La violence comme spécificité du sport
Pour la plupart des responsables politiques et sportifs le sport serait en effet lantidote idéal au mal-être des jeunes en leur offrant des activités encadrées, valorisées, « éducatives », mais aussi un modèle efficace de « contre-société » reposant sur « léthique sportive ». Or, par lune de ces ruses de la raison dont le capitalisme mondialisé a le secret, ces beaux discours sont en permanence démentis par la réalité quotidienne de la corruption, de la truanderie, de laffairisme et de lappât visqueux du gain, et plus encore par la violence sportive, quelle soit ordinaire, routinière, banale et banalisée, ou meurtrière, criminelle et préméditée.
[ ] Le sport professionnel, le sport amateur, le sport scolaire, le sport corporatif, le sport de masse, le sport ouvrier connaissent sans doute des niveaux de violence différenciés, mais tous sont touchés par la gangrène de la violence, dans les stades et hors de stades.
Jean-Marie Brohm, La violence de la compétition sportive, in Quel sport ? n° 12/13, mai 2010, p.27
De la Théorie critique du sport
On connaît la célèbre proposition de Marx : « Être radical, cest prendre les choses à la racine. Or, la racine pour lhomme, cest lhomme lui-même (1)». Pour aller à la « chose même », je dirai que la critique du sport est très exactement lillustration concrète de cette thèse du jeune Marx. Contrairement à ce que soutiennent la plupart des idéologues et amis du sport, surtout à gauche et à lextrême gauche, qui nous reprochent notre « extrémisme », notre « dogmatisme », notre « jusquauboutisme », notre « fondamentalisme », le radicalisme de la Théorie critique du sport nest ni destructeur, ni réducteur, mais doublement fondateur. Fondateur dabord dune position théorique qui entend radiographier et disséquer linstitution sportive - sa logique capitaliste de fonctionnement, sa vision réactionnaire du monde, ses effets idéologiques aliénants, ses compromissions politiques avec les régimes totalitaires et les multinationales maffieuses - et lanalyser en tant que vitrine du capitalisme mondialisé non pas avec le « scalpel anatomique » évoqué par Marx, mais avec toutes les armes conceptuelles de la pensée critique. La Théorie critique du sport est donc ue critique de léconomie politique sportive et de laccumulation du captal sportif, mais aussi une sociologie politique des rapports sociaux dexploitation, doppression, dasservissement et dabrutissement que développe la compétition sportive et sa médiatisation spectaculaire. Fondateur ensuite dune éthique de la résistance organisée à lopium sportif qui sature lespace public contemporain. En ce sens, peut-on ajouter avec Marx, « la passion essentiel qui lanime est lindignation, sa tâche essentielle le dénonciation », ce qui implique aujourdhui la lutte pour la prise de conscience de la réalité effective du sport de compétition : « Il faut rendre loppression réelle encore plus pesante, en y ajoutant la conscience de loppression, rendre la honte encore plus infamante en la publiant (2)». Cest ce que fait depuis sa fondation la revue Quel sport ?, elle et elle seule.
1 Les références à Marx proviennent de « Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel » in Critique du droit politique hégélien, Paris, éditions sociales, 1975. Cest Jean-Marie Brohm qui souligne dans le texte.
2 Jean-Paul Sartre, Critique de la raison dialectique, Tome II : Lintelligibilité de lhistoire, Paris, Gallimard, 1985.
Jean-Marie Brohm, La critique radicale du sport - Expliquée au pseudo critiques ou à ceux qui nont jamais été critiques, in Quel sport ? n°12/13 - Football, une aliénation planétaire, mai 2010.
De la grandiloquence en démocratie
● Trois pensées :
« Le monde n'est pas ce qu'il paraît. Il nous trompe.
Jamais nous ne connaîtrons la réalité, nous vivons enveloppés
d'un voile qui nous cache toutes choses dans le monde
qui n'est que notre représentation et non la réalité. »
Schopenhauer.
« L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature; mais c'est un roseau pensant. Il ne faut pas que l'univers entier s'arme pour l'écraser : une
vapeur, une goutte d'eau, suffit pour le tuer. Mais, quand l'univers l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu'il sait qu'il meurt, et l'avantage que l'univers a
sur lui, l'univers n'en sait rien. »
Pascal.
