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Ecosia : Le Moteur De Recherch

17 août 2012 5 17 /08 /août /2012 17:32

Cruauté, violences psychologiques et sexuelles, humiliations : la téléréalité semble devenue folle. Son arrivée au début des années 2000 ouvrait une nouvelle ère dans l'histoire de l'audiovisuel. Cinquante ans d'archives retracent l'évolution du divertissement : comment la mise en scène de l'intime, dans les années 80, a ouvert un nouveau champ, comment la privatisation des plus grandes chaînes a modifié le rapport au téléspectateur. A l'aide de spécialistes, dont le philosophe Bernard Stiegler, ce documentaire démontre comment l'émotion a fait place à l'exacerbation des pulsions les plus destructrices.
(Diffusé sur France2 en 2010)

 

 

 

 

 

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15 août 2012 3 15 /08 /août /2012 15:43

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Se poser la question de savoir si notre avenir est démocratique, c’est envisager la possibilité qu’il ne le soit pas…
Avons-nous raison de se poser cette question ?
Autrement dit la forme démocratique, telle que nous la connaissons aujourd’hui, est-elle menacée et si oui par quoi ?

 

 

http://www.franceculture.fr/sites/default/files/imagecache/ressource_full/2012/07/16/4474029/schneider.jpg

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12 août 2012 7 12 /08 /août /2012 10:11

 


 

 

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31 juillet 2012 2 31 /07 /juillet /2012 12:03
4931869176_2fdaef4aff.jpg Joan Jiko Halifax (née en 1942) est un roshi Zen, anthropologiste, écologiste, activiste des droits civiques, soignante en hospice, et auteur de plusieurs livres sur le bouddhisme  et la spiritualité. Elle a la fonction actuellement d’abbé et d’enseignante à l’Upaya Zen Center à Santa Fe, une communauté Zen Peacemaker  qu’elle a fondé en 1990.
Halifax-roshi a reçu la transmission du Dharma de Bernard Glassman et de Thich Nhat Hanh. Elle avait étudié auparavant sous la direction du maître coréen Seung Sahn.
Joan Halifax est né à Hanover, New Hampshire en 1942.  À l’âge de quatre ans, une infection virale la rend aveugle, elle recouvre la vue deux ans plus tard. Dès 1964, elle participe au mouvement pour les droits civiques et aux manifestations contre la guerre du Vietnam. En 1965, elle lit des ouvrages sur le bouddhisme et commence toute seule à méditer. Elle obtient un doctorat en anthropologie médicale et en psychologie et travaille à l’Université de Miami. Elle se rend au Mali où elle étudie la population Dogon, puis au Mexique pour étudier la population Huichols.
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Joan Halifax épouse Stanislas Grof en 1972 pour un mariage qui sera de courte durée. Ils étudient l’utilisation du LSD comme support pour les mourants. Elle publie conjointement avec lui « La rencontre de l’homme avec la mort » en 1977.
En 1979, Elle crée la Fondation Ojai, un centre éducatif et interreligieux. En 1990, Elle fonde le centre Zen Upaya, situé à Santa Fe, Nouveau-Mexique. Outre la pratique du Zen, le centre propose différents séminaires et journées de retraites sur des sujets tels que le bouddhisme engagé et les soins aux mourants.
Comme on vient de le voir, Joan Halifax a accompli un travail considérable avec les mourants cours de sa carrière.
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Le Professeur Christopher S. Reine-écrit dans le livre « Westward Dharma » : « Joan Halifax enseigne une façon d’être avec la mort et les mourants » à des malades en phase terminale, à des médecins, à des infirmières, à des couples, à des familles et à des amis. Elle parle calmement, avec autorité. Dans une culture où la mort est un ennemi qui doit être ignoré, nié, et caché, Joan touche les mourants, les écoute, les réconforte, les calme et allège leur souffrance par tous les moyens possibles. Elle partage leurs pensées et leurs peurs, elle accompagne leur dernier souffle en les tenants dans ses bras. Elle visite aussi bien l’église que la synagogue, les centres de soins palliatifs et les hopitaux, dispensant d’une façon souple des techniques et une approche issues de la pratique bouddhiste. »

 

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22 juillet 2012 7 22 /07 /juillet /2012 09:56
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Interview : Miho CIBOT-SHIMMA


En août 2002, www.animeland.com a pris l’intéressante et courageuse initiative d’un dossier « spécial Hiroshima »…

Miho CIBOT SHIMMA, Japonaise mariée à un Français, vit en France depuis 27 ans. Elle est présidente d'une association, l'Institut Hiroshima Nagasaki (IHN), fondée 1982, mais également conseillère d’une autre association, l'AFCDRP (Association Française des Communes, Départements et Régions pour la Paix)… www.afcdrp.com .

Elle est à l’origine du dessin animé L’Oiseau Bonheur distribué par Les Films du Paradoxe.

Sahé CIBOT : Quels sont les objectifs de ces associations ?
Miho CIBOT SHIMMA : Le but de l'IHN est de faire connaître la réalité concernant les bombardements atomiques et leurs conséquences, afin de créer un monde de paix durable.
L’AFCDRP est la branche française de ''Mayors for Peace'' (Conférence Mondiale des Maires pour la Paix) créée par les villes d'Hiroshima et Nagasaki. Le but de cette association est de faire en sorte que les collectivités locales françaises agissent pour l'émergence d'une culture de la paix car cette dimension concerne aussi la vie locale. Les élus locaux ont la charge de la tranquillité publique… Ce réseau apporte aussi une ouverture sur le monde et l'AFCDRP est membre de la commission nationale française pour l'UNESCO.

SC : Concrètement, comment vous-y prenez-vous ?
MCS : Avec IHN, nous publions des documents (livres, brochures, dessin animé), nous organisons des expositions et des conférences/animations sur le thème de la paix.
Quant à l’AFCDRP, l’un de ses rôles est d’organiser des échanges et une coopération entre les villes pour la paix, des expositions, des formations pour les élus et les personnels… Nous avons aussi amené plusieurs écoles françaises à participer à un projet d’envergure internationale : la création d'une toile monumentale, aux dimensions de Guernica, par des enfants (Kid's guernica : www.artjapan.com).

SC : Qu’est-ce qui vous a poussée à créer ces associations et à œuvrer pour la paix ?
MCS : Je ne suis née ni à Hiroshima ni à Nagasaki, mais dans la région de Shizuoka. Près de la ville où je suis née, il y a un port de pêche. En mars 1954, des pêcheurs japonais ont été irradiés dans l'Océan Pacifique, près de l'atoll de Bikini à cause d'un essai nucléaire américain. A l'époque, il y avait beaucoup d'essais nucléaires et rien que cette année là, plus de 800 bateaux japonais ont été irradiés. Les Japonais ne voulaient donc plus manger de poisson par peur d'être irradiés à leur tour. Cela a produit un effet similaire à ce que nous avons connu en Europe avec la vache folle et comme les pêcheurs, les poissonniers et les restaurateurs n'avaient plus de clients, le Japon s’est retrouvé en crise économique. Il y a alors eu un grand mouvement mené pas les femmes japonaises pour l'élimination des armes nucléaires. C’est le premier événement qui m’a marquée.
Plus tard, en décembre 1974, mon mari et moi sommes allés au Japon pour notre voyage de noce. Mon mari a tenu à ce que nous allions à Hiroshima. Nous y sommes donc allés et nous avons visité le Mémorial de la Paix. Il y avait là un livre d'or et sur ce livre, le message d'un Français : "A qui la faute ? ". Cela m'a profondément choquée… Après la visite, nous sommes entrés dans un café près du mémorial et là, j'ai entendu la conversation de deux personnes, qui parlaient de chéloïdes (excroissances cutanées qui se forment parfois sur les cicatrices - ndlr): c'étaient des survivants. J'ai réalisé que même 29 ans après la guerre, il y avait des gens qui souffraient encore de la bombe.
Enfin, en 1980, je gardais l'enfant d'un couple d'amis français et cet enfant a commencé à jouer à la guerre. Au bout d’un moment, il a crié : " Cette fois-ci, je vais lancer la bombe atomique ". Dans son jeu, c'était comme si la bombe atomique était la solution ultime qui permettait de gagner la guerre. Je lui ai donc montré des photos des bombardements atomiques pour lui expliquer ce qu'était vraiment une guerre nucléaire. J'ai pensé qu'il était nécessaire d'informer les adultes français à ce sujet et j’ai créé ma première association…

