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Ecosia : Le Moteur De Recherch

5 octobre 2007 5 05 /10 /octobre /2007 11:15

L'Humanisme

1300 - 1600

L'humanisme. Le dictionnaire en donne plusieurs définitions :

1


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3

4

Philosophie qui met l'homme et les valeurs humaines au dessus de tout.

Mouvement intellectuel de la Renaissance, né en Italie au XIVème siècle, qui s'étendit progressivement en Europe et s'épanouissant au XVIème siècle. Il est marqué par le retour aux textes antiques qui servirent de modèle de vie, d'écriture et de pensée. Pétrarque, Ficin, Pic de la Mirandole, Erasme en furent les principaux représentants.

Méthode de formation intellectuelle basée sur les humanités.

Conception philosophique pour laquelle l'homme constitue la valeur suprême ou encore une fin et non un moyen.

 

 
 

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Introduction

Chez les Romains, humanitas désigne toute chose élevant l'homme à une place à part des autres êtres vivants. Durant le Moyen Age, on parle de humaniores litterae ou lettres humaines. Elles représentent l'ensemble des connaissances profanes enseignées dans les facultés des arts, contrairement aux diviniores litterae ou lettres divines qui commentent la Bible et qui sont le support de la religion chrétienne révélée par les facultés de théologie.

Les lettres humaines représenteront au XVIème siècle un enseignement constitué des principales disciplines issues de la tradition médiévale, complété des études sur les textes antiques. Ce complément est appelé par les écrivains de cette époque instauratio, restauratio, restitutio banarum litteratum. D'autres l'appèlent reflorescentia, renascentia. Rabelais parlera dans Pantagruel (voir l'image) de humanitas. Et ceux qui s'intéressent à ces lettres humaines seront appelés humanistes.

Pour les humanistes, l'homme est placé au centre de toute question. S'appuyant sur la sagesse des auteurs antiques, ils souhaitent bâtir une société différente, désirant atteindre la perfection, que ce soit au niveau de la moralité ou des arts. Ce changement s'opère à partir des écrits anciens et non avec comme support les écritures saintes, s'opposant de ce fait à la pensée scolastique du Moyen Age.

Les personnes motrices de ce bouillonnement sont Erasme, Juan Luis Vives, Guillaume Budé, Jacques Lefèvre d'Etaples, Lorenzo Valla, Ange Politien, Jean Pic de la Mirandole, Pétrus Ramus, León Battista Alberti, Marsile Ficin et la famille Estienne. Ces humanistes souhaitent éduquer l'homme pour le grandir. Grâce aux progrès de l'imprimerie, les oeuvres d'Erasme, de Rabelais ou Montaigne peuvent être diffusées à des centaines d'exemplaires.

Cette référence aux écrits antiques s'accompagne de l'idée que la culture est le moteur de l'évolution de l'homme. Déjà pour les Romains l'humanitas s'oppose à la vertu qui met en avant les vertus "mâles" : courage et énergie. Ainsi les humanistes, en s'appuyant sur ces textes latins, établissent un idéal qui n'est ni la sainteté ni l'héroïsme militaire.

Les débuts de l'humanisme

Si traditionnellement les historiens font débuter ce mouvement avec Pétrarque et Boccace au XIVème siècle en Italie, nous pouvons considérer Protagoras, sophiste du Vème siècle avant Jésus-Christ comme le premier représentant de l'humanisme. En effet pour lui "l'homme est la mesure de toutes choses."

Mais revenons au XIVème siècle qui voit ce mouvement grandir de façon importante. Les Turcs envahissant Constantinople, nombre de Grecs s'enfuient pour se réfugier dans la péninsule italienne. Avec eux, ils apportent des manuscrits dans leur langue d'origine. Ainsi Coluccio Salutati (1331-1406) et Le Pogge (1380-1459) traduisent des oeuvres romaines, alors que d'autres, comme Guarino de Vérone (1374-1460), Francesco Filello (1396-1481) et Giovanni Aurispa (1376-1459) traduisent des ouvrages grecs antiques. La poésie latine est redécouverte grâce notamment à Lorenzo Valla (1407-1457). Pic de la Mirandole fait partie des humanistes savants appréciés pour leur érudition. Il publie les neuf cent thèses, alimentant le débat entre philosophes et théologiens.

La diffusion de ces textes est favorisée par les progrès de l'imprimerie, mais aussi par le développement des villes et des universités, point de ralliement de nombreux humanistes. De nouveaux métiers apparaissent, liés à l'enseignement, l'édition ou la réflexion sur la vie sociale. Des artistes s'inspirent de ces nouvelles idées, Ligorio peignant par exemple "l'Allégorie des Sciences" (voir l'image).

Les princes italiens protègent les humanistes, ces derniers grandissant le prestige de leur protecteur. Les Médicis en sont une excellente illustration pour la ville de Florence. Ici, Pic de la Mirandole, Bembo et Policien se regroupent sous l'égide de Ficin, sous la protection de Cosme de Médicis. Grâce à l'encouragement des Médicis, Ficin traduit Platon et ses adeptes. Florence est la première ville à se voir dotée d'une académie, qui regroupe beaucoup d'humanistes. Dès 1453, les Turcs lui donnent une impulsion. Cette académie s'oppose à la pensée d'Aristote introduite en Europe par Averroes et Avicenne entre autres, mettant en avant celle de Platon.

L'expansion de l'humanisme

L'humanisme se propage en premier lieu en Allemagne et en Hollande. En Allemagne c'est Johannes Reuchlin qui, ayant voyagé à Florence, favorise son introduction. Reuchlin s'oppose à l'empereur Maximilien 1er (voir l'image)(ce dernier ne souhaitant pas des écrits hébraïques à part la Bible), affirmant que ces textes interdits sont partie prenante du patrimoine culturel de l'homme. Pour la Hollande, C'est Érasme qui en est le plus éminent représentant. L'Allemagne et la Hollande connaissent une importante expansion de l'imprimerie, ont des foires aux livres et sont des terres favorisant les échanges culturels.

L'humanisme arrive en France par les terres papales d'Avignon. En effet, Pétrarque et Boccace y vivent. Il existe bien déjà un humanisme français depuis Charlemagne et également présent à l'école de Chartres au XIIème siècle. Ce dernier est plus axé sur la morale et la vérité scientifique que ne le sera son équivalent transalpin. Développé par Gerson (1363-1429), Jean de Montreuil, Nicolas de Clémanges (1363-1437), Laurent de Premierfait, les frères Gontier et Pierre Col, Jacques de Nouvion et Jean Muret. Des traductions de Tite-Live et d'Aristote sont déjà connues à la Cour de Charles V. Mais ce sont surtout les guerres d'Italie et François Ier qui favorisent son développement dans notre pays. Ce dernier créé le collège des lecteurs royaux. On y enseigne le grec, le latin et l'hébreu, cette dernière langue étant principalement enseignée par Jacques Lefèvre d'Étaples.

Dans notre pays, Etienne Dolet permet la diffusion d'une pensée inspirée de Platon, adaptée au christianisme. Cette pensée influence les poètes de la Pléiade comme Ronsard ou du Bellay. Montaigne soutient que la raison permet à l'homme de se libérer des vérités toutes faites.

L'humanisme est également présent en Hongrie grâce au roi Mathias Corvin, en Pologne avec Jan Kochanowski (1530-1584), en Espagne avec le cardinal Cisneros (qui fonde une université trilingue à Alcalá de Henares) et Juan Luis Vives (1492-1540), en Hollande avec Erasme (voir l'image), Agricole et de Heek et en Angleterre plus tardivement avec John Colet (1467-1519) et Thomas More (1478-1535).

Ainsi vers 1530, ce mouvement touche toute l'Europe, l'unifiant dans un même idéal, cette pensée optimiste, croyant dans le progrès humain. Et dans cet élan, tout le monde s'y retrouve : religieux, artistes (Léonard de Vinci (voir l'image)), lettrés (François Rabelais), philosophes (Bacon). Ce mouvement entraîne la création de nouvelles fonctions comme la géographie, la cosmologie, la philosophie politique et la pensée historique. L'humanisme entraîne la Réforme de l'église, notamment avec Erasme et son Eloge de la folie (1511) qui est introduite en Angleterre par William Grocyn (1446-1519) et Thomas Linacre (vers 1460-1524). L'humanisme implique la liberté et l'indépendance vis à vis de la religion. Il permet une libération des hommes et l'apparition d'une tolérance.

Les caractéristiques de l'humanisme

A partir de 1470, il se développe dans le domaine religieux. Il exprime le souci de réaliser une synthèse entre les écrits antiques et la tradition scolastique. Johannes Reuchlin (1455- 1522) remet au goût du jour l'hébreu et sa littérature. Guillaume Budé (1467-1540) étudie avec Erasme des écrits grecs et latins.

Ces humanistes sont avant tout chrétiens. Aussi vont-ils christianiser certains écrits antiques comme le Banquet de Platon par Marsile Ficin. Le platonisme, largement véhiculé par Ficin, se répand notamment en France grâce à Jacques Lefèvre d'Etaples (v 1450-1537), Charles de Bouvelles (v 1480-1533) et Symphorien Champier (1472-v 1539). Dans ce platonisme, c'est l'étude de Dieu comme principe ou comme fin qui est au centre du débat.

Après 1530 et la création du collège de France de François Ier (voir l'image), toujours avec Platon comme modèle de ceux qui recherchent un idéal, s'exprime un humanisme mené par les Français et qui exalte l'homme et ses qualités humaines. Il attire plusieurs couches sociales comme les bourgeois, les parlementaires, les avocats ou les médecins. Il gagne la Province, touchant les villes de Bourges, Orléans, Poitiers, Toulouse et Lyon.

Etienne Dolet publie en 1540 un traité sur la manière de bien traduire d'une langue en autre, mettant en avant l'art de la traduction. Ainsi sont éditées en français les oeuvres de César, Cicéron, Juvénal, Perse et Salluste chez les Romains ; Appien, Diodore, Epictète, Euripide, Homère, Isocrate, Plutarque et Platon chez les Grecs.

Ce renouveau de la pensée et de la littérature, côtoyant une affirmation du pouvoir royal et la découverte du Nouveau Monde, ouvrant les portes d'un temps perçu comme celui de l'âge d'or. Cet optimisme envers l'homme s'exprime à travers Rabelais (voir l'image) et son Pantagruel (1532) et Gargantua (1534). Marguerite de Navarre (1492-1549) (voir l'image) souhaite concilier le platonisme des humanistes et la pensée d'Aristote de la théologie traditionnelle. Cela devient difficile et s'ensuit le mouvement de la Réforme qui aboutira en France, hélas, aux guerres de religion.

Après 1547, au début du règne de Henri II (voir l'image), roi de France suite à la mort de François 1er, l'humanisme connaît un bel épanouissement. Cela est dû au travail de Henri II Estienne (1531-1598), d'Adrien Turnèbe (1512-1565) commentant Cicéron ou Denis Lambin (1516-1572) qui est lecteur royal.

Vont naître en même temps nombre de poètes, avec notamment ceux qui constituent le groupe appelé Pléiades. En effet, avant 1547, l'humanisme s'exprime en prose, exceptée la poésie de Clément Marot. Dès 1547, avec Ronsard (voir l'image) et du Bellay (voir l'image) encore à leur début, la poésie commence à devenir un genre majeur. Ainsi dans l'étude des écritures antiques vont être mises à jour la sensibilité et l'imagination des poètes grecs et latins. Ces poètes humanistes privilégient le génie individuel aboutissant au développement de la personnalité. Citons alors les oeuvres de Peletier (Uranie en 1555), Ronsard (Hymnes en 1555-1556) ou du Bellay (Antiquités de Rome en 1558).

