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Ecosia : Le Moteur De Recherch

3 janvier 2012 2 03 /01 /janvier /2012 12:04

Une conférence claire et instructive , un rappel salvateur des fondamentaux .( Conférence - Vidéo )

 

Lien vers la conférence :   link

 

 

http://www.google.fr/url?source=imglanding&ct=img&q=http://chezminette87.c.h.pic.centerblog.net/w9tu4w5c.jpg&sa=X&ei=MeMCT6OzEdTV8QPf8tnMAw&ved=0CAwQ8wc4Ig&usg=AFQjCNGMoujCUjrP-ewjeG5A3qZp9LtI2Q

 

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2 janvier 2012 1 02 /01 /janvier /2012 11:58

 

 

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31 décembre 2011 6 31 /12 /décembre /2011 19:34

'Comme des enfants' interprété par Coeur de Pirate

'Comme des enfants' interprété par Coeur de Pirate

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27 décembre 2011 2 27 /12 /décembre /2011 20:00

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22 décembre 2011 4 22 /12 /décembre /2011 20:04

"Was willst du dich, mein Geist, entsetzen", Aria (Tenor) from the cantata "Liebster Gott, wenn werd ich sterben?", BWV 8 Mov. II

Lyrics for Mov. II
-----------------
GERMAN (original):
Was willst du dich, mein Geist, entsetzen,
Wenn meine letzte Stunde schlägt?
Mein Leib neigt täglich sich zur Erden,
Und da muss seine Ruhstatt werden,
Wohin man so viel tausend trägt.

ENGLISH (translation)
Why wouldst thou then, my soul, be frightened
If that my final hour should strike?
Each day my body draweth earthward,
And there it must its rest discover
Where are so many thousands laid.

"Was willst du dich, mein Geist, entsetzen", Aria (Tenor) from the cantata "Liebster Gott, wenn werd ich sterben?", BWV 8 Mov. II Lyrics for Mov. II ----------------- GERMAN (original): Was willst du dich, mein Geist, entsetzen, Wenn meine letzte Stunde schlägt? Mein Leib neigt täglich sich zur Erden, Und da muss seine Ruhstatt werden, Wohin man so viel tausend trägt. ENGLISH (translation) Why wouldst thou then, my soul, be frightened If that my final hour should strike? Each day my body draweth earthward, And there it must its rest discover Where are so many thousands laid.

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22 décembre 2011 4 22 /12 /décembre /2011 18:01

 

 

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19 décembre 2011 1 19 /12 /décembre /2011 10:26

LIEN : link

Hans Jonas – Pour une éthique du futur

13 sept

pour une éthique du futur de Hans JonasA la suite de la publication de son ouvrage majeur (Le Principe responsabilité), Hans Jonas n’a pas cessé d’expliciter, de reformuler, parfois de modifier ses thèses auprès du public, soit au travers d’articles, soit au travers de conférences.

Pour une éthique du futur est un recueil contenant deux textes indépendants de Hans Jonas, tirés de conférences.

 

Philosophie. Regard en arrière et regard en avant à la fin du siècle

Ce texte est issu d’une conférence (Munich, 25 mai 1992) dans laquelle Hans Jonas offre sa vision personnelle de la philosophie du XXème siècle que lui-même a traversé, mais aussi un aspect normatif : Jonas énonce ce que la philosophie doit être, ce vers quoi elle doit tendre. C’est une sorte de testament, un rapide portrait généalogique de sa philosophie que nous offre Jonas dans cette conférence. Partant du constat d’un divorce entre le corps et l’esprit (comme c’est le cas par exemple chez Husserl et Heidegger), la matière et la pensée, Jonas va défendre l’unité de l’Etre et la nécessité de réconcilier ces deux pôles interdépendants. On retrouve bien évidemment les grands thèmes caractéristiques de sa pensée, davantage développés dans Le Principe responsabilité, mais aussi dans Vers une philosophie de la biologie.

A-L’école phénoménologique et sa critique

Hans Jonas commence par faire l’éloge de Husserl, dont il a été un temps son élève à Friburg : « j’avoue avec reconnaissance que la phénoménologie a été pour le philosophe en devenir une merveilleuse école d’apprentissage de son métier. Le respect des phénomènes, l’exercice de leur intuition, le service rigoureux de leur description posent des critères élevés auxquels on s’efforce de répondre. Eux non plus, ils n’ont pu faire de la philosophie une « science stricte » – c’était là un rêve que Husserl avait gardé de ses débuts dans le domaine des mathématiques, et qu’il a bien fallu lui passer. Mais l’éducation de l’intuition a constitué un gain de toute la vie pour ses disciples ; et elle a dégagé la cause de l’intuition des relents d’irrationnel qui collaient à elle depuis le mysticisme ». La phénoménologie, on le voit, a donc été une école importante dans la formation de Jonas.

Mais il en souligne alors les limites, qui résident précisément en ceci que la phénoménologie se limite à la « conscience pure » : comment dès lors comprendre notre corps ? Ne perd-il pas tout son sens si on le réduit à une simple donnée de la conscience comme le fait l’idéalisme husserlien ? Selon Jonas, la pierre d’achoppement de la phénoménologie est donc de pas réussir à restituer le sens de la corporéité. Que dire, en tant que phénoménologue, de l’énoncé « J’ai faim »? « En supposant qu’il y ait une phénoménologie des sensations de faim et de satiété, aurait-elle quoi que ce soit à me dire sur ce qui est en jeu ici ». L’idée ultime de Jonas est que ce thème de la corporéité conduit pourtant au coeur des problèmes de justice sociale, notamment celui de la distribution et de la juste répartition des biens.

