Les Paradis Artificiels sont constitués de plantes et de fleurs virtuelles, qui poussent chaque jour en temps réel, visibles sur des écrans à plasma ou projetées sur des écrans de
différentes tailles. Ces images pures ne sont plus immobiles, mais sont en quelque sorte générées dans et par le temps. Ces fleurs virtuelles ont leur propre trajectoire évolutive
sur une année et se transforment à contre courant du cycle des saisons. Aussi, ces créations retrouvent-elles la sensibilité cosmique de Monet, son exploration de la lumière et du
temps et son goût des séries, dans Les Nymphéas en particulier.
« Sur-Nature » est une installation de grande dimension constituée de plantes et de fleurs virtuelles , qui poussent chaque jour en temps réel grâce à la création spéciale
du logiciel de Music2eye.
C'est une nouvelle étape dans les recherches artistiques de Miguel Chevalier qui s’emparent des bio-technologies et de la génétique. Ce nouvel Art «transformationnel» permet de
donner vie à des œuvres fixes ou en perpétuelle métamorphose. Ces créations ne sont pas sans rappeler l’univers créé et développé aux frontières de la nature de l’artifice dans une
série d’œuvres antérieures de Miguel Chevalier : «Baroque et Classique», «In vitro», les serres botaniques ou les installations vidéo et interactives comme «Paysage Artificiel»,
«grand/verre/nature liquide» et «Pensée numérique» (cf monographie Flammarion. 2000).
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Nuit Blanche 2005
Projection sur la façade de la Galerie S.Tarasiève. 171 rue du chevaleret. Paris
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“Les Impromptus”. 2005
Centre Pompidou. Paris.
Un dimanche à Beaubourg dans le cadre de l’exposition Jeune Public “Ombres et
Lumière”.
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"Digital Paradise"
Exposition collective 2005
Daejeon Museum of art, Corée du sud
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"Ultra-nature" Oslo 2004
En collaboration avec le Astrup Fearnley Museum of Modern Art, le métro d'Oslo et Siemens 2004. Galerie souterraine du métro d'Oslo, Norvège
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La nature à l’âge de sa production numérique
Françoise Gaillard - Philosophe
Des graminées d’un vert, d’un bleu, d’un rouge tous aussi improbables, croissent sur l’écran lumineux et ondulent au gré d’un souffle alizéen. Leurs nervurations, visibles par
transparence à chaque balancement de leurs feuilles, composent des architectures complexes. D’abord fragiles pousses, elles s’enhardissent et dressent leurs tiges vers un invisible
ciel. Tant que rien ne vient contrarier leur expansion, elles prolifèrent et tendent à saturer tout l’espace. Ce qui les meut c’est cette volonté de puissance du vivant si bien
analysée par Nietzsche. Ce vouloir vivre sans autre finalité que la perpétuation de lui-même. Le procès de leur développement et de leur déclin paraît naturel, à sa rapidité près.
On dirait un film en accéléré. Sauf que le cycle nous semble ne connaître ni début ni fin. Nous comprenons alors que ce que nous regardons est une nature de synthèse ; que ces
végétations luxuriantes qui se balancent au vent, sont le produit de logiciels tout spécialement créés. Un végétal surgit puis disparaît, sans laisser de trace, cédant simplement la
place à un autre possible. En fait à une autre possibilité de l’œuvre. Car le cycle des apparitions et des disparitions que l’on trouvait si mimétique de la vie, renvoie à
l’ouverture de l’?uvre sur ses propres potentialités. Ce que l’on prenait pour la volonté d’expansion de la plante est celle de l’?uvre en perpétuelle tension évolutive. Chaque
plante a son programme morphogénétique, mais, dans sa sophistication, le calcul a prévu de l’aléatoire dans sa croissance. Et c’est en vain qu’on guetterait sa réapparition au lieu
de son évanouissement. Elle repoussera, elle ou son clone, quelque part sur l’écran, en fonction du hasard ménagé dans sa programmation germinative. Peut-être au lieu où on l’a
perdue. Plus probablement ailleurs. Mais elle repoussera. Car cette « autre nature » (1), ou cette sur-nature, est le contraire d’une nature morte. Elle est vivante. Elle est
vivace. Elle est même prolifique. Et cette prolifération imprévisible, quoique savamment calculée, nous enchante parce qu’elle crée des effets de transparences et de surimpressions
qui nous font rêver. Rien à voir avec la prolifération anxiogène d’une nature envahissante. Nous ne sommes pas au bord du chaos par saturation de l’espace. Nous ne sommes pas devant
l’imminence d’un péril végétal. Nous sommes dans un rapport d’immanence joyeux avec l’organique. Car l’œuvre de Miguel Chevalier est aussi jubilatoire que réflexive. Elle nous
entraîne dans le monde voluptueux et langoureux des paradis artificiels (2)? Mais tous les paradis ne sont-ils pas artificiels ? Nous en oublierions presque que ce qui nous
émerveille ce n’est pas la croissance ni la prolifération des plantes, mais celle des images qui en donne l’illusion ; que ce qui nous ravit c’est d’être pris dans la ronde
joyeusement colorée des pixels. Nous en oublierions presque que ce que nous voyons c’est le travail du passage de l’algorithme à l’image et non celui de l’évolution du vivant, du
