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Ecosia : Le Moteur De Recherch

7 octobre 2010 4 07 /10 /octobre /2010 10:08

Depuis quelques jours, on retrouve une perle rare dans les clubs vidéo et les magasins de DVD : l’édition Criterion du chef d’oeuvre de Terrence Malick, The Thin Red Line (1998). Les suppléments incluent une série d’entrevues d’une trentaine de minutes avec les acteurs, 14 minutes de scènes inédites (dont une avec Mickey Rourke, qui n’est jamais apparu dans la version finale), un commentaire audio réunissant le directeur artistique, le directeur photo et le producteur. Le réalisateur reclus, quant à lui, a contribué à l’entreprise Criterion avec cette note qui apparaît après qu’on appuie sur Play : «Terrence Malick recommends that The Thin Red Line be played loud.»

Aujourd’hui, The Thin Red Line fait partie de mon Top 10 à vie. Pourtant, je me rappelle être sorti confus de la salle de cinéma la première fois que je l’ai vu. Je n’avais pas détesté, mais je ne pouvais certainement pas affirmer que j’avais aimé. Quel est ce drôle de film de guerre qui ne distingue pas clairement les gentils des méchants? Qui semble davantage s’intéresser aux plantes et aux animaux qu’aux fusils et aux bombes? Qui n’a pas de héros mais un paquet de personnages faillibles plus préoccupés par leur propre mortalité que par la mission militaire en jeu?

Les années ont passé et j’ai commencé à comprendre. Du moins, me satisfaire avec ma propre interprétation. The Thin Red Line est l’oeuvre d’un ancien étudiant de philosophie qui, après son second long métrage – Days of Heaven (1978) – a pris 20 ans pour réfléchir à son troisième. Le résultat est très dense et mérite d’être décortiqué avec assiduité. Malick est un adepte du philosophe allemand Martin Heidegger (1889-1976) et particulièrement de son concept de l’Être qui infuse le discours de tous ses films. Voici un extrait d’un papier que j’ai publié pour Ciné-Bulles qui, je l’espère, saura vous éclairer un peu :

L’Être représente l’essence même de tout ce qui existe. Il agit comme une force omniprésente qui observe et interprète le monde. Dans les films de Malick, l’Être est toujours le personnage principal et se manifeste par la voix off du ou des narrateurs. Il est important de comprendre que les propos de cette voix n’appartiennent pas exclusivement aux personnages auxquels on les associe. Ils sont partagés avec l’Être qui s’approprie en partie ces propos leur attribuant ainsi une double fonction : celle d’informer sur l’état et les actions des individus en question et celle de rendre compte de l’incidence de leur existence dans une perspective universelle. En d’autres mots, la voix off tient lieu d’impressions subjectives et objectives en même temps.

La guerre n’est donc pas le sujet de The Thin Red Line mais bien un canevas qui, présentant l’expérience humaine dans sa condition la plus extrême, permet d’aborder en termes absolus les questions relatives à notre existence. Le film est parsemé de brèves observations humanistes qui interpellent directement le spectateur. Et qui font réfléchir. Par exemple, ce soldat japonais mort, dont seul le visage dépasse du sol, qui déclare par l’entremise de l’Être-narrateur : «Est-ce que tu imagines que ta souffrance va être moindre parce que tu aimais la bonté et la vérité?» Ou la remarquable séquence de l’invasion du village ennemi alors que, au milieu du chaos, ressort une voix off sobre et éloquente qui demande : «Ce grand Mal, d’où vient-il? De quelle racine a-t-il poussé?. Cette noirceur se retrouve-t-elle en toi aussi?».

Au-delà de sa grande capacité d’écriture, Malick est un réalisateur de premier ordre. Et je ne parle pas de sa maîtrise technique exceptionnelle sur le plateau d’un film épique après deux décennies sabbatiques. Plutôt de son approche poétique à la mise en scène. Je pense en particulier au moment où le soldat Witt (James Caviezel), entouré par une brigade de soldats japonais, fait face à sa mort imminente. Au début du film, lorsqu’il vit son moment édénique parmi les aborigènes, il dit : «Je me demande comme ce sera lorsque je saurai que je m’apprête à prendre mon dernier souffle». Eh bien, il est en train de le vivre. Son regard est intense. Et puis la caméra de Malick fait quelque chose de spécial : elle dessine son dernier souffle. Elle avance doucement vers son visage (inspiration) pour ensuite reculer (expiration). Coup de feu fatal… J’en ai encore des frissons.

Je vous laisse avec les premières paroles du film, qui illustrent éloquemment l’approche poético/philosophique de Malick. Les cinq premiers vers proviennent du narrateur omniscient, et puis il y a une transition symbiotique vers la voix de Witt :

What’s this war in the heart of nature?

Why does nature vie with itself?

The land contend with the sea?

ls there an avenging power in nature?

Not one power, but two?

l remember my mother when she was dying.

Looked all shrunk up and gray.

l asked her if she was afraid.

She just shook her head.

l was afraid to touch the death l seen in her.

I heard people talk about immortality, but I ain’t seen it.

l wondered how it’d be when l died.

What it’d be like to know that this breath now was the last one you was ever gonna draw.

l just hope l can meet it the same way she did.

With the same… calm.

Cos that’s where it’s hidden – the immortality l hadn’t seen.

 

LIEN : link

 

 

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6 octobre 2010 3 06 /10 /octobre /2010 11:07

A propos de "JE"

 

...

 

Quand je dis qu'il n'y a personne, cela veut dire qu'il n'y a pas quelqu'un à l'intérieur de ce complexe corps-esprit, il n'y a ni individualité, ni entité. Mais la personne est là, un ensemble psycho-physique qui pense, élabore des concepts, ressent, et parle éventuellement. Cet ensemble qui dit "je" peut dire aussi "moi".