Hiroshima et les Japonais

SC : Que reste-t-il (concrètement) à Hiroshima et Nagasaki qui rappelle la réalité de ce qui s’est passé ? Tout a- t-il été effacé ?
MCS : À Hiroshima, il reste le Dôme d’Hiroshima et quelques bâtiments, mais l’hôpital de la Croix Rouge vient d’être détruit pour laisser place à un nouvel hôpital. C’est vraiment dommage parce que dans ce bâtiment étaient conservées des traces visibles des premiers effets de la bombe : morceaux de verre plantés dans les murs (venant des fenêtres qui avaient explosé), bouts de fenêtres et parties de l’édifice fondus (à cause de la très forte chaleur). Quant au Dôme d’Hiroshima, il fait partie du patrimoine mondial de l’Unesco. Il est donc impossible de le détruire.
A Nagasaki, la bombe est tombée près de la cathédrale d’Urakami. Nagasaki était une ville où les Chrétiens vivaient nombreux. Au moment où la bombe est tombée, une messe était en cours et beaucoup de Chrétiens sont morts. Les habitants de la ville ont voulu en garder un souvenir, mais il ne restait pas grand chose du bâtiment. En revanche, il y avait beaucoup de statues de saints et d’anges et le reste de l'une d'entre elles, un visage d’ange, a été offert à l’Unesco. On peut la voir à proximité du jardin japonais du siège de l’Unesco à Paris.

SC : Le souvenir de Sadako est-il toujours autant vivace à Hiroshima ?
MCS : L’endroit où se trouve actuellement le Parc de la Paix à Hiroshima était autrefois le plus grand quartier commerçant de la ville. Dans ce parc, après la mort de Sadako, les amis de la jeune fille ont rassemblé des fonds de tout le pays, afin de faire construire une statue dédiée aux enfants victimes de la bombe atomique. Depuis que cette statue existe, des grues en papier (symboles de la paix) sont envoyées du monde entier, par conséquent, le souvenir de Sadako se perpétue, mais afin de transmettre son histoire mieux encore et surtout aux enfants, j’ai produit L’Oiseau Bonheur.

SC : Comment vivent au Japon les derniers survivants d’Hiroshima ? Dans l'assistance, dans l’ignorance, le rejet, ou comme des symboles vivants de l’histoire ?
MCS : Au Japon, vivent encore 300 000 « hibakusha » (survivants de la bombe atomique). Les plus jeunes sont nés en 1945. Ils ont donc 57 ans. C’est la dernière génération des survivants, mais très tôt, ils ont connu des problèmes de santé, notamment de diabète. A la fin de la guerre, les Etats-Unis ont fait en sorte que les personnes irradiées ne racontent pas ce qui c’était passé à Hiroshima et Nagasaki, en leur interdisant d’organiser des conférences ou des expositions, de créer des œuvres artistiques sur ce thème, en censurant la presse… et ce n'est jusqu’en 1952 qu'ils ont commencé à pouvoir s'exprimer. C’est pourquoi pendant longtemps, les Japonais n’ont pas su ce qu’étaient les symptômes des effets de la bombe atomique. Comme les survivants vomissaient du sang ou avaient des selles mêlées de sang, les gens croyaient qu’ils étaient tout simplement victimes d’une maladie infectieuse. A l’époque, le Japon était ruiné et une personne sur trois était sans abris. Avant même que les bombes atomiques ne soient larguées, soixante-six des plus grandes villes du pays avaient été rasées par les B29 américains. Comme tous les Japonais étaient pauvres, il était difficile pour eux d’aider les malades. Peu à peu, quand les symptômes des survivants ont commencé à être connus, on s’est aperçu qu’ils étaient souvent gravement malades ou encore que leurs enfants étaient victimes de malformations (notamment de la boîte crânienne). Alors les survivants ont été mis à l’écart : les jeunes ne voulaient pas épouser de survivant, des mariages étaient annulés à cause du fait que l’un des fiancés était originaire d’Hiroshima ou de Nagasaki, les entreprises ne voulaient pas les embaucher… Beaucoup de personnes se sont suicidées à cause de ça.
A présent, les survivants sont plutôt considérés comme des témoins de l’histoire et il y a de plus en plus de survivants qui vont dans les écoles pour raconter aux enfants ce qu’ils ont vécu. Cependant, il y a encore des gens qui refusent de se rappeler Hiroshima et Nagasaki ou encore d’autres qui cachent encore à leur famille qu’ils ont été victimes des bombardements atomiques… Sur le plan médical, lorsque l’on prouve qu’on est bien survivant d’Hiroshima, on peut recevoir un « cahier de survivant » qui donne droit à des soins et des examens gratuits. Toutefois, à l’époque, il y avait aussi des Chinois et des Coréens à Hiroshima et Nagasaki et beaucoup d’entre eux sont retournés dans leur pays. Par conséquent, ils ne peuvent pas bénéficier de ces aides. Au Japon, il y a donc des associations qui ont pour but d’aider ces gens-là.

SC : Pensez-vous qu’Hiroshima finit par être oublié au Japon ? Le peuple japonais finit-il lui même par vouloir oublier ce traumatisme ?
MCS : Avec le renouvellement des générations, si les personnes qui ont vécu la guerre ne leur transmettent pas ce qui peut l'être de leur expérience, effectivement l’oubli viendra. C’est ainsi en France avec la Résistance ou les camps de concentration, comme au Japon avec Hiroshima et Nagasaki.
Moi, je suis de la génération d’après-guerre. J’ai vu pas mal de films et lu beaucoup de livres sur les bombardements atomiques. Quand j’étais adolescente, il m’est arrivé d’en avoir peur et de vouloir effacer tout ça de ma tête. Notamment pendant la guerre du Viêtnam, quand les Etats-Unis ont menacé de larguer une bombe atomique, je n’arrêtais pas de faire des cauchemars et j’ai tenté d’oublier Hiroshima et Nagasaki. C’est pour cela que je pense qu’il est nécessaire de ne pas se contenter de faire peur aux enfants, mais tout en leur expliquant ce qui s’est passé, de réfléchir avec eux à ce qu’il faut faire pour que cela ne se produise pas de nouveau.

SC : Est-ce que les jeunes se sentent concernés ?
MCS : Cela dépend de l’implication de leurs parents et des professeurs qu’ils ont eu dans les actions en rapport avec Hiroshima et Nagasaki. C’est pour cette raison que L’Oiseau Bonheur existe en japonais, en français et en anglais : je voulais qu’il soit vu en France et dans les autres pays du monde, mais aussi par les enfants japonais.
Au Japon, il y a par ailleurs beaucoup de dessins animés et de mangas sur ce thème.

SC : Pensez-vous que dans d’autres pays, comme en France, on cherche à ignorer Hiroshima et Nagasaki ?
MCS : Les pays comme la France, les Etats-Unis, la Russie, la Chine ou l’Inde, qui possèdent l’arme atomique, font en sorte qu’on n’en parle pas trop. J’ai remarqué par exemple que des informations internationales concernant l’armement nucléaire comme les mouvements d’opposition au nucléaire ou même les nouveaux traités adoptés, passent inaperçues en France car on en parle à peine, alors que tout le monde en parle au Japon. D’une manière générale, en France, les informations de ce types sont rares comparé à d’autres pays ne possédant pas l’arme nucléaire. Cela veut dire qu’en France aussi, il faut des gens pour faire connaître ce qui s’est produit à Hiroshima et Nagasaki, sinon les Français vont oublier ce que peut être une guerre nucléaire.


