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Ecosia : Le Moteur De Recherch

18 mai 2009 1 18 /05 /mai /2009 17:16
Rencontre
Émilie et le philosophe
dimanche 17 mai 2009

popularité : 23%

Par Catherine Portevin

À 86 ans, il a tout quitté pour rejoindre sa muse qui lui proposait une aventure "sur le chemin de la vraie vie". Installé dans son Parnasse corse, le philosophe Marcel Conche y poursuit son étude du sacré.

 

Elle lui a écrit de venir vivre en Corse pour lui apprendre le grec.
Il a pris son temps pour préparer cette rencontre, puis il est venu

Photo : Léa Crespi pour Télérama

Il pleut depuis des semaines. Le printemps semble plus vibrant et la couleur des fleurs plus fraîche que d’ordinaire en Méditerranée. Le philosophe habite sur la route de la mer à Aléria, en Corse, vers le levant. Il a emménagé il y a six mois. Parmi les lecteurs de Marcel Conche, qui forment sans le savoir une manière de famille à le considérer secrètement comme le plus grand philosophe de ce temps, la nouvelle circulait depuis quelques mois : « Il est parti ! »

À 86 ans, il a quitté Treffort (dans l’Ain), le village où il a enterré sa femme, indéfectible compagne, dix ans plus tôt. Il a dit adieu à la vieille demeure où il vivait depuis des décennies face aux montagnes et au verger qu’il avait planté. De sa gigantesque bibliothèque, le professeur émérite de la Sorbonne n’a emporté que le strict nécessaire à sa méditation (Montaigne, forcément, « le seul homme à qui je demanderais conseil », et puis Héraclite, Anaximandre, Parménide...), il a mis deux valises dans le coffre de sa Clio, et s’est embarqué à Marseille, un beau jour de septembre 2008. Après une vie d’étude en compagnie des philosophes antésocratiques, il lui fallait s’approcher des Grecs encore plus près. C’est ainsi que, pour commencer, l’on pourrait raconter l’histoire.

Mais il ne s’agit pas, pour ce philosophe de la nature, d’une affaire de paysage ou de climat. Il s’est installé dans un petit pavillon, dans la partie moderne d’Aléria, sans charme... du moins pour les touristes. Mais nul besoin que le maquis sente les romarins en fleur, les bruyères, les myrtes et les cistes, ni que l’aurore soit rose sur les monts de Corte et la mer transparente comme l’azur, pour penser avec Héraclite l’« absolu de la Nature infinie. » Marcel Conche, le Grec, se plaît à avoir été élu à l’Académie d’Athènes mais, en voyant le Parthénon pour la première fois en 1986, en l’examinant sous tous les points de vue et toutes les lumières, il a surtout vu « la distance où nous sommes des Grecs. Nous ne sommes plus capables de retrouver ce qu’était la vie grecque, car nous avons perdu le sens du sacré ».

Le sacré, serait-ce donc cela que Marcel Conche est venu trouver ici ? Ce sacré a un nom : non pas la Corse, quoiqu’on y respire mieux qu’ailleurs la tragédie grecque, mais Émilie. Le sacré a les traits d’une jeune femme brune, active, contemplative et lumineuse. Et voici l’histoire : un jour de l’été 2001, Marcel Conche reçoit à Treffort une lettre au souffle puissant [1]. La langue est étrange, un français flottant et inspiré. Le message est ferme et audacieux : venez vivre en Corse pour m’apprendre le grec. Émilie a alors rompu avec une vie professionnelle très dense dans l’humanitaire, qui l’avait menée dans les contrées les plus cruelles du monde (notamment en Angola). Au Tadjikistan, puis en Géorgie, en Anatolie, en Inde, elle a découvert la grande poésie persane de Rûmî, et ce chemin spirituel qui mène de l’Orient à la Grèce. Rentrée en France, elle a tout abandonné et cherché un lieu selon son âme pour se rapprocher d’Homère. Ce fut Corte, où, tout en vivant de petits boulots auprès des bergers, elle suit les cours de grec ancien à l’université. Déception, jusqu’à ce qu’elle découvre la traduction et les commentaires des fragments d’Héraclite par Marcel Conche. Aussitôt, elle sait que seul cet homme-là pourra la faire entrer dans la pensée des Grecs et dans la sensation vivante de leur monde.

“Jai senti que sur le chemin de la vraie vie,
Emilie avait beaucoup d’avance sur moi.”

Bouleversé par une aspiration si impérieuse, Marcel Conche met sept ans à se décider à larguer les amarres. Le temps de la réflexion pour cet esprit enflammé mais depuis toujours déterminé, par éthique de philosophe, à choisir la raison contre le désir. Le temps aussi de se procurer les Rubâi’yât de Rûmî, la poésie de Ferdowsi, d’Attar, puis la Bhagavad-Gîtâ, puis, plus loin encore vers l’Orient, les philosophes taoïstes, jusqu’à s’user les yeux et l’intelligence à déchiffrer le chinois pour retraduire et commenter le Tao-tö-king de Lao-tseu (paru aux PUF en 2003). Le temps donc d’accueillir l’aventure à la hauteur où Emilie la proposait : non pas une passion amoureuse, mais le chemin de la vraie vie. Et, confie Marcel Conche, qui s’est voué en philosophe à cette quête, « j’ai senti que sur ce chemin elle avait beaucoup d’avance sur moi ».

À ce point du récit, on hésite. Car, en voulant trop élucider le mystère de cette rencontre, n’allons-nous pas décrire Emilie juste comme une mystique éperdue ? Et Marcel Conche, juste comme un amoureux éperdu, lui dont le Journal étrange (le tome IV, Diversités, paraît chez Encre marine le 22 mai) bruisse de ses amitiés véritables et désirs non assouvis pour les jeunes femmes, parlant de sa frus­tration sans regret de « n’avoir pas connu le bonheur, qui est l’amour partagé » ? Éperdus, ils le sont, chacun à sa manière brûlant d’un feu solitaire. Mais aucun ne semble vraiment perdu, ayant l’expérience des choix sûrs et des voies incertaines.

Mystique, Émilie l’est bel et bien, comme le sont les grands poètes. Mais elle n’en est pas moins (elle dirait « d’autant plus ») les deux pieds dans la vie, aimant, souffrant, travaillant. « Son dieu n’est pas du tout transcendant, dit Marcel Conche. Il est en somme l’aspect divin de la nature. En cela, elle est plus grecque que moi, puisqu’elle ressent comme les Grecs le divin dans les éléments, la lumière, les plantes et les animaux. La vie est un don, sous toutes ses formes. Elle a élu un terrain qu’elle plante d’oliviers et où elle veut construire sa maison. Lorsque Émilie soigne ses oliviers, elle a l’impression d’accomplir un service divin. Nous appelons entre nous ce champ le "téménos", qui est pour les Grecs le lieu sacré. » Quant au philosophe, c’est son amour pour elle qui est mystique. Il n’a jamais cru en l’existence de Dieu mais, dit-il, « je suis croyant en Émilie, j’ai foi en elle qui croit ». Tandis qu’elle, elle dit fortement de lui : « C’est mon meilleur ami. »

“Dieu n’est pas un problème philosophique,
puisque son existence ou sa non-existence
ne changent rien au fait que nous savons
bien comment vivre, c’est-à-dire selon l’amour.”

Avec Marcel Conche, la conversation a démarré autour d’un café en poudre et de croissants aux amandes, par l’interrogation inverse : « Diriez-vous que vous êtes au fond un philosophe de l’incroyance ? » Question pour celui qui a toujours préféré la recherche de la vérité à celle du bonheur, la métaphysique à l’amour de la sagesse. Autrement dit, les gouffres de l’incertitude de l’être où l’on côtoie les religions. Mais justement, la métaphysique de Marcel Conche fait fi de Dieu : « Dieu n’est pas un problème philosophique, affirme-t-il, puisque son existence ou sa non-existence ne changent rien au fait que nous savons bien comment vivre, c’est-à-dire selon l’amour. » Lui aime la métaphysique comme « une libre création de la raison ». Et parle de Descartes ou de Kant comme de théologiens : « Ce sont des chrétiens qui usent de leur raison pour prouver ce qu’en réalité leur dicte leur foi ; c’est donc la raison au service de la foi. » Il a pris, depuis ce jour de 1963 où il a ouvert les Essais de Montaigne, le parti de l’ignorance inéluctable, qui est celle de la condition humaine : aucune proposition métaphysique n’est absolument indiscutable. Montaigne reste ainsi un philosophe pour notre temps, où les systèmes de croyances ne font plus autorité, tandis que Descartes est « périmé » ! C’est pourquoi, aussi, Marcel Conche fréquente tant les antésocratiques, que l’enseignement, qui fait commencer la philosophie avec Platon, a longtemps ignorés... comme il a réservé Montaigne aux littéraires. Or, eux, Héraclite, Anaximandre, Empédocle, Parménide, Epicure... sont de vrais philosophes selon Conche, puisqu’ils n’ont pas eu à rompre le carcan des idéologies et des dogmes ; ils ont seulement observé la nature et « éprouvé pour la première fois la liberté de la raison devant les choses. C’est pourquoi ils sont si profonds ».

La Corse semble avoir adopté Marcel Conche, du moins Aléria, où il est respecté comme un sage. Lui se contente d’être là où il sait qu’il finira ses jours. Tôt levé, il remplit de grands cahiers d’une écriture fine et sans rature, dans ce style parfait, concret, qui ne se paye pas de mots (« je vois les choses, les mots suivent, lance-t-il. Le langage est fait pour parler du réel »). Tel Montaigne en ses Essais, il compose ainsi, depuis plusieurs années, un « Journal Étrange » ni chronologique ni thématique, qui forme comme le pendant de son oeuvre savante et continue de l’éclairer de réflexions vagabondes.

“J’aime et je pleure [...].
Émilie, tout avec toi devient intense.”

Ensuite, il tapera le manuscrit avec sa Remington de 1960, le complétera avec cette autre machine à écrire en caractères grecs pour les citations. Entre-temps, il aura vu Émilie, parlé avec elle, il l’aura attendue le coeur inquiet. « J’aime et je pleure [...]. Émilie, tout avec toi devient intense », écrit-il dans ce tome IV, achevé à l’été 2008, au moment où il décidait de partir la rejoindre. Il a préparé cette traversée comme la dernière, résolu à mourir en Corse quand il le déci­derait. Il veut qu’Émilie l’enterre au fond de son champ d’oliviers, dans le bas de la côte. Elle a dit qu’elle préférait en haut de la colline, là où elle bâtira sa maison.

Pour devenir grec, c’est-à-dire pour philosopher vraiment, il faudrait, affirme Marcel Conche, « avoir bénéficié d’une éducation où l’on ne vous a pas infligé les réponses avant même que vous vous soyez posé les questions : qu’est-ce que je fais là ? qu’est-ce qu’être vraiment ? pourquoi le monde existe ? existe-t-il ? qu’y a-t-il au-delà du monde ?... ». Toutes ces questions avec lesquelles le fils de paysans corréziens agaçait le curé du village. Il raconte souvent que son premier geste de philosophe fut une fugue, petite fugue d’un bambin de 6 ans. Tandis que ses parents fauchaient un pré situé au bord d’une route, il est parti tout seul jusqu’au grand tournant un peu plus loin pour « savoir si le monde continuait après ». Quatre-vingts ans plus tard, c’est encore par la fugue que Marcel Conche philosophe : partir en Corse, près d’Émilie, tenter d’aller grâce à elle au bout du chemin de la vie, et savoir que toujours « Émilie restera pour moi un mystère. Le jour où je la comprendrai, je pourrai rentrer ». Il a mis un point final au tome V de son Journal (à paraître en 2010). Il s’intitulera Émilie.

Catherine Portevin

À lire :
Diversités. Journal étrange IV (éd. Encre marine, 344 p., 35 €), Nietzsche et le bouddhisme (Ed. Encre marine, 64 p., 17 €) ; en librairie le 22 mai. L’Aléatoire (éd. PUF, 1999) ; Héraclite : Fragments (PUF, rééd. 1998) ; Analyse de l’amour et autres sujets (éd. PUF, 1997) ; Montaigne et la philosophie (PUF, rééd. 1996) ; Temps et destin (PUF, rééd. 1992).

telerama.fr

 

[1] Il l’a publiée dans “Confession d’un philosophe, Réponses à André Comte-Sponville” (Albin Michel, 2003)


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18 mai 2009 1 18 /05 /mai /2009 11:26
Féminisme
Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Le symbole astrologique de la planète Vénus, aussi appelé le « miroir de Vénus », devenu symbole du genre associé, fut repris comme emblème des mouvements féministes.

Le féminisme est un ensemble d'idées politiques, philosophiques et sociales cherchant à promouvoir les droits des femmes et leurs intérêts dans la société civile. La pensée féministe vise en particulier l'amélioration du statut des femmes dans les sociétés où la tradition établit des inégalités fondées sur le sexe. Le féminisme travaille à construire de nouveaux rapports sociaux et développe des outils propres à la défense des droits des femmes et de leurs acquis. Ce mouvement est soutenu par diverses théories sociologiques et philosophiques.