Ce n'est pas quelqu'un-entité mais la personne en tant que globalité, globalité individuelle au sein d'une Globalité qui l'enveloppe et la pénètre totalement.

 

...

Ce "je" qui semble, nous humains, nous faire fonctionner, qu'est-il ou qui est-il ?

"moi", "je", c'est la forme parlée dérivée de l'ego. L'ego est un concept, c'est-à-dire la représentation abstraite d'un objet, qui qualifie l'ensemble de cet objet. Ici, la personne dans son ensemble, l'ensemble physico-psycho-affectivo-mental qui, lorsqu'il se désigne lui-même, dit "moi" et lorsqu'il parle dit "je". Ce "je" désigne ce que désigne l'ego, c'est-à-dire la personne qui parle, l'ensemble de la personne qui, étant donné la complexité de son fonctionnement, a la capacité de penser, dire ce qu'il pense et s'exprime par "je" qui résume la pensée du corps-esprit, de l'individu vivant qui est là.

Cet ensemble qui dit "je", peut aussi dire "moi", un tel ou une telle, une personne, un être en évolution, en devenir, mais non-séparé, non-isolé de l'ensemble de l'univers dans sa totalité. Comme pour tous les êtres vivants, c'est un phénomène surgi de l'Un qui s'exprime en tant qu'oiseau, fleur, insecte, et en tant qu'humain. Mais dans tous ces êtres infiniment complexes, il n'y a pas une entité papillon qui fasse voler le papillon, ni une autre qui fasse chanter l'oiseau, grandir l'arbre, il n'y a pas une entité moi qui fasse fonctionner l'humain.

 

...

De même que l'individuel n'est pas régi par un "je", l'universel n'est pas régi par un "JE". Au coeur de l'Un, au coeur du Tout, au coeur de Cela qui Est, il n'y a pas une entité suprême, un JE qui dirige le monde et auquel notre petit "je", lors de nos expansions de conscience, pourrait s'identifier.

 

(Extrait de l'article paru dans 3e millénaire)

 

link  ( LIEN)

 

 

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5 octobre 2010 2 05 /10 /octobre /2010 13:00
Pharmacopée n°7

Maître Eckhart est à n’en pas douter un maître en détachement. Je m’évertue quotidiennement à me dépouiller de livres, de nourriture parfois, d’habits. Bref, je crois que l’attachement me lie toujours à l’extérieur, au matériel. Mais le suprême attachement, c’est celui qui me ligote à moi-même, au petit personnage que je crois être. C’est pourquoi je trouve un tonique rappel en ses lignes. Dans les Entretiens spirituels, il écrit : « En vérité, si un homme abandonnait un royaume et le monde entier et qu’il se garde lui-même, il n’aurait rien abandonné. » Pourquoi ne pas commencer par rire un petit peu du bonhomme que je suis et prendre un peu mes distances à son endroit ? Se détacher de soi par le rire, voilà qui n’est pas sans charme ! Encore ne faut-il pas s’attacher, même pas à ce joyeux chemin !

Commentaire :

*

jean devriendt (maitre.eckhart.free.fr)

Lundi 4 octobre 2010 à 23 h 50 min

 

Le détachement d’Eckhart est au-delà de l’acte, il saisit l’être. Il faut se détacher aussi des images, même des grandes images de dieu fabriquées en nous. Et tout ceci a un but : enfanter le verbe en nous en devenant par grâce ce que Dieu est par nature ! Vaste programme. Quant à l’humilité, ce n’est pas l’humiliation. Être heureux d’être soi, et heureux que les autres soient ce qu’ils sont, c’est le premier pas. On n’a jamais vu deux vertus s’opposer. La joie est le premier pas vers l’humilité. Puis la colère contre tout ce qui est mauvais, sans distinguer entre soi et les autres. La sainte colère, calme et bienveillante, joyeuse et entièrement constructive. C’est tout cela aussi le détachement, car tout va par paire antinomique surtout chez Eckhart, et le détachement n’est rien sans l’amour. Eckhart le dit dans « l’oeuvre des sermons » : qui peut prétendre aimer son prochain en ne s’aimant pas soi-même ?

 

 

LIEN :link

 

 

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1 octobre 2010 5 01 /10 /octobre /2010 10:06

A paraître le 27 octobre 2010            
Fidèle à lui-même, Charles Antoni a gardé tout au long de sa vie, les options fondamentales qui valent objectifs.
indéfectibles : le socle n’a pas changé depuis ses premiers engagements et ses premiers voyages. Toujours revenir àce qu’il appelle la “ Verticalité ”.

Le terme du voyage est identique à son “ Originel ”même si le voyage est infini... Baroudeur de l’absolu, il circule encore et toujours “ Sur la route ”...Il ne nous reste plus qu’à suivre les traces qu’il veut
bien proposer, nous laissant, bien sûr, le loisir d’endisposer. Libre à nous de construire notre propre route...
Paule Orsoni

Charles Antoni, Directeur des éditions L’Originel, est l’auteur de nombreux ouvrages philosophiques.

Relations service de presse :
michelle anglares : 01 42 46 75 78

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1 octobre 2010 5 01 /10 /octobre /2010 08:06

Le coup de coeur d'Aude Lancelin

Coeur de Schiffter

Par Aude Lancelin

A ceux qui se sentent toujours un peu en exil au milieu de leurs semblables, à ceux qui, fermant un livre, ont souvent l'impression de régresser en rejoignant le réel, à ceux qui savent bien que les maîtres du pessimisme, Schopenhauer ou Chamfort, sont les seuls capables de remonter réellement un moral défaillant, un conseil : ne manquez pas le nouveau livre de Frédéric Schiffter.