L'humanisme connaît une mutation en 1560. L'affaire des Placards en 1534, le massacre des Vaudois en 1545 ou les guerres de religion sonnent la fin de l'humanisme optimiste. Simon Goulart s'intéresse à l'œuvre de Sénèque en 1555 qu'il traduit entièrement. Nombre de traités traduits permettent, dans ces années de trouble, de trouver réconfort et résignation. Alexandre le Blancq traduit la Consolation à Appollonius de Plutarque en 1571, Robert Garnier puise ses idées dans la traduction de Sénèque. Au début du XVIIème siècle, cet humanisme est à la source de l'inspiration de J.P Camus et Pierre Corneille. Il imprègne la première moitié du siècle.

A côté du platonisme naît le concept de l'épicurisme qui n'arrive cependant pas à imposer les idées de retraite et de repli sur soi. Plutarque est l'auteur préféré durant ces années-là, surtout à travers les traductions de Jacques Amyot (1513-1593).

L'humanisme devient politique. Cela se reflète dans les Discours de Ronsard (1562) ou dans les oeuvres de Michel de l'Hopital (1505-1573) qui dénonce la guerre civile. Les idées de Machiavel (voir l'image) sont mises à mal dans les Discours de la servitude volontaire de la Boétie, dans les textes de François de la Noue (1531-1591), Innocent Gentillet et Jean Bodin (1530-1596).

Avec Montaigne (1533-1592) (voir l'image), l'humanisme se transforme. S'il puise également son inspiration dans les écrits anciens, il ne place pas l'homme au-dessus de toute création comme le faisaient les humanistes de Pétrarque à Rabelais. Avec lui, l'humanisme s'humanise.

Mais l'expansion de ce mouvement humaniste rencontre des résistances. Celle-ci s'exprime chez les nobles, dans les universités liées à la théologie, parmi les mondains. Les nobles méprisent cette nouvelle culture. Ceux qui enseignent les langues anciennes sont désignés de façon plutôt péjorative. Heureusement, ils bénéficient de la protection des princes pour s'imposer. Les universités où est enseignée la théologie voient d'un mauvais oeil cet esprit d'analyse qui critique la religion et qui remet en cause les écrits traditionnels dans les traductions des textes grecs. Quant aux mondains, ces derniers ne souhaitent pas trop s'investir intellectuellement et ignorent donc ce mouvement.

Les influences de l'humanisme

L'humanisme influence pleinement la vie du XVIème siècle car ceux qui le revendiquent ne sont pas des personnes déconnectées du réel. Très épris d'histoire, ils souhaitent mieux armer l'homme pour répondre aux problèmes de la vie.

Dans l'humanisme, les sciences ne sont pas incluses et leur évolution se fait en marge de ce mouvement. Ainsi Bernard Palissy (v 1510-v 1590) ou Ambroise Paré (v 1509-1590) (voir l'image) n'accordent pas cette importance aux auteurs antiques. Ils préfèrent se baser sur l'expérience et la pratique. Cependant certains écrits comme ceux d'Archimède sont étudiés, notamment par Copernic (voir l'image). Celui-ci pense que l'expérience passée est nécessaire aux découvertes à venir.

Dans le domaine religieux, l'humanisme reste dans un premier temps fidèle à la foi. Peu d'humanistes intègrent le mouvement de la Réforme. Ils ne veulent pas céder à l'idée de Néant pour l'homme, soutenue par Sextus deux cents ans avant Jésus-Christ, et qui renaît à la fin du XVIème siècle. Par exemple, pour Montaigne, l'humanisme n'implique pas la croyance, mais il ne l'exclut pas non plus.

L'humanisme affecte également la vie politique. Le Prince est la personne centrale de l'ordre étatique. Les humanistes lui rappellent ses devoirs envers Dieu, ses sujets et lui-même. Ils appellent le peuple à participer plus à la vie civique. Les humanistes mettent en avant l'idée d'un sentiment national. Des historiens tels qu'Etienne Pasquier (1529-1615) et Claude Fauchet (1530-1602) travaillent sur l'origine du peuple français.

Ce mouvement modifie également le discours amoureux en le rendant plus mystique, et intervient dans le domaine de l'éducation où les humanistes souhaitent inculquer aux enfants les bases du savoir et du savoir-vivre pour les rendre plus humains en grandissant. Concernant la littérature, l'humanisme met en avant des thèmes tels que la nature, la vertu, la gloire et l'amour. Il fait naître le genre du dialogue et la tragédie française avec la Cléopâtre captive de Jodelle (1532-1573) (voir l'image).

L'évolution de l'humanisme jusqu'au XXIème siècle

L'humanisme, né pendant la Renaissance, continue de s'exprimer, à travers Kant par exemple. Au XVIIIème siècle, les penseurs des Lumières affirment que l'humanité de l'homme est universelle en chacun d'entre eux, quelque soient ses différences (origine, milieu) ou ses particularismes (nationaux, ethniques).

Cette vision est attaquée au XIXème siècle car jugée abstraite. Et à cette époque, la nation désigne la seule réalité. D'où il est affirmé que chaque homme fait partie d'une humanité particulière.

Au XXème siècle, les représentants du nationalisme et du fascisme reprennent cette idée de "esprit du peuple" ou "issu d'une terre". Mais là nous atteignons l'anti-humanisme. Aussi l'humanisme moderne, issu des Lumières, s'exprime dans la nécessité de s'émanciper et non dans l'idée d'enracinement ou de fidélité, concepts horriblement exploités.

Après la seconde guerre mondiale, l'humanisme s'exprime à travers le mouvement existentialiste. Par la suite, parler d'humanisme revient à savoir conserver une vision de l'homme, libre et autonome, sans l'enfermer dans son appartenance (ethnie, religion) ou le limiter à son inconscient ou d'en faire le produit de facteurs socio-économiques.

L'humanisme, né au XVIème siècle, est toujours un concept d'actualité. La Renaissance et notre époque contemporaine ont sûrement des points communs, mais cela sera peut être l'occasion d'un autre débat.


  Dossier créé le 3 septembre 2001 - Mis à jour le 3 septembre 2001 - Animation Renaissance Amboise - (c) 2005

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5 octobre 2007 5 05 /10 /octobre /2007 10:39
Un ancien déporté à qui l'on demandait: ¨Mais comment peut-on croire en Dieu quand on voit qu'il accepte de telles horreurs?¨ avait répondu: ¨Ce n'est pas Dieu qui était absent, c'était l'homme.¨

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5 octobre 2007 5 05 /10 /octobre /2007 10:27

"Ça se discute", 19 septembre 2007

 

par Anne Morelli, directrice adjointe du Centre Interdisciplinaire d'Études des Religions et de la Laïcité à l'Université Libre de Bruxelles (CIERL-ULB)

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"Il y a plus de dix ans que Serge Halimi 1, et encore avant lui Pierre Bourdieu 2 nous avaient prévenus : la télévision française est un contre-modèle d'information libre et équilibrée. Elle ne présente que des points de vue convenus, en harmonie avec les positions du pouvoir et n'accorde aucun espace aux dissidents qu'elle se refuse à inviter ou qu'elle censure sur le plateau.

 

Mais vous connaissez le conte d'Alphonse Daudet "La chèvre de monsieur Seguin". La petite chèvre sait très bien que toutes celles qui l'ont précédée à aller dans la montagne se sont fait dévorer par le loup, mais elle entend tout de même l'affronter. Elle se fie à ses petites cornes si pointues...

 

Telle la chèvre de M. Seguin, je pensais être suffisamment aguerrie aux médias pour ne pas être piégée par une invitation de France2. Je suis une vieille habituée des débats de RTL et d'émissions de la télévision belge (RTBF et VRT). J'y suis invitée soit comme "expert" (en matière historique ou religieuse) ou comme représentante de la laïcité. J'y suis toujours traitée avec respect : le débat peut être vif, c'est parfois le cas avec des représentants religieux, mais "Controverse" par exemple, est enregistrée à RTL en temps réel, le plus souvent en direct et aucune coupure n'y est réalisée.

 

Ma seule expérience française (la regrettée émission "Arrêt sur image") m'avait semblé correcte et j'ai donc tendu une oreille attentive à l'invitation qui m'était faite par France2. Une charmante assistante me demandait de participer à une émission dont j'ignorais tout et qu'elle me présenta comme étant un débat contradictoire sur les nouveaux mouvements religieux. Il s'agissait de "Ça se discute" de Jean-Luc Delarue.

La jeune assistante demanda à pouvoir recevoir et lire mes livres sur le sujet et m'en fit un résumé correct qui devait, disait-elle, servir de base à la construction de l'émission. Elle me promit qu'ils seraient présentés en cours d'émission.

 

Un peu inquiète de ce qu'on me disait de Delarue, j'ai demandé à recevoir des assurances sur le caractère sérieux de l'intervention que je ferais dans l'émission et sur le caractère véritablement contradictoire du débat. Il m'a été répondu fermement que des victimes de la "chasse aux sectes" étaient invitées à venir s'exprimer autant que des victimes de "sectes". Rassurée, j'accepte de participer à l'émission dont la date est fixée au 5 septembre.

 

Deux jours avant cette date, l'assistante me rappelle : le titre de l'émission a changé et intègre le mot  péjoratif “gourou” " et par ailleurs elle ne se déroulera pas en direct. Le contenu de l'émission doit être supervisé par les instances de la chaîne, elle sera tournée en différé et montée. En outre on me fait part d'une bien étrange consigne : pour éviter toute publicité (sic) pour l'une ou l'autre "secte", je suis priée de ne prononcer le nom d'aucune d'entre elles !

Je pensais faire un parallèle entre le caractère aussi absurde ou raisonnable des croyances raëliennes et chrétiennes mais je suis estomaquée de devoir transformer "Raël" par "Tralalala". A ma question de savoir si je pourrais néanmoins citer les Chartreux, l'assistante ne flairant pas mon piège, me répond innocemment que "pour eux évidemment, il n'y a pas de problème" !

 

Le tournage étant plus tôt dans la journée que le direct prévu initialement, et les soutenances de mémoire ne me permettant pas de quitter Bruxelles plus tôt, France2 n'hésite pas à m'envoyer à la gare du Nord un motard pour me conduire rapidement en ses studios. J'y découvre là un Barnum invraisemblable : les "spectateurs" sont en fait des figurants dociles qu'on chauffe et parmi lesquels, les responsables de l'émission - théoriquement ouverte au public ! - ont vite fait de repérer des personnes qui ont pris pour argent comptant ce caractère officiellement libre d'accès à l'émission mais qui y sont indésirables. Une dame, nullement violente, ni sale, ni agressive est ainsi vouée à l'expulsion. On tente d'abord de la persuader fermement de quitter les gradins. Comme elle ne s'y résoud pas, deux barbouzes la soulèvent, la couchent et l'enlèvent, l'un la tenant par les pieds, l'autre par les épaules ! La scène n'apparaîtra évidemment pas à l'écran !

 

Par ailleurs, la Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Sectes : MIVILUDES, est intervenue en dernière minute, pour que ne soient pas admises à témoigner les victimes de la chasse aux sectes, pourtant dûment invitées (billet de train et hôtel déjà payés) et présentes.