Né après l'âge industriel[1], le féminisme se réclame de mouvements plus anciens ou de combats menés dans d'autres contextes historiques. Il est parfois présenté comme une lutte menée afin d'abolir l'oppression dont les femmes sont victimes au quotidien. Le féminisme est soutenu principalement par les femmes, bien qu'il soit également activement défendu par des hommes. Les féministes cherchent à faire progresser les femmes dans leur contexte social, politique et économique, mais également dans la perception qu'elles ont d'elles-mêmes. Ils défendent l'idée que « le personnel est politique » et font avancer la cause des femmes en les aidant à se structurer comme des personnes autonomes, capables de gérer leur propre corps et, de façon plus générale, toutes les dimensions de leur vie.

Sommaire

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Historique [modifier]

Origines des mouvements de libération des femmes [modifier]

Historiquement dans les sociétés pré-modernes, la femme a été généralement exclue de nombreuses sphères qui lui sont aujourd'hui accessibles (politique[2], économique[3], militaire [4], etc.) Dans la cité grecque antique, la femme n'avait pas le droit de vote ; bien que libre, elle n'était pas en droit de se mêler aux affaires économiques de la cité car le droit de vote nécessitait de payer l'impôt.

La femme a été souvent cantonnée à un devoir de femme de ménage où le travail comme moyen de subsistance et de protection du foyer incombait à la responsabilité des hommes[5] (plus ou moins vrai dans les faits ; en effet, il y a l'idéal « patriarcal » et la réalité, le travail des femmes comme moyen de subsistance et de protection du foyer était indispensable à la survie de la famille). Les femmes, traditionnellement responsables de la gouvernance du foyer, de son entretien et de la réception d'invités, restaient cependant à charge de leur époux après avoir été à celle de leurs parents selon l'idéologie patriarcale. En effet, l'idée que les femmes sont entretenues par les hommes de leur famille est un renversement typique de l'invisibilisation de la productivité des opprimé(e)s. Les patriarcats consistent essentiellement en la mise au travail gratuit des femmes au bénéfice des hommes (servage dans l'agriculture, l'artisanat, les professions d'indépendants et libérales...) en plus de l'exploitation domestique (travail ménager dont 80% est assuré par les femmes encore aujourd'hui en France) et prise en charge des personnes invalides de la famille (enfants, vieux, handicapés) cf. Colette Guillaumin sur le concept de rapport de sexage et Christine Delphy à propos de l'économie domestique dans les patriarcats. Comme toute oppression, le patriarcat est un système d'exploitation d'une classe par une autre : individuellement (travail domestique) et collectivement (ségrégation horizontale et verticale du marché du travail, sous emploi féminin...) le dominant est dépendant du travail approprié de l'opprimée.

Dans plusieurs sociétés, la femme dans les mentalités de l'époque ne produisait qu'une descendance (voire une dot). Ce faisant historiquement, les femmes étaient privées bien souvent entre autres du droit de vote, du droit de gestion de leurs revenus et de leurs comptes[5], du droit de divorce et de l'accès à certains espaces exclusivement réservés aux hommes.

Si un large consensus à ces époques – autant des femmes que des hommes sur ce mode d'organisation sexiste de la société – était établi, son inadéquation avec les mœurs et l'évolution de la société devenait de plus en plus apparente. Certains corpus législatifs des religions abrahamiques le montrent bien par leur évolution : Interdiction proclamée par Jésus de Nazareth de les répudier puis droit de divorce, puis protestantisme et prêtrise accordée aux femmes, etc.

Ainsi, l'apport du féminisme du XXe siècle se manifeste par la réalisation inconditionnelle et universelle des droits des femmes qui, au vu de l'évolution de la société, est devenue l'une de leurs principales attentes.

À cela il est bon de comprendre que l'organisation de la société pré-féministe, largement sexiste, reposait sur un consensus largement établi mais qui, tout au long de l'histoire, s'est vu remettre en question pour aboutir à une abolition progressive au XXe siècle, avec par exemple la Déclaration universelle des droits de l'homme qui ne sera appliquée aux femmes – et imparfaitement encore – que grâce au combat féministe. L'argument biologique, largement exploité, et les différences de sexe sont utilisés pour réduire la femme à la maternité.

Les religions et les femmes [modifier]
Eve s'apprêtant à provoquer le péché originel.

Les religions abrahamiques sont perçues par les féministes comme défavorables aux femmes et sont accusées de leur réserver dans la société une place secondaire et un sort peu enviable[réf. nécessaire]. En s'attaquant à ces systèmes religieux, les féministes ont pu en pratique contester plus aisément les positions conservatrices de la société en général. Ironiquement, les femmes ont souvent été des personnages clefs dans l'histoire des religions, alors qu'à l'inverse les religions ont parfois participé à l'émancipation de la femme dans la société.

  • L'islam n’admet pas la confusion des rôles masculin et féminin, ni la sexualité en dehors de l’union du couple. Cette religion du livre offre la possibilité de divorce (sous certaines conditions[7]). L'homme musulman a le devoir de protéger son épouse et de lui laisser libre choix de ses activités. La femme a le droit de travailler ou de divorcer sans le consentement de son époux.[8]. La femme est perçue comme impure en période de menstruation et pour soulager ce phénomène biologique elle est interdite de prière[9]. L'islam permet l'avortement dans certaines situations précises, quand par exemple la conservation du fœtus met la vie de la mère en danger[10]. La polygamie est permise par le Coran. Étant donné que le Coran interdit l'adultère et que beaucoup d'hommes ont des relations sexuelles en dehors du mariage, pour éviter les enfants illégitimes l'Islam autorise la polygamie sous certaines conditions : l'homme ne devra privilégier aucune de ses femmes, il devra donner de l'argent de manière égale, il ne pourra avoir que quatre épouses au plus et sous le consentement de sa première épouse, etc.
  • Le judaïsme assigne des rôles traditionnels précis aux hommes et aux femmes, en particulier chez les juifs orthodoxes : les femmes n’ont généralement pas accès au rabbinat et sont perçues comme « impures » pendant leur période menstruelle. Les relations sexuelles hors mariage sont prohibées et les couples doivent se soumettre aux règles de la niddah (« lois de la pureté familiale »). Le divorce et la répudiation sont permis mais découragés. L’avortement est autorisé dans les cas suivants: le fœtus met en danger la vie de la mère, le fœtus serait mal formé, la mère est incapable mentalement d'assumer la grossesse[11]. La contraception est interdite. La polygamie, traditionnellement permise, est interdite depuis le XIe siècle[12].
Icône de détail Articles détaillés : La femme dans le judaïsme et Nidda.
  • Le protestantisme prône le sacerdoce universel et donc celui des femmes. Néanmoins la liberté ou les interdits concernant les femmes décrétés par la religion varient très fortement selon les courants protestants, du plus libéral jusqu'aux plus orthodoxes.
  • Dans le bouddhisme, les femmes ont joué un rôle très important et le Bouddha Sakyamuni leur a donné la pleine ordination.[13] Cependant, au fil du temps, le nombre de nonnes s'est moins développé que celui des moines dans les pays bouddhistes. Ainsi, au Tibet, elles n'étaient que 27 000 avant l'invasion chinoise de 1959[14] alors qu'il y avait environ 592 000 moines[15]. Autour d'une association internationale de femmes, Carola Roloff s'implique dans un développement des femmes dans le bouddhisme[16],[17].

Par contre les femmes laïques ont joué un grand rôle au Tibet par le fait que Padmasambhava - le fondateur du bouddhisme tantrique au Tibet - et son équipe ont fondé la communauté rouge, donc monastique composées de moines et de nonnes, et la communauté blanches formée de laïcs tant hommes et femmes. Les femmes et les hommes de cette communautés blanche pouvaient se marier, et devenir lamas. Parmi les nombreuses femmes dont s'honorent le bouddhisme tibétain, citons Yeshe Tsogyal, Jomo Manmo, Nigouma, Matchik Labrön et Ashi Khandro. Il y a eu aussi des lignées familiales de maîtres à disciple , voire de mère à fille. Les maîtres femmes ont surtout existé au sein de l'école nyingma, et moins dans les écoles sakya et géloug.

Soulignant un aspect féministe dans le Bouddhisme, le 14e Dalaï Lama a déclaré :

« Il y a un vrai mouvement féministe dans le bouddhisme qui est relié à la déité Tārā. Suivant son culte de la bodhicitta, la motivation du bodhisattva, elle a observé la situation des êtres s'efforçant d'atteindre le plein éveil et elle remarqua que peu de personnes atteignaient l'état de Bouddha en tant que femme. Aussi, Tārā s'est fait une promesse (elle s'est dit à elle-même) : « J'ai développé la bodhicitta en tant que femme. Pour toutes mes vies le long du chemin, je jure de renaitre en tant que femme, et dans ma dernière vie, quand j'atteindrai l'état de Bouddha, là aussi, je serai une femme. » »

Icône de détail Articles détaillés : La femme dans le bouddhisme et Bhikkhuni.

La révolution française et le droit des femmes [modifier]

Le terme « féminisme », longtemps attribué à tort à Fourier, ne date en réalité que de 1874. Mais c'est au cours de la révolution française que naît le mouvement de revendication sociale et politique qu'il désigne, de nombreuses femmes prenant alors part aux actions et aux débats révolutionnaires, et des hommes et des femmes réclamant l’égalité entre les sexes du statut politique et social.

Olympe de Gouges, féministe du 18e siècle

Malgré les contributions féminines à la rédaction des cahiers de doléances et le rôle que jouent les femmes du peuple parisien - notamment lors des manifestations d’octobre 1789 pour demander du pain et des armes -, les femmes ne se voient pas attribuer de droit particulier dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; et si le nouveau régime leur reconnaît une personnalité civile, elles n'auront pas le droit de vote à cette époque.

Elles n'en continuent pas moins à investir l'espace public, organisées en clubs mixtes ou féminins et en sociétés d’entraide et de bienfaisance, et participent avec passion -à l'instar des hommes- à toutes les luttes politiques de l'époque. Parmi les personnalités féminines notoires des débuts de la Révolution, il faut retenir Olympe de Gouges qui publie en 1791 la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne et Théroigne de Méricourt qui appela le peuple à prendre les armes et participant à la prise de la Bastille, ce dont elle sera récompensée par le don d'une épée par l'Assemblée nationale. C’est par des femmes comme Claire Lacombe, Louison Chabry ou Renée Audou que fut organisée la marche sur Versailles qui finit par ramener Louis XVI dans la capitale.

Toutes deux proches des Girondins, elles connurent une fin tragique : Théroigne de Méricourt devenant folle après avoir été fouettée nue par des partisanes de leurs adversaires et Olympe de Gouges, guillotinée. On peut remarquer que si les femmes ont été privées du droit de vote, cela ne les a pas préservé des châtiments réservés aux hommes et nombreuses connurent la prison ou l'échafaud suite à leurs actions publiques ou politiques.

À partir de 1792, l'entrée en guerre de la France conduit certaines à se battre aux frontières tandis qu'en 1793 se développe à Paris un militantisme féminin, porté par des femmes du peuple parisien proches des sans-culottes. Les deux cents femmes du Club des citoyennes républicaines révolutionnaires créé le 10 mai 1793 par Claire Lacombe et Pauline Léon, les « tricoteuses », occupent les tribunes publiques de la Constituante et apostrophent les députés, entendant représenter le peuple souverain. Leurs appels véhéments à la Terreur et à l'égalité, leur participation à la chute des Girondins et les autres manifestations spectaculaires des « enragées » allaient leur valoir une image de furies sanguinaires qui nourrirait longtemps les répulsions du pouvoir masculin. Claire Lacombe propose d’armer les femmes.

Cependant, plus que les excès d'une violence largement partagée à l'époque, ce sont d'abord les réticences des hommes au pouvoir qui excluent ces femmes de la sphère politique. La plupart des députés partagent les conceptions exposées dans l’Émile de Rousseau d'un idéal féminin restreint au rôle de mères et d'épouses, rares étant ceux qui, comme Condorcet, revendiquent le droit de vote des femmes en vertu des droits naturels inhérents au genre humain qui à la même époque inspirent la lutte contre le despotisme et l’esclavage.

En novembre 1793, toute association politique féminine est interdite, mais les femmes vont cependant continuer à jouer un rôle jusqu'à l’insurrection du printemps 95, dont le mot d’ordre est « du pain et la Constitution de 93 », avant que la répression généralisée qui marque la fin de la Révolution ne mette un terme provisoire à cette première prise de parole politique, pour les femmes comme pour les hommes.