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Recueil de réflexions inspirées par dix aphorismes cueillis chez dix auteurs, parmi lesquels Proust, Montaigne, Freud ou l'Ecclésiaste,« Philosophie sentimentale » est le dixième et sans doute le meilleur livre d'un faux dilettante, qui en a pourtant commis de très excellents depuis « Guy Debord l'atrabilaire », paru en 1999. A la manière de ses penseurs favoris, les moralistes du Grand Siècle, qui, assurait Nietzsche, « tels d'adroits tireurs, mettent toujours et toujours dans le noir de la nature humaine », Schiffter écrit ici avec une économie de moyens admirable, un sens du sarcasme irrésistible, une désillusion si complète sur les idéaux et les hommes qu'elle le conduit cette fois quasiment à l'indulgence plutôt qu'au mépris.

Au passage, dans une profonde méditation sur une phrase de Pessoa, l'auteur parvient aussi à ouvrir son coeur. Gageons que celui à qui il ne déplaît pas de se décrire aristocratiquement comme «l'essayiste le moins lu de France» saura cette fois trouver celui des autres.

Aude Lancelin

« Philosophie sentimentale », par Frédéric Schiffter,
Flammarion, 186 p., 17 euros

Toutes les critiques de l’Obs

 

LIEN :

 

link

 

 

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30 septembre 2010 4 30 /09 /septembre /2010 11:52

Titre du document / Document title

Le néoconfucianisme au crible de la philosophie analytique Feng Youlan et son Traité de l'homme = Neoconfucianism tested against analytic philosophy. Feng youlan's treatise of man

Auteur(s) / Author(s)

VANDERMEERSCH Léon ;

Résumé / Abstract

Feng Youlan (1895-1990), auteur d'une célèbre Histoire de la philosophie chinoise (Shanghai 1930-33), a voulu refonder le néoconfucianisme de Zhu Xi (1130-1200) en l'accordant à la philosophie analytique. Son Traité de l'Homme (1943) est une phénoménologie de la conscience individuelle, décrite dans chacune des quatre étapes de son ascension vers la sainteté (au sens chinois du mot): la conscience naturelle, forme originelle de l'être-au-monde, immédiatement présent au réel sans conscience de soi; la conscience intéressée, qui se distancie du réel par un calcul de conduite en vue d'un bonheur égoïste; la conscience morale, naissant d'une prise de conscience de soi comme être-avec-autrui, qui cultive l'altruistes; la conscience cosmique, celle du Saint qui a compris les raisons de toute chose et communie à la Voie du Ciel (Dao). L'un despenseurs chinois les plus subtils du siècle dernier, Feng Youlan a été décrédibilisé par sa tonitruante conversion au maoïsme en 1949.

Revue / Journal Title

Archives de philosophie ISSN 0003-9632

Source / Source

2007, vol. 70, no3, pp. 471-486 [16 page(s) (article)]

Langue / Language

Français

Editeur / Publisher

Beauchesne, Paris, FRANCE (1946) (Revue)

 

 

LIEN : link

 

 

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30 septembre 2010 4 30 /09 /septembre /2010 10:39
Maxence Caron interviewé par Directsoir sur Luchini lisant Muray
par admin, juin, 2010

Maxence Caron – « Agir contre l’imbécillité »

Directsoir : L’oeuvre de Philippe Muray jouit-il aujourd’hui d’une renommée méritée ?

Maxence Caron : Pour répondre à votre question, il me semble qu’il la faut retourner : le public mérite-t-il l’œuvre de Muray ?  Une œuvre qui se porte de la sorte contre les blets fruits d’une époque morte ne mobilise-t-elle pas d’emblée le lecteur qui la plupart du temps est celui-là même dont l’auteur décrit les ridicules ? En ce sens, les textes de Muray sont tout autant dirigés contre son lecteur que tendus vers lui dans l’espoir de lui dessiller le regard. En grand lecteur de Balzac, Muray dresse les bases d’une nouvelle Comédie humaine en qui chacun peut reconnaître à la fois la paille dans l’œil d’autrui mais plus encore sa sienne et propre poutre. La renommée de l’œuvre est d’autant plus méritée que le public la mérite comme on mérite une correction afin de se donner les moyens de mériter une récompense.

Quels sont les concepts de base de sa pensée ?

MC : Même si elle possède quelques célèbres notions, comme celle de l’homo festivus, cette pensée, ainsi que chez Nietzsche ou Pascal, ne procède pas fondamentalement par concepts, car pour répondre à l’infâme elle est d’abord créatrice de style : elle oppose la musique du verbe au démembrement du monde. Mêler élégance et lucidité pour rappeler en creux ce qui est essentiel, en dénonçant l’indéfini accroissement du ridicule qui s’enfle en autonomie de satisfaction : telle est la manière thérapeutique d’un propos qui entend penser après l’histoire.

Son tempérament polémique peut-il convenir à une lecture par Luchini ?

MC : Les abois de F. Luchini ne sont généralement pas ceux de la meute. Il y a dans le tempérament de cet acteur, que l’on constate partagé entre l’insipide d’une réalité à laquelle il se confronte et l’idéal poétique vers lequel le porte son cœur, une disposition à aimer agir contre l’imbécillité pandémique avec l’arme du verbe des écrivains qu’il admire. Il semble donc assez naturel que le génie de Muray ne lui ait pas échappé ; et du don pour le lire naîtra certainement une des fort rares belles choses encore possibles dans ce que Desproges appelait « ce merveilleux métier de l’art et du spectacle ».

Maxence Caron, écrivain, philosophe, musicien, auteur de plusieurs ouvrages dont La Vérité captive (Ed. du Cerf). Il co-dirige actuellement, à paraître prochainement, un collectif sur Philippe Muray.