germen à la plante, de l’ADN végétal à ces plans de maïs gorgés d’une chlorophylle de couleur électrique, qui naissent et grandissent sur des écrans à plasma, sur des voiles de
tulle ou dans une bulle de plastique. La science a toujours cherché à transformer notre univers phénoménologique constitué d’événements, d’accidents, de sensations, en modèles et en
calculs afin de le rendre intelligible. La modélisation a un prix. Au cours de l’opération ce qui se perd c’est la part de l’imagination, de l’émotion, du rêve. Avec Miguel
Chevalier l’intelligible prend sa revanche. C’est la raison calculante qui vient à produire du sensible et du poétique. C’est elle qui engendre ces formes végétales qui incitent à
la rêverie et qui reculent les bornes de notre imaginaire. Il se peut que ces frêles forêts artificielles ne soient pas propices aux épanchements romantiques et que nul Olympio (3),
s’il s’entrouve aujourd’hui, ne les choisirait comme confidentes de sa douleur. Il est vrai qu’elles s’adressent plus à la sensorialité, notamment aux perceptions visuelles
qu’excitent leurs couleurs vives, qu’au sentiment. Mais elles comblent en nous et l’enfant toujours en demande d’images, et l’adulte qui s’étonne que tant de fragilité émouvante
sorte du nombre, du calcul, du « comput ». Miguel Chevalier appelle certaines de ses efflorescences rose fushia : « pensées numériques »(4). Pas de meilleure dénomination pour cette
flore de l’intelligence mathématique, générée par le calcul et non par la numérisation d’images volées à la nature. Les « pensées numériques » ne représentent pas le réel que
pourtant leur forme évoque. Elles le simulent. Tout comme les plans de maïs transréels dont la morphogenèse simule des processus de développement empruntés à la botanique. Le règne
de la nature de synthèse n’est pas celui du simulacre annoncé par Jean Baudrillard, lequel reste encore mélancoliquement attaché au réel dont il a pris la place. C’est celui de la
simulation affranchie de toute réalité phénoménale. Et c’est précisément à cet affranchissement que les végétations numériques de Miguel Chevalier doivent cette légèreté au sens
physique et métaphysique du terme, qui nous fascine et nous séduit. Elles sont sans attaches. Sans enracinement dans le sol matériel . Sans ancrage dans le ciel philosophique des
idées. Elles ne font signe vers aucun en deçà, ni aucun au-delà de l’image. Rompant avec des siècles de pensée théologique de l’icône, leur visibilité ne louche plus vers
l’invisible. Si le romantique peut les juger sans consolation, c’est qu’elles sont sans promesse. Car il est vrai qu’elles ne promettent rien au-delà d’elles-mêmes. Elles se
contentent de n’offrir que ce qu’elles sont et que l’instant où elles sont. Mais elles l’offrent à profusion, sans retenue et sans réserve. Tout comme l’?uvre, en qui elles se
confondent, elles se livrent totalement et immédiatement à notre jouissance. Tout, tout de suite. C’est le régime de sens de l’enfant, et celui qui sommeille en nous jubile devant
les écrans colorés et leurs jeux de transparences animées. C’est aussi celui du surhomme nietzschéen délivré de l’inquiétude métaphysique du sens. Et celui-là, qui n’existe en nous
qu’à l’état de gestation, prend un plaisir sans réserve à la beauté fugitive des formes, et s’émeut de leur précarité. Car, par la poésie de ses images, Miguel Chevalier a rendu
l’indifférence d’un monde réduit à son apparence, enchanteresse et séductrice. La nature, révélée par l’artifice à sa vérité an-humaine, n’a chez lui rien de tragique. Bien au
contraire. Elle est magique et nous invite ironiquement, à passer, comme Alice, de l’autre côté de l’écran dans le temps même où elle nous dit qu’il n’y a rien d’autre à y voir ni à
y trouver que ce que l’on regarde. Les « pensées numériques » et « autres natures » ou sur-natures font résolument sortir l’art de la métaphysique à l’œuvre dans toutes les grandes
esthétiques occidentales, celles de Kant, de Hegel et même d’Adorno. Le séjour au Japon que fit Miguel Chevalier, aurait-il eu cette vertu de déprise ?. Elles mettent également un
terme à l’injonction faite à l’art d’imiter la nature. Baudelaire s’était élevé contre l’impératif de mimésis prétendument aristotélicien. Il a chanté l’artifice et rêvé de paradis
qui ne devraient plus rien à notre décevante réalité. Ailleurs hors du monde? Hors de ce monde dont le défaut à ses yeux, était, précisément, d’être trop naturel. Le rapprochement
s’arrête là. L’antiphysis fin de siècle traduisait un dépit philosophique à l’égard de la nature, transformé en haine. Les sur-natures de Miguel Chevalier sont, à l’inverse, un
hommage polychromique rendu à sa richesse foisonnante etpleine de gaieté. Cette nature s’il la met, réellement, en boîte dans des constructions de verre et d’acier ou s’il
l’enserre, virtuellement, dans des programmes informatiques, c’est par amour. Aussi ne se dégagent-il pas de ses « Serres »(4) le parfum vénéneux et la touffeur morbide qui
s’exhalaient de celles des décadents. Il s’y respire, au contraire, un air de santé et d’allégresse. Les plantes y dansent, comme emportées par un rythme matissien. Car c’est bien à
Matisse, au Matisse de la danse et des papiers collés que tant d’audace chromatique et rythmique fait songer. A Monet aussi. Au Monet de la série des « Nymphéas ». A Warhol encore.
