Le philosophe espagnol Fernando Savater est un penseur libre, d'abord soucieux d'éthique. Son best-seller demeure Ethique à l'usage de mon fils (Points Seuil). Fernando Savater s'exprime dans le magazine Médias (n°12, Printemps 2007) sur la philosophie et les médias. Extrait de l'entretien avec un passage sur Internet :

"C'est une chose de produire de la liberté d'expression, c'en est une autre d'accéder à la liberté de la connaissance. Cette dernière est plus importante que le fait d'écouter les gens s'exprimer sans que ce qu'ils nous racontent nous intéresse vraiment. Quelques-uns de mes étudiants ont créé un site Internet. Pour en faire la publicité, ils m'ont interviewé. Répondant à une de leurs questions semblable à la vôtre, j'ai expliqué que les blogs nécessitaient beaucoup de discernement pour faire la part de l'information et de l'arbitraire. Quelques jours après avoir mis cet entretien en ligne, mes étudiants ont reçu une volée de e-mails indignés : je prônais une attitude élitiste en soutenant qu'il y avait des opinions vraies et d'autres qui ne le sont pas. Mon argumentation allait à l'encontre de l'idée que, comme tout le monde a le droit de s'exprimer, tout le monde a raison. Les blogs favorisent, en effet, l'expression mais aussi l'illusion que toute opinion est égale et intéressante.

Mon avis sur l'univers n'a strictement aucun intérêt, celui de Stephen Hawking, oui. C'est pourquoi je pense qu'on se méprend en voyant dans cette technologie un progrès pour l'éducation. On dit qu'on va installer un écran connecté à chaque pupitre. C'est une bonne chose, comme le fait que chaque élève ait de quoi écrire. Sauf qu'Internet n'éduque pas, il nécessite même une éducation préalable. Pour un érudit, c'est un outil merveilleux. Si vous êtes versé dans la philosophie orientale, vous pouvez partager votre passion avec d'autres connaisseurs, échanger des informations, apprendre. Mais si vous n'y connaissez rien ou si vous êtes peu formé, vous ne recevrez que de la publicité, c'est-à-dire 90 % de ce qui transite sur le Net. Il n'est pas donné à n'importe qui de trier dans le flux d'informations, de savoir les analyser et les hiérarchise. (...) Nous voulons savoir tout ce qui se passe et nous avons la possibilité de le faire. C'est une sorte de vertige maladif de la connaissance."