B-Le « tremblement de terre » heideggerien et ses limites

C’est grâce, ensuite, à la philosophie de Heidegger, notamment au travers de Etre et Temps, que Jonas délaisse les conceptions du « déjà grisonnant » Husserl. Exprimant le changement dans sa pensée qu’a entraîné Heidegger par l’expression de tremblement de terre, Jonas souligne toute l’importance et le caractère déterminant du philosophe tirant de l’oubli dans lequel elle était tombée la question de l’être (Pourquoi y a-il de l’étant et non pas plutôt rien ?). Heidegger fait voler en éclat toute conception de la conscience comme essentiellement cognitive en mettant en avant le Dasein, le « Je qui veut, qui s’efforce, nécessiteux et mortel ». Ce qu’abandonne Heidegger, c’est le substantialisme : on n’a pas le sujet et des choses, des substances, mais au contraire des événements, des accomplissements (d’où comme le relève à juste titre Jonas l’emploi d’expressions avec des verbes substantivés, tel « l’être-au-monde », « l’être-vers-la-mort », « l’être-jeté »… etc.). Le sujet humain devient le Dasein (qu’on a traduit un temps par« l’être-là ») : c’est-à-dire que le sujet devient « l’accomplissement d’une certaine manière d’être ». Jonas souligne l’idée chez Heidegger que le dasein est « cet être pour qui dans son être il y va justement de son être » : autrement dit la finalité de l’homme est mise en exergue, l’idée que l’homme est orienté vers une fin est soulignée. Et cette finalité de la vie humaine met en exergue un point fondamental dans la pensée Jonassienne : la précarité. L’être-là est menacé : s’il n’en allait pas toujours de quelque chose pour l’être-là, il périrait. Heidegger a ainsi mis en avant la mortalité de la vie humaine, et en même temps le souci. Souci de soi (plutôt de son propre être) avant tout, mais le souci peut aussi s’orienter vers autrui.

Jonas en vient alors à la critique de son second grand maître : son insistance sur notre mortalité est préférée par Jonas à la conscience pure de Husserl, car notre lien à la nature y apparaît plus nettement : « le prédicat « mortel » renvoie de façon pressante à l’existence du corps dans toute sa naturalité brute, exigeante ». Mais aux yeux de Jonas, Heidegger ne traite pas du corps : le souci dont il s’agit n’est jamais celui par exemple de la nourriture. La mortalité qui apparaît dans la philosophie heidegerrienne est une mortalité « abstraite », puisque le corps n’y est pas lié.

Derrière cette ignorance du corps, Jonas diagnostique plus généralement un mépris de la nature, hérité du dualisme âme/corps, esprit/matière (que l’on retrouve par exemple chez Descartes) conduisant à interroger uniquement le versant de l’esprit dans l’étude de l’homme. La conséquence en a été une scission de plus en plus marqués entre les deux pôles que sont l’âme et le corps, entre substance pensante et substance étendue, l’étude de la substance étendue étant laissée aux soins des sciences dures. « Depuis, la philosophie n’a jamais affaire à la totalité ». Le point faible de toutes les pensées qui l’ont formé est donc l’inscription dans l’analyse unilatérale de la réalité : la pensée, avec comme exemple paradigmatique la phénoménologie husserlienne. Jonas déplore d’ailleurs le manque d’attention des philosophes envers les sciences physiques (on peut ici souligné le grand intérêt qu’a porté Jonas notamment pour la biologie). Or, c’est pourtant là une évidence, notre être est issu de la matérialité, de la corporéité : pas d’esprit sans corps. Le corps est la fondation du Dasein. Il s’agit donc pour Jonas de développer une philosophie de l’unité de l’Etre, unité de la matière et de l’esprit.

Le second aspect de la critique de Heidegger concerne sa conduite regrettable que l’on connaît en 1933. Selon Jonas, cela regarde la philosophie qui non seulement forme le savoir, mais aussi la conduite. « A tout le moins, son école apprenant à discerner les valeurs devrait-elle prémunir d’une contamination par l’opinion de masse[...]. Aussi, l’alignement du penseur le plus profond de l’époque sur le pas cadencé si fracassant des bataillons bruns n’a pas seulement représenté une amère déception personnelle, mais également, à mes yeux, une débâcle de la philosophie ».

C-Vers une prise de conscience des problèmes posés par les technologies

Hiroshima et la course à l’armement atomique ont été l’étincelle d’une prise en considération critique des technologies. Les réflexions sur les technologies sont ainsi nées sous le signe de l’angoisse, sous la menace de l’apocalypse. Mais les avancées biologiques et médicales ont ensuite été également le lieu d’une réflexion philosophique, notamment au travers des problèmes de bioéthique. Les technologies sont donc devenues un objet d’étude philosophique d’une part à la suite de la première bombe atomique, puis dans le champ biologique, au travers des problèmes de bioéthique, là où la dignité humaine est en jeu.