Opinions

SC : Selon vous, Hiroshima était-il vraiment un « objectif militaire » ?
MCS : Hiroshima et Nagasaki étaient des objectifs militaires, mais également des objectifs que nous pourrions appeler ''d’expérimentation''.
Concernant l’objectif militaire, en France, on dit souvent que la seconde guerre mondiale s’est terminée grâce aux deux bombes atomiques, mais la personne qui est à l’origine de cette croyance est le président TRUMAN : la France tient pour vrai la justification que le président américain à donnée. En fait, le réel objectif militaire était d’empêcher l’URSS d’attaquer le Japon comme cela était prévu, le 8 août, de façon à ce que les Etats-Unis soient les seuls à l’occuper. En effet, les Etats-Unis avaient demandé à leur alliés, dont l’URSS, de déclarer la guerre au Japon, mais à l’époque, l’URSS était en guerre contre les Nazis et il leur était impossible de se lancer dans une guerre contre le Japon. Comme de son côté, le Japon avait du mal à s’en sortir contre les Etats-Unis, le Japon et l’URSS ont signé un traité garantissant la paix entre les deux pays. STALINE a donc répondu aux Etats-Unis que si les Nazis se rendaient, l’URSS attaquerait le Japon trois mois après la fin de la guerre. HITLER s’étant suicidé, la guerre contre l’Allemagne nazie a pris fin le 8 mai 1945. Les Etats-Unis savaient donc que l’URSS attaquerait les Japonais, depuis la Mandchourie, le 8 août. La mise au point de la bombe atomique s’est achevée vers la mi-juillet, dans le plus grand secret. Si les Etats-Unis amenaient le Japon à se rendre avant le 8 août, ils pouvaient occuper le Japon seuls, sans l’URSS. C’est pour cela qu’ils voulaient larguer les bombes avant cette date. La première bombe est donc tombée sur Hiroshima le 6 août, mais comme le Japon ne s’est pas rendu immédiatement, une deuxième bombe a été larguée sur Nagasaki le 9.
Grâce à ces deux bombes, les Etats-Unis ont devancé l’URSS. C’était ça, le réel objectif militaire.
Les bombes larguées sur Hiroshima et Nagasaki sont deux bombes atomiques différentes : la bombe larguée sur Hiroshima est une bombe à l’uranium, matière radioactive qui existe dans la nature, et celle larguée sur Nagasaki est une bombe au plutonium, matière à radiations artificielles. Après que le Japon se soit rendu, les Etats-Unis ont fait construire des hôpitaux, appelés « hôpitaux ABCC », à Hiroshima et Nagasaki. Ils y ont appelé les survivants. Ceux-ci ont alors cru qu’ils allaient être soignés, mais ce n’était pas le cas : on leur prélevait du sang et des selles pour effectuer des analyses, on les faisait se mettre nus pour les prendre en photos, les femmes étaient soumises à des examens gynécologiques forcés... Tous les survivants ont été numérotés mais absolument pas soignés. Lorsque l’un d’eux mourrait, des gens de l’hôpital ABCC se rendaient auprès de sa famille et réclamaient le cadavre. Ils prélevaient le cerveau et les entrailles pour les envoyer aux Etats-Unis où étaient effectuées des analyses, puis rendaient le corps à la famille. Les résultats de toutes ces analyses et recherches n’ont jamais été transmis au Japon. Les Etats-Unis s’en sont servi afin de déterminer des normes de radioactivité pour leurs expériences scientifiques et leurs centrales nucléaires. Par ailleurs, ils ont interdit aux médecins japonais d’étudier les maladies des survivants et de se livrer à des recherches à ce sujet. Constatant un nombre anormal de décès par leucémie de personnes originaires d’Hiroshima et Nagasaki, des médecins japonais ont voulu exposer ce cas à une conférence mondiale sur les analyses sanguines, mais ils en ont été empêchés. Ils ne pouvaient donc rien faire. Cela a duré jusqu’en 1952. De plus, même après 1952, toutes les photos et tous les films pris à Hiroshima et Nagasaki ont été confisqués au Japonais. Une petite partie a été rendue, mais la plupart ont été classées secret militaire aux Etats-Unis durant 30 ans. Au bout de 30 ans, ces documents ont été transférés dans les archives nationales, mais les Japonais n’ont su cela qu’à la fin des années 70.
Il y avait donc bien un objectif militaire et un objectif expérimental.

SC : Selon l’état de la guerre à ce moment là, pensez-vous qu’Hiroshima était nécessaire ?
MCS : Aux mois de janvier et février 1945, le Japon a connu une grande famine. Il était donc difficile de continuer la guerre et les négociations ont commencé. Au début, le Japon a demandé à l’URSS d’arbitrer les négociations entre le Japon et les Etats-Unis. Mais les négociations ont été bloquées... Au Japon, il n’y avait plus d’armes, pas même une arme par soldat. Les Japonais en étaient arrivés à s’entraîner avec des bâtons de bambou en se disant que si les Américains débarquaient, ils se défendraient ainsi. De plus, comme je l’ai déjà dit, avant les bombardements d’Hiroshima et Nagasaki, 66 grandes villes avaient été rasées par les B29. Les Japonais n’étaient donc plus en mesure de continuer la guerre et les Etats-Unis le savaient bien. En réalité, ils avaient épargné 4 villes, Hiroshima, Nagasaki, Niigata et Kokura, les réservant pour les bombes atomiques. Le Japon était sur le point de se rendre, mais les Etats-Unis voulaient empêcher l’URSS d’occuper une partie de l’archipel.

SC : Si l’on veut expliquer la force de l’impact de ce qui s’est passé à Hiroshima sur le peuple japonais, peut on dire que c’est la puissance inégalée de destruction, l’horreur et la permanence des conséquences, ou le fait que ce soient des civils qui aient été visés ?
MCS : Ce qui a d’abord choqué les Japonais est qu’une seule et unique bombe ait réduit à néant une ville de 400 000 habitants. Mais au bout d’une semaine, des phénomènes inexplicables ont commencé à se produire... Dans les deux villes, le bombardement a provoqué un grand incendie, mais lorsque le feu s’est éteint, de nombreuses personnes sont entrées notamment dans Hiroshima, à la recherche de proches. Ainsi, des personnes qui n’avaient pas même une égratignure se sont mises à avoir de fortes fièvres et à perdre leurs cheveux au bout de quelques jours et sont mortes en l’espace d’une semaine. Personne ne comprenait ce qui se passait, car personne ne savait ce qu’étaient les radiations, d’autant plus qu’elles ne se voient pas à l’œil nu. Ce fut un autre choc.
Même 10 ans plus tard, des enfants se sont mis à mourir les uns après les autres. Malgré le temps, les effets des radiations demeurent.
Il y a actuellement un « hôpital atomique » au Japon et les patients qui sont traités là-bas sont les personnes de la troisième génération de survivants. On ne sait ni quand ni comment vont se manifester les effets des radiations chez eux. C’est comme si la guerre se perpétuait dans ces êtres…

SC : Pensez-vous que l’on connaisse aujourd’hui la vérité sur la nature des retombées (il y a quelques années on a ainsi rétabli certaines vérités sur les retombées de Tchernobyl, prouvant qu’une partie des faits était cachée au public) ?
MCS : Il y a une chose qu’on ne connaît pas encore : à quel pourcentage et comment les personnes des deuxième et troisième générations tombent malades. C’est parce que les recherches étaient interdites jusqu’en 1952 et qu’aucune analyse officielle n’a été menée sur les personnes de la seconde génération. On dit que comme beaucoup sont mortes en bas âge ou sont devenues stériles, les survivants de la seconde génération sont moins nombreux. Dans un lycée d’Osaka, les lycéens ont étés examinés et il est apparu que les lycéens, enfants de survivants d’Hiroshima ou Nagasaki, avaient un risque de leucémie plus élevé que la normale. Mais ce n’est pas une étude officielle. Le plus effrayant, c’est que les bombes larguées à Hiroshima et Nagasaki étaient beaucoup moins puissantes que celles qui ont été fabriquées par la suite, comme les bombes à hydrogène testées à plusieurs reprises sur l’atoll de Bikini. Une bombe à hydrogène représente une puissance 1000 fois supérieure à la bombe d’Hiroshima. A cause des essais nucléaires, l’atoll de Bikini et la Micronésie doivent rester inaccessible à tout être humain durant 25 000 ans. Pareil pour le Kazakhstan, un pays de l’ex-URSS, dans la région de Semipalatinsk. Il y a là-bas un grand nombre d’enfants victimes de malformations dues aux radiations dégagées par les essais nucléaires (470 essais entre 1949 et 1989). Comme personne ne porte secours à ces enfants et aux autres personnes souffrant des effets des radiations, des habitants d’Hiroshima ont créé une association pour leur venir en aide, mais c’est peu…