 

L'émission s'intitule "Ça se discute" mais en réalité aucune discussion n'est possible : les "victimes des sectes" seules ont la parole. Elles sont invitées, une à une, à venir témoigner très longuement d'histoires tragiques et émouvantes qui leur sont advenues il y a parfois plus de vingt-cinq ans.

 

Un psychothérapeute, issu comme moi de l'Université de Bruxelles, a été invité à parler de sa pratique. Jean-Luc Delarue le traite avec une ironie agressive et dès qu'il commence ses explications, le présentateur l'interrompt (par deux fois) pour dire : "On ne va pas rester ici toute la nuit à vous écouter". A la deuxième interruption, ce monsieur se lève dignement et quitte le plateau.

 

A la représentante de la MIVILUDES, par contre, le temps n'est en rien compté et elle seule peut intervenir pendant toute l'émission et sur tous les sujets.

 

Quant à moi, après une attente de deux heures en périphérie du plateau (la seule corbeille de fruits secs y porte une insolente mention "réservée” et est réservée au seul M. Delarue !), j'y suis finalement introduite en fin d'émission. Avant de m'asseoir sur le siège que vient de quitter le psychothérapeute, je demande à Delarue s'il me traitera plus poliment que son invité précédent mais ce sera à peine le cas. Le temps presse et lorsque j'entame un parallèle avec des pratiques "nuisibles" des grandes religions, Delarue m'interrompt pour dire : "Il me semble que vous avez un fameux problème avec la religion catholique". Ses moqueries sont relayées automatiquement par le rire (enregistré ou spontané ?) du public.

Au moment où l'un des témoins profère une énormité, je me décide à intervenir mais... mon micro est fermé. Il est totalement impossible de discuter à "Ça se discute". De mes livres, il n'a évidemment pas été question.

Je comprends pourquoi aucun groupement religieux accusé d’être une "secte" ne doit accepter de participer à de telles parodies de débat. Cette émission a hélas obtenu en 2000 et 2003 le prix du "meilleur magasine de société".

Moi-même, je me repens d'être innocemment tombée dans ce piège qui ranime l'hystérie anti-sectes et n'offre aucun espace de discussion.

 

Sur le trottoir des studios, des responsables de la MIVILUDES se félicitent de l'excellent résultat obtenu. Ils ont ranimé l'angoisse et la phobie anti-sectes qui, en France, assurent leur étrange emploi, inconnu dans la plupart des autres pays.

Des personnes, dûment invitées mais empêchées de parler, pestent sur le temps qu'on leur a fait perdre.

L'assistante rappelle les figurants qui, en bâillant, rejoignent le tournage de l'émission show suivante.

L'oreille basse, je pars chercher dans Paris un restaurant qui puisse m'offrir pour 15 euros (c'est le maximum qui m'a été attribué !) un repas du soir avec boisson (Mac Do peut-être ?). Il me restera à me faire rembourser, via des formalités compliquées, l'argent que j'ai avancé pour le train et ce plantureux repas, et surtout à méditer sur les risques de vouloir toujours tout vérifier par soi-même selon le principe du libre examen qui soutient l'enseignement de mon Université....

 (1) Les nouveaux chiens de garde (1997)

(2) Sur la télévision (1996)"

 

http://www.sectes-infos.net/Morelli_2.htm

 

 

Voir l'interview vidéo d'Anne Morelli par le CICNS

http://www.sectes-infos.net/Anne_Morelli.htm

 

 

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5 octobre 2007 5 05 /10 /octobre /2007 09:44

Le Phaéton d'une voiture à foin
Vit son char embourbé. Le pauvre homme était loin
De tout humain secours : c'était à la campagne
Près d'un certain canton de la basse Bretagne,
            Appelé Quimper-Corentin.
            On sait assez que le Destin
Adresse là les gens quand il veut qu'on enrage :
            Dieu nous préserve du voyage !
Pour venir au chartier embourbé dans ces lieux,
Le voilà qui déteste et jure de son mieux,
            Pestant, en sa fureur extrême,
Tantôt contre les trous, puis contre ses chevaux,
            Contre son char, contre lui même.
Il invoque à la fin le dieu dont les travaux
            Sont si célèbres dans le monde :
«Hercule, lui dit-il, aide-moi. Si ton dos
            A porté la machine ronde,
            Ton bras peut me tirer d'ici»
Sa prière étant faite, il entend dans la nue
            Une voix qui lui parle ainsi :
            «Hercule veut qu'on se remue;
Puis il aide les gens. Regarde d'où provient
            L'achoppement qui te retient;
            Ôte d'autour de chaque roue
Ce malheureux mortier, cette maudite boue
            Qui jusqu'à l'essieu les enduit;
Prends ton pic et me romps ce caillou qui te nuit;
Comble-moi cette ornière. As-tu fait ? - Oui, dit l'homme.
- Or bien je vas t'aider, dit la voix. Prends ton fouet.
- Je l'ai pris. Qu'est ceci ? mon char marche à souhait.
Hercule en soit loué !» Lors la voix :«Tu vois comme
Tes chevaux aisément se sont tirés de là.

    Aide-toi, le Ciel t'aidera

 

Aide-toi..: Ce proverbe existait sous différentes formes bien avant La Fontaine. Pierre Millot dans son livre « Les Fables d’Æsope, traduites fidèlement du grec » datant de 1646 écrit « Aide-toi et Dieu t’aidera ». Jeanne d’Arc reprendra d’ailleurs ce dicton lors de son procès. Nous retrouvons ce proverbe « Aide-toi, le ciel t’aidera » dans l’« Étymologie ou explication des proverbes français » par Fleury de Bellingen en 1646. Mathurin Régnier (1573 - 1613), dans ses « Satires », XIII écrit « Aidez-vous seulement et Dieu vous aidera ».

 

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4 octobre 2007 4 04 /10 /octobre /2007 23:45
 
Ecoutez

 
 
émission du samedi 29 septembre 2007
Les Démons de Gödel
 
  La Malle des Indes libérera ce soir les sortilèges mentaux de l'un des plus grands penseurs du XXe siècle : le logicien et philosophe Kurt Gödel (1906 - 1978). Auteur du théorème d'incomplétude qui marqua la logique moderne, il mena une vie et développa une pensée ouverte à la présence du Malin, aux anges, aux phénomènes de dédoublement et de voyage temporel. Une "folie" qui s'avoue plus comme le prolongement d'une réflexion que comme une dégénérescence intellectuelle ; une "folie" que sonde, mobilisant tour à tour le récit onirique, la fiction, l'enquête ou la réflexion, notre invité, le philosophe et logicien Pierre Cassou - Noguès dans un ouvrage paru au Seuil : "Les Démons de Gödel".
à lire également, du même : Histoires de vampires, de machines et de fous, Vrin éditeur.

  Invités

 
Cassou-Noguès, Pierre.  Philosophe, mathématicien et chercheur au CNRS
 
 
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4 octobre 2007 4 04 /10 /octobre /2007 23:21
Le lobby pro-OGM français passe à l'action

LE MONDE | 04.10.07 | 14h06  •  Mis à jour le 04.10.07 | 15h56

            Monsieur le Président, ne cédez pas aux "marchands de peur"." Le message est apparu sous forme de pages de publicité dans la presse, mercredi 3 octobre, accompagné d'un texte plaidant pour la poursuite de la recherche et de la culture des organismes génétiquement modifiés (OGM), signé Orama. Le même jour, ce syndicat qui regroupe les producteurs de blé, de maïs et d'oléoprotéagineux de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), organisait une conférence à l'Assemblée nationale, à laquelle participaient quelques députés, juste avant le débat sur le Grenelle de l'environnement.

 

C'est la première action de lobbying d'envergure pour cette organisation, créée en 2006. Dans la profession, le débat sur les OGM fait rage. Selon un sondage TLB publié dans Agriculture et nouvelles technologies, en mai, 57,7 % des agriculteurs sont favorables à un moratoire. 27,1 % préfèrent une décision gouvernementale, 10,7 % un référendum et 4,7 % un vote au Parlement. "Les opposants les plus fermes souhaitent un référendum ou un débat parlementaire, en pariant sur le rejet majoritaire actuel de la population", explique Didier Rayon de TLB.

Concrètement, les agriculteurs cultivant des OGM sont rares : 2 000 maïsiculteurs. La Confédération paysanne est contre leur culture pour des raisons environnementales. Le Modef et la Coordination rurale s'y opposent pour des raisons économiques, ne voyant pas l'intérêt de cultiver des produits rejetés par les consommateurs, et refusant de ternir davantage l'image de la profession. Certains de leurs adhérents se sont pourtant lancés.

A la FNSEA même, il n'y a pas consensus. L'appartenance au syndicat de 36 filières aux intérêts divergents - les éleveurs sont plus réticents par exemple -, rend tout positionnement complexe, mais les producteurs de maïs ont su peser. "Nos relations sont parfois tendues avec l'Association générale des producteurs de maïs sur les questions de coexistence", reconnaît Etienne Gagneron, de la commission "bio". La ligne a évolué depuis deux ans. La FNSEA défend la recherche, mais aussi désormais les cultures commerciales, en plaidant pour la liberté de chacun de choisir entre bio, conventionnel ou OGM.

Laetitia Clavreul
wfara1saskatschewan_indienne.jpg  Indienne du Saskatchewan

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4 octobre 2007 4 04 /10 /octobre /2007 18:55

- Témoignage d'un participant au Seminar de Kovalam 2004 - Message de Wayne Liquorman, 14 février 2005 -
-
Lettre Ouverte de Timothy Conway, 27 février 2005 - Ramesh, Wayne et le Véritable Advaita par Timothy Conway -
-
Définition d'Advaita - Citations d'Advaita -

VERITABLE ADVAITA, PSEUDO-ADVAITA,
ET RAMESH BALSEKAR A KOVALAM EN 2004

" Le vrai gourou ne vous humiliera jamais, pas plus qu'il ne vous éloignera de vous-même. Il vous ramènera constamment à votre perfection inhérente et il vous encouragera à chercher en vous, à l'intérieur. Il sait que vous n'avez besoin de rien, pas même de lui, et il ne se fatigue jamais de vous le rappeler. Mais celui qui s'est lui-même institué gourou s'intéresse plus à lui-même qu'à ses disciples. "

                                                                - Nisargadatta Maharaj

Depuis 1996, InnerQuest fait la promotion des ouvrages et des vidéos de Ramesh Balsekar. De nombreuses personnes se sont rendues auprès de lui suite à nos recommandations. En conséquence, il est de notre devoir de vous informer de leurres et de contradictions qui sont récemment devenus évidents dans la conduite et l'enseignement de Ramesh Balsekar, qui dit enseigner l'Advaita, la Connaissance de Soi non-duelle.

Ranjit Maharaj et Nisargadatta Maharaj (le Maître de Ramesh) sont tous deux disciples du grand Maître Siddharameshwar Maharaj. J'ai eu l'extrême chance dépasser beaucoup de temps avec Ranjit Maharaj, dans sa petite chambre de Bombay, à Paris et en Bretagne. J'ai pu observer qu'il était un Maître authentique, vivant à partir de la Réalité Finale - Ce que nous sommes tous, au-delà des noms et des formes, au-delà de la connaissance. Lorsqu'il enseignait, il disait toujours : " Ce n'est pas mon enseignement. Tous les honneurs vont à mon Maître. " Maharaj était entièrement dévoué à son Maître et à la Libération. Il expliquait : " Vous souffrez parce que vous vous êtes associés au mental et que vous éprouvez de l'amour pour l'illusion. Dans la Réalité, il ne se passe rien ; il n'y a rien de réel. Le choix vous appartient maintenant : soit vous prenez ceci à Cœur, soit vous n'en faites rien. " Sri Ranjit vivait ce qu'il disait et ne s'intéressait nullement aux affaires du " monde ". L'essentiel de son message était : " Comment quelque chose peut-il exister dans le rien ? ", cela constitue le véritable enseignement de l'Advaita, la Connaissance de Soi. Je vous invite à écouter votre coeur après avoir lu le récit ci-dessous.