Mais le problème essentiel posé par les technologies est celui, lié à leur utilisation massive et répétée par des millions d’individus, de leur impact écologiquement désastreux sur notre planète : Jonas n’a pas avant tout en tête la menace d’une apocalypse soudaine, de type nucléaire, mais au contraire une apocalypse rampante. Et c’est ainsi que la question du rapport homme/monde, esprit/matière est posée de manière inédite, à la lumière d’une possible apocalypse. Notre devoir s’en trouve alors élargi : nous devons préserver notre planète, la biosphère car la vie de l’humain en dépend (concept d’équilibre symbiotique). : « C’est sous cet aspect terriblement pratique que la réconciliation de notre Etre séparé, si téméraire, avec le tout dont nous vivons, se trouve au centre de la préoccupation philosophique. J’y vois une tâche urgente de la philosophie pour l’instant présent et pour le siècle à venir ». A ce titre, Jonas préconise au philosophe d’entretenir un rapport étroit avec les sciences physiques qui traitent précisément du corporel avec lequel notre esprit doit se réconcilier. Mais qu’est-ce que la philosophie doit retirer de ces sciences ?

D-Des sciences à la métaphysique

La terre est le terreau de la vie, peut-être le seul dans l’univers : nous devons considérer notre vie et la vie en général comme un « hasard heureux ». La vie est un miracle exceptionnel. L’évolutionnisme de Darwin a mis en avant la longue évolution du vivant, évolution hasardeuse et aveugle, imprévisible. Cette vie elle-même provient de poussière d’étoiles, de matière cosmique : « c’est la même substance première répandue à travers l’espace cosmique dans les galaxies, les soleils et les planètes, qui a également produit la vie, le plaisir et la douleur, la volonté et la peur, l’amour et la haine ». Il y a unité depuis la matière jusqu’au sommet de l’esprit. Mais alors comment comprendre cet Etre unique ? Comment comprendre cette alliage de la matière et de l’esprit ? Si la certitude en ce domaine n’est pas de mise, ce n’est pas pour autant qu’il faut faire l’économie de la métaphysique. Développer un sens de l’Etre en lequel corps et esprit sont liés suppose la réflexion métaphysique, les conjectures rationnelles.

L’homme, dans l’évolution biologique, est un événement remarquable. Par la puissance de sa pensée (les technologies en sont la conséquence : l’homo faber), l’homme est venu prendre une part active dans le processus évolutif global et dans l’équilibre général. Les techniques et technologies se sont développées à une vitesse prodigieuse depuis les premiers outils jusqu’au technologies modernes qui nous entourent. Mais cette maîtrise de la nature a elle-même besoin d’être maîtrisée, et il n’est pas dit que l’homme en soin pour l’instant capable. L’éthique, auparavant cantonnée aux relations inter-humaines, doit désormais prendre en compte le fait que l’homme est certes un esprit, mais aussi un corps, et à cet titre lié à la planète et aux autres formes de vie selon un équilibre symbiotique : l’éthique doit répondre à cette nouvelle situation où l’homme, « la plus vorace de toutes les créatures » agit sur la nature (Cf Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne).

« Dans l’esprit, noblesse et fatalité se rencontrent » : l’esprit fait toute la dignité de la vie humaine, mais c’est ce même esprit qui obscurcit l’horizon des générations futures. Jonas évoque alors l’une de ses idées centrales : l’heuristique de la peur. C’est en exhibant la menace que l’homme fait planer au-dessus de l’humanité qu’il est possible d’éviter celle-ci, de concevoir sa responsabilité. Développer cette conscience de notre responsabilité devient dès lors la mission de la philosophie : il faut réveiller la conscience de l’homme et réconcilier le corps et l’esprit, la pensée et la matière. Tel est ce qu’a fait Jonas en fondant ontologiquement, dans les choses elles-mêmes, la responsabilité : l’obligation d’exister de l’homme est objective, en soi, elle est ancrée dans l’Etre. L’une des questions sans précédent qui se posent est donc de savoir si et comment l’homme peut conserver sa place au sein de la nature.

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Sur le fondement ontologique d’une éthique du futur

Ce texte est tiré d ’une conférence prononcée pour la première fois par Hans Jonas en 1985 :c’est un texte synthétique dans lequel Jonas explicite le fondement ontologique de son éthique, mais aussi en quoi celle-ci consiste.

A-Fonder objectivement la préservation de générations futures

Jonas commence par définir ce qu’il entend par éthique du futur : c’est une éthique qui prend en compte les générations futures et qui tend à les protéger, ce qui s’avère nécessaire du fait de la puissance technologique de l’occident qui agresse chaque jour un peu plus la nature, la biosphère, et ainsi menace l’homme. « La responsabilité nous en incombe sans que nous le voulions, en raison de la dimension de la puissance que nous exerçons quotidiennement ». Cette éthique de la responsabilité nécessite une futurologie, c’est-à-dire une représentation acquise de manière scientifique de ce que peut entraîner à l’avenir notre mode actuel de vie, c’est-à-dire le mode de vie libéral, centré sur la production et la consommation de masse.