Arts

SC : Hiroshima a généré beaucoup de création dans les domaines artistiques japonais. Est-ce l’événement le plus marquant de l’histoire du Japon, en terme de retombées créatrices ?
MCS : Les domaines artistiques qui se sont inspirés d’Hiroshima sont bien entendu le manga, le cinéma et le dessin animé, mais aussi le théâtre, la danse, le chant, les arts plastiques… Il y a d’ailleurs à Hiroshima un musée d’art moderne où sont exposées toutes les œuvres d’art portant sur les bombardements atomiques et certains artistes sont même récompensés par un « Prix d’Hiroshima ». Il y a aussi de nombreux poèmes classiques japonais (tanka et haiku), qui sont des témoignages de ce qui s’est passé à Hiroshima et Nagasaki.
J’aimerais aussi évoquer une initiative originale : il y avait un plaqueminier (arbre qui donne des kakis) à Nagasaki, qui était irradié et brûlé. Un spécialiste des arbres s’est dit que ce plaqueminier n’en aurait plus pour longtemps et a récolté ses graines, afin d’en faire une « seconde génération de plaqueminiers survivants ». Ces arbres ont été plantés dans des écoles du Japon, mais aussi de nombreux autres pays du monde et ce sont les enfants qui s’occupent de l’arbre de leur école. Un artiste ce sert de cette initiative en tant qu’action artistique et c’est ainsi qu’à son initiative, en France, à Angers, devant le musée Jean LURÇAT, a été planté un de ces jeunes plaqueminiers.

SC : Mais les graines ayant été irradiées, cela ne pose pas de problème ?
MCS : Comparé à celles des arbres normaux, les graines étaient plus petites et difficiles à faire pousser. A Angers, il a fallu faire deux tentatives parce que, les arbres étant fragiles, le premier est mort. Le second a été mis sous serre durant 2 ou 3 ans avant d’être planté devant le musée.

SC : Pourquoi avoir choisi le musée Jean LURÇAT ?
MCS : Parce que Jean LURÇAT, grand artiste français, a réalisé une série de 10 tapisseries, appelée Le Chant du Monde, et parmi ces tapisseries, il y en a une qui s’intitule L’Homme d’Hiroshima, que Jean LURÇAT a créée contre les armes nucléaires. Au total, ces tapisseries représentent une surface de 347 m² et je me suis chargée d’organiser leur exposition à Hiroshima.
Ce n’est donc pas seulement au Japon, mais aussi dans le monde entier qu’il y a des artistes qui s’expriment au sujet d’Hiroshima.

SC : On rencontre souvent dans les films, livres et autres, la symbolique de la destruction. Pensez vous que l’on doive rapporter cette symbolique au traumatisme d’Hiroshima, ou au fait que le Japon fut de tout temps un pays de tremblement de terre ?
MCS : Les tremblements de terre sont des catastrophes naturelles que l’être humain ne peut pas éviter, qui se produisent soudainement et de manière ponctuelle. Ils n’ont pas d’effets qui se perpétuent sur le long terme, comme les radiations. Les armes nucléaires sont complètement différentes dans la mesure où elles sont fabriquées par les hommes et que les radiations qu’elles provoquent ont des effets sur le long terme. Je pense que ça dépend des œuvres, mais dans toute œuvre où sont liées Guerre et Destruction, l’influence des bombardements atomiques est présente.

SC : Quel est votre sentiment devant le film d’Alain RESNAIS Hiroshima mon amour ?
MCS : La première fois que j’ai vu ce film, je n’ai absolument rien compris ! Je l’ai regardé 2 ou 3 fois et j’ai fini par le comprendre, mais à mon avis, il vaut mieux lire le scénario. Le livre d’origine a été écrit par Marguerite DURAS. Lorsque nous avons sorti notre second livre, avec IHN, j’ai contacté Marguerite DURAS pour qu’elle y écrive un texte. Elle m’a alors dit que tout ce qu’elle pensait d’Hiroshima figurait dans son livre Hiroshima mon amour et m’a demandé d’en utiliser des extraits. C’est donc ce que j’ai fait et j’en ai profité pour lire tout le livre, même si j’avais déjà vu le film, et j’ai bien mieux compris.
Le film est passé au Japon, mais je pense qu’il n’a pas été compris par les Japonais. D’une part, le titre a été traduit par : Un amour de 24 heures. D’autre part, le film raconte l’histoire d’une femme qui a un rapport avec un Allemand sous l’occupation nazie et elle est exclue à cause de ça. C’est le genre de référence historique que les Japonais ne connaissent pas.
Mais plus qu’Hiroshima mon amour, je conseillerais Les Fleurs d’Hiroshima d’Edita MORRIS, qui existe en livre de poche. Le propos est plus facile à comprendre et je pense qu’une adaptation de ce livre sous forme de manga ou de film serait bien pour les jeunes.

SC : Gen d’Hiroshima est une œuvre importante pour aborder Hiroshima, pensez-vous que le manga peut être un bon média pour conserver le souvenir d’Hiroshima ?
MCS : M. NAKAZAWA, l’auteur de Gen d’Hiroshima, a eu du mal à trouver un éditeur au Japon. Il a fini par en trouver un, mais il a fallu beaucoup de temps jusqu’à la parution du livre et à sa publication, ce manga a été très critiqué : les gens n’acceptaient pas qu’un thème aussi grave soit traité sous forme de manga. Finalement, si la série compte 10 volumes, c’est grâce à de nombreuses lettres de lecteurs, souvent des enfants, qui ont encouragé M. NAKAZAWA à continuer. Maintenant, ce manga a été adapté en dessin animé, ainsi qu’en comédie musicale qui a été présentée au Etats-Unis notamment.
J’encouragerais plutôt les jeunes à lire des livres sur le sujet, mais pour ceux qui aiment beaucoup le manga, c’est effectivement une très bonne œuvre car c’est un témoignage de ce que l’auteur a vécu à Hiroshima et c’est accessible à tous.
Moi-même, si j’ai produit un dessin animé, c’est parce qu’avant, je ne disposais que de documentaires destinés à un public d’adultes, voire de lycéens, et que les images étaient trop choquantes pour des enfants petits.

SC : Y a-t-il un aspect de cette catastrophe qui n’ait jamais été développé ou présenté au travers des différentes œuvres artistiques évoquant Hiroshima ?
MCS : Sur le plan artistique, quand on veut parler d’Hiroshima, on évoque souvent la destruction et la maladie, mais l’une des choses dont les survivants ont le plus souffert est la censure des Etats-Unis après la guerre : s’ils racontaient ce qu’ils avaient vécu, ne serait-ce que dans des poèmes, ils se faisaient arrêter. Il y a des documentaires qui évoquent cette censure, mais je ne connais pas d’œuvre artistique qui le fasse.
Une autre chose peu connue : environ un mois après le bombardement d’Hiroshima, en septembre, la ville a été victime d’un grand typhon qui a fait 3 000 morts. S’il y a eu tant de victimes, c’est d’une part du fait que le typhon soit d’une grande ampleur, mais aussi parce que la ville n’était pas encore reconstruite et n’était encore qu’à l’état de bidonville. Les constructions n’ont pas résisté et de nombreux documents ont été emportés par le vent et les pluies diluviennes…

SC : Quelles sont les œuvres que vous considérez comme fondamentales réalisées sur Hiroshima ?
MCS : Le film Pluie Noire de Shôhei IMAMURA. Ce réalisateur a été primé par deux fois au Festival de Cannes, mais pas pour ce film, qui a pourtant reçu une ovation du public lors de sa projection. Il a cependant obtenu une récompense, pour la technique. Personnellement, je trouve que ce film est meilleur que L’Anguille, tant sur le plan de l’image que sur le plan du scénario. C’est une histoire vraie qui montre bien les effets des radiations. Je le conseille à tous ceux qui s’intéressent au sujet.
Il y a aussi Rêve de Akira KUROSAWA et un autre film intitulé Rapsodie en août, qui parle du bombardement de Nagasaki. Ce sont trois films à voir.
En ce qui concerne les livres, il y a Les Fleurs d’Hiroshima d’Edita MORRIS. Ce qui est regrettable, c’est que la suite, Les Moissons d’Hiroshima, qui est excellente, est épuisée. Je conseille aussi Récits des jours d’Hiroshima, témoignage du Dr Shuntarô HIDA, paru aux éditions Quintette. Ce livre raconte comment un médecin ayant survécu à l’explosion voit les autres survivants tomber malade ou mourir sans comprendre pourquoi…
Et pour les enfants, bien entendu, je conseille le dessin animé L’Oiseau Bonheur.