Pr Fady FADEL
Précisions
vendredi, janvier 14, 2011
Dans les articles publiés en page 5 les 4, 9 et 10 juin 2010 sur « Charles Malek, fondateur libanais de l'interculturel et du dialogue des civilisations à l'ONU », il a manqué, par mégarde bureautique, les notes en bas de page qui devaient spécifier que la communication s'inspire fortement de l'approche et du plan de travail développés par le Professeur Peter Leuprecht dans sa conférence prononcée le 19 octobre 2009 à Strasbourg et publiée dans le numéro 188 de la revue AMOP.
I - Charles Malek, fondateur libanais de l'interculturel et du ... L'Orient-Le Jour Dans l'histoire de l'humanité, peu d'individus ont exercé une influence aussi profonde et durable que Confucius, qui a vécu d'environ 552 à 479 avant JC. ... |
On m’a remis récemment entre les mains, le premier
roman d’une jeune femme de vingt-cinq ans, encore étudiante, et à peine sortie d’une adolescence qu’elle semble avoir bien comprise, jusque dans ses méandres les plus tortueux. Marie
Rivière a écrit un livre qui a beaucoup à voir avec les problèmes existentiels que peuvent rencontrer de tout jeunes gens à l’entrée de l’âge adulte ; mais elle nous offre par la
même occasion une topographie de l’être, de soi, de l’adolescence qui prend conscience de la fragilité de l’existence, de sa mort prochaine, et, sans se rendre à l’évidence, accepte son
sort en cherchant à s’y extraire, se mettant en quête de son originalité, donc de sa légitimité en ce monde.
C’est l’histoire du narrateur, Rafael Camence, un jeune homme livré à lui-même dans un Bordeaux qu’il déteste. Ce garçon a deux obsessions : la cartographie et quitter la ville. Ce qui peut paraître, je le concède bien volontiers, déconcertant d’entrée de jeu. Deuxième point capital : ce personnage, sorte de dernier romantique, jouit d’une lucidité sans pareille sur les êtres et les choses. Perdu dans sa vie, perdu dans sa ville, il lui faut partir à tous prix, car Bordeaux ne lui va pas, Bordeaux ne lui va plus. « Je sens qu’elle me grignote de l’intérieur, dit le narrateur dès le commencement du récit, se mêle de tout ce que je fais, surtout quand je ne fais rien. » Partir. Quitter une ville « qui n’a pas d’odeur », où « tout est bas […] même les gens », afin de « ne plus reconnaître aucun visage à tous les coins de rue », « redevenir touriste » : ainsi échapper à la « vie de tous les jours », n’avoir plus ni de « maman ni de statut social ». Voilà un projet somme toute ordinaire pour de très jeunes gens, et qui devrait remplir une seule page, jusqu’aboutir au départ du jeune homme par le premier train. Bien sûr, rien ne se passera ainsi, et cette ambition vaine de quitter la ville remplira un roman de deux cents pages où tous les problèmes liés à une adolescence en proie au mal de vivre nous serons contés : manque de confiance en soi, désarroi, mal être, recherche de soi, mélancolies romantiques. Obsédé par les cartes, plans de villes, topographies, cartographies, Rafael Camence a trouvé là un passe-temps bien singulier qui l’isole à la fois du groupe, donc établit l’évidence de son originalité et ainsi de sa légitimité, mais tout autant l’exclut du groupe et lui ôte dans le même temps la possibilité de ne plus « culpabiliser d’être né ». Le serpent se mordant la queue, plus on avance dans le texte, et plus l’on comprend que le narrateur n’est pas prêt de quitter la ville, car ce qu’il cherche, au fond, c’est ce que l’on cherche tous : se débarrasser de soi. Quitter la ville ou se quitter soi, c’est du pareil au même. Vivre sans efforts, surtout. Etre un non-soi. De fait, l’errance du narrateur devient une fuite, fuite en avant sans issue, dont il ne cache déjà pas la fin : « Partir, à quoi ça sert ? On n’est bien nulle part. On peut être bien partout. Il paraît que les Danois sont très heureux ; je l’ai lu dans Courrier international. Ils sont danois, ils vivent au Danemark, ils sont contents, il n’y a rien à dire. J’aurais dû tomber amoureuse d’une Danoise, c’est peut-être contagieux. Sûr que quand je sortais avec une Cubaine-Suisse, une Haïtienne et une Palestinienne québécoises, ou Suisse-Allemande parisienne, je n’étais pas dépaysé. Et après ? »