Jonas propose de fonder cette éthique de la responsabilité de manière ontologique. Pourquoi, tout d’abord, la fonder ? Parce que si l’obligation de préserver les générations futures existe bel et bien, il ne s’impose pas cependant à tous : « Il est nécessaire que le devoir soit éprouvé pour qu’on le respecte, mais il existe aussi sans être éprouvé – d’où la nécessité qu’il ait son propre fondement indépendant ». Il s’agit bien d’un devoir réel, mais la nécessité de le fonder découle du fait que tous ne l’entendent pas. Mais qu’y a-t-il donc exactement derrière ce terme barbare de fondement ontologique ? Fidèle à son habitude d’exprimer clairement les choses, Jonas utilise un exemple concret. La nécessité de manger est fondée ontologiquement : il appartient à notre être, à notre essence de nous nourrir pour survivre, cela est inscrit dans notre être même. En revanche, qu’il faille travailler pour manger n’est pas ontologiquement fondé : cette nécessité est relative au monde extérieur, au système social, et non à notre être même. Dès lors, fonder ontologiquement une chose consiste à faire appel à « une qualité qui appartient indissociablement à l’Etre de la chose ». Jonas veut ainsi fonder dans les choses mêmes, objectivement, ontologiquement la responsabilité. Qu’il faut protéger les générations futures est une obligation en soi. Mais ce faisant, Jonas prétend rompre le fossé établi entre le devoir et l’être. Peut-on fonder dans l’être même des valeurs, des devoirs ? La morale est-elle objective, y a-t-il, autrement dit, des valeurs en soi et non subjectives ? Telle sera en tous cas la thèse du philosophe allemand.

B-La responsabilité

La responsabilité découle de notre pouvoir (quelqu’un qui agirait sans avoir le pouvoir d’agir autrement qu’il n’agit n’est pas véritablement responsable de ses actes ; par ailleurs les limites de notre responsabilité sont celles de notre pouvoir) et de notre liberté (comme l’avait déjà défendu Sartre, par exemple dans L’Etre et le néant, ou dans L’existentialisme est un humanisme). L’homme est le seul être qui peut être responsable.

Mais quel est l’objet de cette responsabilité : « Ce dont je suis responsable, ce sont naturellement les conséquences de mon agir – dans la mesure où elles affectent un être ». Mais cette responsabilité ne prend sa dimension éthique que si cet être qui est placé sous mon pouvoir et dont je deviens alors responsable a de la valeur. Si l’être sur lequel j’ai un pouvoir a une valeur, alors émane de lui une obligation pour moi de m’en porter responsable. Bref, il s’agit de savoir si l’on peut trouver des valeurs dans l’Etre qui appelleraient alors ma responsabilité.

C’est la vulnérabilité, la précarité, la fragilité de l’être sur lequel j’ai un pouvoir qui appelle ma responsabilité. Le paradigme de la responsabilité que Jonas mettait en avant dans le Principe responsabilité était la responsabilité parentale, appelée par le petit souffle du nourrisson, par son extrême précarité (sans les soins des parents, il meurt). C’est donc l’être lui-même, au travers de la précarité, qui m’appelle à être responsable.

C-Futurologie et connaissance du Bien

Dès lors, comment fonder ontologiquement la responsabilité ? Deux tâches préliminaires sont nécessaires. Il faut tout d’abord améliorer la connaissance des effets de notre agir technologique sur les générations futures (futurologie): scientifiquement, mais aussi dans son influence affective sur nos comportements.

Il faut ensuite établir une connaissance du Bien, c’est–à–dire de ce qu’on a le droit ou non de faire : qu’est-ce que le Bien humain ? Bref, il faut développer une idée de l’homme que l’homme lui-même doit préserver et dont il doit empêcher toute défiguration, notamment par les technologies (modifications génétiques par exemple). Mais comment accèder à cette idée de ce que l’homme doit être ? N’est-ce pas prétentieux ? Deux sources nous sont offerte pour une telle connaissance : l’histoire (« « l’homme » s’est déjà montré », il a toujours déjà été là : l’homme est pleinement homme depuis qu’il existe, il n’est pas à construire), mais surtout la métaphysique. Seule cette dernière peut véritablement nous dire ce que l’homme doit être, notamment grâce à un fondement ontologique de ce devoir. La question est donc de savoir : pourquoi l’homme doit-il exister, et donc préserver l’existence de l’humanité, mais aussi comment il doit-être ?

La thèse jonassienne est que lorsque l’on dit que seul l’homme peut être responsable, cette possibilité est en fait un caractère ontologique de l’homme : cela fait partie de ses propriétés essentielles. « Nous y reconnaissons un critère distinctif et décisif de l’essence humaine dans sa dotation en Etre ». L’essence de l’homme consiste entre autre à pouvoir être responsable. Cette dotation fait la valeur unique de l’homme qui n’est pas seulement un être vivant (tel est la première valeur objective chez Jonas) mais un être vivant capable d’être responsable. Autrement, c’est notamment parce que l’homme est un être responsable qu’il DOIT exister. La responsabilité étant une valeur unique, sa possibilité doit être perpétuée : « sa détention oblige à perpétuer sa présence dans le monde ». Cela implique donc de préserver l’existence de l’humanité : il faut se soucier des générations futures au moins du fait qu’ils sont, en tant qu’hommes, capable d’être responsables. Le fond de l’argumentation jonassienne peut donc être exprimé ainsi : il faut se rendre responsable des hommes qui viendront après nous parce qu’ils sont la condition de possibilité de l’existence de la responsabilité, responsabilité qui introduit une valeur, qui constitue un bien supérieur au sein de l’Etre en général. Mais cet argument n’est pas une preuve. Il n’est pas dit que la possibilité d’être responsable constitue un bien et par conséquent dont l’existence est préférable à l’absence, ni par ailleurs qu’il existe des biens en soi, objectifs. Jonas en appelle à l’intuition pour dire que la responsabilité est un bien, mais cette intuition, comme il le reconnaît lui-même, est toujours récusable.

