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Ecosia : Le Moteur De Recherch

27 septembre 2010 1 27 /09 /septembre /2010 09:51

philosophie samedi25 septembre 2010

Heidegger face aux médecins

Marc Hunyadi

 

 

 

Quand le «soleil noir» de la philosophie allemande dialoguait avec des psychiatres sur les bords du lac de Zurich. Transcription et traduction de passionnants séminaires

Les liens

 

* Hannah Arendt, Martin Heidegger: un amour, deux mondes

 

 

 

Alors qu’au sortir de la ­Seconde Guerre mondiale il est largement discrédité par son rôle universitaire sous le nazisme, Heidegger (1889-1976) reçoit la lettre d’un psychiatre zurichois, Médard Boss (1903-1990), qui se hasarde à lui écrire après sa lecture d’Etre et Temps (1927), qu’il n’avait de son propre aveu lu et compris qu’à moitié. Mais l’autre moitié lui semblait receler des trésors théoriques aptes à éclairer l’expérience psychiatrique elle-même; d’où son initiative hardie d’inviter le «soleil noir» de la philosophie allemande sur les bords du lac de Zurich.

 

A la grande surprise de Boss, Heidegger, pourtant mondialement connu, accepta tout de suite l’invitation de l’inconnu, ou plutôt la série d’invitations à s’exprimer devant un public de psychiatres, ce qu’il fera désormais régulièrement de 1959 à 1970.

 

Il en résulte aujourd’hui un volume fascinant (remarquablement traduit) intitulé Séminaires de Zurich, paru en allemand en 1987 (Zollikoner Seminare). La confrontation de Heidegger – philosophe réputé obscur ayant toujours critiqué le devenir-scientifique de la pensée européenne – et des psychiatres, représentant précisément l’approche scientifique, se révèle ici d’une fécondité remarquable.

 

De toute évidence, Heidegger concevait cette série de contributions comme une leçon de phénoménologie à l’égard des non-phénoménologues; et ce qu’il réussit à rendre particulièrement clair, c’est justement la différence fondamentale entre une approche philosophique qui entend analyser l’être humain dans son essence d’être humain et l’approche psychosomatique du corps ou de la relation corps-esprit.

 

Ces Séminaires de Zurich peuvent se lire à la fois comme un traité de phénoménologie pour les profanes et comme une critique de la médecine purement somatique, obnubilée par ce qui, dans le corps, est strictement mesurable et calculable. Dans un cours remarquable (celui du 11 mai 1965), il montre comment la médecine psychosomatique, dont il cite longuement un des pontes, est elle-même entièrement tributaire d’une conception exclusivement scientiste de la connaissance, malgré sa mise en évidence de l’importance de la psyché. Il met en lumière à cette occasion, une fois de plus, le «dogme» non questionné des sciences de la nature selon lequel «n’est réel que ce qui se laisse mesurer». Son point de vue n’est pourtant jamais celui d’une hostilité aux sciences; ce qu’il critique radicalement, c’est plutôt l’irréflexion des sciences, c’est-à-dire leur incapacité à concevoir le réel autrement que comme calculable.

 

Son dialogue avec les médecins lui offrit donc l’occasion d’exposer et d’éprouver ses thèses, ce qu’il fit de manière particulièrement pédagogique et vivante, armé de mille exemples. Les larmes sont-elles somatiques ou psychiques? Et le rougissement? Et la douleur de perdre un proche? Si l’on voulait mesurer scientifiquement cette douleur, on mettrait de ce fait même cette douleur hors circuit: on manquerait le phénomène à la base.

 

Ce qu’est donc véritablement l’être humain ne se laisse pas déterminer par les seules sciences de la nature. La question du corps et celle de sa relation au psychique sont donc des questions de méthode; telle est la toile de fond de ces cours du vieux Heidegger, qui assoit une fois de plus sa critique des sciences dont il dénonce sans relâche la cécité. Par exemple, le modèle cybernétique de Norbert Wiener (l’homme est un système d’informations) est soumis à une critique tranchante, comme la prétention plus générale des neurosciences à dire la vérité sur l’être humain.

