« L'art c'est plutôt un artisanat dont on acquiert la maîtrise dans le pas-à-pas. Exactement comme le vivre »
Les extraits
La première phrase
Cette lanière de tissu, je l'ai cueillie sur une branche basse de chêne. Il a fallu casser la brindille pour la récupérer
car les fibres du coton s'étaient resserrées dans des successions de pluie et de sécheresse pendant au moins deux ans.
La plus belle phrase
Constamment chaque allégement libère et élève dans le même mouvement.
La phrase à retenir
Il faut savoir s'arrêter pour que la quantité de bien-être, de nourriture, de voyages, de sexe, d'amitiés ne devienne
contrainte, fardeau à porter, abus de l'autre.
Morceau choisi
Mieux serait plus mal. Souvent, ainsi, le langage populaire étonne
par sa profondeur. Ce qu'il exprime là, c'est la fine perception qu'il y a des limites à ne pas dépasser sous peine de tomber dans l'inverse de ce que l'on cherche, le contentement, pour ne pas
dire le bonheur. L'excès de tout, d'amis,
d'amour, de nourriture, de place, de voyages, transforme les êtres en nomades de l'excès, en boulimiques de plaisirs
vite éventés, en blasés, en gavés de la vie.
- page : 51 - éditeur : Albin
Michel - date d'édition : 2006 -
Morceau choisi
Je n'aime rien tant que l'ordinaire : de la messe, des périodes liturgiques entre deux solennités, des jours et de leurs
heures. On parle de temps mort mais appelle-t-on mort ce qui est en gestation, travail de l'estomac et des glandes entre deux repas, mois où le foetus grandit entre la joie de l'annonce et la
fête de la naissance ?
Je dirai les vertus de ce qui paraît inerte et peut-être ennuyeux, de ce rien, de l'expression : je ne fais rien, qui est active vie de l'esprit, vertus que l'on ne reconnaît plus comme telles,
dont on se garde comme du mal suprême, en un siècle où, dans tous les domaines, même dans l'amour, sont recherchés les spasmes, les intensités seules capables de réveiller les appétits
endormis. Nous sommes venus au monde dans l'ère des paroxysmes. Ils jettent d'un voyage à l'autre, d'une fête dans une autre, d'un festin à un festin supposé plus jouissif. Et que ne faudra-t-il pas inventer de fabuleux pour sortir les sens et
l'esprit de leur torpeur ? Quel mets inouï ? Quelle musique plus exaltante que celle d'hier ? Quelle passion nouvelle ?
- page : 92 - éditeur : Albin
Michel - date d'édition : 2006 -
Morceau choisi
Je fus ainsi amenée à comprendre la valeur des costumes religieux et des uniformes. Ils règlent une fois pour toutes les
problèmes de choix, les richesses ostentatoires. Au lycée, à
l'internat, c'était un soulagement d'enfiler la blouse réglementaire. Il y avait bien assez de la rue pour affirmer que nous étions de conditions différentes. S'éloigner de la seule apparence
permet d'aller vers d'autres richesses pas toujours visibles. Ailleurs que dans le vêtement se manifestent l'intérêt que l'on inspire, l'amour ou l'amitié dont on est l'objet.
- page : 106 - éditeur : Albin
Michel - date d'édition : 2006 -
Morceau choisi
C'est par la solitude, celle-là, effective, dans l'espace et dans le temps, que je suis entrée dans l'infinie grandeur du
silence. Certes, il renvoie à soi, à l'angoisse de vivre, à sa propre inanité. Il est pressant, il assaille littéralement l'oreille, mais, lorsqu'on l'a apprivoisé, c'est pure félicité d'entrer
dans l'inaudible.
- page : 161 - éditeur : Albin
Michel - date d'édition : 2006 -