La futurologie est donc essentielle pour éveiller notre responsabilité (puisque le fondement ontologique est toujours récusable) et amener une conduite responsable dans nos sociétés : elle doit nous inspirer peur (notre descendance pourrait s’arrêter par notre faute)et culpabilité (nous avons un rôle dans cette possible apocalypse rampante). Mais puisque cela ne nous concerne pas directement, le problème de l’efficace de cette futurologie est posé. A cela Jonas de répondre : « c’est avant tout l’accusation que comporte cet avertissement, montrant ces êtres du futur comme nos victimes, qui nous interdit moralement la distanciation égoïste du sentiment, généralement justifiée par l’éloignement considérable de l’objet ». Un tableau des effets dramatiques possibles de nos technologies, de leur usage massif et répété, doit alors nous être présenté pour nous faire agir de manière responsable. L’homme politique doit utiliser le moteur de la crainte, de la peur pour modifier les comportements collectifs. Il s’agit d’une manière général de retrouver une maîtrise de notre maîtrise extrême de la nature, cette maîtrise devant être collective.

D-La nécessité des sacrifices et le problème de la tyrannie

Mais retrouver, ou plutôt trouver une telle maîtrise suppose de lourds sacrifices : car il s’agit au fond de réduire notre consommation et la production, donc d’abandonner une partie de notre confort (du moins en ce qui nous concerne, nous, nantis, cinquième de la population mondiale). Jonas rajoute à cela la nécessité d’un contrôle des naissances, une politique démographique interventionniste dans le cercle privé. Car notre planète est finie, limitée : elle ne peut tolérer une croissance à l’infini et une consommation énergétique à l’infini. Jonas n’offre pas de solution miracle à tous ces problèmes cruciaux : il offre une réflexion ayant le mérite de les aborder et d’éveiller la responsabilité, et ainsi à une recherche de modalités concrètes pour assurer notre survie générique.

A la fin de cette conférence, Jonas revient sur l’idée qu’il avait développée et qui lui avait valu de nombreuses critiques : le recours à une tyrannie bienveillante pour assurer la survie de l’espèce humaine. N’est-ce pas contradictoire de vouloir limiter la liberté alors que celle-ci, on l’a vu, est la condition de possibilité de la responsabilité, celle-ci étant ce qu’il s’agit de préserver ? Selon Jonas, qui maintient son opinion, la liberté n’est jamais anéantit : sa possibilité reste inhérente à l’homme. Dès lors, il est, selon lui, possible de la réduire sans que l’essence de l’homme soit menacée, pouvant toujours réapparaître plus tard. Mais surtout, ce scénario serait le pire : le choix entre la disparition de l’homme, et sa non-liberté pour assurer sa survie, or c’est ce choix ultime qu’il s’agit d’anticiper, d’éviter en développant le plus vite possible notre responsabilité. Jonas n’est donc pas, dans l’idéal, partisan de la tyrannie.


 
   
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18 décembre 2011 7 18 /12 /décembre /2011 15:28

A lire en priorité  les articles: "Le pouvoir des sans pouvoirs" et "La politique et la conscience" in Essais politiques, Calmann-Levy, 1989

 

Vaclav Havel fut la réfutation vivante de toutes les lieux communs tels que: :

 

 

 "Un philosophe ne doit pas gouverner" : il était philosophe et il fut un chef d'Etat respecté.
"En politique, on ne peut  avoir les"mains propres". Vaclav Havel fut moralement au dessus de tout soupçon..
"En politique, on doit choisir entre conviction et responsabilité": il sut allier les deux qualités.

 

 Ses textes constituent une bonne initiation à la philosophie de Heidegger, qu'il vulgarise avec talent.

 

 Dans "La politique et la conscience": il explique comment et pourquoi le socialisme réel  (sous la forme de la collectivisation : " un cyclone qui traversa les campagnes tchécoslovaques il y a trente ans et qui n'y laissa pas pierre sur pierre") fut un désastre à la fois économique et écologique, dont les pays concernés sont bien loin d'être remis... Le seront -ils un jour? Car les dégats écologiques sont irréversibles...

 

 

 

Lien :link

 

 

 

 

 

 


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17 décembre 2011 6 17 /12 /décembre /2011 00:49

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13 décembre 2011 2 13 /12 /décembre /2011 17:58
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George Steiner. Photo : Gloria Rodriguez/Contour by Getty Images.

 

 

 

Grand érudit, George Steiner incarne l'humanisme européen. Il regrette que littérature, philosophie et sciences ne communiquent plus entre elles. Comment comprendre notre monde, s'interroge-t-il, si la culture se rétrécit ?