Échos en Grande-Bretagne [modifier]

En 1792, une femme de lettre britannique, Mary Wollstonecraft fait paraître « Vindication of the Rights of Woman », un ouvrage traduit en français la même année sous le titre de « Défense du droit des femmes ». L'auteur, qui participe aux débats passionnés suscités outre-Manche par la Révolution en France, n'hésite pas à y rapprocher le mariage de la prostitution. Elle oppose et rapproche l'exploitation dont sont victimes les femmes les plus pauvres, contraintes au travail salarié ou à la rémunération de leurs services sexuels, au sort des jeunes femmes de la petite et moyenne bourgeoisie privées de toutes perspectives professionnelles par les préjugés et le défaut d'éducation, et réduites à faire un beau parti.

Mary Wollstonecraft sera vite oubliée en France, avant d'être redécouverte par Flora Tristan en 1840.

Le XIXe siècle [modifier]

En France, un féminisme militant va se développer à nouveau dans les milieux socialistes de la génération romantique, en particulier chez les saint-simoniens de la capitale. Certaines femmes y adoptent des modes de vie libres, souvent au scandale de l'opinion publique; elles réclament l'égalité des droits et participent à l'abondante littérature de l'époque, comme Claire Démar qui publie en 1833 son Appel au peuple sur l'affranchissement de la femme. Louise Dauriat intervient en 1837 auprès des députés en argumentant: "on n'est pas citoyenne pour être l'épouse d'un citoyen(...) On n'est telle que quand on exerce des droits civils, politiques et religieux."[18]

Sur le plan politique, la constitution de la Monarchie de Juillet privant de ses droits la majorité de la population, leur combat rejoint celui des premiers défenseurs des ouvriers et des prolétaires, mais elles se mobilisent aussi contre le statut civil de la femme, soumise en matière juridique et financière à son mari — « La femme doit obéissance à son mari » affirme le Code civil — et pour le rétablissement du divorce interdit par la Restauration (1816). La Révolution de 1848 est un moment fort qui permet au féminisme de s'exprimer publiquement à travers des associations actives; après l'échec de la révolution sociale, leur participation à ces événements et leurs prises de position vaudront à certaines militantes féministes de partager le sort des proscrits.

Le Second empire permet des avancées dans le domaine de l'éducation des femmes. comme l'obtention du baccalauréat par Julie-Victoire Daubié, l'inscription en faculté de médecine de Madeleine Brès, la création d'écoles professionnelles par Elisa Lemonnier, la prise en charge des enfants en salle d'asile par du personnel formé...

En Grande-Bretagne, l'économiste John Stuart Mill publie en 1869 un essai important intitulé De l'assujettissement des femmes, sans doute avec l'aide de son épouse Harriet Taylor, elle-même philosophe et militante des droits des femmes.

Suffrage parade, New York City, 6 mai 1912

Premières organisations et suffragettes [modifier]

Dans les années 1820, les premières organisations féministes ont vu le jour aux États-Unis : La Female Anti-slavery Society dénonçait l'esclavage et plusieurs autres ont contribuées à son abolition ; l'American Female Moral Reform Society voulait lutter contre la prostitution et l'alcoolisme. Il faut aussi considérer l'histoire et le mouvement des femmes noires, qui ont apporté de nouvelles réflexions au féminisme.(cf. Angela Davis, Races, classes, sexes)

Une cinquantaine d'années plus tard, d'autres mouvements dits des Suffragettes (1865) apparaissent, tout d'abord en Grande-Bretagne puis aux États-Unis. Ces féministes revendiquèrent l'égalité des droits civiques. En 1869, l'État du Wyoming autorise le suffrage féminin, suivi en 1911 de la Californie. En 1920, le 19e amendement est ratifié au niveau fédéral : toutes les Américaines blanches obtiennent le droit de vote (deux ans après les Anglaises).

Le XXe siècle [modifier]

La première manifestation internationale des femmes a lieu le 8 mars 1911, suite à une proposition de Clara Zetkin. La revendication principale est le droit de vote. Le premier livre historique féministe est écrit par Mathilde Laigle : Le livre des trois vertus de Christine de Pisan et son milieu historique et littéraire, 1912. Auparavant, la première grande manifestation des femmes avait été celle pour la paix organisée en marge de la Première conférence de La Haye de 1899 par Margarete Lenore Selenka.

À partir des années 1960, aux États-Unis, l'égalité des droits progresse. En 1963, la loi sur l'égalité des salaires (Equal Pay Act) est votée. Le 2 juillet 1964, la loi sur les droits civiques (Civil Rights Act) abolit théoriquement toute forme de discrimination aux États-Unis. Mais c'est à partir des années 1970, avec la contestation sociale née dans l'université de Berkeley en Californie, que les revendications féministes se structurent en véritables mouvements, tels que le Women's Libet le MLF en France, puis prennent de l'expansion.

Les dernières décennies [modifier]

Désormais les femmes votent dans le monde occidental dont la plupart des parlements ont voté des lois sur le divorce. La légalisation de la contraception et de l'avortement n'est pas effective pour l'ensemble de l'Occident, les situations sont très variables d'un pays, voire d'une région à une autre. L'Eglise catholique, notamment le courant des catholiques intégristes, et le courant fondamentaliste des protestants évangélistes remettent constamment en cause ces droits, lorsqu'ils ne les rendent pas impossible (Italie, Irlande, Pologne..).

Au regard des études qui ont été faites et publiées lors de la Conférence de Pékin[19], promue par l'ONU en 1995 dans le but de faire le bilan de la condition féminine dans le monde, on a déclaré que ce n'était pas le cas dans de nombreux pays; en occident, la question reste controversée.

On se souviendra en France de la grève des mères, durant laquelle les hommes en soutien des féministes ont gardé les enfants quand les femmes sont parties manifester. Depuis 2003, le mouvement français Ni putes ni soumises a repris le flambeau du MLF. Médiatisées, ces filles, surtout originaires de banlieues, ont fait plus largement connaître des problèmes comme les mariages forcés, les viols, l'excision. L'association de Fadela Amara s'est considérablement développée, comptant une soixantaine de comités et plus de 10 000 bénévoles, mais a subi de nombreux départs suite à l'entrée de Fadela Amara dans le gouvernement Sarkozy[20].

Les courants de la pensée féministe [modifier]

Icône de détail Article détaillé : Philosophie féministe.

Historiquement, ils relèvent de différents courants de pensée. Trois peuvent se distinguer, ayant connu chacun une évolution propre :

Le féminisme aujourd'hui [modifier]
Banderole « Les filles affranchies »

Contrairement aux commentaires extérieurs aux associations féministes, le féminisme est un mouvement cohérent et qui poursuit les mêmes buts.

Le féminisme analyse la condition féminine dans l'Histoire et dans le monde contemporain en suivant la réflexion initiée par Simone de Beauvoir, l'une des premières féministes qui revendiqua en France l'égalité des droits entre hommes et femmes. Dans Le Deuxième Sexe, elle affirme : « On ne naît pas femme, on le devient » ; c'est la construction des individualités qui impose des rôles différents, selon le genre, aux personnes des deux sexes.

Le féminisme affirme exister depuis toujours afin de lutter contre l'usurpation masculine de l'universalité[réf. nécessaire]. Selon cette définition, l'identité humaine n'est pas composée de deux identités, féminine et masculine, mais bien d'un humain unique qui se différencie en homme ou en femme.

Le féminisme international contemporain reste influencé par les réflexions psychanalytiques de Luce Irigaray et Julia Kristeva.

Les analyses plus pragmatiques du féminisme américain, réputé soi-disant plus radical, naissent de la distinction entre le sexe et le genre, rien de nouveau en fait, puisque le féminisme s'oppose aux théories « essentialistes » depuis toujours (cf. la citation célèbre de Simone de Beauvoir : « On ne naît pas femme, on le devient » ; la distinction entre « genre biologique » et « genre culturel » n'est pas spécifique aux féministes nord-américaines). Elles posent que l'être humain est universel donc que l'identité sociale du genre féminin ou masculin est la résultante historique de l'oppression d'un sexe sur l'autre[réf. nécessaire].

Selon un autre courant de la pensée féministe, l'approche du problème est essentiellement de nature socio-économique et tient à la répartition des rôles entre les sexes. Selon cette théorie, le désavantage des femmes dans les sociétés tiendrait à ce que sont les hommes qui, historiquement, devaient pourvoir à la nourriture, postulat bien faible car si les hommes chassaient ce sont les femmes qui assuraient cueillettes et cultures en plus des soins du foyers et de l'éducation des enfants. Les femmes, occupées à la reproduction, au maternage et aux travaux domestiques qui entourent ces fonctions, ne se seraient jamais vues reconnaître l'importance, jugée marginale par les hommes, lointain héritage des sociétés de chasseurs de la préhistoire, de ces fonctions et de ce « travail invisible ». Lorsqu'elles entrent massivement sur le marché du travail, au XXe siècle, sans avoir plus le pouvoir d'en négocier équitablement les règles qu'en avaient eu les ouvriers avant elles, elles se trouvent contraintes à subir ce que leur impose un patriarcat , d'où la nécessité de repenser radicalement les fondements de la vie sociale commune aux hommes et aux femmes. La place défavorable des femmes au travers des différents pays et des siècles ne provient que de la volonté des hommes de conserver pour leur comptes les richesses. Le sexisme est le « isme » qui a fait et fait le plus de morts, (mot au masculin pour souligner l'humanité des mortes). Il manque cent millions de femmes en Asie, mortes avant leur naissance ou dans les premiers jours de leur vie. C'est le trait de société le plus universel loin devant l'interdit de l'inceste. Il est beaucoup plus meurtrier que le racisme car complètement intégré dans l'inconscient lorsque ce n'est pas dans les lois.[réf. nécessaire]

Liste de féministes reconnues [modifier]

Quelques slogans féministes [modifier]

  • Un Homme sur deux est une femme : une moitié de la population a tendance à être oubliée, le masculin est considéré comme l'universel.
  • Notre corps nous appartient : ré-appropriation de son corps et notamment de sa fertilité à travers les différents moyens de contraception et le droit à l'IVG. Selon Paola Tabet dans La grande arnaque, échange économico-sexuel et sexualité des femmes, cette ré-appropriation est le chemin inverse nécessaire de l'appropriation patriarcale des femmes par les hommes, appropriation qui passait aussi par une exploitation de la sexualité et de la reproduction.
    • Un enfant si je veux, quand je veux !: même but
  • N’attends pas le prince charmant, apprends à lire et deviens qui tu es: importance de l'éducation et de l'indépendance des femmes.
  • Une femme sans homme, c'est comme un poisson sans bicyclette: remise en cause des théories essentialistes sur la complémentarité des sexes
  • Ne me libère pas, je m'en charge ! : importance de l'indépendance des femmes et dénonciation des intérêts antagonistes de classe qui motivent le paternalisme des militants hommes (cf. Christine Delphy Nos amis et nous).
  • Travailleurs de tous les pays, qui lave vos chaussettes ? : les femmes continuent à exercer la plus grande partie des tâches ménagères au sein du foyer, bien que leur taux d'activité ait augmenté significativement depuis ces dernières décennies : la « double journée de travail » ne date pas des années 60 comme on le pense mais est l'économie même du patriarcat puisque les femmes ont toujours travaillé comme main d'œuvre et serf dans les propriétés des hommes (dans l'artisanat, l'agriculture, les professions libérales et indépendantes…) et en plus travaillaient comme bonne domestique au foyer.[réf. nécessaire]
  • Le privé est politique : ce que l'on pense relever du domaine privé est en réalité influencé par notre culture et notre système politique (au sens large) : sexualité, travail domestique... tout est organisé par la hiérarchie politique entre les sexes.
  • Il y a plus inconnu que le soldat inconnu : sa femme ![21] : référence à l'histoire, qui est avant tout une histoire confisquée par les hommes faite par et pour la reproduction du patriarcat, c'est à dire la négation de la productivité sociale et économique des femmes (elles semblent commencer à travailler au milieu du XXe siècle après 5000 ans d'oisiveté et de parasitisme ?!) et la promotion de la productivité masculine (confiscation de l'ouvrage du monde et des civilisations par les hommes).[réf. nécessaire]
  • Je suis une femme, pourquoi pas vous ? : souligne l'impossibilité d'identification propre au mode de pensée sexiste, qui amène encore aujourd'hui les gens à ne pas voir un génocide dans la "disparition" des femmes asiatiques mais un déséquilibre du sex ratio, et à ne pas voir un acte d'humiliation et d'agression pure dans un viol mais de la sexualité forcée.[réf. nécessaire]
  • Non, non, non une femme n'est pas un homme sans queue ni tête !