Plus on lit Rafael Camence conter ses errances, ses doutes, son désarroi, plus on a l’étrange sensation de lire Marie Rivière elle-même, se raconter par le détour du récit, se transposer habilement dans le texte. C’est vrai que le premier roman est toujours le plus personnel prétend-on souvent. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle connait parfaitement son sujet. Pas de doutes : les angoisses adolescentes, elle en a fait le tour. La cartographie n’a plus de secret pour elle. La vie ? Plus on avance dans le texte, plus on a l’impression qu’elle la vécue et éprouvée jusque dans sa chair, au point d’en dire des choses à la fois très justes, et bien souvent très pénétrantes. Et néanmoins, si ce roman pourra paraître pour certains un peu long, voire parfois répétitif, une chose est à peu près sûre : nous sommes là en présence d’une jeune romancière qui est sûrement très prometteuse. Car, Marie Rivière a un style, une écriture simple, enlevée, nourrie de ruptures de ton, de jeux de la langue, d’humour et de sens du tragique.
C’est aussi une inspiration qui ne renie pas ses lectures de jeunesse qu’elle a assimilée et digérée. Comment par exemple ne pas penser, en lisant ce premier roman, à Jean-Baptiste Clamence dans La Chute qui erre dans un Amsterdam nocturne en quête d’une rédemption illusoire à travers la figure d’un interlocuteur improbable ? Comment ne pas non plus penser à Holden Caulfield, cet adolescent de la bourgeoisie new-yorkaise dans L’attrape-cœur, qui, chassé trois jours avant noël de son collège, erre en proie au mal de vivre, à la révolte juvénile, à la quête de soi et des autres, redoutant de rentrer à la maison et d’affronter ses parents ?
Fond de carte n’est pourtant pas seulement l’histoire d’une errance, le roman d’un voyageur sans bagages ; ça n’est non plus qu’un roman sur les villes et les vies : «La vie de Mick Jagger est la seule digne d’être vécue. On a beau savoir que le monde n’a pas de centre, on continue à se branler le nombril. ». C’est à mes yeux le roman d’une quête éperdue : celle qui représente la fin ultime de toute vie : le bonheur. Comment trouver sa place dans l’existence ? Comment vivre avec soi et les autres ? Où trouve-t-on repos et tranquillité de l’âme ? Est-ce que cela seulement existe ?
D’où les difficultés qu’éprouve Rafael quand il a le sentiment trop empressant de devenir son père, l’un de ses professeurs, ou seulement un autre, c’est-à-dire un homme comme vous et moi, sans originalité, simplement la copie d’une copie d’une copie. Rafael refuse de marcher dans les brisées de ses prédécesseurs, de devenir ceux qu’il a perdus, d’habiter le monde sans avoir appris à l’habiter autrement qu’en simple étranger. Rafael voudrait être là et ailleurs. Rafael refuse de tourner en « rond dans sa souricière ». Rafael sait qu’on a « chacun de nous trois villes : celle où l’(on) est né, celle où l’(on) marche, celle que l’(on) cherche. » Mais cette recherche, cette errance qui tend à nous emmener dans la fuite même de son sort, à prétendre échapper à l’embarcadère dans laquelle nous sommes touts embarqués, n’est-ce pas une illusion, un rêve qui nous permet de mieux assumer l’étroitesse de nos vies ? Et si un peu de stoïcisme ne manquait pas à notre jeune héros ? Fuir : n’est-ce pas déjà trop tard ? Rafael ne semble pas dupe pour autant : « On fuit pour mieux revenir à sa place. On ne devrait jamais sortir de son canapé. »
Bien sûr, ce roman n’est pas parfait. Mais est-ce là l’essentiel ? Certes, il y a bien ces quelques erreurs de jeunesse inhérentes à toute première œuvre : ici le personnage principal tombe par exemple dans ce travers dénoncé par Dostoïevski dans Les carnets du sous-sol, que Marie Rivière n’a certainement pas manqué de lire, où le narrateur se fustigeant lui-même, se décrivant comme l’ennemi du genre humain, et plus précisément de lui-même, représente le romantique naïf exprimé dans toute sa dimension pathétique. Souvent, je le concède, on frôle dans ce premier roman, cette affirmation du malheur qui se veut héroïque, sans jamais complètement ressentir la distance du narrateur. Certes la souffrance malheureuse, le martyre, le sentiment d’être rejeté ou incompris est le lot de l’adolescence proprement dite. Certes, ce premier roman aurait sûrement gagné en force si le jeune homme avait parfois été subtilement amendé par l’auteur.