 

Ce sont non seulement les philosophes, mais aussi les médecins qui doivent se plonger dans ces Séminaires de Zurich où, à travers la question du corps (l’être corporel est-il somatique ou psychique?), s’exprime, quoi qu’on en dise, ce qui aura été la philosophie de l’être humain la plus novatrice du XXe siècle.

 

La conviction la plus ferme de Heidegger est que la pensée scientifique n’est qu’un des modes possibles de notre être-au-monde. Il va plus loin: la domination de la pensée scientifique (il parle d’une «dictature de l’esprit») pourrait bien signer l’autodestruction de l’être humain.

 

A l’heure où l’on célèbre, à travers le modèle dit des sciences convergentes (nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives), l’avènement d’un possible homme nouveau, amélioré et augmenté par les technologies, cette leçon mérite assurément d’être réentendue. Sinon, nous finirons tous en cyborgs avant même d’y avoir pensé.

 

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16 septembre 2010 4 16 /09 /septembre /2010 18:31

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Yann Brekilien ancien président de l'AEB est décédé 
QUIMPER, le 16 mars 2009
Hommage à Yann BREKILIEN
L'œuvre littéraire de Yann BREKILIEN s'impose comme une richesse dont aucune bibliothèque ne peut se passer. Mais c'est, suite à sa proposition,  la création de l'Association des Ecrivains Bretons qui a marqué la vie littéraire en Bretagne.
Dès 1962, Yann BREKILIEN remarque le nombre d'écrivains habitant Quimper. A son initiative, ils se regroupèrent sous la bannière " Association des Ecrivains Quimpérois " qui organisa des concours littéraires et décerna des prix à des écrivains bretons.
En 1978, les statuts de l'Association des Ecrivains Quimpérois furent modifiés pour l'ouvrir à tous les écrivains bretons. Rapidement, Yann reçut 50 adhésions. Ainsi est née l'Association des Ecrivains Bretons.
Au service des écrivains et de la littérature, l'association des Ecrivains Bretons créée par Yann défend les intérêts de ses membres dans un esprit d'entraide et d'amitié. Les manifestations (salons, rencontres, congrès) sont l'occasion de rencontres et de discussions fructueuses et, chaque année, le congrès se tient dans l'un des 5 départements bretons. Les réceptions chaleureuses des municipalités témoignent de l'importance de notre action.
Tous les ans, le jury des prix littéraires de l'Association retient les ouvrages phares de la production littéraire bretonne. Merci à Yann d'avoir créé notre Association des Ecrivains Bretons reconnue comme une des plus actives associations d'écrivains en France.
En 1994, Yann BREKILIEN a cédé son fauteuil de Président à Jean-François Coatmeur. Puis  ce furent Anne, Christian, Yann, Anne-Denez, Nathalia et jusqu'à moi. Malgré quelques coups de vent,  nous avons réussi à garder le cap et conservé les objectifs d'animation culturelle et de solidarité chers à Yann. 
Nous n'oublions pas, non plus, que, forcément, nos œuvres contribuent à inspirer ceux qui agissent - Aussi, comme Yann l'a toujours voulu, nous restons responsables.
Nathalia MONJARET, vice-présidente, Yves LAINE, président de l'AEB/KSB
                                                                                                  