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27 septembre 2010 1 27 /09 /septembre /2010 16:12
Bonjour,Vous ne me connaissez pas, je suis juste une petite chatte de gouttière...


J'ai oublié le nom que vous m'aviez donné petite.

Je ne me souviens plus très bien de maman non plus.

C'était il y a si longtemps.

Et je suis restée si peu de temps avec elle...

Je me souviens que les gens la trouvaient très belle, très gentille.

Elle était écaille de tortue.

Noir et rousse. Alors ses maîtres, très gentils par ailleurs lui ont laissé faire une portée pour avoir de jolis et gentils chatons comme elle...

Notre papa, un illustre inconnu, je ne sais qui il est, sûrement un matou du quartier...

Ils n'ont pas été déçus par notre naissance !

5 frères et sœurs que nous étions.

Deux noirs, un rouquin et moi et ma sœur, écaille de tortue comme maman.

Moi au lieu d'être noire et rousse, j'étais bleue et crème...

Magnifique disaient de moi les gens qui venaient nous voir.

Nous étions en bonne santé, bien traités, alors forcément nos maîtres n'ont eu aucun mal à nous placer.

Je suis partie à l'age de 8 semaines dans une famille gentille.

J'avais droit aux câlins, à dormir dans leur lit.

Ils m'avaient mis un beau collier avec des perles argentées et une jolie clochette.

Nous habitions en appartement.

Parfois la femme pestait après moi quand j'étais en chaleur et miaulais la nuit ou faisais pipi sur son canapé ; mais elle m'aimait bien je pense.

Elle me prenait sur les genoux et j'adorais ses caresses et je ronronnais...

Et puis... il y a eu beaucoup de cartons dans l'appartement.

Et puis...les pièces se sont vidées

On s'occupait moins de moi mais ce n'était pas grave.

Ils étaient occupés, je comprenais.
J'entendais parler d'une maison avec un jardin, qu'il y aurait des enfants bientôt...
Et puis...

Je n'ai pas compris. Le dernier carton est parti.

Le monsieur m'a prise dans les bras et on a descendu l'escalier.

Cet escalier qui m'intriguait tant et où je n'avais pas le droit d'aller...

On est sorti.

Et moi j'étais toute apeurée parce que je ne connaissais pas dehors. Il y avait de grands bâtiments.

C'était immense en bas. Moi je voyais ça de mon 4ème étage.

En bas, ca faisait peur.

Il m'a posée par terre. Et j'ai trouvé bizarre la sensation de l'herbe sur mes coussinets habitués à la moquette.

Une voiture a démarré juste à coté de nous, j'ai couru sous un buisson pour me réfugier...

Je suis restée longtemps sous le buisson.

J'ai attendu la nuit. Quand je suis sortie le monsieur était parti.

J'ai attendu... Des jours entiers qu'il revienne me chercher.

Il m'avait certainement oubliée...
J'ai attendu... sous mon buisson.

Et j'ai eu faim alors je suis allée vers les gens que je croisais.

Certains étaient gentils et m'ont donné des caresses et à manger. Un peu. Mais d'autres m'ont chassée, m'ont frappée.


J'ai attendu...
J'ai fait connaissance avec les chats du coin.

Des chats faméliques qui m'attaquaient...

J'ai fait connaissance aussi avec les chiens. Plusieurs fois ils ont failli m'attraper et me tuer.

Par chance j'ai réussi à leur échapper. Je voyais parfois des gens avec ces chiens.
J'ai attendu. ..Longtemps.
J'ai perdu mon joli collier, avec sa clochette.
J'ai eu des bébés moi aussi, plusieurs fois, mais peu ont survécu...
J'ai attendu... Et je suis tombée malade.
Les yeux.

J'avais si mal qu'à force de me gratter, j'ai perdu un œil.

L'autre, je n'y voyais quasiment plus. Alors je suis restée sous mon buisson. Des gens gentils me donnaient à manger, juste à coté du buisson.

Mais vous savez, dans ce quartier les gens comme les chats sont miséreux. Personne ne pouvait me soigner.

Et puis un jour, alors que je sentais la fin peut-être arriver bientôt, j'avais perdu mes derniers chatons depuis peu d'une fausse couche, un monsieur est arrivé.

Un jeune monsieur. Et bien que je n'étais plus très belle, borgne, le poil miteux, il m'a câlinée, m'a nourrie quelques jours.

Il a regardé mes yeux et a pleuré. J'ai appris qu'il était étudiant en médecine. Et qu'il ne pouvait pas me recueillir, lui aussi.

Et que c'est ça qui le faisait pleurer.

Il faisait chaud ce jour là. Une jeune femme est arrivée avec ce monsieur.

Elle avait une caisse. Je me souviens petite que les gens avaient une caisse comme celle là... alors je suis rentrée dedans. J'étais si fatiguée...

Le voyage a été long. Il faisait très chaud dans la voiture.

J'avais peur, j'avais soif. Je miaulais.

La jeune femme me parlait, je me souviens.

On est arrivé quelque part où on m'a soignée durant plusieurs jours. Je n'étais pas heureuse au départ en cage mais la dame était gentille, me nourrissait bien.

Elle a soigné mon œil. A présent j'y vois un tout petit peu mais très mal. Elle m'a opérée aussi.

J'avais un reste de placenta pourri dans l'utérus suite à ma fausse couche ; Cela m'aurait tuée.

Et ces années dehors à me battre contre les chats et les chiens m'ont laissé en souvenir le fiv, le sida du chat.

Aujourd'hui encore je déteste les chats et les chiens. J'en ai très peur, voyez vous.

Maintenant je vais mieux... Je suis dans une association qui prend soin des chats comme moi, malades ou sauvages.

Moi je ne suis pas sauvage. J'aime beaucoup les câlins.