SC : Avez-vous vous-même un nouveau projet de dessin animé sur le sujet ou sur un sujet proche ?
MCS : J’ai commencé par publier des livres pour les adultes, d’abord avec le témoignage du Dr HIDA Shuntarô, puis dans Message pour la Planète Bleue, où l’on parle aussi des essais nucléaires et enfin, avec le témoignage de M. NAKAZAWA (J'AVAIS SIX ANS A HIROSHIMA, CHERCHE MIDI EDITEUR). Après cela, j’ai produit le dessin animé. Mais ce que j’ai envie de faire à présent, c’est traduire et faire publier en France un recueil de poèmes courts sur Hiroshima écrits par une femme victime du bombardement atomique et publiés en secret sous l’occupation américaine, malgré la censure. Si cela avait été découvert, elle aurait sans doute été emprisonnée, mais elle tenait à le faire pour consoler les survivants qui vivaient dans la souffrance et l’incompréhension. Comme ce sont des poèmes de qualité, j’aimerais les faire publier en France et présenter la vie de la femme qui en est l’auteur.
Je n’ai pas de projet de dessin animé, mais il y a un roman que j’ai écrit à partir de ce qui s’est produit à Hiroshima et Nagasaki et que j’aimerais bien voir publié au Japon ou en France.

 

 

http://www.google.fr/url?source=imglanding&ct=img&q=http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/5b/ValentinGalochkin_1957_Hiroshima.jpg&sa=X&ei=mcILUOzXBYqx0AWBzPzKCg&ved=0CAkQ8wc4dQ&usg=AFQjCNFpBczEdPBaY7O0V7PlD-fVwVyaXw

 

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16 juillet 2012 1 16 /07 /juillet /2012 15:01

 Des réflexions justes et pertinentes sur la question du vieillissement  et qui nous concernent tous et toutes puisque naturellement  nous sommes tous pris dans les filets du temps qui passe et que nos corps vieillissent inexorablement ..Mais ce qui reste certes un phénomène tout à fait naturel !

 

LIEN : link 

 

 

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http://www.google.fr/url?source=imglanding&ct=img&q=http://img.fotocommunity.com/images/Animaux/Animaux-sauvage/Le-plus-vieux-chat-du-monde-a24770519.jpg&sa=X&ei=YSQEULKNNqqd0AWx-LXDBw&ved=0CAkQ8wc4swE&usg=AFQjCNEWF2N2lFIypeBRPlkvaD05aP-2vA

 


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13 juillet 2012 5 13 /07 /juillet /2012 09:33

LIEN :  link

 

Autre article sur la pensée d' Ernst Cassirer : 

 

Lofts Steve G. Une nouvelle approche de la philosophie d'Ernst Cassirer. In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 90, N°88, 1992. pp. 523-538.
Lien : link

 

 

http://img1.douban.com/lpic/s3370484.jpg

 

L’humain

Si l’être humain se distingue des animaux, selon Cassirer, ce n’est pas en vertu d’un atout substantiel que les bêtes ne partageraient pas avec lui (par exemple par la possession d’une « âme immortelle »), mais bien par la fonction caractéristique de son esprit – c’est qu’il vit dans une autre dimension de la réalité, pour ainsi dire : une dimension symbolique. Certes, humain et animal possèdent tous les deux non seulement un accès immédiat à l’environnement par le biais de la perception, mais aussi la capacité d’y déceler et d’y reconnaître des signes ou signaux : la fumée est le signe du feu ; l’odeur d’un prédateur, le signe de son approche ; la laisse dans la main du maître, le signal pour le chien que l’heure de la promenade est arrivée, etc. (4)

Peut-il connaître le monde

Connaître les choses telles qu’elles sont en elles-mêmes ne semble pas être possible : la connaissance que nous avons de la réalité peut en effet difficilement être indépendante des moyens dont nous disposons pour l’appréhender. [...] Kant avait même établi que l’espace et le temps n’étaient que des « formes de notre sensibilité » : c’est-à-dire que loin d’être des entités existantes par elles-mêmes, l’espace et le temps n’étaient que des manifestations de notre perception. En quelque sorte, il n’y avait pour Kant ni espace, ni temps sans un sujet pour les concevoir. [...] Depuis l’avènement de la théorie de la relativité d’Einstein et particulièrement de la relativité générale (1915), [...] les concepts de la physique semblent de moins en moins des concepts de choses mais apparaissent au contraire de plus en plus comme des constructions théoriques visant à constituer l’unité de la connaissance expérimentale. [...] Avec la physique d’Einstein, où ce qui restait de « chosification » de l’espace et du temps a disparu. (1) Voir à quelle point nous ne pouvons plus nous représenter le monde tel que les sciences nous le décrivent. Par exemple : le big bang et l’expansion de l’univers. (2) [...] Les concepts utilisés en mathématiques et dans les sciences de la nature ne sont pas des concepts désignant des choses, mais des relations. (3)

Autrement que par sa symbolisation

Pour Cassirer, le rapport entre l’esprit et le monde, la relation intime qui relie les deux, prend la forme du symbole, quel que soit le domaine spirituel interrogé : religion, art, sciences, métaphysique… Autrement dit, l’esprit élabore des symboles pour appréhender le monde. [...] L’unité de toute activité spirituelle réside donc, selon Ernst Cassirer, dans la production de formes symboliques. La fonction unifiante de l’esprit réside dans la forme symbolique.

[...]

L’homme n’est pas en contact direct avec le monde : le symbole lui sert d’interface dans ce rapport à ce dernier. Les symboles sont donc une médiation nécessaire, la seule possible, entre l’homme et le monde. La conscience est un flux incessant, se déroule dans le temps, mais en même temps, elle produit de la stabilité grâce aux formes symboliques. (2)

En trois étapes : réalisme, analogie et symbolisme.

Le symbole produit par l’esprit permet à l’être humain de toujours mieux connaître le monde qui l’entoure. Cette symbolisation part de la perception brute telle qu’elle est donnée par les sens, pour ensuite la structurer au moyen de concepts et idées toujours plus exactes. [...] L’homme ne naît pas avec des représentations, mais les construit. Son histoire tant individuelle que collective correspond à un passage des formes symboliques primitives aux formes symboliques supérieures. L’homme a par conséquent les représentations qu’il mérite : Cassirer conserve l’idée de progrès de la raison, de l’individu et du corps social. La culture est un processus historique de construction et de libération de soi. [...] La « personnalité libre » [...] est le but de la culture. C’est en effet à travers leur appropriation par les individus que les biens culturels peuvent devenir vivants, et sont susceptibles de progrès. Cassirer voit dans la libération de l’individu par la culture un but légitime, la culture ayant dès lors le sens d’une éducation de l’homme. C’est dans cette perspective qu’il déclare que sa propre philosophie présente un « intérêt pratique », et pas seulement théorique. Par ailleurs, la reconnaissance de formes culturelles différentes des nôtres ne procède pas chez Cassirer d’un principe de relativité (appelé aujourd’hui relativisme culturel) mais apparaît comme le résultat d’une reconnaissance plus fondamentale, accordée à la libération de soi de l’esprit humain à travers les processus culturels. (3)

Cassirer s’appuie notamment sur Goethe, qui distinguait la simple imitation de la nature, la manière et le style. Au départ, l’artiste s’efforce de représenter ce qu’il a sous les yeux (stade imitatif). Ensuite, l’artiste développe une « manière » : l’esprit de l’artiste s’exprime davantage que les pures sensations qu’il retranscrit. Enfin, l’artiste peut peindre avec « style » et exprimer au plus haut niveau sa subjectivité, grâce au symbolisme artistique ». Le style est « l’expression la plus haute de l’objectivité ; mais il ne s’agit plus de la simple objectivité de l’être-là mais de l’objectivité de l’esprit artistique, et ce qui s’exprime en lui ce n’est pas la nature de l’image mais celle du processus de création, à la fois libre et soumis à une loi« . (2)