A titre personnel, je n'oublie pas ce jour de la fin 1978 où j'étais venu le voir avec mon premier titre " Europe rends-nous la mer ! "
- Yann, si cela peut servir à quelque chose , car ce texte ne fait pas de moi d'être un " écrivain "
- Mais tu l'es, Yves ! 
- Mais suis-je vraiment Breton ? ,je suis de Nantes…
- Breton tout autant que la Duchesse Anne, m'avait-il- rassuré.
Le monde culturel breton est à nouveau en deuil: après la disparition de Charles Le Quintrec et de JeanMarkale à la fin de l'année dernière, nous avons appris, hier, le décès, à l'âge de 88 ans, de Yann Brekilien, ancien magistrat et surtout écrivain, auteur d'une trentaine d'ouvrages consacrés à la Bretagne et au monde celtique. Né en 1920 à Paris, Yann Brekilien, de son vrai nom Jean Sicard, a marqué les lettres bretonnes de sa personnalité. C'est lors de ses études de droit - il sera avocat et magistrat dans le Morbihan et le Sud-Finistère - qu'il découvre la culture et l'histoire de la Bretagne. Dès lors, il n'aura de cesse d'écrire des livres pour défendre le particularisme breton, se faisant un nom, dès 1966, avec «La vie quotidienne des paysans en Bretagne au XIXesiècle» (Hachette). Directeur de la revue «Breizh» dans les années 60, Yann Brekilien, qui avait appris le breton à l'âge de 18 ans, a été un ardent défenseur de la littérature bretonne: en 1978, il avait créé l'association des écrivains bretons et, en 1987, le salon des romanciers bretons de Trévarez, qui était un rendez-vous apprécié des auteurs comme du public. Installé à Quimper au moment de sa retraite, en 1980, Yann Brekilien allait continuer à militer à sa façon, publiant notamment plusieurs ouvrages sur les druides, un mouvement auquel il appartenait. Car cet homme de petite taille et à la voix fluette, catholique pratiquant et imprégné des légendes arthuriennes, était un mystique qui croyait à «un humanisme celtique, seule voie de salut, selon lui, pour notre civilisation à l'agonie». 
Ses obsèques ont été célébrées lundi, à 14h, à l'église de Kerfeunteun, à Quimper 
 
Le Télégramme de Brest 14 mars 2009
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16 septembre 2010 4 16 /09 /septembre /2010 15:08
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14 septembre 2010 2 14 /09 /septembre /2010 22:59
Des animaux doués d'empathie
Article publié le 27 Février 2010
Par Pierre Le Hir
Source : LE MONDE
Taille de l'article : 875 mots

Extrait :

Ethologie Loin d'être le propre de l'homme, le souci de l'autre est partagé par les grands singes, les éléphants et d'autres mammifères. Comme l'esprit de compétition. Une leçon de vie du primatologue Frans de Waal. C'est une scène de la vie ordinaire. Une aveugle, désorientée, cherche son chemin. Une voyante vient à son secours, la guidant de la voix. L'infirme la remercie par de bruyantes effusions. Scène ordinaire, à cela près qu'elle se passe en Thaïlande, dans un parc naturel, et que les deux protagonistes sont des éléphantes. Cet exemple est l'un de ceux dont fourmille le nouveau livre de l'éthologue Frans de Waal, spécialiste des primates et professeur de psychologie à Atlanta (Géorgie)

 

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14 septembre 2010 2 14 /09 /septembre /2010 18:41

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David HUME

 

Remonter Polémique
David HUME (1711-1776)


La philosophie de Hume appartient au courant empiriste du XVIIIe siècle qui ruine les systèmes métaphysiques classiques caractérisés par le rationalisme, en attaquant leurs deux notions-clef : la substance (matérielle et spirituelle) et la causalité. C'est surtout ce dernier point que vise la critique de Hume, complétant ainsi l'œuvre de Locke et de Berkeley. Ce faisant, il privilégie le problème de la connaissance et du sujet connaissant, et ouvre la voie au kantisme et à la phénoménologie.