Nous sommes nombreux là-bas.

Roméo, Baloo (lui a très peur des gens... il n'a pas connu comme moi petite la chaleur d'un foyer).

Je me repose. Et je n'attends plus le retour de ce monsieur... Il ne reviendra jamais.

Parfois je pense à mes frères et sœurs. Que sont-ils devenus, eux ? Attendent-ils eux aussi un monsieur ou une dame ?

Un jeune étudiant en médecine pleurera-t-il sur leurs yeux malades ?

Une jeune femme fera-t-elle 200 kilomètres en voiture pour eux ?

Ma maman serait bien triste d'apprendre mon histoire...Et les gens qui l'adorent aussi...

Ils disaient qu'ils la feraient opérer après une portée, ils ne pensaient pas que les gens auxquels ils m'avaient confiée feraient cela. Ils étaient si gentils, ils disaient...

Le jeune étudiant en médecine m'a baptisée Cosette car j'habitais rue Victor Hugo.

Cosette, j'aime bien. J'ai croisé Gavroche ( !) chez cette jeune femme.

Elle l'avait fait castrer, il m'a dit. Oh bien sûr un mauvais moment à passer durant 24h...

J'ai pensé à mes bébés.. à ceux qui ont survécu. Peut-être ont ils été adoptés...

S'il vous plaît, vous qui les avez recueillis, faites les stériliser.

Ils n'auront pas de chatons à vivre ce qu'a vécu leur grand-mère...

Cosette à La Maison de l'Espoir Retrouvé
Cette histoire est celle d'une petite minette trouvée à Alençon recueillie par La Maison de l'Espoir Retrouvé.

Un bel endroit dont voici le site http://maisondelespoir.fre e.fr/.

Cosette nous a quitté le 18 juin 2010 entourée de soins, de caresses qui semblaient l'apaiser et aussi pas ses congénères dont certains s'étaient couchés près d'elle.

Cosette est restée un plus de 4 ans à la Maison de l'Espoir Retrouvé.

Cette histoire véridique est racontée par Hélène, une protectrice qui se désespère de voir le message prônant la stérilisation encore si mal compris et si peu relayé.

Hélène est la jeune femme qui est venue chercher Cosette , l'histoire a été reconstituée d'après le témoignage des habitants de l'immeuble où Cosette a été abandonné.
Ce texte est la propriété d'Hélène


Lisez-la, racontez-la, à vos amis et surtout à vos enfants car c'est sur eux que nous comptons pour que demain, un demain toujours trop éloigné, cessent de naître les fameuses portées de chatons "à donner contre bons soins".

La stérilisation est un acte de protection
C'est en effet le seul moyen de lutter contre la surpopulation des chats (et des chiens) en France.

On estime qu'en France, chaque année un demi-million de chats et de chiens sont euthanasiés faute de trouver des maîtres !

Bénéfice pour la santé et le comportement :
Chez les femelles, lorsqu'elle est pratiquée avant les premières chaleurs (6 ou 7 mois), elle supprime le risque de tumeurs mammaires.

Ce bénéfice disparaît lorsque la stérilisation est effectuée après l'âge de deux ans.

Moins d'accidents chez les chats castrés :
La castration augmente la longévité du chat qui sort en extérieur.

Il limite ses déplacements et risque donc moins d'accidents sur les routes.

Il se bagarre moins avec ses congénères par conséquent il est moins victime de morsures et de griffures entraînant souvent des abcès.

Combattre les idées reçues :
« Une chatte doit avoir une portée dans sa vie pour sa santé et son comportement » : FAUX Cette idée reçue n'a aucun fondement scientifique. Au contraire la gestation et la mise-bas peuvent présenter des risques pour l'animal.

A savoir. La pilule contraceptive présente un risque pour la santé de la chatte et ne peut être administrée au long cours. Seule la stérilisation chirurgicale est conseillée.

Renseignez-vous :
Dans certains départements, voire certaines communes il est pratiqué des « campagnes de stérilisation » chaque année.

Les vétérinaires participant à cette opération proposent des stérilisations à prix réduits.

Renseignez vous auprès de votre mairie ou d'une association de protection animale.

La stérilisation du chat :
A quel âge ? Un chat (une chatte) peut être stérilisé à n'importe quel âge, mais il vaut mieux attendre sa maturité sexuelle, vers l'âge de 6 mois pour les chattes et 6 à 8 mois pour les chats.

L'opération est rapide et parfaitement indolore.

On retire chez la femelle les trompes, les ovaires et l'utérus.

Chez le mâle, l'opération consiste en une ablation des testicules.

Le mâle : une fois l'opération pratiquée devient beaucoup plus casanier et plus affectueux.

Non seulement, il ne fuguera plus pour trouver une femelle à féconder, mais il perdra également la désagréable habitude de marquer son territoire en urinant.

Enfin pour achever de vous convaincre il ne devrait plus participer à ces combats nocturnes qui mettent face à face tous les mâles du quartier et se terminent souvent par des blessures.

Elle émet des miaulements aigus, désagréables, attire tous les mâles du quartier, fugue et risque d'attraper des maladies infectieuses, ce qui vous oblige à l'enfermer chez vous.

La stérilisation mettra fin à tout cela.

La stérilisation de la chatte permettra aussi de limiter les risques des maladies graves (cancers des mamelles, utérus).

Les bienfaits de la stérilisation :
-éviter la surpopulation des animaux et, avec cela, éliminer le problème de l'abandon des chiens et des chats non désirés. C'est une manière aussi de diminuer le nombre d'animaux que l'on rencontre vivant dans de sales conditions et qui sont propices aux infections et aux maladies capables d'infection l'homme.