Peut-il s’affranchir du symbole pour connaître directement le monde

Le symbole n’est-il pas finalement un obstacle, entre l’homme et l’objet, qu’il pourrait être tentant de dépasser afin d’accéder au monde lui-même, sans la médiation symbolique ? « Ne doit-on pas se demander s’il ne serait pas possible de franchir cette barrière pour parvenir enfin à l’Être véritable, essentiel, voilé ? ». La pure contemplation ne permet-elle pas par exemple à l’homme de saisir directement le monde ? C’est par exemple ici la question de l’intuition intellectuelle qui est posée. Si Bergson défend l’existence de ce type d’intuition, pour Cassirer, au contraire, il n’en est rien . (2)

Seul le symbole permet à l’esprit de s’affranchir de sa dépendance mécanique sur l’environnement physique, de cette dictature du hic et nunc auquel l’animal demeure inéluctablement soumis, en lui servant d’instrument, d’organe spirituel pour produire, de façon créative et spontanée, des galaxies symboliques – notamment les grandes sphères culturelles, telles que l’art, le langage, la science, etc. – à travers lesquelles l’esprit renoue, voire reconstruit sa relation, proprement humaine cette fois, avec le réel. (4)

Il n’est donc pas possible, pour l’homme, de s’affranchir du symbole. celui-ci est en dernière analyse la définition même de la vie de l’esprit et de l’homme : l’homme est un animal symbolique, qui crée des symboles et dont l’essence est de s’affranchir de la pure sensation. (2)

Ou mieux connaître la symbolisation, pour mieux connaître l’humain ?

L’esprit humain produit des symboles, qui créent un « monde » signifiant et proprement humain. [Mais ]lorsque l’esprit humain est incapable de tenir à distance le symbole, celui-ci redevient mythe et lui fait perdre ses repères. [...] Les crises sociales ont pour effet de déstabiliser les représentations raisonnables de la réalité, et d’encourager une fuite dans le préjugé, la religion ou le mythe. En Allemagne, le national-socialisme a marqué la victoire du mythe sur la raison. [...] Ernst Cassirer intègre dans sa pensée politique un principe élémentaire de stratégie, qu’il formule ainsi à la veille de sa mort : « se mettre à étudier soigneusement l’origine, la structure et la technique des mythes politiques » ce qui contribuera à « regarder l’adversaire en face afin de savoir comment le combattre ». (3)

Les différents systèmes symboliques nous en apprennent très certainement plus sur nous-mêmes que sur le monde en soi, que sur le monde purement objectif. Dans tous les cas, il faut accepter que ce dernier nous est à jamais inaccessible : car l’homme ne peut pas saisir les choses et le monde autrement que par ses constructions symboliques. En cela, Cassirer est bien un descendant de Kant. Ce serait une illusion que de croire que la connaissance a pour but de nous représenter le plus fidèlement le monde et que le but des sciences dures, par exemple, est de représenter le plus objectivement la réalité : les symboles scientifiques ne sont qu’une médiation (parmi d’autres) pour appréhender le réel. Si l’on comprend la vérité comme l’adéquation entre la théorie et le « monde en soi », elle est tout simplement inexistante. (2)

L’homme, un animal symbolique

L’être humain se distingue du royaume animal par sa capacité de produire des univers symboliques qui constituent désormais les dimensions propres de son existence : le langage, le mythe et la religion, l’art, l’histoire et la science. (4)

L’existence d’une finalité de l’existence humaine ayant été mise à mal par Nietzsche, Darwin et Freud, Cassirer pense que la question de l’homme se pose avec une acuité toute particulière. Aussi une anthropologie philosophique doit-elle explorer et réfléchir le monde de la culture, afin de compléter la connaissance de l’intérieur que procure la philosophie de l’esprit. L’homme n’est pas seulement un être organique et spirituel, mais un être qui demande et fabrique du sens. La relation de l’esprit et du corps doit être elle-même restituée dans le champ du sens. Comme porteur du sens, l’homme est qualifié d’animal symbolicum. (3)

Qui dit nature humaine, dit culture humaine. (4)

.


  1. Thomas Lepeltier
  2. Djaphil
  3. Wikipedia
  4. Ithaque

 

 

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CAIRN.INFO :

Ernst Cassirer

(1874-1945)

Le Mythe de l’État (1946) : LIEN :  link

 

Le Mythe de l’État (1946)

 

Professeur à l’université de Hambourg, puis émigré en Angleterre après l’avènement du nazisme, E. Cassirer enseigna ensuite en Suède, et enfin aux États-Unis à l’université de Columbia, où il mourut quelques semaines avant la fin de la guerre en Europe. Il a laissé une œuvre importante mais assez complexe et difficile d’accès. Si les matières dont elle traite – la culture, l’art, la création, le mythe – peuvent en effet attirer les créateurs ainsi que toute personne cultivée et sensible, son langage et ses références sont ceux d’un philosophe néo-Kantien qui ne se laisse guère aller à la facilité.

2 Pour Cassirer, l’esprit humain est d’abord créateur de symboles, et c’est à travers eux que le langage donne accès au monde. Pour l’homme, l’eau n’est pas qu’un liquide à boire, c’est aussi une idée et un mot, qui renvoient à d’autres mots et d’autres idées : l’eau symbolise la pureté, la mer, la vie... C’est par ce jeu de correspondances que fonctionnent les mythes ou la poésie, et la fonction du symbole est d’ouvrir la pensée humaine à une créativité et à une liberté sans fin.

3 L’essentiel de sa pensée se trouve rassemblé dans les trois volumes de la Philosophie des formes symboliques, parue en Allemagne de 1923 à 1929. Mais il aura aussi le temps, dans cette période qui marque une sorte d’apogée pour lui, d’écrire parmi plusieurs textes remarquables sur l’histoire des idées et de la culture, Le Problème Jean-Jacques Rousseau, et La Philosophie des Lumières.

4 Le Mythe de l’État, publié après le décès d’Ernst Cassirer, est un livre à la fois marginal et significatif dans son œuvre. Il reste marginal parce qu’il ne s’agit en fait que d’une compilation de textes et de conférences exprimant, dans les dernières années de sa vie, son rejet radical du nazisme, et non d’une œuvre achevée, ce qui le rend peut être plus accessible aussi au grand public. Mais il est significatif car il montre de façon particulièrement vigoureuse qu’Ernst Cassirer, sans renier l’importance des mythes dans le fonctionnement de la pensée humaine, ne se laisse pas fasciner par eux au point de baisser les bras devant la « stupidité primitive », selon ses termes (Urdummheit) des mythes politiques qui ont favorisé l’avènement du nazisme en sapant les avancées de la raison et de la connaissance.

 

 

 

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8 juillet 2012 7 08 /07 /juillet /2012 17:23

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9 juin 2012 6 09 /06 /juin /2012 18:46

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La France est riche d'une école exégétique biblique vieille de quatre siècles : de Richard Simon, son inventeur, un contemporain de Bossuet, jusqu'à Jean Soler, un savant bientôt octogénaire auquel notre époque a scandaleusement tourné le dos, en passant par le curé Meslier, le baron d'Holbach, l'anarchiste Proudhon, le laïc Charles Guignebert, Paul-Louis Couchoud ou Prosper Alfaric, qui nie l'existence historique de Jésus, il existe une école française remarquable de lecture des textes dits sacrés comme des textes historiques, ce que, bien sûr, ils sont. Le silence qui accompagne cette ligne de force scientifique s'explique dans un monde imprégné de judéo-christianisme.

Qui est Jean Soler ? Un diplomate érudit, un homme qui a passé sa vie à lire, traduire, analyser et éplucher dans leurs langues originales les textes fondateurs du monothéisme. Diplomate, il le fut huit années en Israël, où il a été conseiller culturel et scientifique à l'ambassade de France. Il a également travaillé en Algérie, en Pologne, en Iran et en Belgique. Depuis 1993, ce défenseur des langues régionales vit en pays catalan et travaille dans un petit bureau-bibliothèque lumineux comme une cellule monacale, entre mer et montagne, France et Espagne.