Né à Edimbourg en 1711, il reçoit une formation essentiellement littéraire. En 1734, il vient en France, au Collège royal de La Flèche, et y rédige le Traité de la nature humaine qui ne connaît guère de succès lors de sa parution en 1739. Il décide alors de publier des textes plus courts et plus aptes à lui assurer une prompte gloire littéraire. En 1741, les Essais moraux et politiques satisfont cette ambition. N'obtenant pas la chaire de morale qu'il convoite à Glasgow, il occupe divers postes de diplomate, bibliothécaire et secrétaire qui lui permettent de voyager à Vienne et Turin en 1746. Puis, après de nombreuses publications dont deux dissertations sur la religion et l'esthétique, il part pour Paris en 1763. Il y connaît de brillants succès mondains, et fréquente les Encyclopédistes. Après quelques années, c'est le retour à l'Écosse natale. Hume y reprend une vie studieuse entouré de ses anciens amis. Mais la douceur de cette fin de vie est gâchée par la maladie, et il meurt en 1776. Les Dialogues sur la religion naturelle seront publiés de façon posthume.

Hume est, avec Locke et Berkeley, l'un des principaux philosophes du courant empiriste dont la conception centrale est de subordonner la connaissance à l'expérience sensible immédiate. La méthode humienne se définit par l'analyse épistémologique des idées, et s'appuie entièrement sur l'expérience et la sensation, seule source de nos connaissances. Cette méthode expérimentale décrit les lois de la nature sans en chercher un principe métaphysique premier, au-delà du sensible. La raison finie de l'empiriste se soucie du comment, jamais du pourquoi. Son but est de comprendre le mécanisme de notre connaissance : quel processus de formation s'opère dans notre esprit, lorsque nous parlons de relation, de substance, de causalité ? Et quelle impression est à la source des idées ? Toute idée, en effet, est la copie d'une impression sensible. Même l'idée de causalité par laquelle je semble dépasser l'expérience et prévoir, à partir d'une cause donnée, un effet futur, dépend d'impressions reçues par le sujet. Seules les expériences antérieures peuvent nous fournir l'idée de relation causale. On ne saurait, d'un événement isolé et jamais rencontré auparavant, déduire le moindre effet. La transition par laquelle je passe de la cause à l'effet présumé n'est possible que si leur connexion a déjà été expérimentée régulièrement par le passé. C'est l'expérience qui nous montre la constance de certaines successions, comme celle de l'élévation de la température de l'eau et de son ébullition ; et c'est l'habitude, principe de la nature humaine, qui nous incline à attendre pour l'avenir la répétition de la liaison précédemment observée. La causalité n'est donc pas une propriété objective des choses. Dans la réalité extérieure, il y a des répétitions que seul un sujet qui retient, compare et attend peut transformer en causalité.

En renvoyant l'analyse des choses à celle du sujet qui les saisit, la méthode d'analyse de Hume engage la philosophie dans la voie du criticisme. Mais le sujet humien n'est pas ce que Kant appellera un "sujet transcendantal", il est une nature, c'est-à-dire un système de croyances cimenté par des sentiments. Le problème de la connaissance est donc, en dernière analyse, celui de la croyance, définie comme une certaine façon vive de sentir une idée. La croyance est le relief particulier d'une idée, tel que nous ne pouvons la penser sans y donner notre assentiment. Par conséquent, il faut bien avouer qu'il n'y a pas de valeur ni de vérité absolues, pas plus en science qu'en morale ou en esthétique, mais seulement des opinions généralement admises, constantes en vertu de l'universalité de la nature humaine. C'est en cela que la pensée de Hume est sceptique : nous ne pouvons rien affirmer de la réalité des choses, ni de Dieu, ni même de ce moi qui ne nous est jamais donné dans une impression. Paradoxalement, l'exercice philosophique de la raison n'est donc plus ici source de sagesse ou de bonheur, mais de doute infini et de désespoir. Mais ce désespoir reste théorique et non existentiel : par un optimisme naturaliste, Hume fait confiance à la vie pour nous délasser et nous distraire du scepticisme.

 

 

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14 septembre 2010 2 14 /09 /septembre /2010 18:20

ARTICLE DE MON BLOG QUE JE REMET EN LIGNE CAR JE TROUVE QU ' IL POSE UNE QUESTION INTERESSANTE ET IMPORTANTE .