 

 

 

 

 

 

Nietzsche, Héraclite et Dante sont les héros de son nouveau livre, Poésie de la pensée, mais ils attendront un peu. George Steiner nous accueille dans sa maison de Cambridge avec une confidence farceuse, entre une tranche de panettone et un café : lors des débuts de l'Eurostar, il proposait de donner un shilling au premier enfant qui apercevrait un poisson dans le tunnel sous la Manche. « Les parents étaient effarés ! » s'amuse le professeur de littérature comparée. Ce mélange de facétie et d'érudition, d'intelligence et de gentillesse, caractérise bien George Steiner. Né en 1929, à Paris, d'une mère viennoise et d'un père tchèque qui avait eu la prescience de l'horreur nazie, ce maître à lire polyglotte a déchiffré Homère et Cicéron dès son plus jeune âge, sous la houlette de son géniteur, un grand intellectuel juif, féru d'art et de musique, qui voulait éveiller en lui le professeur (le sens propre du mot « rabbin »). En 1940, la famille embarque pour New York sur le dernier bateau parti de Gênes. Après des études à Chicago puis à Oxford, Steiner rejoint à Londres la rédaction de The Economist. Il traverse à nouveau l'Atlantique pour interviewer Oppenheimer, l'inventeur de la bombe atomique, qui le fait entrer à l'institut de Princeton. C'est le « tournant » de sa vie. Tout en publiant ses grands livres, Tolstoï ou Dostoïevski, Langage et Silence, etc., souvent issus de la matière de ses cours, il fonde le Churchill College à Cambridge, devient critique littéraire au New Yorker et rejoint l'université de Genève. Rencontre avec un grand humaniste européen, dont la pensée a fait le tour du monde.

“Si l'on n'est pas saisi dans sa jeunesse
par un espoir, fût-il illusoire, que reste-t-il ? Rien.”

L'Europe vit une crise profonde. Son effondrement est-il selon vous possible ?
En son état actuel, c'est possible. Mais on va s'en sortir d'une façon ou d'une autre. L'ironie, c'est que l'Allemagne pourrait dominer de nouveau. Reculons d'un pas. Entre le mois d'août 1914 et le mois de mai 1945, l'Europe, de Madrid à Moscou, de Copenhague à Palerme, a perdu près de 80 millions d'êtres humains dans les guerres, déportations, camps de la mort, famines, bombardements. Le miracle, c'est qu'elle ait subsisté. Mais sa résurrection n'a été que partielle. L'Europe traverse aujourd'hui une crise dramatique ; elle est en train de sacrifier une génération, celle de ses jeunes, qui ne croient pas en l'avenir. Quand j'étais jeune, il y avait toutes sortes d'espoirs : le communisme, et comment ! Le fascisme, qui est aussi un espoir, il ne faut pas se tromper. Il y avait aussi, pour le Juif, le sionisme. Il y avait, il y avait, il y avait... Tout cela, nous ne l'avons plus. Or, si l'on n'est pas saisi dans sa jeunesse par un espoir, fût-il illusoire, que reste-t-il ? Rien. Le grand rêve messianique socialiste a débouché sur le goulag et sur François Hollande - je prends son nom comme un symbole, je ne critique pas sa personne. Le fascisme a sombré dans l'horreur. L'Etat d'Israël doit survivre impérativement, mais son nationalisme est une tragédie, profondément contraire au génie juif, qui est cosmopolite. Je veux être errant, moi. Je vis d'après la devise du Baal Shem Tov, grand rabbin du XVIIIe siècle : « La vérité est toujours en exil. »

La mondialisation ne favorise-t-elle pas cette errance ?
Il n'y a jamais eu une telle fermeture géographique. Quand on quittait l'Angleterre, on pouvait aller en Australie, en Inde, au Canada ; il n'y a aujourd'hui plus de permis de travail. La planète se ferme. Chaque nuit, des centaines de personnes essaient de rejoindre l'Europe depuis le Maghreb. La planète est en mouvement, mais vers quoi ? Horrible est le destin actuel des réfugiés. On m'a fait l'honneur, en Allemagne, d'un grand discours devant le gouvernement. Je l'ai terminé ainsi : « Mesdames et Messieurs, toutes les étoiles deviennent maintenant jaunes. »

“En Malaisie, on parle trois langues.
Cette idée d'une langue maternelle
est une idée très nationaliste et romantique
.”

Vous sentez-vous malgré tout toujours européen ?
L'Europe reste le lieu du massacre, de l'incompréhensible, mais aussi des cultures que j'aime. Je lui dois tout, et je veux être là où sont mes morts. Je veux rester à portée de la Shoah, là où je peux parler mes quatre langues. C'est mon grand repos, c'est ma joie, c'est mon plaisir. J'ai appris l'italien après l'anglais, le français et l'allemand, mes trois langues d'enfance. Ma mère commençait une phrase dans une langue et la finissait dans une autre, sans le remarquer. Je n'ai pas eu de langue maternelle, mais, contrairement aux idées reçues, c'est assez commun. En Suède, on a le finlandais et le suédois ; en Malaisie, on parle trois langues. Cette idée d'une langue maternelle est une idée très nationaliste et romantique. Mon multilinguisme m'a permis d'enseigner, d'écrire Après Babel : une poétique du dire et de la traduction et de me sentir chez moi partout. Chaque langue est une fenêtre ouverte sur le monde. Tout ce terrible enracinement de Monsieur Barrès ! Les arbres ont des racines ; moi, j'ai des jambes, et c'est un progrès immense, croyez-moi !