- éviter à l'animal la souffrance et la frustration qu'il peut avoir durant les périodes de chaleur, et aussi éviter qu'ils s'échappent continuellement ou qu'ils se battent avec d'autres chats.


Il y a des études qui assurent que la stérilisation évite à l'animal de contracter certaines maladies liées au processus de reproduction et à l'accouchement, dans le cas des femelles.

CONCLUSION : faites stériliser vos chats et chiens pour leur bien être et ainsi arrêter la reproduction sans fin à la suite d'abandons.



Catherine Tschitschmann

Cosette
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27 septembre 2010 1 27 /09 /septembre /2010 11:31

La naissance de la philosophie, associée au nom de Platon, marque, pour Giorgio Colli, l’amorce du déclin de l’excellence grecque, dont avait pu témoigner, entre le septième et le cinquième siècle, l’ère des « Sages ». C’est de cette matrice originelle dont il est question dans ce livre écrit en 1975, et qui bouleverse notre vision d’un monde en perpétuel progrès.

 

« La folie est la source de la sagesse » écrit Colli, et le regard à rebours qu’il porte sur ce moment décisif de l’histoire de l’humanité, sur cette « fête de la connaissance » à laquelle il nous convie au travers de neuf chapitres d’une très grande densité, nous conduit depuis les possédés de Dionysos, Apollon et Orphée, puis Héraclite et Parménide, jusqu’au seuil de la philosophie, dont l’autorité s’affirmera avec le passage à l’écriture et l’abandon de ce qu’il convient d’appeler, après Colli, la Sagesse grecque.

 

« Chaque livre de Giorgio Colli est, à y bien regarder, un succédané de l’action, et sous la forme de la littérature nous sentons l’exhortation à vivre différemment, à vivre une vie digne d’un éternel retour », écrivait son ami Montinari. Pour tous ceux qui aujourd’hui veulent s’initier à la philosophie, ce petit livre « sans notes » est une incitation à en vivre différemment les prémisses.

 

 

Giorgio Colli

 

Giorgio Colli (1917-1979) a enseigné pendant trente ans l’histoire de la philosophie ancienne à l’université de Pise. Son travail de philologue et d’historien, depuis l’édition et la traduction de l’Organon d’Aristote jusqu’à la grande édition des œuvres complètes de Nietzsche, avec son ami Mazzino Montinari, reste exemplaire, et trouve son accomplissement dans La Sagesse grecque.

 

Il a également publié chez d’autres éditeurs : Naissance de la philosophie (1975) éditions de l’Aire, 1981, Pour une encyclopédie des auteurs classiques (1983), éditions Christian Bourgois, 1990.

Table des matières

 

Table : 1. La folie est la source de la sagesse. 2. La maîtresse du Labyrinthe. 3. Le dieu de la divination. 4. Le défi de l’énigme. 5. Le pathos du caché. 6. Mysticisme et dialectique. 7. La raison destructrice. 8. Agonisme et rhétorique. 9. Philosophie comme littérature.

 

Traduit de l’italien par Patricia Farazzi.

 

Collection Polemos, parution mars 2004.

 

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27 septembre 2010 1 27 /09 /septembre /2010 10:50

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Martin Heidegger   Séminaires de Zurich 
Gallimard - Bibliothèque de philosophie 2010 /  30 € - 196.5 ffr. / 405 pages
ISBN : 978-2-07-076678-9
FORMAT : 14cm x 22,5cm

Traduction de Caroline Gros

L'auteur du compte rendu : Ancien élève de l'Ecole Normale Supérieure, Agrégé d'histoire, Docteur ès lettres, sciences humaines et sociales, Nicolas Plagne est l'auteur d'une thèse sur les origines de l'État dans la mémoire collective russe. Il enseigne dans un lycée des environs de Rouen.

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Voici des séminaires dirigés par Medard Boss, psychologue suisse ; ils furent en partie menés chez lui à Zollikon, près de Zürich, pour fuir les salles d'une faculté trop technolâtre, au goût de Heidegger. Ces séminaires étaient en effet animés de 1949 à 1970 par le professeur suspendu en 47 puis mis à la retraite qu'était Martin Heidegger ; à partir de cette date, le prestigieux invité est trop vieux et trop malade pour continuer à voyager en France (la Provence de Cézanne !) ou en Suisse et à lire tous les articles et protocoles de séminaires que Boss lui soumettaient pour correction : le maître diminue même sa correspondance et réduit sa bibliothèque, pour vivre dans une cabane de jardin avec son épouse, laissant sa maison à un jeune couple d’amis qui prend soin d’eux. Il suit amicalement le travail de Boss (Grundriss der Medizin und der Psychologie), l’invite à en faire son opus magnum et l’encourage à clarifier ses positions fondamentales pour le bien de la réflexion en psychologie et en psychiatrie.

En fait, Boss avait créé le séminaire annuel pour accueillir ce prestigieux invité. Comme son collègue et contemporain Ludwig Binswanger, également passionné de phénoménologie et de freudisme, il avait compris les limites intrinsèques à la psychologie naturaliste ou béhavioriste, réduisant l'humain à la machine ou à l'animal, sans être pleinement satisfait de la psychanalyse ; mobilisé pendant la guerre, il est confronté à l’ennui du soldat, disposition propice à la pensée et à ses percées… et découvrant le nom de Heidegger dans un journal, se met du haut des Alpes à lire Être et temps. Lecture difficile, qu’il abandonne alors à mi-chemin, mais Boss a l'intuition que Heidegger peut faire progresser la psychologie et a l’idée de le contacter après la guerre. Quoiqu’en pleine maturité et en plein travail sur son œuvre, Heidegger répond à cette sollicitation, intéressé par le projet de Boss et la possibilité de faire connaître sa démarche en Suisse. Boss en est alors étonné, mais si Heidegger lui fait bon accueil après la guerre et se prête de bonne grâce à la transmission de sa pensée aux médecins intéressés par sa réflexion, c’est aussi sans doute parce qu’il passe alors par une dépression due à la procédure de dénazification qu’on lui a fait subir : il est alors plus sensible à l’admiration de jeunes intellectuels qui ne craignent pas de le rencontrer, comme Jean Beaufret ou Frédéric de Towarnicki. Alors que l’Université allemande l’a mis sur la touche, il cherche à maintenir un contact vivant et un dialogue stimulant avec un auditoire attentif, tout en livrant au public les grands livres qu’il continue à faire paraître et à rédiger.