Darrell
InnerQuest, Paris


Temoignage d'un Participant au Seminaire de Kovalam 2004

J'espère que mon témoignage ci-dessous servira de révélateur aux faits réels, afin d'amener le lecteur à examiner le sens de la réalité profonde en arrière-plan de ces faits.

Il y a deux ans, je me rendis à Bombay pour une première rencontre avec Ramesh Balsekar, afin de vérifier par moi-même si son enseignement était authentique. D'autres séjours suivirent à son domicile jusqu'à cette dernière rencontre à Kovalam en décembre 2004. Ce dont je parle ici sont des événements que j'ai observés à Bombay et à Kovalam.

A son domicile de Bombay, dans la grande pièce annexe à celle de satsang, je remarquerai l'exposition d'une profusion de photographies de Ramesh Balsekar, certaines de ces photographies le représentant jeune homme posant tel un athlète grec de l'Antiquité. Chaque photo était à vendre à un prix plutôt élevé pour l'Inde. J'étais surpris, mal à l'aise, trouvant étonnant et même incongru qu'un "sage" puisse exposer son corps physique de la sorte et gagner de l'argent par de telles images.

Peu de temps avant, je venais d'entendre un discours assez rudimentaire de sa part sur l'humilité, l'absence d'orgueil et de fierté chez le sage, qualités certainement attendues chez tout sage supposé et je me retrouvais face à ces photos plus ou moins douteuses, vendues dans une évidente contradiction avec le discours entendu.

Il y avait aussi la vente des livres. Beaucoup de gens achètent sur place les ouvrages de Ramesh et j'ai souvent entendu ce dernier inciter les visiteurs à les acheter. La vente de l'enregistrement audio du satsang du jour sous forme d'un CD a également attiré mon attention en raison de son prix : 500 roupies (environ 9 Euros) qui est un prix élevé pour l'Inde.

J'ai toujours été choqué par le fait que Ramesh rappelle souvent qu'il n'enseigne qu'à ceux qui vivent confortablement, à ceux qui n'ont pas de soucis matériels. Il est clair que les visiteurs de Ramesh ne sont ni pauvres ni nécessiteux et que beaucoup sont fortunés. On ne peut pas s'empêcher de remarquer que l'argent tient manifestement une place très importante dans la vie de Ramesh.

Durant mes séjours à Bombay, je poserai à Ramesh Balsekar des questions relatives à la vérité essentielle absolue : " paramartha satya " et à la vérité relative essentielle exprimée : " samvritti satya ", questions se rapportant aux enseignements traditionnels Indiens (entre autres). Je n'obtiendrai jamais que des réponses vagues, superficielles, qui ne m'apporteront rien. Si Ramesh ne répondait pas clairement, je me demandais si c'était par ignorance ou par incompréhension de mes questions ?

Puis ce fut l'arrivée au séminaire de Kovalam 2004. Une vingtaine de pays étaient représentés pour un total de 155 participants, dont 2 indiens aisés. La moitié des participants rencontrait Ramesh pour la première fois. L'organisation du séminaire était assurée par un groupe d'Allemands qui a priori connaissaient Ramesh depuis longtemps.

Le contenu général du séminaire fut identique à ce que j'avais déjà entendu à Bombay.

Ma première surprise fut la réponse de Ramesh à un médecin psychiatre d'origine Juive qui lui parla de la souffrance qui l'avait poursuivie toute sa vie : son père était mort dans les camps nazis. Le fait de ne pas avoir connu son père avait toujours été pour lui source d'une grande souffrance. Son récit sincère était touchant car il s'exprimait ouvertement devant tous les gens.

La réponse impassible de Ramesh fut : " Ceci n'est qu'un " happening " [événement] et vous n'avez pas eu le choix, vous ne pouvez qu'accepter ! "

J'ajouterai qu'à plusieurs reprises Ramesh mis sur le même plan un " Hitler et des centaines de 'Mère Térésa' ! " Je me demanderai pourquoi Ramesh abordait-il la douleur d'autrui par des propos aussi choquants qu'inutiles ? (A noter que plusieurs participants étaient d'origine Juive).

Puis ce même médecin demanda à Ramesh : " J'ai le sentiment de ressentir de l'énergie en votre présence, pourriez-vous m'expliquer pourquoi ? "

Ramesh lui répondit abruptement : " Vous avez dépensé 1000 Euros pour ce séminaire, mais si vous venez chez moi c'est gratuit. Ce qui ne doit pas vous empêcher de faire une donation ". Le personnel Allemand s'amusa de cette réplique.

Le sujet des donations fut abordé à plusieurs reprises par Ramesh, qui nous rappela à chaque fois que les donations bénéfiques pour le donateur sont celles qui lui font "mal" et que sans cette "douleur ressentie" la donation n'est pas bénéfique pour…le donateur !

Un jeune Américain d'origine russe qui fut très choqué d'entendre ces propos, en parla à plusieurs d'entre nous et nous exprima son indignation ultérieurement : " Mais comment un guru peut-il demander ainsi de l'argent ? "

Jusqu'au jour du départ, ce dernier fut très malheureux de la tournure que prenait le séminaire. Il ne fut pas le seul à en être tant choqué.

Nous fûmes plusieurs à comprendre que le bénéfice du séminaire représentait en fait une somme énorme pour Ramesh. Il est bien connu que la pseudo-spiritualité comme instrument de pouvoir a toujours été un moyen commode de s'enrichir au dépend d'autrui.

L'avant-dernier jour, l'organisateur allemand remis à chacun un papier expliquant le dur travail des cuisiniers de l'hôtel où nous prenions nos repas. dans ce papier, il suggérait à chacun d'entre-nous de verser un pourboire de 1500 roupies avant la fin du séminaire, pourboire qu'il redistribuerait lui-même, (Aux cuisiniers ? nous nous sommes posés la question). Plusieurs personnes me dirent leur indignation de se voir demander une telle somme (le prix du séminaire étant déjà élevé) ainsi que leur doute quant à la destination de cet argent.

Un d'entre-eux me dit : " ce n'est pas possible qu'il redistribue 225 000 roupies (approximativement 4000 Euros) aux cuisiniers, je n'y crois pas ! "

Je remarquai également que les livres vendus au séminaire étaient tous plus chers que leurs prix habituel.

Vers le milieu du séminaire, plusieurs femmes semblaient mal à l'aise, tristes, alors qu'elles ne l'étaient pas les premiers jours.

Le personnel Allemand de Ramesh était lui-même quelque peu agité, distant, préoccupé et difficile à approcher.

J'observais tout cela me demandant quelle en était la raison.

Une jeune américaine plus triste que les autres et qui paraissait très affectée, restait isolée dans son coin le regard perdu dans ses pensées. Un Américain d'origine mexicaine (je crois) la réconforta. Il fit de même pour plusieurs autres femmes qui semblaient aller vers lui comme pour rechercher du soutien. Deux autres hommes les réconfortèrent également. Je me demandais ce qui se passait.

En fin de l'avant-dernier satsang, un jeune médecin occidental ayant étudié la médecine traditionnelle Indienne demanda à Ramesh : " Pensez-vous le guru capable de justifier ses propres actes, son propre comportement, par son enseignement ? "

La question était directe. Ramesh parut surpris et donna une réponse vague : " Quoi qu'il arrive ce n'est jamais qu'un événement, la volonté Divine, une loi cosmique… et le guru n'est pas concerné par l'événement. " Comme c'était la fin du satsang, une femme joua de l'harmonium et commença à chanter un chant de dévotion.

Durant la semaine Ramesh dit une histoire qu'il avait déjà racontée à Bombay, à propos de la sexualité d'un guru célèbre vivant non loin de Bangalore.

Un disciple ayant vécu 20 ans avec ce guru surprit ce dernier en plein acte sexuel avec de jeunes garçons. Il ne connaissait pas cette pratique de son guru. Très choqué, il revint voir le guru lui disant qu'il ne pouvait pas accepter un tel acte et qu'il quittait l'ashram sur le champs. La réponse du guru fut la suivante : " Vous avez créé le problème, maintenant vous devez le résoudre ! "

Et, Ramesh de nous dire son accord avec cette réponse : " Tout n'est simplement qu'événement dirigé par la loi cosmique et la volonté divine… c'est dans la programmation de l'organisme corps-mental… et l'on ne peut rien y faire… le guru n'est pas concerné ! "

Puis, Ramesh nous raconta une histoire identique concernant un autre guru vivant non loin de Bombay. Je supposa ensuite qu'il faisait référence à Satya Sai Baba et à Muktananda respectivement.

Mais il essaya aussi de s'attaquer à la réputation morale de Nisaragadatta Maharaj lui-même.

Je me demandai : " pourquoi Ramesh raconte-t-il ces histoires navrantes qui choquent tant de gens dans l'assemblée ? " J'avais le sentiment qu'il cherchait à "démolir" le critère de ce qui constitue un guru authentique.

Ramesh ajouta que Nisargadatta Maharaj enseignait une voie "positive" et que, Ramesh lui seul, enseignait une voie "négative" ! Ramesh nous signifiait ainsi qu'il enseigne le "neti, neti", "pas ceci, pas ceci" (l'approche "négative" utilise les concepts pour amener au-delà des concepts) et que Nisargadatta Maharaj enseigne la voie "positive", qui repose sur ce que les concepts désignent comme étant réel.

Je me souviens qe ce propos créa une indignation chez plusieurs. Après le satsang, une anglaise vint me voir pour me dire son mécontentement : " Nisargadatta, enseigner une voie "positive" ?!… Qu'est-ce que Ramesh veut dire sur Maharaj ? C'est faux. Nisargadatta a toujours enseigné une voie "négative" ! J'étais également en désaccord avec les propos de Ramesh.

Un moment important fut lorsque Ramesh affirma que la Bhakti (dévotion envers Dieu) n'était d'aucune utilité, et n'avait aucun sens, mais que seul Jnana (Connaissance) était importante. Il ajouta : " Vous devez être étonnés d'entendre cela car c'est la première fois que vous l'entendez, n'est-ce pas ? "

Un homme assis derrière moi se mit à sangloter comme s'il avait perdu ses repères. Je le réconfortais le mieux que je pouvais. J'étais ainsi troublé et ému de voir l'impact de Ramesh sur la psyché d'un être sensible et en recherche.

Tout simplement, Ramesh sous-entendait que lui seul avait une juste compréhension mais pas les autres gurus avant lui. J'étais sidéré. Plus tard, un jeune étudiant australien en neuropsychologie me dira que la conduite et l'attitude de Ramesh l'inquiétaient.

Le jour précédent la dernière matinée, je fus informé par une des participantes que Ramesh avait une maîtresse depuis plusieurs années (et d'autres femmes avant elle) et que cette maîtresse souffrait de cette situation anormale et insupportable, d'autant qu'il fallait cacher les faits. J'appris aussi que ce qui se passait à Kovalam, se passait régulièrement au sein même de l'appartement de Ramesh à Bombay. Je n'en croyais pas mes oreilles. Je me demande si Madame Balsekar et ses enfants sont au courant de tout ceci, et si c'est le cas, comment ils le vivent ?