Dans Poésie de la pensée, votre nouveau livre, vous rappelez que Sartre voulait être à la fois Stendhal et Spinoza. Le style mène-t-il à la pensée ?
Oui, toute philosophie est un acte de langage. Le rythme, le vocabulaire, la syntaxe, tout ce qui nous conduit vers la poésie, nous le rencontrons également dans le texte philosophique, aussi abstrait soit-il. « Toute pensée commence par un poème », écrivait Alain à propos de Valéry. Les grands penseurs sont souvent des écrivains suprêmes, tels Nietzsche ou Kierkegaard. Bergson, l'un des maîtres de la langue française, a reçu le prix Nobel de littérature. Platon mérite d'être comparé à Shakespeare en ce qui concerne la création de personnages, de gestes dramatiques. Mais la relation entre pensée et écriture peut aussi se révéler conflictuelle. Certains philosophes tiennent à écrire très mal, à suffoquer l'écrivain en eux, comme Hegel, roi de l'anti-style. Cette double tradition du génie lyrique chez un Platon et celle de la pédagogie sévère, du système, chez un Aristote est là depuis le début.

“N'oublions jamais que les deux guerres mondiales
furent des guerres civiles européennes.”

La littérature et la philosophie sont-elles encore complices aujourd'hui ?
Les deux formes me semblent menacées. La littérature a choisi le domaine des petites relations personnelles. Elle ne sait plus aborder les grands thèmes métaphysiques. Nous n'avons plus de Balzac, de Zola. Aucun domaine n'échappait à ces génies de la comédie humaine. Proust aussi a créé un monde inépuisable, et Ulysse, de Joyce, est encore tout proche d'Homère... Joyce, c'est la charnière entre les deux grands mondes, celui du classique et celui du chaos. Jadis, la philosophie aussi pouvait se dire universelle. Le monde entier était ouvert à la pensée d'un Spinoza. Aujourd'hui, une immense partie de l'univers nous est fermée. Notre monde se rétrécit. Les sciences nous sont devenues inaccessibles. Qui peut comprendre les dernières aventures de la génétique, de l'astrophysique, de la biologie ? Qui peut les expliquer au profane ? Les savoirs ne communiquent plus ; les écrivains et les philosophes sont désormais incapables de nous faire entendre la science. La science brille pourtant par son imaginaire. Comment prétendre parler de la conscience humaine en laissant de côté ce qu'il y a de plus audacieux, de plus imaginatif ? Je m'inquiète de savoir ce que veut dire « être lettré » aujourd'hui - « to be literate », l'expression est encore plus forte en anglais. Peut-on être lettré sans comprendre une équation non linéaire ? La culture est menacée de devenir provinciale. Peut-être faudra-t-il repenser toute notre conception de la culture. Je veux vous raconter une expérience qui m'a infiniment ému : un soir, l'un de mes collègues de Cambridge, un prix Nobel, un homme charmant, avec lequel je dînais, m'a demandé de l'aider sur un texte de Lacan auquel il ne comprenait rien. La modestie d'un grand scientifique comparée à l'orgueil, à la superbe, de nos byzantins maîtres de l'obscurité...

Vous défendez la culture classique de l'honnête homme, et en même temps vous insistez sur sa fragilité. Pourquoi ?
Parce que la grande culture a failli devant la barbarie. N'oublions jamais que les deux guerres mondiales furent des guerres civiles européennes. L'Allemagne, le pays de Hegel, Fichte et Schelling, matrice de la pensée philosophique, a connu la pire des barbaries. Les humanités ne nous ont pas protégés ; au contraire, elles ont souvent été les alliées de l'inhumain. Buchenwald n'est situé qu'à quelques kilomètres de Weimar. Comment certains hommes pouvaient-ils jouer Bach et Schubert chez eux le soir et torturer le matin dans les camps ?

“Apprendre par cœur, c'est entrer
dans l'œuvre même : ‘Tu vas vivre en moi
et je vais vivre avec toi’.”

A quoi sert la culture, alors, si elle ne nous rend pas plus humains ?
Elle rend supportable l'existence. Ce n'est pas gai d'être mortels, non, ce n'est pas gai du tout. Nous sommes tous confrontés au cancer, au stress, à la peur ; chaque jour peut porter un adieu, et il n'y a rien de plus angoissant. Je vais vous confier une chose bien enfantine : ma femme et moi venons de perdre notre chien Ben. C'est horrible pour nous, tant cet animal a été au centre de notre vie - et même sur la couverture du Cahier de L'Herne qui m'a été consacré !

Je ne peux passer une journée sans musique, sans beauté, sans poésie. C'est ma réassurance, ma survie. La compagnie des grands maîtres me donne un sentiment infini de fierté et de reconnaissance. Je veux leur dire merci. En les apprenant par coeur. Ce que nous apprenons par coeur, personne ne peut nous l'enlever. Ni la censure, ni la police politique, ni le kitsch qui nous entoure. Apprendre par coeur, c'est entrer dans l'oeuvre même : « Tu vas vivre en moi et je vais vivre avec toi. » Les textes marchent à côté de nous ; se promener avec un poème de Baudelaire, c'est être en très bonne compagnie.