 

La morale

Le problème de l'identité du moi  : nous  avons tendance à penser que nous sommes toujours la même personne, que notre moi actuel est le même qu'il y a cinq ans, malgré les changements qui affectent de nombreux aspects de notre personnalité. Nous pourrions à partir de là rechercher un soi sous-jacent, qui demeure le même sous les autres changements, et nous demander quelle est sa nature et ce qui le distingue des accidents qui nous affectent.

Mais Hume nie que nous puissions faire la moindre différence entre un tel moi mystérieux et les changements dont on prétend qu'ils lui appartiennent ou qui en découlent. Donc, lorsque nous nous examinons nous-mêmes, nous ne pourrons seulement percevoir que des ensembles d'idées et de sentiment. Donc, étant donné que l'âme est quelque chose de trop subjectif, l'introspection ne permet jamais de percevoir une substance que nous pourrions appeler « MOI ». Le moi n'est rien d'autre qu'un agrégat de perceptions liées, et, selon Hume, ces perceptions n'appartiennent à rien. L'âme est ainsi une communauté qui possède une certaine identité, non en vertu de son essence, mais par la composition d'éléments changeant continuellement. Le problème de l'identité du moi est alors pour Hume le problème de la cohésion de l'expérience individuelle. Or, il fera remarquer dans l'appendice du Traité que cette explication du moi ne le satisfait pas, mais il ne s'en expliqua jamais ! La pensée Humienne sur le moi est fort génante car il remet en doute sa réalité même. Selon lui l'identité personnelle pourrait bien n'être qu'une simple fiction philosophique.

 

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13 septembre 2010 1 13 /09 /septembre /2010 12:05

Système sceptique et autres systèmes . Traité I ,IV 

La critique que fait Hume du fondement de la causalité est assez connue . Celle du fondement de l 'identité l 'est moins . Elle occupe la quatrième partie du premier livre du " Traité de la nature humaine " . C'est l 'oeuvre géniale d'un jeune homme de 28 ans , dont l 'humour sceptique bouscule le langage traditionnel de la philosophie . Comment sommes - nous  assurés de l 'existence des corps extérieurs ? Comment pouvons-nous avoir le sentiment de notre propre moi ? La science de la nature humaine réussit à expliquer la première croyance ; elle échoue pour la seconde . Dans les deux cas , il faut s'en rapporter à l 'imagination et à ses fictions . Belle occasion de ressaisir en une seule vue toute l 'histoire de la philosophie , et d'en faire une critique radicale .

Nouvelle traduction,présentation , glossaire et dossier de Michel Malherbe .



Michel Malherbe

Né en 1941 ,il est professeur à l 'université de Nantes .




Edition : Coll Points-Inédit-Essais

 

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12 septembre 2010 7 12 /09 /septembre /2010 19:12

Voici le texte:
Il est des philosophes qui imaginent que nous sommes à chaque instant intimement conscients de ce que nous appelons notre MOI, que nous en sentons l’existence et la continuité d’existence, et que nous sommes certains, avec une évidence qui dépasse celle d’une démonstration, de son identité et de sa simplicité parfaites. La sensation la plus forte, la passion la plus violente, disent ils, loin de nous détourner de cette vue, ne le fixent que plus intensément et nous font considérer, par la douleur ou le plaisir qui les accompagne, l’influence qu’elles exercent sur le moi. Tenter d’en trouver une preuve supplémentaire serait en atténuer l’évidence puisqu’on ne peut tirer aucune preuve d’un fait dont nous sommes si intimement conscients, et que nous ne pouvons être sûrs de rien si nous en doutons.
Malheureusement ces affirmations positives sont contraires à cette expérience même que l’on invoque en leur faveur et nous n’avons aucune idée du moi de la manière qu’on vient d’expliquer. De quelle impression, en effet, cette idée pourrait-elle provenir ? Il est impossible de répondre à cette question sans une contradiction et une absurdité manifestes et pourtant, c’est une question qui doit trouver une réponse si nous voulons que l’idée du moi passe pour claire et intelligible. Toute idée réelle doit provenir d’une impression particulière. Mais le moi ou la personne, ce n’est pas une impression particulière, mais ce à quoi nos diverses idées et impression sont censées se rapporter. Si une impression donne naissance à l’idée du moi, cette impression doit nécessairement demeurer la même invariablement pendant toute la durée de notre vie, puisque c’est ainsi que le moi est supposé exister. Mais il n’y a pas d’impression constante et invariable. La douleur et le plaisir, le chagrin et la joie, les passions et les sensations se succèdent et n’existent jamais toutes en même temps. Ce ne peut donc pas être d’une de ces impressions, ni de toute autre, que provient l’idée du moi et en conséquences, il n’y a pas une telle idée.