Puis vint la dernière matinée. L'organisateur du séminaire prit la parole face à nous sur l'estrade et parla pendant 20 minutes avant l'arrivée de Ramesh. Manifestement, il était troublé et mal à l'aise : " Je connais Ramesh depuis 25 années. Chacun a ses défauts et ses qualités. Même si Ramesh a ses défauts, je lui suis reconnaissant. pour moi, ce séminaire est important… " puis il retraça son parcours avec Ramesh.

J'échangeai un regard avec quelques participants et nous comprenions sans aucun doute à présent le sens de son malaise ! Mais nous n'imaginions cependant pas la suite de ce dont nous allions être les témoins.

Dès le début du satsang, une femme d'environ 50 ans connaissant Ramesh depuis longtemps, en pleurs, face à lui, lui dit : " Pourquoi ? Pourquoi faites-vous cela?… avec votre enseignement… " Elle était bouleversée et perdue entre un enseignement qu'elle considérait essentiel et une série de faits qu'elle découvrait et dont elle était à présent témoin.

Puis le jeune docteur demanda à Ramesh : " Avez-vous une maîtresse ? "

Ramesh répondit : " Non, non… Chaque événement est un " happening " [événement], une programmation du corps-mental, et le guru n'est pas concerné… "

Il mentait. Puis il prit un papier près de lui et nous lut une lettre d'excuses qu'il avait préparée la veille : " Si je vous ai blessés, je m'en excuse… Mais tout cela n'est qu'un événement et je ne suis pas concerné… "

A l'arrière-plan des participants, l'organisateur Allemand que j'observais était vraiment mal en point… Il savait tout cela manifestement ; et depuis longtemps.

Finalement, il m'est clairement apparu que Ramesh se fichait tout simplement de la peine qu'il causait : " Vous avez créé le problème. résolvez-le… Vous me demandez des accolades et ce qui arrive ensuite est bien de votre faute… Je n'y suis pour rien. C'est vous qui créez le problème. "

La jeune Américaine, qui m'avait parue si triste les jours passés, et dont la condition émotionnelle me semblait vraisemblablement venir des avances que Ramesh lui avait faites, se leva et s'adressa à lui en lisant une citation de Shakespeare. Ramesh lui répondit n'avoir rien lu de Shakespeare.

Elle lui demanda alors et à plusieurs reprises : " Avez-vous l'intention d'arrêter de vous comporter ainsi, de cette façon aussi délictueuse ? " Elle fit preuve de fermeté. (Ce qui est curieux et incroyable est que certains participants dirent au moment du repas qu'elle n'aurait pas dû parler.)

Ce moment fut probablement le plus difficile pour Ramesh car cette jeune femme était très déterminée dans ses propos.

Puis une autre femme d'origine Allemande, mais vivant aux US, se leva et exprima son indignation car elle lui dit avoir eu confiance en lui et qu'il allait devoir affronter d'autres personnes, ainsi que ceux qui croyaient encore en lui ou ceux qui ne croyaient plus en lui, y compris des hommes.

Une ancienne disciple de Ramesh du nom d'Elka prit sa défense, mais elle n'était pas convaincante, après ce qui venait d'être dit et entendu.

Il était saisissant de voir les visages des gens à la fin de ce séminaire, de voir combien le "déni" jouait son rôle de protection contre l'anxiété et peut-être l'angoisse, de voir combien de pauvres participants étaient encore sous le choc, ne sachant plus ce qu'il leur restait à faire ou même à penser.

Pour ma part, je quitterai ce séminaire avec un sentiment de dégoût mais aussi de compassion pour toutes celles et ceux qui sans aucun doute auraient à souffrir de cette expérience si particulière. Ce qui me choqua le plus à la fin, fut de constater que ce qui venait d'être indéniablement entendu était cependant "dénié" par certains participants.

J'ai rédigé tout ceci de mémoire et je regrette de ne pas avoir eu la présence d'esprit d'écrire ce que j'entendais ou d'enregistrer ce qui a été dit. Je sais que certains participants l'ont fait. j'aimerais les encourager à partager leurs enregistrements avec nous tous.

Mon conseil est de pratiquer "viveka" (discrimination) au sujet des événements, et de reconsidérer la valeur de Ramesh Balsekar en tant que maître spirituel.

Je suis en accord total avec Timothy Conway dans ses deux articles (ci-dessous). ceux-ci nous montrent une érudition évidente guidée par une compréhension authentique du chemin de la Réalisation, dont fait partie l'Advaita Vedanta.

Nirodhânanda
le 25 mars 2005

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Message de Wayne Liquorman
- 14 Fevrier 2005 -

(Wayne Liquorman est un disciple de Ramesh. Sur le quatrième de couverture de son dernier livre (que sa propre maison d'édition américaine, l'Advaita Fellowship Press, vient de publier) il se décrit comme étant " l'un des principaux enseignants de la non dualité du monde ". Pour une définition de ce qu'est l'Advaita (la non dualité) voir ci-dessous.)

Voici ce que dit Wayne (dans son "message à tous" du 14 février) au sujet de la situation (Ram Tzu est son pseudonyme) :

Vous voulez que ceux qui vous dispensent la Vérité
Apparaissent et se conduisent de façon spéciale.
Vous les voulez différents
Et séparés
Et puissants.
Vous préférez vous les représenter
Baignant dans la lumière
Plutôt qu'assis sur les W-C.
Vous les préférez sans passion, sans sexe,
Doux, gentils et bons.
Vous êtes attirés par les idées des miracles
Et vous les inventerez si nécessaire.
Votre stratégie est de les conserver
Là bas
Loin de vous
Exotiques et mystérieux.
Vous vous délectez du mythe
De l'individu Illuminé
Dans l'espoir qu'un jour vous aurez autant de pouvoir.
Ce que vous ne pouvez tolérer
C'est qu'ils vous apparaissent
Comme étant aussi ordinaires que vous.
Ram Tzu sait cela...
Vous passez toujours à côté de la Vérité
Car elle est trop ordinaire à voir.

J'ai eu la chance d'avoir eu la possibilité au début de ma quête spirituelle de passer pas mal de temps en dehors des limites formelles du satsang avec mon gourou Ramesh. Cette intimité a donné toute sa substance à ce que Ramesh répète sans cesse, à savoir : que le sage est vraiment quelqu'un d'ordinaire. J'ai ainsi pu observer ses diverses qualités humaines, je les appréciais pour la plupart, et certaines me déplaisaient aussi. Malgré ses caractéristiques humaines qui me déplaisaient personnellement, je continuais à demeurer conscient de sa présence dans ma vie en tant que mon gourou. Merveilleusement, la réalité de l'homme ordinaire nommé Ramesh et le gourou coexistaient parfaitement pour moi.

La tendance chez la plupart des aspirants spirituels est d'idolâtrer et d'idéaliser le gourou. Il en est déshumanisé, positionné dans une position distante et de haut rang, puis les espérances sont projetées sur lui. On lui attribue différents standards de Conduite Illuminée qui sont en fait impossibles à suivre, si ce n'est pour la simple raison que ceux-ci varient en fonction de celui qui les évalue. L'ironie c'est qu'il n'y a aucun lien entre l'Illumination et le comportement. Tous les grands sages ont souligné le fait que l'Illumination est transcendante. Elle n'est pas personnelle. Pourtant, la plupart des chercheurs se concentrent sur le personnel. La question qui revient perpétuellement dans les satsangs se résume à : "Comment serais-je (le chercheur) lorsque j'aurais obtenu l'Illumination ?" L'espoir perpétuel véhiculé par cette vision de "l'illumination personnelle" est que le chercheur devenu illuminé vivra à partir de ce moment une vie parfaite. "Je ne blesserai jamais plus qui que ce soit, ni ne serai blessé par qui que ce soit. Je me conduirai toujours en fonction de mes valeurs (quelles qu'elles soient)". Ceci en revient à dire que je deviendrai autre que ce que je suis maintenant... un être Parfait.

Cet enseignement suggère que nous sommes TOUS déjà des êtres parfaits. Même, ce que nous appelons nos défauts sont parfaits du fait qu'ils sont le produit de forces Universelles. Nous n'avons pas créé les aspects de nous-même qui ne nous plaisent pas et, plus important, les autres n'ont pas créés ces aspects d'eux-mêmes qui ne nous plaisent pas. Au fur et à mesure que cette compréhension s'approfondit, la culpabilité et les reproches, la haine et le dégoût de soi-même prennent de moins en moins de place... ceci est la Paix.

Affectueusement,
Wayne

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Lettre Ouverte de Timothy Conway
- 27 Fevrier 2005 -

(Timothy Conway, spécialiste de la spiritualité contemporaine et disciple de Nisargadatta Maharaj explique avec de nombreux exemples le piège dans lequel un instructeur tombe si sa réalisation n'est pas stable.)

(Le traducteur a légèrement adapté sa traduction en ajoutant des notes, définitions et explications afin de faciliter la compréhension du lecteur français. Le texte n'en demeure pas moins dans sa totalité.)

Dimanche, 27 février, 2005

Je discuterai brièvement le sujet du comportement de Ramesh Balsekar, et de l'attitude de Wayne Liquorman à ce sujet, mais tout d'abord une présentation en détails :

Au sein même du rêve non-duel que la Conscience fait apparaître, qui n'est autre que Conscience, nous trouvons la "vérité relative", le monde convenu du "bien et du mal", du "juste et de l'injuste", de "l'aise/bien-être et du malaise/mal-être".

Afin de guérir les différentes formes de mal-être, de mal-heur, et d'injustices nous trouvons trois sortes de figures spirituelles authentiques :

1. Les "libérés" dont le comportement demeure conforme à la conduite traditionnelle des sages, saints ou pratiquants d'une Voie, modèles authentiques de cette libération de tout attachement et de toute aversion, c'est-à-dire des samskaras et des vasanas, notions fondamentales issues de la philosophie et la métaphysique hindou et bouddhiste. Ces Libérés sont aussi Témoins de paix, de béatitude, de compassion, de générosité, de courage, d'équanimité et de sacrifice de soi, dans l'intérêt des êtres humains sensibles apparents ; (rappelez-vous le magnifique paradoxe exposé par le Bouddha dans le Vajracchedika Sûtra : le Sûtra du Diamant : " Il faut sauver tous les êtres sensibles / il n'y a pas d'êtres sensibles ". Ces libérés exemplaires transmettent une sagesse traditionnelle en insistant sur la Transcendance et l'Immanence de l'Absolu, l'impermanence, la non-essence et le manque de fiabilité de tous les phénomènes, le réveil du rêve égocentrique, la nécessité du sérieux et de l'effort vers la Liberté ainsi que sur la Grâce Divine, les moyens d'Eveil,…

Puis nous trouvons :

2. Ces hommes et ces femmes excentriques ou saints extravagants (avadhutas, majdhubs, masts, saloi, yurodivye, idiota, yu jen, mahasiddhas, etc.) constituants le corpus de ce qui est souvent nommé " la tradition de la sagesse excentrique ". Ces êtres effectivement assez mystérieux, évoluent soit de façon spontanée, soit délibérée au-delà des conventions sociales, parfois simplement parce que la réalisation du divin leur est venue avec une force inhabituelle balayant alors les circuits des normes de fonctionnement psychologique et social. Ces excentriques qui n'affichent habituellement aucune considération pour leur propre confort, même pour les besoins élémentaires du corps (nourriture, boissons, sommeil, logement, hygiène élémentaire) sont connus pour être capables de crier, frapper, bousculer autrui, uriner en public, ne tenant absolument aucun compte des règles sociales, se permettant de "malmener" ceux qu'ils rencontrent, ayant au travers de cette "sainte insulte", un bel effet transformateur inattendu sur ces personnes. En d'autres termes, il est manifeste que tout comme avec les Libérés de la catégorie #1, un sentiment intense de bénédiction divine ou d'une transmission particulière (saktipat, kripa, baraka, wang, descente de l'Esprit saint, etc.) est expérimenté a l'instant même ou après la rencontre étrange d'un "excentrique fou" de la catégorie #2 avec pour effet une incroyable sensation de liberté, de paix, d'équanimité, de félicité, d'amour, et d'une identité non-duelle avec l'Un et tous les êtres.