L'homme ne se répand pas, il va à l'essentiel. Son oeuvre dense concentre le résultat d'années de travaux solitaires et de recherches loin du bruit et de la fureur. Voilà pourquoi le fruit de ses études se trouve ramassé dans Aux origines du Dieu unique, un essai en trois volumes : L'invention du monothéisme (2002), La loi de Moïse (2003) et Vie et mort dans la Bible (2004). En 2009, il ajoute un opus intitulé La violence monothéiste.

Dynamiteur

Cet agrégé de lettres classiques déconstruit les mythes et les légendes juifs, chrétiens et musulmans avec la patience de l'horloger et l'efficacité d'un dynamiteur de montagne. Il excelle dans la patience du concept, il fournit ses preuves, il renvoie avec précision aux textes, il analyse minutieusement. Il a toutes les qualités de l'universitaire, au sens noble du terme ; voilà pourquoi l'université, qui manque de ces talents-là, ne le reconnaît pas.

Cette patience de l'horloger qui ne convainc pas l'université se double donc de l'efficacité du dynamiteur qui pourrait plaire aux journalistes. Mais, si l'université ne doit pas aimer chez lui l'usage des bâtons de dynamite, les journalistes, eux, n'apprécient probablement pas sa méticulosité conceptuelle. Voilà pourquoi cet homme est seul, et sa pensée révolutionnaire, méconnue.

Certes, il a pour lui la caution d'un certain nombre de pointures intellectuelles du XXe siècle : Claude Lévi-Strauss, Jean-Pierre Vernant, Marcel Detienne, Maurice Godelier, Ilya Prigogine, mais aussi Edgar Morin, Claude Simon, René Schérer, Paul Veyne lui ont dit tout le bien qu'ils pensaient de son travail. Mais rien n'y fait, le nom de Jean Soler ne déborde pas le cercle étroit d'une poignée d'aficionados - même si ses livres, tous édités aux éditions de Fallois, se vendent bien.

Jean Soler vient donc d'avoir la bonne idée de faire paraître Qui est Dieu ?. Le résultat est un texte bref qui synthétise la totalité de son travail, pourtant déjà quintessencié, un petit livre vif, rapide, dense, qui propose un feu d'artifice avec le restant de dynamite inutilisé... C'est peu dire qu'il s'y fera des ennemis, tant le propos dérange les affidés des trois religions monothéistes.

Six idées reçues

Jean Soler démonte six idées reçues. Première idée reçue : la Bible dépasse en ancienneté les anciens textes fondateurs. Faux : les philosophes ne s'inspirent pas de l'Ancien Testament, car "la Bible est contemporaine, pour l'essentiel, de l'enseignement de Socrate et des oeuvres de Platon. Remaniée et complétée plus tard, elle est même, en grande partie, une oeuvre de l'époque hellénistique".

Deuxième idée reçue : la Bible a fait connaître à l'humanité le dieu unique. Faux : ce livre enseigne le polythéisme et le dieu juif est l'un d'entre les dieux du panthéon, dieu national qui annonce qu'il sera fidèle à son peuple seulement si son peuple lui est fidèle. La religion juive n'est pas monothéiste mais monolâtrique : elle enseigne la préférence d'un dieu parmi d'autres. Le monothéisme juif est une construction qui date du Ve siècle avant l'ère commune.

Troisième idée reçue : la Bible a donné le premier exemple d'une morale universelle. Faux : ses prescriptions ne regardent pas l'universel et l'humanité, mais la tribu, le local, dont il faut assurer l'être, la durée et la cohésion. L'amour du prochain ne concerne que le semblable, l'Hébreu, pour les autres, la mise à mort est même conseillée.

Quatrième idée reçue : les prophètes ont promu la forme spiritualisée du culte hébraïque. Faux : pour les hommes de la Bible, il n'y a pas de vie après la mort. L'idée de résurrection est empruntée aux Perses, elle apparaît au IIe siècle avant J.-C. Celle de l'immortalité de l'âme, absente de la Bible hébraïque, est empruntée aux Grecs.

Cinquième idée reçue : le Cantique des cantiques célèbre l'amour réciproque de Dieu et du peuple juif. Faux : ce texte est tout simplement un poème d'amour. S'il devait être allégorique, ce serait le seul livre crypté de la Bible.

Sixième idée reçue : Dieu a confié aux juifs une mission au service de l'humanité. Faux : Dieu a célébré la pureté de ce peuple et interdit les mélanges, d'où les interdits alimentaires, les lois et les règles, l'interdiction des mélanges de sang, donc des mariages mixtes. Ce dieu a voulu la ségrégation, il a interdit la possibilité de la conversion, l'idée de traité avec les nations étrangères, et il ne vise pas autre chose que la constitution identitaire d'un peuple. Ce dieu est ethnique, national, identitaire.

Le dieu unique : un guerrier

Fort de ce premier déblayage radical, Jean Soler propose l'archéologie du monothéisme. À l'origine, les Hébreux croient à des dieux qui naissent, vivent et meurent. Leurs divinités sont diverses et multiples. Yahvé a même une femme, Ashera, reine du ciel, à laquelle on sacrifie des offrandes - libations, gâteaux, encens. Pour ramasser cette idée dans une formule-choc, Jean Soler écrit : "Moïse ne croyait pas en Dieu." Le même Moïse, bien que scribe de la Torah, ne savait pas écrire : les Hébreux n'écrivent leur langue qu'à partir du IXe ou du VIIIe siècle. Si Yahvé avait écrit les Dix Commandements de sa main, le texte n'aurait pas pu être déchiffré avant plusieurs siècles.

Le dieu unique naît dès qu'il faut expliquer que ce dieu national et protecteur ne protège plus son peuple. Il y eut un temps bénit, celui de la sortie d'Égypte, de la conquête de Canaan, de la constitution d'un royaume ; mais il y eut également un temps maudit : celui de la sécession lors de la création de la Samarie, un État indépendant, celui de son annexion par les Assyriens, à la fin du VIIIe siècle, et de la déportation du peuple, celui de la destruction de Jérusalem par le roi babylonien Nabuchodonosor au début du VIe siècle.

Le monothéisme s'impose dans la seconde moitié du IVe siècle. Le dieu des Perses, qui leur est favorable, devient le dieu des juifs, qui souhaitent eux aussi obtenir ses faveurs. Ce même dieu favorise l'un ou l'autre peuple selon ses mérites. On cesse de nommer Yahvé, pour l'appeler Dieu ou Seigneur. Les juifs réécrivent alors le premier chapitre de la Genèse.

Menacé de disparition physique, le peuple juif cherche son salut dans l'écrit. Il invente Moïse, un prophète scribe qui consigne la parole de Yahvé. Il se donne une existence littéraire et se réfugie dans les livres dont le contenu est arrêté par des rabbins vers l'an 100 de notre ère. Les juifs deviennent alors le peuple du Livre et du dieu unique.

Le dieu unique devient vengeur, jaloux, guerrier, belliqueux, cruel, misogyne. Jean Soler associe le polythéisme à la tolérance et le monothéisme à la violence : lorsqu'il existe une multiplicité de dieux, la cohabitation rend possible l'ajout d'un autre dieu, venu d'ailleurs ; quand il n'y a qu'un dieu, il est le vrai, l'unique, les autres sont faux. Dès lors, au nom du dieu un, il faut lutter contre les autres dieux, car le monothéisme affirme : "Tous les dieux sauf un sont inexistants."

Invention du génocide

"Tu ne tueras point" est un commandement tribal, il concerne le peuple juif, et non l'humanité dans sa totalité. La preuve, Yahvé commande de tuer, et lisons Exode, 32. 26-28, trois mille personnes périssent sur son ordre. Dans Contre Apion, l'historien juif Flavius Josèphe établit au Ier siècle de notre ère une longue liste des raisons qui justifient la peine de mort : adultère, viol, homosexualité, zoophilie, rébellion contre les parents, mensonge sur sa virginité, travail le jour du sabbat, etc.

