins (4). Colette disait qu'elle "n'avait jamais rencontré un de ces hommes que les autres hommes appellent grands". Il y a là une dépressivité bovarienne qui côtoie sa grande vivacité, qui est due évidemment à cette surestimation de l'homme mais qui n'a pas moins l'avantage de préserver une certaine harmonie du lien homme femme. Pour le dire autrement, la guerre des sexes, ils l'ont connue, Beauvoir en a profité et en a pâti, mais ils ont su construire avec cela un espace de vie et de pensée.

Colloque international Simone de Beauvoir 2008

(1) Le Deuxième sexe, tome 1 et 2, Simone de Beauvoir, Folio essais, 9,40 euros.
(2) La Nausée, Jean-Paul Sartre, Folio, 5,30 euros.
(3) Le Génie féminin, tryptique, Folio essais, 9,40 euros.
(4) Les Mandarins, tome 1 et 2, Simone de Beauvoir, Folio, 7,40 euros.
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3 janvier 2008 4 03 /01 /janvier /2008 12:15
Marlie Casseus, une jeune Haïtienne de quatorze ans, va entrer en salle d'opération pour une opération chirurgicale plutôt inhabituelle: on va lui enlever une tumeur au visage qui a enflé depuis l'âge de trois ans pour peser pas moins de sept kilos aujourd'hui. Cet énorme amas en pleine face est non seulement très embêtant pour une fille de quatorze ans mais il cause aussi des problèmes respiratoires à Marlie. Une trachéotomie lui permet de respirer jusqu'à présent.

L'opération doit durer une dizaine d'heures. Elle a été financée par une campagne de dons aux Etats-unis, en Europe et en Asie car l'hôpital de Miami où Marlie va se faire opérer a annoncé une facture de 95 000 dollars.





icihttp://www.advalvas.be/fr/index.php?option=content&task=view&id=2950&Itemid=67ici
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La tolérance c'est quand on connait des cons et qu'on ne dit pas les noms Pierre DORIS
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