J'ajouterais qu'il existe par ailleurs une troisième et authentique figure spirituelle :

3. L'Ami Noble sur la Voie, le kalyâna mitra qui tel un guide spirituel, mentor, conseiller, même s'il peut (elle ou lui) ne pas être établi à 100% dans la Liberté Spirituelle, ni être pleinement Eveillé ou constamment lucide à l'intérieur du rêve, reste cependant d'un grand secours, éclairant et donnant du pouvoir à ceux qui l'approchent. Ce Kalyâna mitra ne cherche pas à "jouer le rôle de Guru" en prétendant être pleinement éveillé, ni assume la responsabilité de guide pour le bien-être des chercheurs au cœur sincère. Elle/Il sert seulement autrui le mieux qu'il peut en partageant par le Cœur cette Sagesse, cette compassion et reconnaissance à la grâce Divine qui l'a servi jusqu'à présent sur le non-chemin sans espace vers chez lui, lieu de la présence complète et libre. Ce Kalyana mitra peut en fait, être un professeur talentueux, un guérisseur ou un catalyseur pour ses semblables et véritablement leur transmettre de merveilleuses qualités. Il peut arriver que certains chercheurs s'éveillent pleinement au contact de ce genre de guide/guérisseur qui n'est lui-même pourtant pas totalement libéré et éveillé.

En plus des figures 1 et 2, Spirituellement Pleinement Eveillées et du guide/mentor/ami spirituel pas-tout-à-fait-pleinement-réalisé, il y a une autre figure dans le rêve divin de la manifestation : le simulateur (prétendant) ou imposteur (non authentique). Ce dernier qui, « au mieux » n'est pas plus spirituellement accompli (ou libre) que l'instructeur/ami mentionné à la catégorie 3, prétend être de la catégorie 1 ou 2. En d'autres termes, s'il a eu quelques (voire de nombreux) éclairs de compréhension, de sublimation, sa lucidité défaille fréquemment pour faire place à de nombreux états égocentriques d'attachements et d'aversions envers le rêve phénoménal. Ces attachements-aversions, la contrainte du « j'aime/j'aime pas » ; ce que le Yoga-Vedanta Indien appelle : 'raga-dvesa' et le bouddhisme Theravada : 'lobha-dosa', font également partie des samskaras et des vasanas de l'individu. L'inauthentique prétendant, que son cœur soit béni, ne peut pas admettre aux autres et probablement même pas à lui-même qu'il demeure lié et sous le joug des samskaras, par conséquent qu'il ne soit pas lui-même totalement libéré. Ainsi le prétendant est obligé de rationaliser (classique mécanisme de défense freudien contre l'anxiété) son manque de liberté en justifiant son comportement comme "OK", "divinement ordonné", "appartenant à la parfaite manifestation", "comme n'étant pas vraiment un problème parce que quoiqu'il arrive, cela demeure parfait". Au lieu de chercher à faire des efforts sincères pour réaliser le manque de substance du sens de l'ego bercé d'illusions avec ses attachements-aversions, de façon à vraiment vivre à partir de la LIBERTE, le prétendant s'efforce de convaincre les autres et lui même qu'il est, en fait, libre, tout en contiuant à traîner avec lui, les chaînes des samskaras. D'une manière fallacieuse et insidieuse, les prétendants redéfinissent la liberté en lui incluant les états d'attachements (donnant par ailleurs une fausse interprétation de cette notion antique du Mahayana : nirvâna = samsara).

Ces figures sont assez nombreuses sur le marché compétitif de la "spiritualité" que ce soit en Inde, au Japon, en chine, en Europe aux USA, ect… Ces personnages ont l'habitude de se présenter comme des êtres plus évolués et plus libres qu'ils ne le sont réellement, afin de s'attirer l'attention et la reconnaissance de leurs élèves et disciples, de s'enrichir, de devenir célèbres, de s'enivrer (psychiquement gonflé) de l'exitation plus ou moins subtile que procure le pouvoir, l'influence et le confort procurés par un groupe social qui gravite autour d'eux en les flattant et se réfèrant à eux comme "autorités spirituelles".

Portons maintenant notre attention sur un phénomène très spécifique : Que se passe-t-il lorsqu'un tel prétendant, ou un tel enseignant pas-tout-à-fait-libéré (ou charlatan pas-du-tout-libéré), est démasqué en raison d'un comportement exploiteur, habituellement issu de ces bons vieux sujets que sont le "désir et l'avidité" - comportements sexuellement ou financièrement inadéquats ?

Au moment où il est exposé, le prétendant spirituel et ceux de sa cour qui s'identifient ou se réfèrent à lui ont de plus en plus de problèmes, au lieu de se référer au Dharma (spiritualité authentique). Le prétendant et ses dévoués-valets, (que la paix et la bénédiction du Divin soit avec eux !) au lieu d'agir avec un véritable courage, une vraie sincérité, et du repentir, ce qui pourrait également inclure le fait de reconnaître humblement leur propre manque de liberté ainsi que de s'excuser sincèrement du fond du cœur, et s'amender d'un geste significatif envers ceux qu'ils ont exploités, tissent encore plus leur toile samskarique de complications. Les fâcheux mécanismes de défense contre l'anxiété sont alors déployés avec empressement. Ceux-ci ne comportent pas seulement une identification passionnelle à ce qu'ils considèrent comme une juste cause (attachement samskarique majeur), mais également la rationalisation comme quoi finalement rien de très grave n'est advenu, ou encore le déni face aux blessures engendrées à autrui ou face à la gravité de la situation (cette forme de déni s'exprime le plus souvent par une attitude de défense agressive et par des types de mensonges éhontés), et bien-sur, la projection dans laquelle le prétendant et sa cour blâment les victimes et leurs sympathisants qui s'efforcent d'apporter quelques éclaircissements à la sombre situation et de remédier à l'injustice en essayant de rétablir quelques formes de justice et de tranquillisation (ceci inclut la clarification de ce que le Dharma est et de ce qui n'est pas Dharmique).

N'oublions pas que l'une des rationalisations les plus classiques que le prétendant et ses "adorateurs" exploitent constamment, tout spécialement lorsque les défauts du prétendant sont exposés au grand jour, est l'idée que "rien n'est réellement mal", et que le manque de liberté, tel qu'il se reflète dans le comportement d'exploiteur, est d'une manière ou d'une autre "parfait", "voulu par le Divin", "part du rêve Divin", et que par conséquent "il n'est pas un problème en soi". Hélas cette rationalisation est utilisée sans retenue par ces prétendants qui oeuvrent dans le champ de la mystique spirituelle non dualiste, car les traditions non duelles font fréquemment référénce de façon évidente à ce niveau absolu de la vérité : Paramartha Satya plutôt qu'au niveau phénoménal conventionnel ou relatif de la vérité : Samvritti Satya.

Il est nécessaire de souligner avec certitude qu'en fait ces prétendants sont des anarchistes, car ils essayent de détruire les bases rationnelles ou intuitives de la morale et de l'éthique. Dans ce domaine du pseudo non-dualisme, "tout est acceptable" - tout au plus pour eux-mêmes et leurs copains. Pour eux, il n'existe donc aucune normes éthiques par lesquelles il soit possible de déterminer les comportements appropriés et inappropriés.

Le lecteur doué de discernement se rappellera que le type de "saints frustes et extravagants" appartenant à cette tradition de sagesse excentrique, figure authentique de la spiritualité de la catégorie #2, ne respecte pas non plus les règles de bienséance et autres normes de l'éthique sociale. Habillés de haillons, parfois quasi ou complètement nus, pas du tout soignés, voire même crasseux, souvent anormalement silencieux ou usant de formes langagières bizarres, se maintenant dans des postures étranges ou effectuant des mouvements singuliers, ces frustes, quoique libérés, comme nous l'avons mentionné, sont connus pour maltraiter sans ambages leurs visiteurs ou ceux qui voudraient être leurs disciples (de tels saints excentriques ne laissent le plus souvent personne demeurer auprès d'eux pendant très longtemps, comme on peut le retrouver dans la relation d'apprentissage conventionnelle au sein des lignées traditionnelles entre disciples et gurus, maîtres et novices ou professeurs et étudiants). Il arrive d'entendre des histoires de gens ayant étés frappés, heurtés, injuriés, totalement ignorés, et en certaines occasions traités plutôt de manière scandaleuse par ce type de sage au caractère singulier.

Mais il y a d'énormes DIFFERENCES entre les prétendants et ces saints excentriques authentiques.

En effet, les disciples des saints "considérés comme dingues" se sentent bénis et non pas exploités après les avoir rencontrés, tout le contraire de ce que ressentent les disciples confiants et exploités par les prétendants. En bref, le disciple se retrouve "incapacité" et avec le sentiment d'avoir été exploité au profit du prétendant. Pour faire court, le prétendant fonctionne comme un vampire non comme un donateur.

Deuxièmement, les saints extravagants sont totalement détachés de tout ce qui se passe au cours du rêve de l'existence, en particulier pour tout ce qui se rapporte à leur corps, tandis que les prétendants sont généralement très soucieux d'être assurés qu'ils seront bien nourris, habillés, logés, honorés et, oui, rémunérés. Plutôt que de s'en remettre à la grâce Divine spontanée pour tout ce qui peut arriver, ces prétendants et leurs admirateurs élaborent des plans, arrangent les choses afin de s'assurer de l'obtention des résultats les plus agréables et les plus lucratifs possibles. Ils opèrent uniquement et de manière évidente au niveau mental, aucunement au niveau transcendantal/trans-personnel dans leur planification et calcul de leurs revenus et de leurs dépenses, stratégies de marketing, projets, arrangements des réunions, entrerpises d'écriture et d'édition, etc. Bien sur, certains prétendants ne sont pas si occupés par ces aspects des choses - ils ont des admirateurs bienveillants qui sont prêts à s'occuper de tout ou presque pour eux, ainsi les prétendants peuvent facilement "suivre le courant" et avoir confiance en leurs acolytes (et non en Dieu) pour s'occuper des choses, et de cette manière les prétendants paraissent sereins et "au-dessus de tout".

Par conséquent, la revendication qu'ont tels prétendants et leurs serviles adeptes à l'appartenance à la "tradition de sagesse extravagante" est une simulation. Ils ne se sont ni totalement remis à la Divine Providence et sont loin d'avoir réalisé l'abandon total. En effet, d'une manière ou une autre, ils sont toujours attachés aux résultats. Le fait est qu'ils agissent encore sous l'effet du sentiment d'être celui qui agit, étant des acteurs egocentriques.

