Sciences humaines
ISBN 978-2-7381-2050-2,
février 2009, 155 x 240,
432 pages. (35 €)
Scott Atran
Au nom du Seigneur
La religion au crible de l’évolution
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Philipe Sicard
Comment expliquer le poids culturel de la religion à travers l’histoire ? Pourquoi les idées surnaturelles sont-elles aussi répandues dans toutes les cultures ? Que nous apprennent la
biologie, la psychologie, l’anthropologie et les sciences cognitives sur les différences et les similitudes entre les groupes religieux ? Et comment se fait-il que les explications
religieuses des phénomènes naturels influent plus sur notre imaginaire collectif que les connaissances scientifiques ?
Du point de vue de l’évolution, la religion ne devrait pas exister : elle est coûteuse en sacrifices matériels et en dépenses émotionnelles ; elle impose des efforts pour adhérer à des
croyances qui défient le bon sens. Alors, pourquoi la religion ?
Scott Atran passe en revue toutes les explications — sociologiques, psychologiques, neurologiques, métaphysiques — et montre leurs insuffisances. Et si le sacrifice de soi qu’impose toute
religion servait avant tout à stabiliser l’ordre moral dans le groupe ? Ce faisant, n’incite-t-elle pas à la compétition avec d’autres groupes ? Et, dès lors, n’est-elle pas toujours
source de guerre ?
Appuyée par les recherches les plus originales et les plus actuelles, une puissante réévaluation du fait religieux au cœur même de l’humain.
Scott Atran est directeur de recherches à l’Institut Jean-Nicod du CNRS.
Anthropologue cognitiviste, il est professeur associé à l’Université du Michigan à Ann Arbor.
Une critique paru dans « le matin » journal Haitien du 6-7 mai 2009
Religion et anthropologie cognitive
Le lecteur initié aux travaux de
l’anthropologue Pascal Boyer,
ou plus récemment de l’éthologiste
Richard Dawkin trouvera dans
cette somme un complément
inégalé d’anthropologie cognitive
évolutionniste ayant pour objet
principal de recherche les croyances
religieuses (commensurables) et
leurs origines potentielles (universellement
distribuées). Le public
non anglophone y découvrira une
traduction de son précédent
ouvrage largement salué par les cri -
tiques.
Une structure stable
À travers les multiples disciplines
abordées (biologie évolutionniste,
génétique, sociobiologie, éthologie,
écologie comportementale, neurologie,
philosophie, psychologie cognitive, sociologie,...) Scott Atran
peut nous surprendre quand il
affirme que « les structures biologiques
et cognitives qui permettent la
vie humaine sur la Terre semblent
avoir peu, ou pas du tout changé – du
moins depuis “ Eve mitochondriale ”
qui aurait vécu dans la savane
africaine il y a plus de cent mille ans “
». Ce constat, sur cet état quasiment
stable où le temps n’aurait eu que
peu d’effet, pourrait expliquer
pourquoi les structures cognitives de
l’esprit semblent avoir permis à un
ensemble d’objets socioculturels,
connus dans toutes les sociétés, de
traverser les âges, d’être transmis et
intégrés : agents surnaturels, entités
spirituelles, mondes contrefactuels
et contre- intuitifs, rites, sacrifices,
symboles, cosmologie,... consolidant
et faisant perdurer ces simples
produits de « processus ordinaires
de l’esprit humain » que sont les
religions.
Que les différentes religions
donnent du sens aux individus,
mobilisent l’affectivité, apportent
espoir et promesses, provoquent des
états de con science modifiée (transe,
méditation, vision, révélation, hallucination auditive ou visuelle, etc.),
engagent le système corporel,
forment des mondes magiques via
ses capacités cognitives de métareprésentation,
s’investissent dans le
champ socioéconomique, ne les distingue pas entre-elles au niveau des
structures cognitives de croyance.
La différence se situerait simplement
au niveau des contenus, celui du rap -
port avec ses semblables, à la société,
à la nature, etc.
Scientifique et agnostique, non
essentialiste et plutôt matérialiste, la
thèse de Scott Atran dissout toute
dichotomie entre l’homme neuronal
théiste/déiste et l’homme neuronal
agnostique/athée, car selon lui « les
croyances et pratiques religieuses
impliquent exactement les mêmes
structures cognitives et affectives
que les croyances et pratiques non
religieuses – et pas d’autres – mais
selon des modes (plus ou moins)
systématiquement distincts ». Com -
ment ne pas se rappeler une célèbre
sentence de David Hume ? Ceux qui
soutiennent philosophiquement
que notre cognition, c’est-à-dire « la
structure interne d’idées représentant
le monde et commandant les
comportements appropriés au
monde représenté », crée les
croyances, les dieux et les religions,
ne démontrent pas grand chose s’ils
ne vont pas au-delà de cette simple
affirmation. D’où ce long voyage
multidisciplinaire basé sur de
nombreuses expériences de
laboratoire et de terrain, au sein de
cul tures variées, passées et présentes.
Au nom du Seigneur. La religion au
crible de l’évolution, Scott Atran,
éditions Odile Jacob. Titre original :
In Gods We Trust: The Evolution -
ary Land scape of Religion, Philippe
Sicard (traducteur).