Néanmoins, au-delà des ces quelques faiblesses, on est porté, pour ne par dire emporté par une histoire improbable de cartographie de soi, de quête existentielle, de voyages autour du monde sans jamais sortir de la ville de Bordeaux : petite souricière imposante et habitée des autres villes, des démons du narrateur, de ses peurs et de ses espoirs ; voyage au long cours porté par l’envie de vivre, par le désir d’habiter le monde dans sa dimension la plus authentique. Bref, une échappée belle portée par l’espérance de se rencontrer un jour, et d’ainsi rencontrer les autres…
(Paru dans Le Magazine des Livres,
n°24, mai-juin 2010.)
(Texte établi à partir de Marie rivière, Fond de carte, coll. Malville, Léo Sheer.)
06:18 Publié dans Littérature, Moi, je, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Trackbacks (0) | Envoyer cette note | Tags : marie rivière, fond de carte
Le Grognard 14 est disponible. Il s'intitule Éthique à Quauhnahuac, et est entièrement consacré à Clément Rosset. Il a été réalisé sous la magistrale direction de Stéphane Prat.
TABLE DES MATIERES
- Avant-Propos - Stéphane Prat
- L'homme qui en savait trop - Clément Rosset - Stéphane Prat
- 1. Hors-d'oeuvres
- Tout n'est pas entièrement ténèbres - Clément Rosset
- Raconte moi un camembert - Clément Rosset
- 2. Raccourcis pour le sud de nulle part
- Notes d'un incapable - Stéphane Prat
- L'idiotie d'Alberto Caeiro - Éric Bonnargent
- Le naufrageur naufragé ou la joie nihiliste - Koffi Cadjehoun
- Quel drôle d'animal que le réel ! - Nicolas Delon
- 3. Epreuves de réel, présents
- Le cactus à tarentules - Stéphane Prat
- Journal sans titre - Emmanuel Thomazo
- Coquecigrues Grimaces Caresses - Henri Droguet
- Mystères, charabias et bégaiements - Jean-François Mariotti
- Du cote des livres - Koffi Cadjehoun, Pascal Pratz, Jacques Lucchesi, Stéphane Beau link
La "Tolérance" dans le Confucianisme
Il y a de nombreuses descriptions de la tolérance dans “Lun Yu” de Confucius : « Sans être capable de tolérer des choses communes, un plan majeur sera ruiné. » Confucius a dit aussi : « N’est-ce
pas trop de confusion que de s’oublier soi-même et ses proches à cause d’un instant de colère ? » et enfin : «Les hommes de bien n’entrent pas en compétition avec les autres. » et « Les hommes de
bien se restreignent et n’entrent pas en compétition. »
Il est dit aussi dans « Lun Yu » que Confucius a enseigné à Zi Lu, un de ses élèves : « Les dents sont faciles à casser parce qu’elles sont rigides. La langue est facilement protégée parce
qu’elle est flexible. La douceur vaincra sûrement la rigidité et la faiblesse peut aussi conquérir les forts. Si on est attaché à la lutte, on sera inévitablement blessé et en montrant
aveuglément sa supériorité, on sera sûrement détruit. L’attitude fondamentale à suivre en toute chose est :la Tolérance est la meilleure ».
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