Ressources [modifier]

Notes [modifier]
  1. Les idées de libération de la femme prennent leurs racines dans le siècle des Lumières (voir notamment Olympe de Gouges, Mary Wollstonecraft), mais le terme de féminisme n'apparait qu'au XIXe siècle
  2. Voir notamment Olympe de Gouges, le mouvement des suffragettes, etc.
  3. Une « vieille histoire » ? [archive]
  4. [1] [archive], [2] [archive]
  5. ab Historique du droit du travail [3] [archive]
  6. L’Église catholique romaine ne reconnaît ni le divorce, ni la répudiation, sauf en cas d'adultère, conformément aux textes néo-testamentaires (Mt 19. 9 [archive]; Mc 10. 2-12 [archive]; Lc 16. 18 [archive]). Le remariage n'est possible qu'après le décès du conjoint.
  7. Le divorce en islam, Coran S.65:1-7 ou S.2:226/30
  8. Sourate 4 verset 34
  9. Voir [4] [archive] à propos de l'interdiction de prière de la femme menstruée et [5] [archive] pour les situation d'exception.
  10. L'avortement dans l'islam [archive]
  11. [6] [archive]
  12. [7] [archive]
  13. Appel de Carola Roloff [archive]
  14. Combats des Nonnes Tibétaines, Havnevik Hanna, 1995, Ed Dharma, ISBN 2864870258
  15. Le Tibet est-il chinois ? Anne-Marie Blondeau et Katia Buffetrille, Albin Michel, 2002, ISBN 2226134263
  16. Carola Roloff [archive]
  17. The International Association of Buddhist Women [archive]
  18. Michèles Riot-Sarcey, "la citoyenneté chez Julie Daubié",bulletin du centre Pierre Léon d'histoire économique et sociale
  19. Cette Conférence internationale fut une sorte de réunion des « états généraux féminins ».
  20. Rue89 [archive]
  21. Slogan utilisé par le Mouvement de Libération des Femmes (MLF), notamment lors de la manifestation qui eut lieu le 26 août 1970, à Paris

Voir aussi [modifier]

Types de féminisme [modifier]

Organisations et actions féministes [modifier]

 

Place et image des femmes dans la société [modifier]

Place et image des hommes [modifier]

Bibliographie [modifier]
  • Antoinette Fouque :
    • Il y a deux sexes, Gallimard, collection le Débat 1995, 2004 pour une version augmentée
    • Gravidanza-féminologie II, Éditions des femmes, 2007 - ISBN 2-7210-0565-0
  • Alexandra David-Néel, le Féminisme rationnel (discours prononcé devant le Congrès des femmes italiennes de 1906, et des textes extr. de la Fronde, 1902-1903). Société Nouvelle, Bruxelles, 1909. Réédition en 2000, en fac-simile, sous le même titre, suivi de l'essai Les femmes, ces immigrées de l'intérieur, de Catherine Lafon. Les Nuits rouges, collection « les Nuits rouges », Paris, 2000. 119 p. ISBN 2-913112-07-2
  • Maïté Albistur et Daniel Armogathe, Histoire du féminisme français. Éditions des Femmes, collection « Pour chacune », Paris, 2 volumes :
  • Christine Bard, Les Filles de Marianne, Histoire des féminismes, 1914-1940, Paris, Fayard, 1995.
  • Judith Butler, Trouble dans le genre. Pour un féminisme de la subversion, La Découverte, Paris, 2005.
  • Sylvie Chaperon, Les Années Beauvoir, 1945-1970, Paris, Fayard, 2000.
  • Christine Delphy, L’Ennemi principal 1, Économie politique du patriarcat, Paris, Syllepse, 1998 (Nouvelles Questions féministes)
  • Roland Pfefferkorn, Inégalités et rapports sociaux. Rapports de classes, rapports de sexes, Paris, La Dispute, 2007.
  • Luce Irigaray, Spéculum, de l’autre femme, Paris, Minuit, 1974.
  • Françoise Picq, Libération des femmes, les années-Mouvement, Paris, Seuil, 1993.
  • Dictionnaire critique du féminisme (coordonné par Helena Hirata, Françoise Laborie, Hélène Le Doaré et Danièle Senotier). Presses Universitaires de France, collection « Politique d'aujourd'hui », Paris, 2000. XXX + 299 p. ISBN 2-13-050009-9. Édition revue, corrigée et augmentée (2004), chez le même éditeur, même collection : XXX + 315 p. ISBN 2-13-052417-6.
  • Éliane Gubin, Catherine Jacques, Florence Rochefort, Brigitte Studer, Françoise Thébaud, Michèle Zancarini-Fournel (dir.), Le siècle des féminismes, Éditions de l'atelier, Paris, 2004 ISBN 2-7082-3729-2
  • Guillaume Carnino, Pour en finir avec le sexisme, Éditions l'échappée, 2005
  • Christelle Taraud, Les Féminismes en questions - Élements pour une cartographie, entretiens avec Christine Bard, Marie-Hélène Bourcier, Christine Delphy, Eric Fassin, Françoise Gaspard, Nacira Guénif-Souilamas et Marcela Iacub, Paris, Éditions Amsterdam, 2005.
  • Jean Gabard, Le féminisme et ses dérives - Du mâle dominant au père contesté, Les Éditions de Paris, 2006
  • Paul-Edmond Lalancette, La nécessaire compréhension entre les sexes, Québec, 2008, ISBN 978-2-9810478-0-9.
  • Lorena Parini, Le système de genre. Introduction aux concepts et théories, Editions Seismo, Zürich, 2006.
  • Françoise Le Jeune (coord.), Paroles de femmes, histoires de femmes, CRINI, Nantes, 2003, 226 pages, ISBN 2-86939-182-X
  • Françoise Le Jeune (coord.), Paroles de femmes dans la guerre (1914-1918), CRINI, Nantes, 2005, 217 pages, ISBN 2-9521752-2-5

Liens externes [modifier]

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18 mai 2009 1 18 /05 /mai /2009 09:54
Franc-Maçonnerie Blog Maçonnique
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17 mai 2009 7 17 /05 /mai /2009 11:41
Racisme, les idées qui tuent
Le Monde - Paris,France
... engagé volontaire dans la Waffen SS, que Maurice Olender a interviewé pour "Le Monde des livres" en 1996, mais aussi Martin Heidegger ou Gunther Grass. ...
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16 mai 2009 6 16 /05 /mai /2009 16:56
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16 mai 2009 6 16 /05 /mai /2009 16:11


Accueil : Les grands Entretiens d’Actu-Philosophia

 
Entretien avec Clément Rosset : autour de L’école du réel

samedi 9 mai 2009


Parmi les nombreux paradoxes qu’affectionne Clément Rosset, l’un de ceux qui donnent le plus à penser est certainement celui-ci : seule la joie nous permet de supporter et de connaître l’étendue de notre malheur. L’homme du malheur ne peut supporter le réel dans son entier. Il doit donc en partie se le cacher. La joie, cette force majeure, quasi-mystique, nous garantit seule que nous puissions approuver l’existence. C’est cette approbation que la philosophie peut exprimer, tout en traquant les innombrables formes de refus de la réalité. « Réjouissez-vous, tout va mal ! » La philosophie du réel de Clément Rosset l’amène à être précis, au sens de cette précision dont Bergson accusait les philosophes de manquer. Ecrivant dans un langage clair, il décrit des phénomènes singuliers, pour en montrer l’aspect irrégulier, à la fois cocasse et cruel. Notre auteur a aussi ce goût de ne pas épargner ses sarcasmes à ceux qui se détournent du réel pour fantasmer son double. Il est rare qu’il résiste à une pique blessante, ou à une vraie vacherie, autre moyen pour atteindre au réel tout cru, en le mettant à nu. L’école du réel [1] réunit des textes écrits sur trente ans. Nous sommes partis de ce recueil pour revenir sur quelques-uns des thèmes fondamentaux de l’auteur.

Je tiens à remercier Clément Rosset pour la disponibilité et la générosité dont il a fait preuve pour cet entretien.

Propos recueillis par Nicolas Rousseau

L’école du réel

Actu-Philosophia : L’expression « l’école du réel » résume très bien votre philosophie. Que serait cette école du réel ? Qu’est-ce que l’on y apprend ? Quelle est sa spécificité ?

Clément Rosset : Ce livre est un petit peu différent des autres, dans la mesure où il est une nouvelle mouture de livres écrits sur une trentaine d’années (dont j’ai pris certains textes, remaniés et retravaillés) et qui effectivement résume un des deux thèmes sur lesquels je n’ai cessé d’écrire : le rapport entre l’illusion et le double. Disons qu’au fur et à mesure des années, il m’était apparu que l’illusion, l’utopie, le refus de voir le réel en face –l’école du réel, c’est un peu l’école de l’apprentissage de l’acceptation de la réalité –, avaient la structure du double. Quand tous les moyens sont perdus pour refuser de voir la réalité, il reste toujours le fantasme du double, qui nous porte à penser que le réel pourrait être différent, qu’il y a quelque part une autre version de la réalité, qui devrait venir à la place de celle que nous avons. C’est un problème traité d’abord dans Le réel et son double, et dont l’origine est une relecture de L’Œdipe-Roi de Sophocle, de l’impression qu’on a de pouvoir échapper à son destin, en faisant en sorte que les choses se passent autrement que selon leur cours inéluctable.

L’oracle a prédit ceci et cela : on a beau faire tout ce qu’on veut, non seulement, cela se passe bien comme l’avait dit l’oracle mais en plus, cela se passe avec la collaboration active et inconsciente du sujet, qui fait exactement tout ce qu’il ne faut pas faire pour échapper à son destin –et qui y tombe en plein. Il s’estime alors avoir été floué par cette diabolique réalisation de l’oracle. Il s’imagine que les choses auraient pu se passer autrement. C’est cela que j’appelle le double, l’illusion : l’idée que les choses auraient pu se passer de manière « normale », sans cette espèce de croche-pied du destin, qui fait que c’est la victime qui se charge elle-même de réaliser son destin.

J’ai essayé de montrer que la manière dont le destin se réalise est la plus simple. Toutes les autres versions de la réalisation de l’oracle auraient été beaucoup plus compliquées. En sorte qu’en croyant s’en prendre à un tour du destin, on s’en prend à la réalité même. C’est cela que j’appelle le fantasme d’un double protecteur qui pourrait donner une autre version, moins tragique, du destin. Il y a dans tout ceci une réflexion sur le possible et le réel…

AP : Comme chez Bergson.

CR : Exactement, comme dans La pensée et le mouvant, les deux premiers chapitres – qui sont des textes que je trouve admirables.

AP : Sur l’illusion rétrospective du possible…

CR : Il y a l’illusion rétrospective du vrai, qui vient après, mais là, c’est l’imagination d’un possible là où il n’y a que du réel. Bergson, on peut en discuter, se range certainement du côté de philosophes de l’antiquité (les Mégariques…), et dont il retrouve l’inspiration, en montrant que la notion de possible est une notion vide, une pseudo-notion, qu’on ne peut jamais remplir de quelque chose de concret. De fait, vous savez qu’un des aspects les plus remarquables de Bergson, est sa chasse aux pseudo-concepts : cet effort pour montrer que sous un mot – dont on croit qu’il a une solidité et une validité à toute épreuve– se dissimule quelque chose qui n’est pas quelque chose de pensable, qui n’est rien. Il l’a fait avec le désordre, le chaos…

 

AP : Egalement avec le néant… C’est ce que Spinoza appelle le flatus vocis.

CR : Oui, vous avez tout à fait raison de l’invoquer, car cette chasse bergsonienne au pseudo-concept (qui n’est qu’un flatus vocis) Spinoza en est peut-être le premier inspirateur. Par exemple pour l’erreur : on ne peut dire d’aucune chose qu’il y ait en elle quelque manque qui puisse faire qu’on l’appelle fausse. La chasse au pseudo-concept a commencé avec Spinoza, et ensuite, celui qui a le mieux accroché au mur des concepts, comme on accroche des têtes de cerfs avec les andouillers, c’est Bergson : c’est un chasseur de primes lui aussi ! Je me suis inspiré de sa critique du possible. En réalité, je me suis rendu compte un peu trop tard que ce que je faisais, Bergson l’avait déjà fait ! Je me suis précipité dans ce filon de la dénonciation du double pendant trente ans et j’ai écrit des livres dessus. On peut illustrer ce thème si riche dans tellement de domaines différents… C’est cela que vous trouvez dans L’école du réel.

AP : Vous êtes parti à la chasse au réel, comme pour l’attraper…

CR : Oui, mais en expulsant le double. Le réel est ce qui est sans double.

AP : Vous avez dit dans Le démon de la tautologie que le réel se laisse mettre sous la formule logique « A est A » : la tautologie serait l’expression la plus parfaite du réel. Qu’est-ce que ce démon ? Serait-ce votre daimôn propre, comme pour Socrate, qui vous permettrait de découvrir les doubles, toutes les fois qu’ils se font passer pour la réalité ? Comment distinguer un discours en prise sur le réel d’un charabia ?

CR : La question du charabia est encore une autre question. Par ailleurs, non, il n’y aucun rapport avec le démon de Socrate. Du reste, pour rendre le livre plus explicite, j’avais d’abord choisi un titre moins singulier : « Le démon de l’identité », dans la mesure où des philosophes comme Bergson et Wittgenstein, et bien d’autres, se sont heurtés à ce paradoxe de l’identité. On ne peut pas la décrire, car il faudrait un second terme. Or comme l’identité est l’identité… J’avais écrit un autre livre, L’objet singulier, objet qu’on ne peut justement pas décrire. [2] Je parle à ce sujet de la saveur indescriptible du camembert. Sur les écrans d’Internet, lorsqu’on tape « Clément Rosset », on voit d’abord apparaître, paraît-il, un énorme camembert !