J'ajouterais, que de telles personnes jouent sur les deux tableaux suivants : ils veulent être reconnus comme héritiers d'une lignée au sein d'une tradition &endash; ce qui évidemment ajoute à leur statut et à leur influence en tant qu' "autorité". Et cependant, ils ont l'audace d'ignorer et/ou de falsifier les enseignements de leur tradition au sujet de l'éthique, de la morale et de la nécessité de demeurer aussi libre que possible de tout attachement et de toute aversion de type samskariques. Et lorsque quiconque essaye de soulever le sujet des règles morales traditionnelles qui s'appliquent aussi bien aux disciples qu'aux gurus, ils affirment aussitôt ne pas être "limités par la tradition" et que "la leur est une tradition vivante qui se doit de secouer les gens de leur état hypnotique de transe" et autres âneries.

Ceci en convaincra certains parmi les plus assidus adorateurs des prétendants, mais quiconque doué de discernement verra que ces prétendants ne cherchent qu'a obtenir le meilleur de deux mondes antinomiques : une autorité fondée sur une tradition d'un côté et de l'autre, une permission anarchique donnée au "tout est acceptable" afin de pouvoir agir sous la domination des samskaras. Pour être encore plus précis, afin d'être reconnus et d'avoir de la renommée, ils exploitent le concept, l'institution sociale et la lignée qui constituent le Guru. Mais ils refusent toute responsabilité quant aux critères établis par les gurus de cette tradition qui les ont précédés et qui ont défini ce qui est ou n'est pas un maître spirituel authentique.

Par conséquent, nous avons ici une violation grave de "la publicité de la Vérité" : les prétendants se faisant passer pour des "gurus" appartenant à une "lignée" (sampradaya) à l'intérieur d'une "tradition" de l' "Advaita". Ainsi et à chaque fois qu'il leur plaît, ils s'écartent anarchiquement de ce que cette tradition valorise comme étant authentique et se conduisent comme des gredins.

Ces prétendants (que le Soi Divin les sauve du fardeau de leur karma) revendiquent une immunité particulière en se posant comme au-dessus des règles sociales élémentaires de décence, de même qu'en se mettant au-delà des conventions au sein même de leurs propres traditions sacrées et a partir desquelles ils essaient de s'ériger un statut élèvé.

(Le restant de la lettre de Timothy fait référence à la réponse que Wayne Liquorman a envoyé à Anne (voir ci-dessous) dans laquelle il apelle les Grands Maîtres de l'Advaita des "Indiens morts".)

________________________________

Anne, d'InnerQuest, a écrit à Wayne à la suite de son message du 14 février, soulignant ce qu'elle voit comme étant une contradiction majeure entre ce qu'elle sait de la Vérité et d'un vrai Gourou d'un côté, et comment Ramesh semble vivre de l'autre. Elle lui indiquait que Ramesh semblait vivre dans la contradiction et la dualité, se conduisant de façon abominable, au lieu de vivre dans la Vérité et l'Unité. Car un Maître Véritable vivant l'Unité n'abuserait jamais ni ne blesserait jamais quelqu'un car il sait que l'"autre" n'existe pas - Tout est Lui. Anne a écrit ceci à Wayne :

" Pour moi, un vrai Gourou est ce que nous sommes véritablement ; comme il est notre Soi réel, le Gourou n'a aucun intérêt personnel égocentrique, aucune motivation. Aucun désir ne surgit de Lui vers quelque nom ou forme que ce soit. Pourquoi cela ? Car il sait qu'ils ne sont pas réels. Pourquoi courir après une illusion ? Lorsqu'un chercheur spirituel rencontre un vrai Gourou, jamais le Gourou ne demanderait quoi que ce soit du chercheur, même par allusions (argent, objets, traitement de faveur, confort physique, sexe, régime alimentaire spécial, médicaments, etc.). Le chercheur prendra peut-être l'initiative de proposer une offrande, un service ou autre demande issus de son ego ignorant. Mais le Maître véritable (Qui n'a plus d'ego et chez Qui les vasanas (tendance latentes) ont toutes été éradiquées jusqu'à la dernière, et Qui connaît toutes les astuces de l'ego puisqu'Il les a toutes déjouées en Lui au préalable pendant Sa propre quête) ne réagira jamais de façon personnelle ou avec un quelconque intérêt, car Il sait que tout est le Soi, donc pour Lui le gain ou la perte ne signifient plus rien. Pourquoi vouloir abuser de soi-même ?

En Inde, la tradition encourage les chercheurs à tester les Maîtres en les remettant en question afin de les découvrir véritablement et afin d'essayer de déterminer ce qui les motive vraiment. Le problème de nos jours, c'est qu'une fois qu'on entend parler d'un maître comme étant exceptionnel, on a tendance à s'en tenir à ce qu'en disent les autres et nous oublions de vérifier par nous-même. Car, il est aisé de parler de la Vérité en utilisant une compréhension intellectuelle élaborée, mais il en est une toute autre affaire de La vivre. Ainsi, si l'on ne fait qu'écouter ce que dit un maître, on peut oublier d'observer et voir la façon dont ce maître vit et se conduit effectivement. "

Dans sa lettre adressée à Wayne, elle fait référence au Yoga Vashistha et cite les deux sages suivants : (la première citation prouve l'absurdité de croire que nous n'avons aucun choix). Les dernières causeries d'Annamalai Swami (extrait) :

" L'oubli et le non-oubli ne font pas partie de votre destinée. Il s'agit d'un choix que vous faites d'instant en instant. C'est ce que Bhagavan (Ramana Maharshi) a dit. Il a dit que vous avez la liberté soit de vous identifier au Soi et en cela de comprendre que le corps ne fait qu'exécuter ses activités prédestinées, animées et soutenues par le pouvoir du Soi, ou bien vous pouvez vous identifier aux activités du corps et du mental, et de ce fait oublier le Soi. Si vous choisissez d'agir ainsi, ne rejetez pas la faute sur Dieu ou la Volonté de Dieu, ou encore sur la prédestination. Ce n'est pas Dieu qui vous a fait oublier le Soi. C'est vous-même qui faites ce choix à chaque seconde de votre vie. "

Supplément aux quarante strophes de Ramana Maharshi (Oeuvres Réunies) :

" A quoi bon la science de ceux qui ne tendent pas à effacer les lettres de la destinée (de leur front) par la recherche : " D'où vient notre naissance, nous qui connaissons les lettres ? " Ils ont sombré au niveau d'une machine à paroles. Que sont-ils d'autre, ô Arunachala ? "

Dans sa réponse Wayne rétorque :

" Les citations des Ecritures et de divers Indiens morts mises à part, votre revendication comme quoi le chercheur doit tester le gourou afin de découvrir ce qui le motive présume que le chercheur soit capable de le faire. Le chercheur ne peut rien observer d'autre en dehors du comportement ; il lui est absolument impossible de voir s'il y a motivation ou absence de motivation derrière le comportement. La motivation et le comportement sont deux choses différentes. Malheureusement, si l'on suppose pouvoir discerner le réel de l'irréel, le Vrai du faux, l'egocentrisme du désintéressement, il y aura toujours quelqu'un qui ne sera pas d'accord. Comment déterminer qui a raison ? La plupart des gens pensent que leur opinion est la Vérité. "

(Veuillez noter que dans le véritable Advaita (
voir ci-dessous) il est essentiel que le chercheur discerne l'irréel du réel. La notion d'"autre" est considérée comme irréelle, ainsi, tout désaccord à ce sujet n'a pas sa place sinon cela impliquerait 'deux', la dualité. Une fois que toutes les apparences irréelles ont été rejetées, l'Eternelle, non-objective, indivisible Réalité demeure.) ________________________________

(La lettre de Timothy continue :)

Venons-en maintenant au cas nous concernant : Wayne Liquorman qui défend la façon dont son professeur, Ramesh Balsekar exploite ses élèves sexuellement et financièrement. J'ai déjà rédigé quelques pages sur ce sujet il y a peu de temps, aussi me contenterai-je seulement ici de souligner quelques points.

Wayne utilise de façon désinvolte l'expression péjorative d' "Indiens morts" pour mettre en doute l'argument développé par des enseignants que nous connaissons sincères, alors que ceux-ci s'efforcent d'illustrer les critères impeccables de la morale de la tradition de l'Advaita Vedanta Hindoue en citant des extraits provenant des textes et des enseignants hautement respectés de cette tradition (e.g., Sankara, Yoga Vasishtha, Ramana Maharshi Annamalai Swami, etc.). Wayne sous-entend : ils ne sont que des "Indiens morts"… aussi pourquoi vous donner la peine d'y faire référence alors que vous avez la liberté incomparable et la noblesse infinie de quelqu'un comme Ramesh sur lesquels vous pouvez compter pour établir votre connexion au guru ?

Mais l'on pourrait demander à Wayne ou à quiconque en accord avec lui, " Que seriez-vous précisément aujourd'hui sans ces indiens morts ? ". D'une manière spécifique, sa renommée vient du fait qu'il est le fils flagorneur de Ramesh, et celle de Ramesh quant a lui, vient de l'exploitation du nom et de la mémoire d'Indiens morts ; avec en premier celles son Guru dont le corps à disparu, Nisargadatta Maharaj ainsi que la lignée des "types morts" avant Nisargadatta au sein de la Navnatha Sampradaya. (i.e., Siddharameshvar Maharaj, et al.). Comme je l'ai écrit antérieurement, Nisargadatta aurait probablement (on ne peut le dire avec certitude) donné une gifle magistrale à Ramesh pour avoir souillé la mémoire de la Lignée Navnatha de ses ignominies (bassesses) financières et sexuelles, et pour avoir, par quelque rationalisation de tout nier en bloc qui confond le niveau de l'Absolu avec celui du conventionnel ou du relatif , tenté de tout rejeter.

Ceci n'est PAS l'Advaita authentique. Nisargadatta était toujours extrêmement soucieux de savoir si les gens qui disaient être des jnanins (sages) étaient véritablement entièrement libres des désirs et des peurs. Ceci est bien connu et fut clairement entendu par ceux qui parmi nous passèrent un certain temps avec Maharaj. Wayne n'a jamais rencontré Nisargadatta et, autant que je sache, ne rencontra jamais aucun enseignant de l'Advaita avant Ramesh dans les années 80 (que l'on me corrige si je me trompe sur ce point). Même si Nisargadatta donna quelque autorisation d'enseigner à Ramesh, cela ne signifie en rien que celle-ci puisse être définitive et ne puisse pas être révoquée pour raisons de comportement malsain et d'une falsification de l'enseignement de Maharaj ; comportement et falsification dont Ramesh nous a maintenant affublés de preuves suffisantes.

Pour ajouter à ce thème des "Indiens morts ", un des premiers importants projets de Ramesh fut d'oser la rédaction d'un commentaire/interprétation de l'Amritanubhava, ouvrage écrit au 13ème siècle par le Sage, Saint et Poète de grande renommée, Jnaneshvar (publié par Wayne Liquorman, leur profitant ainsi à tous les deux financièrement). Dès cet instant, Ramesh continua sur sa lancée !

Encore une fois, je repose la même question : " Que seraient à présent Wayne et Ramesh sans ces illustres Indiens morts ? ".

Bon, assez de paroles, sauf pour souhaiter un complet Eveil et une totale Libération à Wayne et Ramesh, aussi tôt qu'il leur conviendra, et, qu'ils soient entièrement pardonnés ("Père, pardonne leur car ils ne savent pas ce qu'ils font") pour leur manque de clarté et de cohérence, qui du point de vue de l'ultime n'est pas de leur faute - La Divine Shakti est, du point de vue de l'Absolu, seule actrice et seule responsable de tous les karmas.