Au Warhol des variations sérielles sur les fleurs. Mais en dépit de certaines analogies formelles ou conceptuelles, le processus de création des « autres natures » opère une
radicale discontinuité dans une histoire de l’art que l’on sent pourtant présente. Gilles Deleuze a dit de l’organique, qu’il était la vie dans les formes, il suffit d’ajouter : «
et dans les couleurs », pour comprendre pourquoi la réflexion de Miguel Chevalier sur la mutation des formes a trouvé une source d’inspiration dans la modélisation du règne du
végétal.
(1) Titre générique sous lequel Miguel Chevalier range des œuvres réalisées et exposées depuis 1992.
(2) Paradis artificiels, 1994
(3) Pensées numériques, 1997
(4) « L’air joue avec la branche au moment où je pleure… » in « Tristesse d’Olympio », Victor Hugo
(5) Effet de serre, 1986
biographie
Né à Mexico en 1959, il travaille principalement à Paris où il est installé depuis 1985.
Diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts de Paris en 1980 et de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs en 1983. Il a reçu la bourse Lavoisier pour le Pratt
Institute à New York en 1984 et a été lauréat de la villa Kujoyama à Kyoto au Japon en 1994.
Miguel Chevalier, a acquis grâce à sa formation pluridisciplinaire et lors de ses voyages à travers le monde une grande expérience artistique .
Son art se caractérise par une exploration depuis 1982 des technologies d’aujourd’hui . Son champ d’investigation prend ses sources dans l’histoire de l’art dont il reformule à
l’aide de l’outil informatique les données essentielles .Ses thèmes se rapportent à son observation des flux et des réseaux qui organisent nos sociétés contemporaines .
Il s’est imposé internationalement comme l’un des pionniers de l’art virtuel et du numérique.
Les images qu’ils nous livrent interrogent perpétuellement notre relation au monde.
De nombreuses expositions personnelles et collectives en France et à l’étranger lui ont permis de développer une démarche très particulière, notamment au Musée d’Art Moderne de
Paris en 88 à l’ARC, à la galerie Vivita à Florence (Italie) en 89, aux Jeux Olympiques d’Albertville et de Barcelone en 92, au Muséo de artes visuales à Caracas (Venezuela) en 93,
au Centre G. Pompidou ”vision urbaines” en 94, au Musée Carrillo Gil à Mexico en 96, à la Staatsgalerie de Stuttgart ”La magie du chiffre” en Allemagne en 97, à l’Espace
Cardin ” Périphérie” à Paris en 98, à la Fabrika à Beyrouth ” Mémoires & mutations” (Liban) en 1999, à la Biennale de Kwangju (Corée) en 2000, au Musée Marco de Monterrey
”Metapolis” (Mexique) en 2002, au Domaine Orenga de Gaffory ”Sur-Natures” (Corse), ”la croisée des réseaux” à la bourse du commerce de Paris à l’occasion des Nuits
Blanches (France), et ”Tisser des réseaux” à la cité internationale de Lyon (France), en 2003. Cette année : ” Paradis artificiels ” au centre d’art de Vitry sur Seine et "
Métacités ” à la galerie Tarasiève (Paris), au New Zendai Art Museum de Shanghai (Chine) pour "Ultra-Nature", "Supra-Natura" à l’Alliance Française de Buenos Aires
(Argentine), "La croisée des réseaux"à la kunstverket Gallery à Oslo, (Norvège), "Ultra-Nature" au Daejon Museum, (Corée) en 2005…
Une monographie en Français de 1985 à 2000 a été publié aux éditions Flammarion avec la collaboration de Pierre Restany , de Laurence Bertrand Dorléac et de Patrick Imbard. Un
CD-Rom avec Christine Buci-Glucksmann des installations vidéo et de réalité virtuelle complète cet ouvrage.
numeriscausa - contact@numeriscausa.com
Depuis Chronique du règne de Nicolas Ier (janvier 2008) notre Précieux Souverain a-t-il changé ? Le sacre paraît loin, et son cortège de festivités, de yachts luxueux, de résidences très surveillées. L'impératrice Cécilia a refait sa vie. Efficacité, tempérance, froideur, et même sagesse, tels seraient donc les nouveaux habits de Nicolas Ier. Mais Patrick Rambaud ne s'en laisse pas compter. La légende officielle, les tableaux dorés, les communications princières ne sont pas pour lui. Il a donc choisi de continuer sa cruelle et désopilante chronique, dressant ainsi le véritable tableau du règne... Du même auteur : La Bataille ; Il neigeait...