AP : Le principe d’identité énonce qu’une chose n’est que ce qu’elle est. Mais dans Loin de moi, vous avez repris la critique humienne de l’identité personnelle…

CR : Oui, mais ce n’était pas dans la même voie. C’était une excursion, qui avait trait à l’identité personnelle, qui est un cas particulier du problème l’identité.

Je voulais terminer mon histoire de démon, en vous disant que j’avais renoncé au titre « Le démon de l’identité », parce que je trouvais que « le démon de la tautologie », pouvait faire penser à un titre de Jules Verne, comme le « monstre de la Patagonie ». Finalement, c’est Jérôme Lindon – qui était le directeur des éditions de Minuit – qui a approuvé ce titre.

AP : Il y a deux périodes distinctes dans votre philosophie : avant et après Le réel et son double. Avant, dans Logique du pire et L’anti-nature, vous disiez qu’il n’y avait pas de nature des choses. D’où cette conséquence que la seule façon d’approuver à ce qui est, c’est par l’approbation tragique inconditionnelle…

CR : Il y a aussi le hasard. Je réponds à Mallarmé, qui s’y résigne mais vraiment à son corps défendant.

AP : « Un coup de dé jamais n’abolira le hasard ».

CR : Oui. Dans la première partie de mon œuvre, il y a beaucoup de choses. Il y a à boire et à manger. Le thème, pour moi essentiel, qui apparaît dans un tout premier livre La philosophie tragique (que j’ai écrit à 19-20 ans –ce sont mes parents qui ont dû signer les contrats !) et surtout dans La force majeure (que j’ai écrit bien après), est le thème de l’approbation de la vie. Le miracle qu’il y a à se sentir très heureux dans un monde dont on sait l’horreur. Je pense tout à fait ce que pense Cioran, à cette différence que je ne conclus pas que la vie est un enfer, mais qu’elle est un paradis. Le problème numéro 1 était, et l’a toujours été depuis, d’expliquer la jubilation, alors que toute la réflexion la condamne. Les deux parties sont comme deux volets d’un même édifice : avec l’idée d’affirmation inconditionnelle de la vie, je me suis intéressé beaucoup à ceux qui n’approuvaient pas la vie, et qui avaient toujours besoin d’une prothèse, d’un double, pour accepter la réalité dure et simple. Comment le manque de cette force majeure faisait qu’on inventait des choses extraordinaires, pour contourner l’affrontement direct avec l’horreur ? Je m’intéresse non seulement au thème de l’illusion mais aussi de la non-illusion : la lucidité.

Le refus et l’approbation

AP : Il y a deux faits mystérieux auxquels vous vous confrontez : le refus du réel et son approbation inconditionnelle. Comment se fait-il que les hommes puissent refuser le réel, alors qu’il n’y a que le réel et qu’il finit toujours par revenir –et avec usure ? Vous dites qu’on paye très cher d’avoir essayé de refuser le réel…

CR : En tous les cas, cela n’arrange rien…

AP : Et comment se fait-il que l’on puisse approuver au réel entier, alors que rien dans le réel ne semble objet d’une telle approbation ?

CR : Vous avez tout à fait raison. Ce sont pour moi les deux points obscurs, les deux points noirs comme disent les occultistes. Ce sont deux choses qu’on ne s’explique pas et comme toutes les choses qu’on ne s’explique pas, elles sont passionnantes. Comme disait Nietzsche, « ce que j’ai compris ne m’intéresse plus ». Il y a un paradoxe dans la joie. De même, il y a quelque chose d’extraordinaire dans cette capacité à dire : « Non, ce n’est pas vrai. Ce n’est pas un verre de vin. "Ceci n’est pas une pipe" ». J’en ai parlé très souvent. Les premiers mots du Réel et son double sont « la faculté d’admettre la réalité apparaît comme très fragile ». Dans un appendice au Réel. Traité de l’idiotie, je parle de miracle de la faculté anti-perceptive. C’est quelque chose qui me fascine. Bien sûr, je peux m’en expliquer l’origine psychologique. « J’en veux pas, non, j’en veux pas ! »

AP : C’est du dégoût.

CR : Oui, mais qui vient d’un refus intellectuel. « Ceci n’est pas ». Je pourrais donner tant d’exemples… Il y en a un que je ne cite jamais… Une histoire d’adolescent... J’allais en voyage à Rome avec un copain. C’était au retour, aux environs de Pise. Les autres membres du compartiment étaient une famille : un homme, sa femme, la belle-sœur. A cette époque, les trains italiens s’arrêtaient et repartaient sans prévenir. Voilà que dans le petit matin, l’homme et sa sœur descendent pour prendre un café. La femme dormait encore. Je me lève de ma couchette, je regarde le lever de soleil. Je les vois heureux, à savourer leur petit café. Et voilà brusquement que je les vois comme s’ils éloignaient… Le train repartait ! Ils couraient sur le quai : « Elle n’a rien !... ». Ils faisaient comme Michel Serrault dans La cage aux folles 2 : « Arrêtez !... ». J’avoue que j’avais une petite jouissance. Pas une jouissance sadique, une jouissance de cocasserie. L’épouse du malheureux, restée sans les papiers ni les tickets de train, dormait toujours, tournée vers la paroi. Je me disais « Pas la peine de réveiller un condamné à mort. Il sera toujours temps… ». Elle ne voulait pas se réveiller, car elle avait inconsciemment perçu qu’un sombre drame s’était joué… Plus tard, elle se réveille brusquement et je lui fais un discours apitoyé. Elle m’écoute attentivement et elle me dit « Non ! » - et elle se retourne ! Je la reverrai toujours…

De même, Katharine Hepburn à la fin de Soudain l’été dernier de Tennessee Williams, qui remonte dans son ascenseur… C’est une personne qui refuse l’homosexualité de son fils. Elle fait les pires monstruosités pour éviter d’être confrontée à cette réalité. Lorsqu’on arrive à la convaincre, elle fait appel, dans l’hospice dont elle est propriétaire, au médecin qui est à ses ordres (car stipendié par elle). Elle veut qu’il fasse une opération au cerveau de la fille qui a été témoin des ébats homosexuels de son fils. C’est une toquée totale. Quand elle est acculée à la réalité, elle remonte dans son ascenseur qui communique avec son appartement : c’est comme un monde d’illusions, protégé de tout contact avec la réalité. Pour elle, le réel a tort.

De même, la dame du train s’était tournée vers la paroi, comme Hepburn remonte dans son ascenseur : elles quittent le réel.

Contre la morale

AP : Cette approbation au réel s’oppose à la vision morale du monde, qui dit que ce qui est n’est pas ce qui devrait être.

CR : Puisque vous avez parcouru certains de mes livres, vous savez qu’il y a peu de choses qui me fassent monter la moutarde au nez autant que la morale. Je crois avoir en Spinoza ou en Nietzsche un appui. La tendance à établir un absolu dans ce qui est bien ou mal (qui est tout de même le péché mignon des systèmes de moral, qu’ils soient platoniciens, kantiens…) est amenée à faire bien souvent bon marché de la réalité –à tel point que Platon l’avait carrément évacuée (le sensible est trompeur, la raison se trouve dans le monde intelligible). L’intention morale est particulièrement exposée à donner dans le panneau du double. Elle en a besoin. C’est très évident, chez Sartre par exemple, qui a inventé toutes sortes de systèmes invraisemblables pour garantir le libre-arbitre, car il en a besoin pour sa morale. Si on a ce virus, si on ne peut vivre que s’il y a de la moralité, un bien, un mal, des gens bien et des « salauds », inévitablement, on butera contre la réalité. On aura recours au double. (Je reviens du Mexique [3]). J’en rapporte un petit livre qui paraîtra prochainement, où je reprends l’analyse de Sartre du garçon de café dans l’Etre et le néant).

C’était mon obsession quand j’avais 19-20 ans, dans mon premier livre : entre la réalité tragique et la morale, il faut choisir. C’est absolument incompatible. C’est d’ailleurs pourquoi mes écrits ont pu paraître très choquants, car j’ai traité de manière désinvolte de prétendus très grands auteurs.

AP : En vous lisant, je me suis posé une question sur la morale : comment pourrait-on se passer de morale pour vivre ? Ou d’un minimum de préceptes moraux ? Ne faut-il pas déjà être quelqu’un d’assez honnête, dans le fond, pour pouvoir se passer de morale ? A l’inverse, il y a beaucoup de salauds qui font la morale aux autres… Comme le dit Pascal, « la vraie morale se moque de la morale ».

CR : Le seul fait de vouloir faire la morale est mauvais signe. Quelqu’un qui est obligé de consulter ses préceptes pour savoir s’il doit tuer ou pas, est quelqu’un de douteux. Je développe ce thème dans l’appendice au Démon de la tautologie, les « cinq petites pièces morales » (j’avais choisi un titre à la Erik Satie, comme les « trois petites pièces montées »). Je pense que les gens qui sont bons n’ont pas besoin de morale. Ce n’est déjà pas un bon signe moralement que d’avoir besoin de morale.

AP : Vous vous opposez à la morale mais surtout aux gens qui font la morale : les importuns et aussi les tyrans, des gens assez dangereux…

CR : L’antinomie entre le tragique, auquel j’associe l’adhésion à la vie, et la morale reçoit une illustration qui me paraît très évidente : c’est le cas de Rousseau. Déjà au lycée, j’avais été choqué par ses critiques de Molière et de La Fontaine. « Monsieur Rousseau de Genève », comme dit Gobineau… Gobineau qui a écrit un livre raciste, mais qui a écrit aussi un recueil, les Nouvelles asiatiques, qui sont des chefs d’œuvre de drôlerie, de finesse.

AP : Je ne connaissais que le Gobineau raciste…

CR : Celui-là est moins intéressant… Il a tout de même une particularité que les gens ne savent pas toujours (car qui irait lire aujourd’hui l’Essai sur l’inégalité des races ?). Il y a une chose étonnante : c’est que son racisme n’est pas celui que nous connaissons depuis la fin du 19e siècle. Gobineau dit que le Blanc est infiniment supérieur, mais il est complètement en décadence et il sera anéanti par les autres races. Cela, je veux bien que ce soit raciste, mais ce qui l’est beaucoup moins, c’est qu’il n’y a aucun programme de résistance. C’est comme ça, c’est l’évolution !... Ce n’est pas du tout Le Pen ! Pas besoin de renvoyer des gens à la frontière.

AP : Cela fait un peu penser à Céline. Il y a un délire racial, dans Rigodon (qui n’est même pas son pire délire), quand il dit qu’il est pressé que les Chinois nous envahissent et arrivent jusqu’à Brest, car le Blanc n’est qu’un fond de teint qui sera mélangé aux autres couleurs… Ce n’est pas ce que je préfère chez lui…

CR : Avec Céline, on se perd en conjectures. On ne comprend pas ce qui lui est arrivé. Car dans ses premiers livres, non seulement il n’est pas raciste, mais il met en boîte le racisme. Dans un de ses plus beaux livres, Mort à crédit, il y a cette terrible figure du père…

AP : Oui, qui est antisémite.

CR : …qui est antisémite et qui est complètement critiqué par le héros, Ferdinand. Pour le racisme de Céline, on croirait les séquelles d’un coup pris à la guerre, comme la blessure d’Apollinaire… Pour en revenir à Rousseau, ce qui me mettait en rage, c’est que je ne comprenais pas qu’on ne remarquât point cette folie, à propos de ce qu’il disait de Molière, Racine, La Fontaine… Rousseau avait cette manie de réfuter tout ce qui est tragique chez eux. Or, La Fontaine est le plus cruel des auteurs. Rousseau donne mille raisons absurdes pour lesquelles le jeune Emile ne touchera pas à cette littérature empoisonnée. Autrement dit, dès qu’il est question de la réalité tragique, Rousseau la récuse en disant qu’elle est immorale. La philosophie tragique était consacrée, dans sa deuxième partie, à prendre de revers cette position absurde. La réalité est déboutée au nom de la morale. Le tsunami qui a tué des milliers de gens est très immoral…

Philosophie et création

AP : Dans vos livres, vous parlez au moins autant des écrivains que des philosophes…

CR : Cela tient un peu à mon éducation. J’ai fait Normale Sup’ lettres et il y avait de la philo mais il y avait énormément de grec, de latin et surtout de français. Ma culture était originellement littéraire.

AP : Ensuite, vous avez fait le choix de continuer à lire les grands écrivains et à en parler dans vos livres.

CR : Et pas seulement la littérature, mais aussi la bande dessinée, le cinéma… Je fais mon miel de toutes origines. Il n’y a pas d’origine noble ou non noble.