Jean Soler aborde l'extermination des Cananéens par les juifs et parle à ce propos d'"une politique de purification ethnique à l'encontre des nations de Canaan". Puis il signale que le Livre de Josué précise qu'une trentaine de cités ont été détruites, ce qui lui permet d'affirmer que les juifs inventent le génocide - "le premier en date dans la littérature mondiale"... Jean Soler poursuit en écrivant que cet acte généalogique "est révélateur de la propension des Hébreux à ce que nous nommons aujourd'hui l'extrémisme". Toujours soucieux d'opposer Athènes à Jérusalem, Jean Soler note que la Grèce, forte de cent trente cités, n'a jamais vu l'une d'entre elles avoir le désir d'exterminer les autres.

En avançant dans le temps, Jean Soler, on le voit, ouvre des dossiers sensibles. La lecture des textes dits sacrés relève effectivement de la politique. Il interroge donc la postérité du modèle hébraïque dans l'histoire et avance des hypothèses qui ne manqueront pas de choquer.

Le judaïsme, écrit-il, a été en crise cinq fois en mille ans. Il l'est aux alentours de l'an 0 de notre ère. D'où son attente d'un messie capable de le sauver et de lui redonner sa splendeur. Il y a pléthore de prétendants, Jésus est l'un d'entre eux. Ce sectateur juif renonce au nationalisme de sa tribu au profit de l'universalisme. Dès lors, il n'y a qu'un dieu, et il est le dieu de tous. Plus besoin, donc, des interdits qui cimentaient la communauté tribale appelée à régner sur le monde une fois régénérée.

Si Jésus séparait bien les affaires religieuses et celles de l'État, s'il récusait l'usage de la violence et prêchait un pacifisme radical, il n'en va pas de même pour l'empereur Constantin, qui, en son nom, associe religion et politique dans son projet impérial théocratique. Sous son règne, les violences, la guerre, la persécution se trouvent légitimées - d'où les croisades, l'Inquisition, le colonialisme du Nouveau Monde. Pendant ce temps, les juifs disparaissent de Palestine et constituent une diaspora planétaire. L'islam conquiert sans discontinuer et la première croisade, précisons-le, se trouve fomentée par les musulmans contre les chrétiens.

Le schéma judéo-chrétien s'impose, même à ceux qui se disent indemnes de cette religion. Jean Soler pense même le communisme et le nazisme dans la perspective schématique de ce modèle de pensée. Ainsi, chez Marx, le prolétariat joue le rôle du peuple élu, le monde y est vu en termes d'oppositions entre bien et mal, amis et ennemis, l'apocalypse (la guerre civile) annonce le millénarisme (la société sans classes).

Une oeuvre qui gêne

De même chez Hitler, dont Jean Soler montre qu'il n'a jamais été athée mais que, catholique d'éducation, il n'a jamais perdu la foi. Pour Jean Soler, "le nazisme selon Mein Kampf (1924) est le modèle hébraïque auquel il ne manque même pas Dieu" : Hitler est le guide de son peuple, comme Moïse ; le peuple élu n'est pas le peuple juif, mais le peuple allemand ; tout est bon pour assurer la suprématie de cette élection ; la pureté assure de l'excellence du peuple élu, dès lors, il faut interdire le mélange des sangs.

Pour l'auteur de Qui est Dieu ?, le nazisme détruit la position concurrente la plus dangereuse. Jean Soler cite Hitler, qui écrit : "Je crois agir selon l'esprit du Tout-Puissant, notre créateur, car, en me défendant contre le juif, je combats pour défendre l'oeuvre du Seigneur." Les soldats du Reich allemand ne portaient pas par hasard un ceinturon sur la boucle duquel on pouvait lire : "Dieu avec nous"...

On le voit bien, Jean Soler préfère la vérité qui dérange à l'illusion qui sécurise. Son oeuvre gêne les juifs, les chrétiens, les communistes, les musulmans. Ajoutons : les universitaires, les journalistes, sinon les néonazis. Ce qui, convenons-en, constitue un formidable bataillon ! Faut-il, dès lors, s'étonner qu'il n'ait pas l'audience que son travail mérite ?

Accusation

L'accusation d'antisémitisme, bien sûr, est celle qui accueille le plus souvent ses recherches. Elle est l'insulte la plus efficace pour discréditer le travail d'une vie, et l'être même d'un homme. En effet, Jean Soler détruit des mythes juifs : leur dieu fut un parmi beaucoup d'autres, puis il ne devint unique que sous la pression opportuniste ethnique et tribale, nationaliste. Toujours selon Jean Soler, le monothéisme devient une arme de guerre forgée tardivement pour permettre au peuple juif d'être et de durer, fût-ce au détriment des autres peuples. Il suppose une violence intrinsèque exterminatrice, intolérante, qui dure jusqu'aujourd'hui. La vérité du judaïsme se trouve dans le christianisme qui universalise un discours d'abord nationaliste. Autant de thèses iconoclastes !

À quoi Jean Soler ajoute que la Shoah ne saurait être ce qui est couramment dit : "Un événement absolument unique, qui excéderait les limites de l'entendement humain. Effort désespéré pour accréditer à tout prix, jusque dans le pire malheur, l'élection par Dieu du peuple juif ! En réalité, l'existence de la Shoah est la preuve irréfutable de la non-existence de Dieu." Soler inscrit la Shoah dans l'histoire, et non dans le mythe. Il lui reconnaît un rôle majeur, mais inédit dans la série des lectures de cet événement terrible : non pas événement inédit, mais preuve définitive de l'inexistence de Dieu - quel esprit assez libre pourra entendre cette lecture philosophique et historique ?

Renaissance grecque

Jean Soler, on le voit, a déclaré une guerre totale aux monothéismes. Bien sûr, il ne souhaite pas revenir au polythéisme antique, mais il propose que nous nous mettions enfin à l'école de la Grèce après plus de mille ans de domination judéo-chrétienne. Une Grèce qui ignore l'intolérance, la banalisation de la peine de mort, les guerres de destruction massive entre les cités ; une Grèce qui célèbre le culte des femmes ; une Grèce qui ignore le péché, la faute, la culpabilité ; une Grèce qui n'a pas souhaité l'extermination massive de ses adversaires ; une Grèce qui, à Athènes, où arrive saint Paul, avait édifié un autel au dieu inconnu comme preuve de sa générosité et de son hospitalité - cet autel fut décrété par Paul de Tarse l'autel de son dieu unique, le seul, le vrai. Constantin devait donner à Paul les moyens de son rêve.

Nous vivons encore sous le régime de Jérusalem. Jean Soler, solitaire et décidé, campe debout, droit devant deux mille ans d'histoire, et propose une Renaissance grecque. Le déni étant l'une des signatures du nihilisme contemporain, on peut décliner l'invitation. Mais pourra-t-on refuser plus longtemps de débattre de l'avenir de notre civilisation ? Avons-nous les moyens de continuer à refuser le tragique de l'histoire pour lui préférer la comédie des mythes et des légendes ? Nietzsche aurait aimé ce disciple qui va fêter ses 80 ans. Et nous ?

Par Michel Onfray
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7 juin 2012 4 07 /06 /juin /2012 16:35

 

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“Un des intérêts philosophiques de l’astronomie est d’ouvrir sur l’immensité du monde, sur son absolu et infini transcendance à l’égard de notre petite personne.”

Henry Thomas Peleran
Pensées sur les sciences et la vie


La famille de l’Être Humain

Homme,
L’immensité spatiale te donne la mesure de ton isolement,
Mais où vois-tu la solitude ?

Tu cherches dans le seul semblable ta parenté,
Mais tout le Cosmos est de ta parenté.
A un degré ou un autre tu es frère de tout ce qui est.
Tu es parent avec les galaxies et les nébuleuses,
Tu es parent avec les étoiles, les novae et les pulsars,
Tu es parent avec les comètes baladeuses et les planètes,
Tu es parent avec ta planète et son satellite,
Tu es parent avec les plus vieilles roches de ta planète,
Avec les minéraux et les fossiles,
Avec les algues, les mousses, les plantes,
Avec les animaux, les bactéries, les virus,
Avec les éléments naturels de ta planète,
Neutrons, électrons ou quarks sont de ta famille.
Tu es parent avec toutes les formes de vie du cosmos
êtres sensibles et êtres pensants.

Comment peux-tu être seul ?
Quand tout l’univers est autour de toi et en toi,
Qu’il est toi et toi une partie de lui.
Rien de ce qui est n’est séparé de toi
Ta famille est partout,
Ouvre-toi au monde.


William Ruthenford

 

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