"...L'homme qui est conduit par la raison n'est pas conduit par la crainte à obéir, mais
en tant qu'il s'efforce de conserver son être selon le commandement de la Raison, c'est à dire en tant qu'il s'efforce de vivre librement, il désire observer la règle de la vie et de
l'utilité communes et par conséquent vivre selon le décret commun de l'Etat. Donc l'homme qui est conduit par la Raison désire, pour vivre plus librement, observer les lois de l'Etat.
Ces observations et d'autres semblables que nous avons faites sur la vraie liberté de l'homme se rapportent à la force d'âme, c'est à dire à la fermeté et à la générosité...l'homme fort ne
hait ni n'envie personne, ne s'irrite ni ne s'indigne contre personne, ne méprise personne, et ne manifeste pas le moindre orgueil...la haine doit être vaincue par l'amour, et quiconque est
conduit par la raison désire aussi pour les autres le bien qu'il désire pour lui-même.
Pourtant il est rare que les hommes vivent sous la conduite de la Raison, mais c'est ainsi. La plupart se jalousent et sont insupportables les uns aux autres. Néanmoins ils ne peuvent guère
mener une vie solitaire, de sorte que la plupart se plaisent à la définition que l'homme est un animal politique(sociale)...
Ce n'est certes qu'une sauvage et triste superstition qui interdit de prendre du plaisir...aucune divinité, ni personne d'autre que l'envieux ne prend plaisir à mon impuissance et à ma
peine et nous tient pour vertu les larmes, les sanglots, la crainte, etc...qui sont signes d'une âme impuissante. Au contraire, PLUS NOUS SOMMES AFFECTES D'UNE PLUS GRANDE JOIE, PLUS NOUS
PASSONS A UNE PERFECTION PLUS GRANDE...C'est pourquoi, user des choses et y prendre plaisir autant qu'il se peut est d'un homme sage. C'est d'un homme sage de se réconforter et de réparer
ses forces grâce à une nourriture et des boissons agréables prises avec modération, et aussi grâce aux parfums, au charme des plantes verdoyantes, de la parure, de la musique, des jeux du
gymnase, des spectacles, etc... dont chacun peut user sans faire tort à autrui..."
Baruch de Spinoza (1632-1677)