AP : Est-ce qu’on peut dire que les écrivains et les philosophes traitent des mêmes questions – littérature et philosophie étant deux façons différentes de les aborder ?

CR : Tout à fait. Ce sont deux modes d’approches différents. J’irai jusqu’à dire : deux modes littéraires différents. Les problèmes qui hantent les grands écrivains sont des problèmes qui hantent aussi les philosophes.

Je comprends très bien que Spinoza écrive en une langue abstraite qu’il ne connaissait pas, qu’il a apprise exprès pour écrire son œuvre, langue qui n’avait pas de connotation psychologique. Mais qu’un écrit philosophique doive forcément se passer de toute référence musicale, littéraire, anecdotique, il me semble que c’est une mutilation inutile. Il me semble qu’on peut très bien faire comprendre des choses un peu subtiles avec l’aide non seulement du raisonnement mais aussi l’aide d’exemples pris dans des domaines très différents de la philosophie. Je ne reproche pas, évidemment, à Bergson, Nietzsche ou Spinoza de ne pas raconter d’anecdotes… En revanche, combien de livres rendus illisibles par le fait que pendant deux mille pages, on ne sort pas de références purement universitaires et où les nombreuses citations ne ressemblent qu’à « annales de l’université de Pittsburg » etc. ! On est dans une atmosphère raréfiée. Il faut ouvrir la fenêtre de temps en temps… Ce n’est pas le cas avec Spinoza ou Leibniz : je comprends très bien qu’on ne soit philosophe en n’utilisant qu’une seule palette. Je crois aussi qu’on peut voir les choses un peu différemment. J’ai l’impression que mon cas est un peu particulier… C’est vrai que quand je suis arrivé à l’agreg’ de philo à Normale Sup’, Althusser m’a dit : « Mais tu ne sais rien ! Rien !... » Il avait raison. Si, je connaissais Pascal, Schopenhauer et Nietzsche. C’était déjà pas mal…

AP : Vous avez d’ailleurs dit, dans En ce temps-là, qu’Althusser lui-même ne lisait en fait pas Marx, mais Descartes et Malebranche.

CR : Althusser se faisait volontiers passer pour ce qu’il n’était pas du tout… Le seul philosophe de l’histoire de la philosophie qui ait tué sa femme… Même dans Diogène Laërce, on ne trouverait pas un tel philosophe, alors qu’il y en a des bizarres (Héraclite s’est fait ensevelir dans de la merde séchée, Empédocle s’est jeté dans l’Etna…)

AP : Dans Le choix des mots, vous faites un lien entre l’écriture et la pensée : contre Rousseau, vous dites que l’écriture n’est pas un « dangereux supplément ». Bien écrire, c’est bien penser, et réciproquement. Vous parlez de ces mauvaises copies de philosophies que vous avez corrigées, sur lesquelles vous aviez juste envie d’écrire, reprenant un titre de Beckett, « mal vu, mal dit ». C’est mal dit parce que c’est mal vu, c’est mal dit donc c’est mal vu. Vous dites aussi – autre point commun entre philosophie et littérature – que lorsqu’on écrit une œuvre, on peut avoir ce sentiment fugace d’être comme le maître du monde, de comprendre d’un coup toute la réalité.

CR : C’est vrai de toute œuvre. L’architecte, ou le cinéaste au moment du montage, peuvent sentir cela. Je considère la philosophie comme une création parmi les autres. Elle n’est pas tellement pour moi recherche de la vérité, c’est aussi la création d’une œuvre, avec ses tics, avec ses bonheurs, ses essais… Quand j’écris (mais j’espère que cela ne m’arrivera plus trop, car c’est très fatigant…), j’ai l’impression d’être dans un atelier de peintre ou d’être un compositeur, un dramaturge… J’essaie de trouver le mot juste. C’est pourquoi je pense qu’il y a identité entre le mal vu et le mal dit. Qu’est-ce que vous voulez qu’un étudiant puisse penser, s’il ne sait pas le français ?

AP : A propos de la création, est-ce que vous seriez d’accord avec Deleuze, pour qui la philosophie est l’activité consistant à créer des concepts ?

CR : Je ne vois pas qu’on puisse faire de la philosophie sans proposer des thèses un peu nouvelles sur de vieux sujets. Si Deleuze veut dire par là qu’une certaine productivité en matière de conception intellectuelle est indispensable et constitue une partie importante de la philosophie, je suis d’accord. En revanche, s’il veut dire par là que la philosophie se réduit au concept et passe à côté de tout ce qui est matériel, sensuel, et qu’il abandonne les privilèges de l’expressivité non-conceptuelle aux arts, là, je ne le suis pas.

J’ai été longtemps très intime de Deleuze, pendant une dizaine d’années. Deleuze était une créature très sympathique, tout à fait bizarre, très théâtrale… Il était aussi extraordinairement intellectuel. Il n’avait aucune jouissance – à baiser, je ne sais pas, il n’en a jamais trop parlé – mais aucune à regarder un tableau, à écouter de la musique… Comme la plupart des philosophes, il ne connaissait pas la musique. La jouissance qui lui vient est toujours par l’intermédiaire d’une conceptualisation. Il avait toujours une manière abstraite pour parler d’une œuvre. Il passe par des chemins intellectuels. Il n’a pas de contact avec la matérialité d’une œuvre d’art. Même l’œuvre philosophique a une matérialité, qui est la façon dont le philosophe s’exprime. Lui était vraiment l’homme des idées pures, de la raison pure – plus que Kant encore (il a d’ailleurs écrit un petit livre sur Kant, fort utile). Il a fait des choses remarquables… A partir de 68, il a commencé à déconner…

AP : Vous aviez écrit un article sur lui, pour le numéro de la revue L’Arc qui lui était consacrée. Vous aviez une formule frappante. Vous disiez que dans toute sa philosophie, il faisait preuve « d’un beau manque d’enthousiasme ». J’avais l’impression que cette formule paradoxale s’appliquait aussi à vous – si on entend par enthousiasme le sentiment d’être en charge de valeurs transcendantes. Deleuze ne faisait pas de philosophie au nom de telles valeurs. Vous disiez que sa philosophie était comme un biscuit sec, et c’était un compliment.

CR : Oui, « le beurre manque ». Deleuze avait toujours rêvé d’être professeur à la Sorbonne : il avait tout pour l’être et c’eût été le meilleur. Mais il a pris position pour les étudiants en mai 68. Il y en a eu deux : Deleuze, et Jankélévitch que j’ai également très bien connu. On ne leur a jamais pardonné. Ça a été un traumatisme épouvantable... On m’a d’ailleurs bloqué ma carrière, notamment car on m’a soupçonné de faire des cocktails Molotov, de diriger des groupes de gauchistes…

AP : Alors que vous vous êtes toujours tenus à l’écart de la politique.

CR : C’est d’ailleurs le point faible de ma philosophie : je traite de problèmes qui n’ont rien à voir avec l’actualité, ce qui n’a aucun intérêt pour personne sauf pour des gens méditatifs. Je n’ai pas de recette pour sortir de la crise financière. Je serais incapable d’en donner. Et je soupçonne les philosophes qui en parlent de se mêler de ce qu’ils ne maîtrisent guère. Je dois vous dire que Deleuze, dans la dernière partie de sa vie, est devenu très conscient de son génie. C’était une forme de paranoïa, pas persécutée, mais triomphale : « je suis le plus grand… ». Il a une œuvre, c’est certain, autant sinon plus que bien d’autres noms du même moment. Encore qu’il restera des choses de Lacan… quand on l’aura traduit en français !

Mai 68

AP : Vous vous êtes tenu à l’écart de la « pensée 68 », cette philosophie du désir et de la révolution.

CR : Le désir est un thème très important pour moi, mais je pense l’entendre en un sens assez différent de ce qu’entendaient les gens de 68. Je vous avoue que j’ai toujours été si peu politisé que j’ai vu dans mai 68 l’occasion d’avoir un mois de vacances. Je ne l’ai jamais pris au sérieux. C’était un pseudo-événement : les gens suivaient cela à la radio, comme si c’était la Révolution, comme si on était à Fleurus ou Valmy…

AP : Oui, si on prend mai 68 comme un petit événement parisien qui concerne les problèmes d’accès des Normaliens aux dortoirs des filles… (C’est de vous que je tiens cette anecdote ! [4])

CR : Sur ce point, mai 68 a eu des effets, car il y avait une crispation sociale dans certains milieux : on fermait le dortoir des filles !… Je me rappelle que lorsque je m’apprêtais à publier La philosophie tragique aux PUF, n’ayant pas eu le temps de remettre dans les temps un devoir en khâgne, j’ai eu quatre heures de colles. Ce n’était plus possible... Sur ce point, je pense que mai 68 a eu des effets bénéfiques, en France ou dans d’autres pays qui ont connu des événements similaires. Si j’avais eu le moindre doute sur la portée possible de mai 68, j’en aurais été déçu immédiatement dès que j’ai vu que le parti communiste n’en voulait pas, et ça s’est senti très vite. Etait-ce par obédience à Moscou ? Parce qu’ils voulaient soutenir de Gaulle – comme ils l’ont toujours fait ?...

AP : Il y a eu un conflit entre les ouvriers et les étudiants…

CR : Les ouvriers n’ont jamais pu supporter les étudiants. On était pourtant dans une période de hausses importantes des salaires. Quand j’ai vu que le PC n’était pas de la fête, j’ai compris que ça sentait vraiment la blague. Il fallait vraiment avoir l’esprit de sérieux pour y avoir cru, comme Deleuze y a cru. C’était un peu de la naïveté.

AP : Est-ce que ce n’était pas une façon d’introduire de l’air frais en philosophie ? D’aborder autrement la politique… Deleuze le dit lui-même : mai 68 n’est pas qu’un événement très parisien. Ce sont aussi des bouleversements dans le monde entier.

CR : Je crois que cela a mis moins d’air frais dans la philosophie que dans la sociologie, dans les rapports sociaux, entre classes. C’était cette décrispation qui était salutaire.

La pensée contemporaine

AP : Quel regard portez-vous sur la pensée actuelle ?

CR : C’est un retour à des valeurs qui étaient déjà assez répandues avant 68. J’ai eu l’impression que l’effondrement des idéologies chrétienne et surtout marxiste avait créé une dépression qui était favorable à l’éclosion de pensées individuelles. Je ne vois pas très bien s’il y a une pensée qui ait remplacé celle de 68. J’ai l’impression que nous vivons un moment plus propice non à de grands systèmes mais à des initiatives individuelles. Mais il y a un inconvénient à cette neutralité. Je suis d’accord avec Cioran, dans la première phrase du Précis de décomposition : « En elle-même, toute idée est neutre, ou devrait l’être. Et l’homme l’investit aussitôt de ses délires, de ses démences. Le passage de la logique à l’épilepsie est consommé. » Ce n’est pas tellement le cas en ce moment. Mais je crois qu’il y a un lien entre les périodes de démission des valeurs traditionnelles et ce moment où on se remet à faire de la morale avec n’importe quoi. Une morale moins sanguinaire, mais tout aussi absurde : qui sait ce qui est bien ou mal ? C’est le médecin… Qui va décider si on doit avorter ou non ?... Empêcher le clonage, mais au nom de quoi ?... Il y a un éparpillement. Je ne crois qu’il y ait d’esprit du 21e siècle comme on pouvait parler de l’esprit des 17e ou 18e siècles.

AP : On parle beaucoup dans l’université de phénoménologie et de philosophie analytique.

CR : La phénoménologie husserlienne est une spécialité française. En Allemagne, non. De même, Heidegger est bien plus apprécié en France qu’en Allemagne. Pour la philosophie analytique, je suis de l’avis de Deleuze : c’est un enterrement de première classe pour la philosophie… Je l’ai bien vu au Canada et aux Etats-Unis. J’ai donné des cours là-bas, dans les départements de lettres, et je suis allé voir des cours où on s’emploie à déterminer s’il est sûr, ou presque sûr, que la casquette de John est rose ou jaune. La logique formelle, ce sont quasiment des maths. Qu’on en fasse un peu, oui, mais de là à en faire un objectif philosophique... Par contre, je ne suis pas du tout Deleuze lorsqu’il range Wittgenstein dans son rejet de la philosophie analytique. Cela prouve une chose : qu’il ne l’a jamais lu. S’il l’avait lu, il ne l’aurait lu qu’en français, car Deleuze n’avait aucune connaissance d’une langue autre que le français, qu’elle soit moderne ou ancienne. J’ai passé un oral avec lui ; j’avais un texte de Whitehead, très confus. J’ai sollicité son aide pour un ou deux mots, car je ne comprenais pas ce que ça voulait dire –d’ailleurs, c’est bien rare que ça veuille dire quelque chose, Whitehead... Et Deleuze ne savait pas !