Selon vous, les nouvelles technologies menacent le « silence » et l'« intimité » nécessaires à la rencontre avec les grandes oeuvres...
Oui, la qualité du silence est organiquement liée à celle du langage. Vous et moi sommes assis ici, dans cette maison entourée d'un jardin, où il n'y a pas un autre son que notre conversation. Ici, je peux travailler, je peux rêver, je peux essayer de penser. Le silence est devenu un luxe immense. Les gens vivent dans le vacarme. Il n'y a plus de nuit dans les villes. Les jeunes ont peur du silence. Que va-t-il advenir de la lecture sérieuse et difficile ? Lire une page de Platon quand on a un Walkman sur les oreilles ? Cela me fait très peur. Les nouvelles technologies transforment le dialogue avec le livre. Elles abrègent, simplifient, connectent. L'esprit est « câblé ». On ne lit plus de la même façon aujourd'hui. Le phénomène Harry Potter apparaît comme une exception. Tous les enfants de la Terre, l'enfant esquimau, l'enfant zoulou, lisent et relisent cette saga ultra anglaise douée d'un vocabulaire riche et d'une syntaxe sophistiquée. C'est formidable. Le livre est un grand défenseur de la vie privée. Il n'y a pas en français de mot pour dire « privacy ». « Intimité » le traduit très mal. L'Angleterre est encore un pays de « privacy ». Ce qui peut avoir des côtés absurdes : on peut être voisins pendant cinquante ans et ne pas échanger une seule parole. Ce culte de la « private life » a une immense valeur politique : c'est une capacité de résistance.

“Avec l'art conceptuel, non, je n'arrive pas à suivre.”

Vous venez d'évoquer Harry Potter. Au détour de Poésie de la pensée, vous osez un rapprochement entre la dialectique de Hegel, négation de la négation, et le « rien de rien » d'Edith Piaf. Pourquoi la culture populaire ne vous a-t-elle pas plus intéressé ?
J'ai raté le coche. Notamment avec le cinéma. Si je pouvais reprendre ma vie, j'essaierais de comprendre pourquoi, parmi les forces créatrices de la fin du XIXe au début du XXe siècle, le film devrait peut-être passer en première place. Shakespeare, aujourd'hui, écrirait des scripts. Je me suis trompé, tant j'étais un enfant du grec et du latin et d'un père ultra conservateur classique. On ne peut pas être à jour sur tout. Avec la musique, oui : j'écoute des compositeurs qui viennent après Boulez et qui me passionnent. Avec l'art conceptuel, non, je n'arrive pas à suivre : je vais à Beaubourg, on me montre une pile de briques en me disant que c'est une oeuvre importante, je ne sais pas quoi dire ; alors que je comprends Bacon qui cite Velázquez, Greco et Goya. Il vaut mieux être honnête sur ses erreurs que d'essayer de bluffer.

Vous ne vous considérez pas comme un créateur ?
Non, il ne faut pas confondre les fonctions. Même le critique, le commentateur, l'exégète le plus doué est à des années-lumière du créateur. Pouchkine disait : « Merci mon traducteur, merci mon éditeur, merci mon critique, vous portez mes lettres, c'est moi qui les écris. » Moi aussi, je porte le courrier. C'est un très grand privilège, mais qui n'a rien à voir avec le miracle d'un vers qui va chanter pour toujours. Nous comprenons mal les sources intimes de la création. Par exemple, nous sommes à Berne, voilà des années... Des enfants partent en pique-nique avec leur institutrice, qui les met devant un viaduc. Ils dessinent, l'institutrice regarde par-dessus l'épaule d'un bambin ; il a mis des bottes aux piliers ! Tous les viaducs, depuis ce jour-là, sont en marche. Cet enfant s'appelait Paul Klee. La création change tout ce qu'elle contemple, quelques traits suffisent à un créateur pour nous faire voir ce qui était déjà là. Quel mystère déclenche la création ? J'ai écrit Grammaires de la création pour le comprendre. A la fin de ma vie, je ne comprends toujours pas.

Comprendre, serait-ce manquer l'art ?
En un sens, je suis content de ne pas comprendre. Imaginez-vous un monde où la neurochimie nous expliquerait Mozart... C'est concevable, et cela me fait peur. Les machines sont déjà interactives avec le cerveau : l'ordinateur et le genre humain travaillent ensemble. Il se pourrait d'ailleurs qu'un jour les historiens se rendent compte que l'événement le plus important du XXe siècle, ce n'était pas la guerre, ni le krach financier, mais le soir où Kasparov, le joueur d'échecs, a perdu sa partie contre une petite boîte en métal. Et noté : « La machine n'a pas calculé, elle a pensé. » Quand j'ai vu cela, j'ai demandé leur avis à mes collègues de Cambridge qui sont les hauts rois de la science. Ils m'ont dit qu'ils ne savaient pas si la pensée n'était pas un calcul. C'est une réponse effrayante ! La petite boîte pourra-­t-elle un jour composer de la musique ?

Juliette Cerf
Télérama n° 3230
Le 12 décembre 2011

A lire
Poésie de la pensée,
de George Steiner, traduit de l'anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat, éd. Gallimard, 290 p., 20 €.

 

 

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