 

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12 septembre 2010 7 12 /09 /septembre /2010 18:09

Qui ouvre ce livre doit s'attendre à faire d'étranges rencontres : une escouade de prophètes, les faux et les vrais, ceux-ci reconnaissables à leur goût prononcé pour les catastrophes ; quelques fantômes réclamant réparation, comme la silhouette casquée qui se dresse sur le rempart d'Elseneur ; un marchand de cercueils, croisé chez Pouchkine, cerné tout à coup par les morts qu'il a mis en bière ; un brave parmi les braves qui se couvre de ridicule dans la nuit noire en exterminant des moutons (Ajax) ; un physicien qui, en cherchant à rejoindre le monde idéal où les morts ressuscitent, participe à la découverte bien réelle des fusées ; un vieux père qui souffre et fait souffrir mille morts en tentant de régler sa succession (Lear) ; un jeune dandy qui arbitre un fatal concours de beauté (Paris). Et encore deux ou trois dieux grecs en proie aux tourments ordinaires du ressentiment et de la jalousie. Plus quelques animaux : des chevaux qui pleurent, un chat énigmatique, ni mort ni vivant, un cachalot fin stratège.

 

"Ces voix parlent de folie, de prophétie et de mystère, des thèmes qui ont passionné l'esprit humain pendant des siècles mais se trouvent désormais, surtout pour les deux dernières, dans des zones désertées. Sans avoir à proprement parler disparu, ils sont enfouis dans une mémoire collective défaillante, à la manière des souvenirs des névrosés, et constituent ce que Freud aurait appelé des ensembles psychiques qui, pour ne plus tirer que très rarement la conscience à eux, n'en existent pas moins et continuent d'exercer leur pouvoir sous des masques divers.

La psychanalyse étant aujourd'hui l'objet d'attaques féroces, l'analogie peut sembler mal choisie. Un demi-siècle de travaux sur les troubles mnésiques, au moment où le monde basculait dans la violence sans nom de deux conflits mondiaux, mériterait pourtant plus de respect, voire plus de gratitude."


("L'Appel de l'ombre", p. 13.)

 

  
Sur le même sujet
Forum Littérature
 
 
 

Thérèse Delpech, qui préside à l'improbable rencontre de ces figures, vient de publier un livre qui surprendra. Elle emprunte à la Bible, aux tragiques grecs, à la mythologie, c'est-à-dire à un royaume culturel désormais englouti, auquel plus aucun collégien ne se voit enseigner l'accès. Elle a donné à l'ouvrage une étonnante structure musicale, où deux mouvements lents, chacun fait de cinq variations, encadrent un mouvement rapide, tourniquet de dix histoires brèves. Elle a délibérément opté pour une forme fragmentaire, qui n'exige jamais la reddition du lecteur, mais aiguillonne sa curiosité. Enfin, ceux qui la connaissent comme une experte du monde contemporain ne soupçonnent pas en elle une spécialiste de philosophie médiévale, une commensale de saint Anselme, une collectionneuse de légendes.