AP : Deleuze critique surtout les wittgensteiniens pour leur réduction de la philosophie à l’étude de la logique des propositions. [5]

CR : Si Deleuze a lu Wittgenstein en français, il n’a eu connaissance que du Tractatus Logico-Philosophicus, dans la traduction de Klossowski, qui n’a même pas essayé de comprendre de quoi il est question (il saute parfois dix lignes quand il ne comprend pas…). Et pourtant Deleuze admirait Klossowski… Or, le logicisme de Wittgenstein n’est vrai que pour le Tractatus, pas pour les Investigations philosophiques.

Mais vous êtes très jeune, non ?

AP : Je vous remercie de me le dire ! Je viens d’avoir vingt-huit ans… Il me semblait que je n’étais plus si jeune.

CR : A trente ans, on passe un cap. Mais de trente à soixante ans, on ne vieillit pas. Platon l’a dit, d’ailleurs (il dit de trente à quarante ans…). Par contre, le cap des soixante-dix ans (pour moi, c’est dans quelques mois), là je crains le pire.

AP : Pour vous qui êtes un philosophe de l’approbation, c’est un test redoutable !

CR : Disons que c’est un test, oui, un petit obstacle.

Notes

[1] Clément Rosset, L’école du réel, Minuit, 2008

[2] Le début de l’objet singulier précise ce rapport troublant entre le réel et son double. D’une part, le double n’a d’existence que par rapport au réel dont il prétend usurper la place. Le double redouble et dédouble le réel : il nous en détourne et n’existe que par ce détournement. Mais d’autre part, le réel est en lui-même « idiot », c’est à dire sans reflet. Le réel est irreprésentable et indicible, sauf par le biais du double qui, seul, en offre une représentation. De sorte que le double rend visible le réel en le troublant : le réel resterait pour ainsi dire translucide s’il n’était pas opacifié. Ce n’est que par l’intervention de la « force majeure », la joie que l’on peut atteindre directement au réel, sans dédoublement. Mais la joie ne serait-elle pas un double singulier, qui répète le réel sans le trahir ?

[3] Notre auteur a confirmé ensuite qu’il y était heureusement avant le début de l’épidémie...

[4] Voir cet entretien en ligne http://www.lemonde.fr/mde/ete2001/rosset.html

[5] cf. L’Abécédaire de Gilles Deleuze, à « W comme Wittgenstein ». Extrait de cette séquence retranscrit sur Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Ab%C3%A9c%C3%A9daire_de_Gilles_Deleuze

[6] Clément Rosset, L’école du réel, Minuit, 2008

[7] Le début de l’objet singulier précise ce rapport troublant entre le réel et son double. D’une part, le double n’a d’existence que par rapport au réel dont il prétend usurper la place. Le double redouble et dédouble le réel : il nous en détourne et n’existe que par ce détournement. Mais d’autre part, le réel est en lui-même « idiot », c’est à dire sans reflet. Le réel est irreprésentable et indicible, sauf par le biais du double qui, seul, en offre une représentation. De sorte que le double rend visible le réel en le troublant : le réel resterait pour ainsi dire translucide s’il n’était pas opacifié. Ce n’est que par l’intervention de la « force majeure », la joie que l’on peut atteindre directement au réel, sans dédoublement. Mais la joie ne serait-elle pas un double singulier, qui répète le réel sans le trahir ?

[8] Notre auteur a confirmé ensuite qu’il y était heureusement avant le début de l’épidémie...

[9] Voir cet entretien en ligne http://www.lemonde.fr/mde/ete2001/rosset.html

[10] cf. L’Abécédaire de Gilles Deleuze, à « W comme Wittgenstein ». Extrait de cette séquence retranscrit sur Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Ab%C3%A9c%C3%A9daire_de_Gilles_Deleuze


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16 mai 2009 6 16 /05 /mai /2009 15:22
Myanmar

Le mystérieux "visiteur" d'Aung San Suu Kyi

15.05.2009

Que cherchait  à (se) prouver John Yettaw en traversant le lac Inya à la nage pour gagner la résidence de l’opposante birmane Aung San Suu Kyi ? Ancien combattant de la guerre du Vietnam irrémédiablement traumatisé – il perçoit une pension militaire pour troubles psychologiques –, père de six enfants, mormon, cet homme de 53 ans aurait expliqué à certains qu’il préparait un “livre religieux sur l’héroïsme”, à d’autres qu’il entreprenait des recherches sur les combattants américains disparus. Son épouse, interrogée par The Times de Londres, a une explication plus simple : “Il souhaitait juste discuter avec cette femme.”

Quels qu’aient été les motifs de cette incursion, la junte au pouvoir a vu là un prétexte en or pour ne pas avoir à libérer la Prix Nobel de la Paix, dont l’assignation à résidence expirait le 27 mai. L’hébergement d’un étranger est interdit par la loi birmane. Aung San Suu Kyi a immédiatement mesuré l’ampleur des conséquences qu’aurait la présence de cet intrus chez elle. “Elle lui a demandé de repartir mais il a refusé”, a confié Kyi Win, son avocat, aux journalistes de la Democratic Voice of Burma, une radio et un site Internet d’information de Birmans en exil. “Il a dit qu’il était épuisé et qu’il voulait se reposer. Elle l’a imploré. Mais il a passé la nuit à même le sol.”

Aung San Suu Kyi press conference
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16 mai 2009 6 16 /05 /mai /2009 11:24
         
 LA RESERVE AMERINDIENNE HURON
Chroniques
Cinquième épisode
 
La vie amoureuse des coureurs des bois
 
À l’image de leur vie marginale, les amours des hommes dédiés au commerce de la fourrure n’ont rien de conventionnel. Pendant que, dans la vallée du Saint-Laurent, les épouses blanches sont délaissées une bonne partie du temps, dans les bois, de belles amérindiennes s’offrent facilement, pour une nuit ou pour la vie, selon des règles qui ne ressemblent en rien à ce que les Européens connaissent. Complices dans le plaisir mais aussi dans les affaires, toutes ces femmes sont, pour les coureurs des bois, d’une grande utilité.

Plusieurs coureurs des bois et voyageurs comptent s’installer dans les «pays d’en bas» à l’âge de la retraite grâce à l’argent qu’ils auront accumulé. Ils veulent fonder une famille. Avec cet objectif en tête, dès le début de la vingtaine, nombreux sont ceux qui se marient. Bien entendu, les jeunes promises sont averties des multiples tentations auxquelles leurs hommes sont soumis dans les bois. Qu’à cela ne tienne, elles les épousent. Pour les coureurs des bois, ces femmes blanches représentent généralement le repos et le confort du foyer. Lorsqu’ils travaillent durement, au fond des bois, elles sont présentes dans leurs pensées.

Les épouses blanches des coureurs des bois doivent être fortes et débrouillardes car dans les premières années de leur union, elles sont seules au foyer durant des mois et même des années, et rares sont les femmes blanches qui osent s’aventurer dans les pays d’en haut. À la maison, elles vivent seules grossesses et accouchements et prennent en charge toutes les tâches. Munies d’une procuration, certaines administrent le bien familial et les affaires de leur époux, responsabilités qui n’incombent habituellement pas aux femmes européennes. À la retraite, comme prévu, les époux reviennent généralement vers elles. Mais ces hommes n’oublient jamais les pays d’en haut. Souvent, ils cherchent à y retourner, malgré la peine et les supplications de leur famille.
La procuration
En Nouvelle-France, tout comme en France, l’homme est responsable de son épouse sur le plan juridique. Pour qu’elle puisse signer un contrat, faire un emprunt ou quelque autre transaction, elle doit détenir une permission écrite signée par son époux devant notaire lui permettant d’agir en son nom.



Dans les pays d’en haut, souvent qualifiés de lieux de perdition par les autorités coloniales, les Amérindiens ont des pratiques fort différentes de ce que connaissent les hommes blancs en ce qui a trait aux relations amoureuses. Les Européens sont habitués à de nombreuses contraintes dans leur vie sexuelle, tandis que les Indigènes entourent de très peu d’interdits ces plaisirs qu’ils considèrent comme des plus naturels et légitimes. Les Amérindiennes s’offrent quand et à qui elles le veulent, les couples se font et se défont par simple déclaration verbale, tous les enfants sont bien accueillis. Certaines femmes peuvent même être offertes en signe d’amitié lors d’échanges commerciaux. Cette dernière pratique, révoltante aux yeux des missionnaires, est fort bien acceptée par les Indigènes. Les femmes s’y prêtant, loin d’être méprisées, peuvent en retirer un certain prestige. Par ailleurs, les Amérindiennes possèdent généralement une place de choix au sein de leurs sociétés. Leur travail et leur rôle reproducteur sont reconnus comme essentiels à la survie du groupe, et les femmes sont, pour cela, respectées et écoutées.
La sexualité en Europe
Les seules activités sexuelles tolérées dans les sociétés européennes sont celles qui ont lieu dans le cadre du mariage et qui visent la procréation. Toutes les autres, tels l’adultère, la masturbation et l’homosexualité, sont condamnées et associées au péché.


Des femmes influentes
Plusieurs sociétés amérindiennes sont matriarcales, c’est-à-dire que les femmes y ont une autorité prépondérante et que la filiation s’effectue par la mère. Le jésuite Joseph-François Lafitau qualifie les sociétés iroquoiennes d’«empire de femmes». Les femmes, surtout celles qui sont âgées, sont reconnues pour leur sagesse. Chez certains peuples, elles choisissent les chefs.


Dans le cadre du commerce des fourrures, l’établissement de relations intimes entre les Blancs et les Amérindiens est une façon incomparable de raffermir les liens entre ces partenaires commerciaux. Plusieurs familles indigènes réservent d’ailleurs l’une de leurs filles à un coureur des bois. Lors des premiers contacts, les Européens n’apparaissent pas très séduisants aux Amérindiennes. Leurs poils, entre autres, les dégoûtent. Les premiers coureurs des bois doivent travailler fort pour gagner leurs coeurs. Ils multiplient les compliments et offrent des cadeaux tels rubans, vêtements, bijoux. Les Amérindiennes apprécient cette générosité, qualité figurant parmi les plus appréciées dans leurs sociétés. Les Blancs se révèlent ainsi être, auprès d’elles, des amants très attentionnés. Qu’ils aient ou non une épouse dans la vallée du Saint-Laurent, nombreux sont les coureurs des bois qui se marient à la façon amérindienne.

La noblesse du coeur
Chez les Amérindiens, il n’y a pas de noblesse héréditaire comme chez les Européens. Chaque individu doit gagner le respect de ses pairs. Le courage, les habiletés physiques, l’indulgence, la politesse, le respect et la compréhension des autres sont parmi les qualités les plus recherchées.


Se marier à la façon du pays
Le mariage est simple chez les Amérindiens. Le soupirant fait d’abord des cadeaux à la famille de sa future femme, puis demande sa main. Dans certaines tribus, on rappelle publiquement à la fille ses devoirs. Le couple est légitimement marié par seule expression de leur consentement devant témoins et il est aussi simple de briser l’union. La femme est parfois préparée pour plaire aux Blancs. On la lave, on l’habille à l’européenne.



Les voyageurs bénéficient de la bonne réputation de leurs prédécesseurs et rencontrent dans les pays d’en haut des jeunes femmes qui s’offrent plus facilement. N’étant que de passage, la plupart des voyageurs se contentent d’amourettes qui ne durent que le temps où ils sont arrêtés à leur destination. Certains créent des liens relativement solides, qui se poursuivent d’un été à l’autre, sans que ces relations ne soient exclusives, ni d’un côté, ni de l’autre. De ces amours d’été peuvent naître des enfants qui sont adoptés tout naturellement par la tribu.
Des enfants moins nombreux
Parce qu’elles allaitent plus longtemps, les Amérindiennes ont généralement moins d’enfants que les femmes blanches.



Certaines «sauvagesses» réussissent à retenir l’amoureux auprès d’elles. Celui-ci devient un hivernant, formant avec sa squaw un couple durable. Partageant les tâches du quotidien, l’épouse amérindienne prend entre autres en charge la réparation des vêtements, des raquettes et des filets de pêche, la cuisine, l’agriculture, l’éducation des enfants. À l’âge de la retraite, certains hommes du Nord s’établissent et sont agriculteurs, ou deviennent chasseurs.
La squaw
En langue algonquienne, ce mot désigne une femme.



Parfois, des militaires, des guides, des voyageurs endettés choisissent de disparaître dans la nature et de s’installer aux pieds des Rocheuses. Ces hommes blancs n’entretiennent que peu de contacts avec les pays d’en bas et vivent de la chasse. On les appelle les hommes libres, les trappeurs, les Indiens blancs, les hommes des montagnes. Ils épousent des Amérindiennes. Grâce à elles, ils ne sont plus seuls. Au départ, elles lui servent de guides et d’interprètes. Progressivement, ces femmes les introduisent dans un vaste réseau social dont ils adoptent la culture et les modes de vie.

Hommes blancs et femmes amérindiennes forment des couples qui sont à cheval entre deux mondes. Dans les pays d’en haut, avec leurs enfants aux sangs mêlés, ils donnent naissance à une toute nouvelle nation, distincte. Pour en savoir plus à ce sujet, nous vous donnons rendez-vous le 28 avril 2009.