Le séminaire de Zürich/Zollikon est sur ce point enrichissant car il l’oblige à préciser la relation entre ontologie/philosophie et sciences ontiques sur les domaines de l’étant : notamment sur les sciences de la nature. Cet aspect est très intéressant : c’est une sorte de cours de formation (pour le lecteur actuel, en mode accéléré ) sur la phénoménologie existentiale ; Heidegger y revient sur la différence ontologique entre l’être et l’étant, sur la question centrale de la nature du temps (en se référant à Bergson), sur la différence entre pensée méditante de la philosophie – réflexion historico-conceptuelle sur la tradition occidentale, en quête de sens – et sciences calculantes et mesurantes, «la science» qui à proprement parler «ne pense pas». Il écarte les malentendus ressassés contre lui : "le reproche [contre moi] d'"hostilité à la science" est d'une superficialité débile et repose sur une absolutisation sans fondement de "la" science". Voilà ce dont il faut convaincre les médecins et psychiatres présents, formés aux sciences naturelles et quelque peu déboussolés par les exposés du philosophe. Bien qu’il soit sceptique sur la capacité de tous à comprendre son discours, Heidegger insiste sur la qualité de son information auprès des physiciens et théoriciens de la physique nucléaire comme von Weiszäcker et sur le sérieux de sa réflexion historique et philosophique sur la nature et les limites essentielles des sciences, sans dispenser son auditoire de l’argumentation serrée et méthodique et de l’attention aux concepts et aux expériences phénoménologiques dont on ne peut faire l’économie.

Mais Heidegger trouve un autre intérêt dans le séminaire : parler à des médecins et à des psychiatres et psychologues, c’est recentrer le discours sur la question de l’homme, ou plutôt du Dasein. La médecine est en effet confrontée au premier chef à ce mixte «psycho-somatique» d’âme et de corps ou à cet objet spécial du monde qui est aussi le sujet producteur de savoir… Et les débats de la médecine ne font que se renforcer et se compliquer en psychiatrie et psychologie. Car là on touche à l’essence humaine qui est la présence spirituelle et corporelle au monde. Ce que Heidegger nomme «existence» (ou «ek-sistance») comme temporalité et historicité, liberté, projet, rapport à l’autre et au monde. Or ici menacent le matérialisme et le réductionnisme, qui dénaturent complètement la situation humaine constatée par la phénoménologie et la tradition philosophique avant elle depuis les Grecs.

C’est un effet de l’efficacité des sciences modernes et de leur mathématisation du réel, qui, ainsi que Husserl déjà l’avait vu et dit des Recherches logiques à La Crise de l’humanité européenne et la phénoménologie transcendantale, a aveuglé l’Occident, de façon croissante, processus qu’on croit être la marche des Lumières et du Progrès, sur le fait que l’être et l’étant ne se réduisent pas au calculable et au mesurable ! Même le positivisme est au fond d’une fausse neutralité et d’un parti pris méthodologique déplorable, qui font des sciences de la nature source d’«objectivité» la mesure du savoir vrai. Or il ne suffit pas d’accumuler «l’information», même à l’aide d’outils «informatiques» et de classer et relier dans le cadre à partir des années 50-60 d’un «structuralisme», pour connaître l’essence de l’humain. Sans nier bien entendu l’utilité relative des sciences de la nature en médecine et en psychiatrie, la physique et ses concepts ne peuvent servir de paradigme central à la psychologie au sens le plus noble. Car l’essentiel, c’est la nature de la Psychè qui ne relève pas des équations ou de la chimie, sauf à se livrer à un nihilisme aveugle aux évidences désespérant ! Heidegger va donc essayer de «rééduquer» ces médecins et répond aux participants qui expriment leurs étonnements et leurs objections après ses exposés.

Cela nous donne, philosophiquement, une introduction claire et une excellente mise au point, pour des médecins psychiatres et psychologues, sur le point de vue général de l'ontologie devant les sciences de la nature et la psychologie, Heidegger distinguant ce qui relève de la psychologie naturaliste et de la psychologie existentielle, à savoir la prise au sérieux et en considération du Dasein comme réalité de l'humanité, esprit, expérience vécue de la temporalité, agir... "chose" grecque qui n'est pas une chose au sens de nos sciences... mais qui existe. On lira avec grand intérêt de beaux développements sur le temps, dans la lignée de Bergson et Husserl : la distinction entre «temps-montre» et temps phénoménologique nous fait revenir un moment sur l'idée certes intéressante de spatialisation du temps selon Bergson... sur laquelle, depuis Être et temps, Heidegger a cependant des réserves. Plus rapides, de beaux développements sur la cause, le fondement, l’être et la mesure, réalité et calculabilité jalonnent le discours heideggerien...