L'irrationnel, ici, prend de multiples visages : c'est tantôt un mystère (celui de la Trinité, dont un des plus beaux passages du livre dit quel casse-tête il a été pour les artistes qui devaient le mettre en images) ; tantôt une énigme scientifique ; parfois un cauchemar, un accès de folie, un délire de passion ; parfois une prédiction ou un présage ; et souvent un immaîtrisable événement historique qui, comme le dit Joseph de Maistre de la Révolution française, paraît aller tout seul, sans le concours des humains. Ces variétés foisonnantes, on peut les réduire à deux catégories. Il y a l'irrationnel en sursis, en attente d'élucidation, destiné à disparaître avec le progrès des Lumières conquérantes. Mais il y a aussi l'irrationnel qui résiste obstinément à la simplification : lui a partie liée avec cette "ombre" dont Thérèse Delpech nous invite à entendre l'appel.

Prêter l'oreille à l'obscur n'est nullement céder à l'obscurantisme. Il ne s'agit pas d'humilier la raison, mais de l'inviter à l'humilité et à la tempérance. A l'humilité, car ce qu'elle est impuissante à éclairer recouvre d'immenses territoires : vers le haut - ce qui nous surplombe infiniment -, et vers le bas, ce monde plus vaste, plus riche, plus profond, qui se creuse sous la surface du psychisme ordinaire. A la tempérance, parce que nous savons ce qu'il advient des sociétés où une très déraisonnable raison s'est avisée d'éradiquer le mystère au nom d'une transparence supposée bienheureuse. L'irrationnel mis à la porte se venge en rentrant par la fenêtre exercer ses ravages : une fois congédiées les grandes religions, on voit, comme Nietzsche l'avait prédit, proliférer les sectes, "ces dents de dragon semées à profusion" ; une fois la conscience rudement réduite au seul exercice de la raison, on voit l'irrationnel chercher "des issues dans la maladie, la violence, la guerre et la destruction" ; une fois écoulé le siècle terrible qui a vu le déchaînement d'une barbarie inédite - et ici on retrouve l'auteur de L'Ensauvagement (Grasset, 2005) -, l'héritage qu'il laisse est "d'une telle férocité que l'inconscient attend probablement des représailles".

Il y a autre chose encore, et qui rend très émouvant ce beau livre nourri de la conversation avec les grands textes. De la raison, qui vise l'universel et n'a que faire des particularités, Hegel avait dit qu'elle "ne peut s'éterniser auprès des blessures infligées aux individus". L'élan triomphant des Lumières a fait perdre à l'humanité tout un répertoire poétique - les fables du péché originel, des voyages après la mort et du salut des âmes. Elles embellissaient la vie. Mais elles la berçaient aussi, mettaient un baume sur les plaies. Et Thérèse Delpech a beau, comme le cachalot dont Melville vante l'esprit net et le coup d'oeil lucide, ne pas se raconter d'histoires, elle a aussi, comme cet animal fétiche, le coeur assez tendre pour les convoquer au chevet de nos malheurs particuliers.


L'APPEL DE L'OMBRE. PUISSANCE DE L'IRRATIONNEL de Thérèse Delpech. Grasset, 176 p., 13 €.

 

Mona Ozouf
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12 septembre 2010 7 12 /09 /septembre /2010 13:06
L’Envers du monde – Henry Corbin et la mystique musulmane, l'ouvrage de Tom Cheetham a été traduit en français par Hélène Foreman. Je reprend ici la présentation qu'en donne l'association des "Amis de Henry Corbin" dont je fais partie. On peut aussi accéder au site en anglais de Ton Cheetham ici

Ange, miniature persane

 
 