Sources

GERMAIN, Georges-Hébert. Les coureurs des bois: la saga des indiens blancs. Outremont, Libre expression; [Ottawa], Musée canadien des civilisations, 2003. 158 pages.

BROWN, Jennifer S. H., «Métis», L’Encyclopédie canadienne, Fondation Historica, 2009, http://www.encyclopediecanadienne.ca (site consulté le 25 mars 2009)


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14 mai 2009 4 14 /05 /mai /2009 16:17
Facebook vecteur de la haine raciale et des préjugés selon le centre Wiesenthal

WASHINGTON (AFP) - 14/05/2009 06h05

 

Le logo du réseau de socialisaiton Facebook

 

Les fanatiques de tout poil utilisent internet comme "outil privilégié" pour diffuser leur message de haine, et ce message passe de plus en plus par le site de socialisation Facebook, selon un communiqué du centre Simon Wiesenthal publié mercredi.

 

"Au fur et à mesure qu'internet s'est développé, les sites extrémistes ont suivi le même rythme, tant par le nombre que par la sophistication technologique", écrit le centre, une organisation internationale juive de lutte contre l'antisémitisme basée à Los Angeles, dans un communiqué accompagnant la sortie d'un rapport sur les groupes professant la haine de l'autre.

 

Le centre, fondé en 1977 par le célèbre chasseur de nazis Simon Wiesenthal, dit avoir identifié "environ 10.000 sites internet" professant la haine ou faisant l'apologie du terrorisme. Les groupes les plus souvent ciblés sont "les juifs, les catholiques, les musulmans, les hindous, les homosexuels, les femmes et les immigrés", note-t-il.

 

Or, "la plus forte augmentation de cette haine numérique est venue de Facebook", note le centre Wiesenthal, qui constate aussi une "prolifération des usages extrémistes" du site de partage de vidéos YouTube, appartenant à Google.

 

Des représentants de Facebook ont rencontré des membre du centre Simon Wiesenthal et ont promis de fermer les sites de ses membres qui ne respectent pas sa charte. Facebook a fermé ces derniers jours plusieurs sites niant la Shoah.

 

"Mais avec plus de 200 millions d'utilisateurs, les fanatiques en ligne ont pour l'instant pris le pas sur les efforts pour s'en débarrasser", souligne le communiqué. Certains membres ont des milliers d'amis virtuels, "ce qui permet au message de haine de se répandre comme un virus".

 

 

© 2009 AFP


 Contemplation : No Mercy
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14 mai 2009 4 14 /05 /mai /2009 14:10
 Thibaut Chaix-Bryan , "Georg Christoph Lichtenberg", Acta Fabula, Notes de lecture, URL : http://www.fabula.org/revue/document5041.php

Georg Christoph Lichtenberg

Thibaut Chaix-Bryan

Jean Mondot, Georg Christoph Lichtenberg, Editions Belin, coll. Voix allemandes, 2008. EAN 978-2-7011-2934-1.

Un des derniers ouvrages de la collection „Voix allemandes“ nous permet de redécouvrir et d’entendre la voix si particulière de l’écrivain Georg Christoph Lichtenberg (1742-1799). Lichtenberg est sans conteste une immense figure de la culture allemande. Son génie, décapant, est cependant nécessairement moins ce qui le fait apprécier que sa position dans un champ de sociologie culturelle comme le montre Wolfgang Promies1 dans ces différents ouvrages et auxquels Jean Mondot fait référence dans son ouvrage. Comme le rappelle la 4ème de couverture du livre de Jean Mondot, personne, en effet, n’aurait pu promettre du vivant de Lichtenberg, professeur de physique à l’Université de Göttingen, une telle gloire littéraire, faisant même de lui un des précurseurs voire le précurseur de la forme littéraire des aphorismes. Jean Mondot, spécialiste des Lumières allemandes (Spätaufklärung) et qui a publié en 2001 une analyse sur les aphorismes de Lichtenberg2, expose dans ce nouvel ouvrage synthétique de nombreuses données biographiques et de nombreuses clés pour mieux aborder l’œuvre de cet auteur à la postérité singulière.

Comme l’auteur l’indique en introduction de son ouvrage, son objectif est de « saisir l’œuvre de Lichtenberg dans sa totalité » C’est une des raisons pour lesquelles les deux premiers chapitres (1. Connaissance des hommes ; 2. Anthropologies lichtenbergiennes) commencent par la dimension polémiste publique et affirmée de Lichtenberg, tel qu’il s’est révélé au début de sa carrière lors de la fameuse querelle de la physiognomonie qui l’a opposé au pasteur zurichois Johann Caspar Lavater. Cette « science » de l’interprétation des visages soulève en effet de nombreuses questions évoquées par Jean Mondot dans son introduction puis développées avec précision dans ce premier chapitre. La position de Lichtenberg face à cette pseudo-science est d’autant plus particulière que lui-même détracteur de la physiognomonie comme science s’est beaucoup intéressé aux visages et notamment dans ses commentaires des tableaux de Hogarth. Il ne se priva d’ailleurs pas à ce moment-là d’utiliser ce savoir de la physiognomonie. Comme le note Jean Mondot, «  le scientifique combattit donc la fausse science mais conserva pour lui-même l’exégèse et la divination » (p. 8).

De plus, l’anthropologie, cette connaissance de l’homme, allait bien au-delà du visage et Lichtenberg s’intéressa de près au psychisme du rêveur que l’anthropologie des Lumières avait longtemps eu tendance à négliger. On lira avec beaucoup d’intérêt toute cette partie sur le rêve qui a permis à Lichtenberg, comme l’écrit Jean Mondot, de découvrir la polyphonie du sujet et sa complexité (p.39). Ces rêves sont à l’origine de récits qui ne sont pas sans lien avec le goût de l’auteur pour l’aphorisme voire l’écriture fragmentaire. Il emprunte, en effet, à son expérience personnelle du rêve le discontinu, l’absurde, le nonsense pour l’intégrer dans sa narration et comme l’écrit Jean Mondot en conclusion de son premier chapitre : « cette écriture constitue un moment privilégié à l’investigation anthropologique et à la connaissance de soi qui sont fondamentales pour Lichtenberg » (p.45).

Le deuxième chapitre poursuit cette analyse de la vision de l’homme chez Lichtenberg en abordant différentes « catégories » d’êtres humains comme les Noirs et les juifs, les femmes. En effet, le débat sur la physiognomonie a précédé un autre débat plus scientifique et confus sur les « races » auquel des collègues, des amis proches ou éloignés de Lichtenberg ont pris une part importante dans les années 1780 et au-delà. Ce débat se concentre sur un certain nombre de points tels que l’option monogénétique ou polygénétique, sur la place de l’homme dans l’échelle des êtres et sur le préformisme et l’épigenèse et, finalement, sur la notion même de « race ». Le but étant d’essayer de répondre à ces questions à l’aide des sciences naturelles, en pleine expansion, appliquées à l’anthropologie, qui étaient encore mêlées de religion et de métaphysique. Cette études des anthropologies lichtenbergiennes nous permettent de mieux comprendre les postions de Lichtenberg face aux Noirs, aux Juifs. Par ailleurs, le débat sur la physiognomonie et les « races » ne constitue qu’un aspect de la réflexion anthropologique de Lichtenberg. Dans ses Cahiers, les remarques, annotations, considérations sur son idée de l’homme, de l’être humain sont très nombreuses. Tous ces écrits, comme le montre Jean Mondot, révèlent la grande curiosité de Lichtenberg pour les êtres.

Le troisième chapitre (Connaissance de soi, modes d’écriture) présente les différents écrits de Lichtenberg publiés de son vivant et posthumes. Cette synthèse nous permet de mieux comprendre dans quelle mesure les éditeurs de Lichtenberg, à cause d’un bricolage éditorial impropre à la définition, vont « populariser » un nouveau genre de la littérature allemande voire, au-delà du genre, une nouvelle forme d’écriture. Lichtenberg retrouve, en effet, tout l’homme en lui et s’étudiant étudie tous les hommes. L’étude de soi ne l’éloigne pas de la connaissance des autres mais au contraire l’approfondit. Il se fait donc observateur et explorateur de soi, de son intériorité. La diversité des écritures utilisées par Lichtenberg permet de varier les focalisations et donc de s’éloigner ou de s’approcher de soi selon les nécessités ou les envies. L’autoportrait, par exemple, comme le montre Jean Mondot, est caractéristique de ce jeu entre distance et proximité de soi.

Le chapitre 4 (Origines et succès d’une écriture)  approfondit cette partie plus littéraire de l’ouvrage en présentant les origines et surtout les raisons du succès de cette écriture dont le principe est, comme le rappelle Jean Mondot, l’ironie. Lichtenberg est, en effet, très attentif à la langue, aux mots, à leur adéquation à la pensée, à l’écart entre les mots et les choses. Comme le montre Jean Mondot dans ce chapitre, la parole est pour Lichtenberg non seulement instrument mais aussi objet d’étude. Cette extrême sensibilité du mot juste plaira d’ailleurs à des lecteurs aussi différents que Nietzsche, Kraus, Wittgenstein ou Benjamin. On lira d’ailleurs avec beaucoup d’intérêt la fin de ce chapitre d la réception de Lichtenberg en Allemagne et en France qui est présentée en détail.

Le chapitre 5 (Lichtenberg dans son temps) plus biographique, replace l’œuvre de Lichtenberg dans son temps ainsi que ses différentes prises de position. Les écrits de Lichtenberg éclairent aussi les réalités de son temps. Il a en effet un avis sur son temps, son pays, les autres pays mais aussi sur les habitudes, les mœurs et les idées de ses contemporains. Comme ce chapitre le développe à partir de différents exemples précis, Lichtenberg a dénoncé sans relâche tout ce qu’il considérait comme des travers linguistiques, intellectuels, littéraires ou moraux (p.140-157). Il ne partage pas par exemple les goûts de la nouvelle génération littéraire et s’en prend aussi bien aux jeunes gens de la sécession strasbourgeoise qu’à ceux du Hainbund de Göttingen. Il est important de relever ce que souligne Jean Mondot à la fin de chapitre pour mieux comprendre son rapport avec son temps : « […] sa vision critique de l’univers contemporain, de la société, ne se confond pas avec une remise en cause globale, une disqualification globale de ce que l’on appellera la modernité » (p. 157). Il ne reprend donc ni de Rousseau, ni de Herder la critique globale de la civilisation (Kulturkritik).

Le chapitre 6 (Considérations politiques et religieuses) s’intéresse à l’intérêt de Lichtenberg pour les questions religieuses et politiques. La part conservée par Lichtenberg dans ses écrits publiés ou non aux événements politiques de son temps n’est pas considérable. Ils se sont imposés à lui plus qu’il ne s’est tourné spontanément vers eux, comme l’explique Jena Mondot, à partir d’un intérêt originel pour la politique. Son expérience anglaise a joué d’ailleurs un grand rôle dans l’éveil à la politique de Lichtenberg. De plus, situer Lichtenberg dans son temps exige aussi de connaître sa position face à la religion, d’étudier comment la critique anticléricale de type voltairien composait avec le spinozisme déclaré du professeur de physique, comment Lichtenberg avait évolué sur cette question.

L’ultime chapitre (Savoirs et lumières) revient sur les nouveaux savoirs à l’époque de Lichtenberg et enfin sur son rapport avec les Lumières. Pour une juste appréciation de la situation scientifique et philosophique de Lichtenberg, il est en effet important d’analyser de plus près la manière dont il avait accueilli les nouveaux savoirs de son temps, aussi bien la nouvelle physique de Lavoisier que la nouvelle philosophie de Kant. En ce qui concerne son rapport aux Lumières, Jean Mondot prouve, en conclusion de cette partie passionnante, que Lichtenberg étend le domaine des Lumières sans renoncer au paradigme rationnel, qu’il est moins l’homme du romantisme naissant, comme certains critiques l’ont interprété, que celui des Lumières continuées, de la poursuite des Lumières par tous les moyens sur des champs plus vastes (p. 223)

On lira donc avec beaucoup d’intérêt cet ouvrage qui constitue une excellente introduction à la vie et aux problématiques de l’œuvre de Lichtenberg, le tout étant complété par une bibliographie sélective très intéressante pour aller plus loin3.

Publié sur Acta le 13 mai 2009
Notes :
1 Wolfagng Promies, Georg Christph Lichtenberg in Selbtszeugnissen und Bilddokumenten (5ème. éd.), Reinbek, Rowohlt, 1999.
2 Jean Mondot, Lectures d’une œuvre, les aphorismes de Georg Christoph Lichtenberg, Éditions du Temps, Paris, 2001.
3 On pourra également, pour une première approche de Lichtenberg, consulter l’article de Pierre Pénisson sur Lichtenberg dans le Dictionnaire du monde germanique, Bayard, 2007, p. 624.

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