De la phénoménologie en mode accéléré, très utile pour les spécialistes, qui peuvent ainsi en revenir aux fondements et a priori de leurs disciplines. Mais à travers la question du temps, c’est le fil directeur de la question de l'être qui est maintenu brillamment : le temps, c'est l'heure, mais au sens pré-pendulaire ! En allemand, «Stunde» vient de «Stand», substantif participe de «stehen» : se tenir droit, debout... dans le monde (d’où notre «stand» et l’anglais «standing») et au sens ontologique, dans l’être en général : d’où la notion de sub-stance (du latin «stare»). L’heure, avant le temps des montres, c’est celui des Riches Heures du Duc de Berry : comme on appelait un livre d'heures, le recueil de méditations pour différents moments et heures de l’année, moyen de prier, méditer sur sa vie, le sens... Un écrivain maintient ce sens du XVe siècle, avant Galilée : Ingeborg Bachmann, dit Heidegger, qui lit ses contemporains et reste sensible jusqu’au bout à la grandeur de la littérature ! Une de ses vocations est de nous maintenir dans la tradition et la continuité de la langue. Car «l’homme est le berger de l’être» pour autant qu’«il habite poétiquement la terre» et vit dans sa langue : le logos est re-cueil de la pensée.

La conscience historique diminue catastrophiquement d’ailleurs, et le sens critique se perd aussi de cette façon. Pas de pensée lucide sur son temps et sa façon de voir, sans rapport à la tradition ni sans méditation historique. C’est bien le problème des physiciens et des positivistes logiques, qui dominent la philosophie : il faudrait maintenir avec eux un dialogue en principe, mais il est impossible de parler avec eux en général, car ils croient à la physique moderne comme à la vérité et ne savent prendre aucun recul historique sur leur discours ! Sortir un moment, sérieusement, de leurs positions acquises... leur paraît accepter une régression. Galilée et Newton au moins, eux, avaient lu de la métaphysique et étaient encore capables de parler de la pensée philosophique avant l'invention de "la science" ! Pourtant Heidegger rencontre von Weiszäcker pour se tenir au courant des progrès de la physique atomique et des spécialistes venus de la physique théorique pensent comme lui sur les limites de la méthode et des concepts de la physique, sans parler de ses dangers socio-politiques... car il n’est pas du tout sûr que nous soyons capables de maîtriser sa puissance de destruction, qu’elle soit matérielle ou culturelle. En témoigne notamment le recul de la culture «humaniste» et de la conscience historique dans le monde moderne, qui croit se libérer ! Friedrich Wagner, professeur à Bonn, auteur de La Science et le monde menacé, est recommandé aux participants du séminaire, qui n'arrivent pas à croire que le nihilisme est en marche et ravage la planète ! Désintoxication urgente des mythes prométhéens : une des missions de la pensée. Et il ne s’agit pas de «pessimisme» !

Quand on voit les progrès du «Gestell», du dispositif technique et mental de mise en coupe réglée de la nature, de l’être, par la physique et l’informatique, dit Heidegger, on se demande bien ce qui justifierait que l'humanité continuât sans fin à exister sur la terre qu'elle ravage... La vie va devenir de plus en plus intenable et un jour - trop tard ? - les gens viendront en masse gémir et supplier pour de l'aide et on se tournera vers ceux qui prêchaient dans le désert... et qu'on prend pour des obscurantistes "ennemis de la science" au discours incompréhensible... Et pour beaucoup il l'est, hélas : même aux philosophes, même aux Français qui avec Sartre se piquent de dépasser Heidegger, sans parler de Lacan (encore une gloire nationale !), «un psychiatre qui a besoin d’un psychiatre». A l’UNESCO, le colloque sur Kierkegaard n’a pas permis de comprendre le rapport que Heidegger entretient avec le Danois, malgré le texte qu’il a envoyé et fait lire par l’ami Jean Beaufret… Heureuse exception : car en général, les Français n'ont pas compris «l'être-au-monde» correctement, ils le confondent avec l'intentionnalité de la conscience subjective.

Mon œuvre, dit Heidegger, revient à dire : le Dasein existe ! Ni chose, ni animal, ni machine, ni subjectivisme pur, ni pur ratio théorique à vocation aux sciences naturelles prioritaires... pas une "chose" qui se calcule et se mesure, mais un étant spécial qui relève de la contemplation intuitive intelligente [du Bergson/Husserl, non ?]... et prudente devant les théories ! surtout les dogmes ! Ce que l'homme est essentiellement, ce que l'art est (pas de la chimie, pas de la géométrie), c'est ce qui échappe à la science moderne ! D'où l'insistance sur le Dasein : être-Là, ouvert au monde, et pas "homo sapiens sapiens" et ''homo erectus habilis''... de l'anthropologie... Il y a des dimensions qui échappent à toute mesure. Et qui donnent seules sens.

Implicitement Heidegger, qui a suivi avec attention le développement de son œuvre, montre sa distance avec Freud (ses théories et ses hypothèses, au fond naturalistes, relevant de l'analogie avec la mécanique et les forces de la dynamique newtonienne), sans les caricatures et la surenchère d'Onfray, ce qui est très utile aujourd'hui. La préface de Boss datant de 1987 est aussi très utile pour réfuter les ignobles diffamations qui prétendent périodiquement faire de Heidegger un "philosophe nazi" au message dangereux pour la dignité humaine. C’est bien plutôt un penseur généreux de sa pensée, désireux d’être compris, mais exigeant avec lui-même et son public, un penseur très informé, passionné du Même, refusant les modes, creusant sans cesse son sillon, avec un immense sérieux qui apparaît en pleine lumière. Un penseur politique non pas tant en ce qu’il est anti-communiste et pas très porté à l’américanophilie naïve, ni par son patriotisme soucieux du statut de Berlin, mais surtout en ce qu’il s’élève au-dessus de cela et le prend de plus haut, profondément inquiet de l’avenir de ce monde dont il étudie la genèse. Et si le salut peut venir d’une prise de conscience dans le désastre, c’est trop dire qu’il faut être «optimiste» !


Nicolas Plagne
( Mis en ligne le 06/07/2010 )


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