Rappelons d'abord que Henry Corbin (1903-1978), orientaliste et philosophe, est l'un des penseurs les plus éminents du XXème siècle. Disciple d'Etienne Gilson et de Louis Massignon, à qui il succéda dans la chaire d'Etude de l'Islam de l'Ecole Pratique des Hautes Etudes de la Sorbonne, il fut aussi l'un des piliers fondamentaux – avec C.G. Jung et M. Eliade, entre autres - du cercle "Eranos" de 1949 à 1977, directeur du Département d'Iranologie de l'Institut Franco-Iranien de Téhéran de 1946 à 1970, professeur durant plus de trente ans à l'Université de Téhéran et membre fondateur de l'Université Saint-Jean de Jérusalem.  
Henry Corbin a ouvert au regard de l'Occident l'existence d'un monde jusqu'alors complètement inconnu : la profonde spiritualité des grands mystiques shiites et la philosophie développée dans l'Orient du monde musulman, en particulier en Iran, après la mort d'Averroès. Son œuvre, centrée dans la connaissance et la spiritualité islamique, mais développée dans le contexte des trois religions monothéistes, comprend un nombre considérable d'études sur les rites, ainsi que des traductions et éditions de textes anciens inédits, arabes et persans, qu'il récupéra lui-même patiemment dans les bibliothèques de Turquie et d'Iran.
L’ouvrage de Tom Cheetham est une présentation synthétique et claire de la pensée de Henry Corbin (m. 1978), et de ses enjeux pour notre époque. A la différence d’ouvrages fortement philosophiques sur la pensée corbinienne (Christian  Jambet, La logique des Orientaux : Henry Corbin et la science des formes, 1983, ou D. Shayegan, Henry Corbin – La topographie spirituelle de l’Islam iranien, 1990) L’Envers du monde est destiné à un public plus vaste et éclectique. Tout en connaissant la pensée de Corbin dans ses nuances, Cheetham lui-même ne se présente ni comme pur philosophe, ni comme orientaliste. Il entend simplement souligner l’apport considérable de Henry Corbin à la pensée contemporaine.


Le livre de Tom Cheetman est disponible en français
Cheetham retrace l’évolution de Henry Corbin depuis sa rencontre plusieurs grands penseurs, et surtout avec Martin Heidegger, dont il fut le premier traducteur en langue française. Avec Heidegger, Corbin insiste sur le fait que penser est un acte de présence au monde, un « acte d’être ». Ce ne sont pas les circonstances extérieures, sociales qui dictent leur vie aux hommes, c’est le degré d’engagement de leur propre conscience qui donne sens au monde. A la différence de Heidegger toutefois, Corbin ne voit pas la pensée humaine barrée inéluctablement par la conscience de la mort. Avec l’étude des mystiques – musulmans, mais aussi grecs ou chrétiens – Henry Corbin rend compte d’une expérience où c’est la transcendance, la présence du divin, qui constitue l’horizon de la conscience, qui détermine ce qui est passé ou présent, vie ou mort. Cette redécouverte d’un acte d’exégèse du monde caché, spirituel, est un premier volet essentiel de la pensée de Henry Corbin.
Cheetham insiste aussi sur une autre dimension de la pensée corbinienne, la redécouverte de l'imagination comme voie de connaissance mystique et philosophique. Il ne s’agit pas ici de l’imagination au sens courant, psychologique, mais de cette faculté désignée par l’adjectif « imaginale » : la capacité de recevoir et de comprendre les formes subtiles qui préexistent à la vie terrestre et la continuent, et cela par les visions et les rêves notamment.
Enfin, Cheetham rend compte du thème du « paradoxe du monothéisme » évoqué par Corbin. Le monothéisme - islamique - évacue les intermédiaires entre le Dieu unique et les hommes ; mais comme ce Dieu est infini et incompréhensible, les hommes sont conduit de le représenter par des concepts ou des représentations à leur mesure, et retombent ipso facto dans une idolâtrie qu’ils entendaient éviter. D’où, pour henry Corbin la « nécessité de l’angélologie », l’ange représentant le point précis de la rencontre entre le Dieu qui se « personnalise », et l’âme humaine qui se « divinise », événement spirituel central résumant toute la démarche de la mystique.
Ecrit dans un style à la fois précis mais clair, l’ouvrage rend ainsi accessible au public non spécialisée une pensée complexe, mais d’une grande fécondité pour notre époque.
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