Je ne verrais, tout comme ceux qui portent intérêt a l'Advaita Vedanta Authentique, aucun inconvénient à ce que Ramesh et Wayne fassent quelque progrès et admettent qu'ils furent les représentants de l'école du pseudo dharma du "tout est permis" "mauvais garçon", et non plus revendiquer (comme Ramesh le fait) être le successeur de Nisargadatta Maharaj et par suite descendant de la lignée Navnatha Sampradaya. Ceci dit, si Ramesh et Wayne se présentaient ainsi, je doute qu'ils auraient beaucoup disciples, voire même un seul disciple.

Aussi laissez moi vous proposer le challenge suivant :

Ou Ramesh et Wayne
1/ Annoncent publiquement n'avoir aucun lien avec la lignée à laquelle appartient Nisargadatta, et l'Authentique Advaita Vedanta, (incluant Yajnavalkya, Sankara, Jnaneshvar, etc.) mais qu'ils sont des représentants isolés d'une nouvelle école de "compréhension" du "tout est permi".

Ou ils
2/ S'excusent véritablement, font amende honorable envers ceux qu'ils ont exploités et s'efforcent alors de régulariser leur conduite.

J'éspère qu'aucun des propos ci-dessus n'offenseront quiconque mais plutôt, qu'ils seront reçus dans un esprit d'Amour et de Vérité, qui est celui dans lequel ils sont offerts. Wayne et Ramesh, j'ai apprécié le temps passé avec vous. Je vous souhaite à tous les deux mes meilleurs vœux.

Puisse tous les êtres s'éveiller, devenir libres, mais aussi être dotés d'une infinie compassion, et demeurer consciemment "impliqués" dans le rêve divin.

Votre frère dans le rêve
Votre Propre Soi

Timothy Conway
Santa Barbara, CA

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Ramesh, Wayne et le Veritable Advaita
par Timothy Conway

Les écrits récents de Wayne Liquorman sur cette question du comportement de Ramesh (et du comportement des gurus en général) est un cas classique de rationalisation par manque d'appréciation et de fabrication de l'argument d'un " homme de paille ".

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4 octobre 2007 4 04 /10 /octobre /2007 10:41
Langage, conscience, rationalité : une philosophie naturelle,
entretien avec John SEARLE
Le débat : La philosophie analytique paraît aujourd’hui divisée entre philosophie
du langage et cognitivisme. Comment vous situez vous entre ces tendances ?
John Searle : Le courant analytique, dans lequel je me situe, est pour une large part
un ensemble de réactions à l’oeuvre de Gottlob Frege. Nous ne faisons que
commencer à prendre la mesure de l’importance considérable de Frege, non
seulement pour ce qui est de ses propres théories, mais aussi des directions de
recherches qu’il a fourni à Russell, à Wittgenstein, et à Austin, qui fut mon
professeur à Oxford.1 Donc, en un sens, j’appartiens à la révolution fregéenne. A
première vue, cette révolution consiste en la réinvention de la logique : Frege a créé
le calcul des prédicats, transformé complètement l’idée que l’on se faisait de la
logique. Mais il a fait bien plus que cela, il a changé notre conception du langage et
de la représentation par rapport aux philosophies traditionnelles. La philosophie
du langage au XXème siècle a été créée par Frege, à la fin du XIXème siècle. Il a
mis la philosophie du langage au centre de la philosophie. Dans les décennies du
milieu du siècle, beaucoup de gens pensaient que la philosophie du langage était la
philosophie première. Mes années de formation se situent à cette époque. Nous
faisions une distinction essentielle entre philosophie du langage et philosophie
linguistique. La philosophie du langage traite de questions très générales, tandis
que la philosophie linguistique est la tentative de résoudre des problèmes
philosophiques spécifiques en moyen de méthodes linguistiques. Toutes deux
étaient pratiquées et j’ai étudié l’une et l’autre, avec Austin, mais aussi Peter
Strawson, Stuart Hampshire, Gilbert Ryle, parmi d’autres. Cette tradition va de
Frege à Austin, en passant par Russell et Moore — Austin n’était pas influencé
par Wittgenstein, il n’avait pas d’affinités personnelles avec lui. Mon premier
livre, Les actes de langage2, s’inscrit dans ce courant.
Les dernières décennies du siècle ont pris un tour complètement différent, quand la
philosophie de l’esprit a remplacé la philosophie du langage comme philosophie
première. Ce tournant, dont il est difficile de rendre compte entièrement, tient à de
nombreux facteurs. La philosophie de l’esprit avait été discréditée par l’idéalisme,
l’hegelianisme, c’est à dire, tout ce que Russell et Moore avait combattu. Tout
s’est passé comme si elle était devenue, tout d’un coup, un genre respectable,
1 Austin a traduit en anglais les Fondements de l’arithmétique de Frege.
2 Speech Acts, publié en 1969, traduction française en 1972, Paris, Hermann.
comme si on pouvait appliquer les méthodes analytiques aux questions
traditionnelles de la philosophie de l'esprit. L’essor des neuro-sciences y a
évidemment joué un rôle : l’esprit humain était devenu un objet de science, c’est-àdire
un phénomène naturel. Il n’y avait plus lieu de se compromettre dans un
dualisme métaphysique, cartésien ou autre, opposant l’esprit et la nature. Le
projet en soi était des plus louables, mais ses promoteurs ont fait un erreur fatale :
celle de concevoir le cerveau comme un ordinateur et l’esprit comme un
programme.
J’ai eu de nombreux débats avec des chercheurs en sciences cognitives. Mon
argument de base est que c’est une erreur de croire qu’on peut créer un esprit avec
le symbolisme binaire d’une machine de Turing. C’est ce que montre mon
argument de la chambre chinoise.3
Au début des sciences cognitives, la Fondation Sloan avait affecté des crédits
importants pour inciter les chercheurs à se mobiliser sur ces questions, à organiser
des colloques, etc. C’est dans ce cadre que j’ai été invité au Yale Artificial
Intelligence Laboratory à l’Université de Yale, en 1971. Je ne connaissais rien alors
à l’intelligence artificielle. J’ai acheté un manuel au hasard, dont la démarche
argumentative m’a sidéré par sa faiblesse. Je ne savais pas alors que ce livre allait
marquer un tournant dans ma vie. Il expliquait comment un ordinateur pouvait
comprendre le langage. L’argument était qu’on pouvait raconter une histoire à
ordinateur et qu’il était capable ensuite de répondre à des questions relatives à
cette histoire bien que les réponses ne soient pas expressément données dans le
récit. L’histoire était la suivante : un homme va au restaurant, commande un
hamburger, on lui sert un hamburger carbonisé, l’homme s’en va sans payer. On
demande à l’ordinateur : «a-t-il mangé le hamburger«? Il répond par la négative.
Les auteurs étaient très contents de ce résultat, qui était censé prouver que
l’ordinateur possédait les mêmes capacités de compréhension que nous. C’est a ce
moment la que j’ai conçu l’argument de la chambre chinoise : Supposons que je
sois dans une pièce fermée avec la possibilité de recevoir et de donner des
symboles, par l’intermédiaire d’un clavier et d’un écran, par exemple. Je dispose
de caractères chinois et d’instructions permettant de produire certaines suites de
caractères en fonction des caractères que vous introduisez dans la pièce. Vous me
fournissez l’histoire puis la question, toutes deux écrites en chinois. Disposant
d’instructions appropriées, je ne peux que vous donner la bonne réponse, mais
sans avoir compris quoique ce soit, puisque je ne connais pas le chinois. Tout ce
3 John Searle, “Minds, Brains and Programs”, Behavioral and Brain Sciences, 3, 1980. En
français, voir Du Cerveau du Savoir, Paris : Editions Hermann, 1985, et La redécouverte de
l’esprit, Paris, Gallimard, 1992.
que j’aurais fait c’est manipuler des symboles qui n’ont pour moi aucune
signification. Un ordinateur se trouve exactement dans la même situation que moi
dans la chambre chinoise : il ne dispose que de symboles et de règles régissant leur
manipulation. Je n’attendais pas à ce que cet argument, qui me paraissait trivial,
suscite de l’intéret au de là d’une semaine. L’effet fut au contraire cataclysmique.
Tous les participants du séminaire étaient convaincus que j’avais tort, mais sans
pouvoir en donner la raison. Vingt ans après, la discussion continue à faire rage, il
doit y avoir plusieurs centaines d´articles sur le sujet. Je reçois des
correspondances du monde entier. Lorsque j’ai donné une conférence en Chine,
j’avais pensé préférable de parler de la « chambre arabe », mais tout le monde avait
entendu parler de la chambre chinoise!
L’argument de la chambre chinoise montre que la sémantique du contenu mental
n’est pas intrinsèque à la syntaxe du programme informatique, lequel est défini
syntaxiquement par une suite de zéros et de uns. A l’époque j’admettais que la
machine possédait une syntaxe. En fait, si l’on pose la question de savoir si cette
série de zeros et de uns est un processus intrinsèque à la machine, on est obligé
d’en convenir que ce n’est pas le cas.
J’ai proposé depuis (dans La redécouverte de l’esprit) un nouvel argument. La
distinction la plus profonde qu’on puisse effectuer n’est pas entre l’esprit et la
matière, mais entre deux aspects du monde : ceux qui existent indépendamment
d’un observateur, et que j’appelle intrinsèques, et ceux qui sont relatifs à
l’interprétation d’un observateur. La computation informatique n’est pas un
processus qui a lieu dans la nature. Elle n’existe que relativement à une
interprétation syntaxique qui assigne une certaine distribution de zéros et de uns à
un certain état physique. Ce nouvel argument, plus radical, montre que la syntaxe
n’est pas intrinsèque à la nature physique. Une chose donnée n’est un programme
(i.e. une structure syntaxique) que relativement à une interprétation. Ceci a pour
effet de démolir l’assomption de base de la théorie computationnelle de l’esprit. La
question “Le cerveau est-il intrinsèquement un ordinateur” est absurde car rien
n’est intrinsèquement un ordinateur si ce n’est un être conscient qui fait des
computations. N’est ordinateur que quelque chose auquel a été assignée une
interprétation. Il est possible d’assigner une interprétation computationnelle au
fonctionnement du cerveau comme à n’importe quoi d’autre. Supposons que cette
porte égale 0 quand elle est ouverte, et 1 quand elle est fermée. On a là un
ordinateur rudimentaire. Cet argument est plus puissant que le premier mais plus
difficile à comprendre.
Le Débat : Pourquoi ne pas considérer que le cerveau est un ordinateur qui
s’interprète lui-même ?
John Searle : Il y a assurément des processus dans le cerveau qui sont
intrinsèquement computationnels, par exemple lorsque nous effectuons des
calculs, mais ces calculs n’ont rien d’intrinsèque, it ne s’agit de calculs que pour la
conscience.
Le Débat : N’y a-t-il pas une différence entre, par exemple, la simulation d’un
diagnostic médical par un ordinateur, qui n’est que l’interprétation que nous
assignons à ses opérations, et les calculs arithmétiques que la machine effectue
réellement ?
John Searle : Les calculs sont relatifs à notre interprétation tout autant que les
autres “productions” de l’ordinateur. La seule chose qui ait effectivement lieu dans
un ordinateur qui est en train de fonctionner, ce sont des flux électriques. Nous,
nous pouvons leur associer des symboles mais, la machine, elle, n’en contient pas.
Le cerveau est aussi un mécanisme, mais un mécanisme causal. Il a cette propriété
extraordinaire de produire la conscience. L’ordinateur en revanche ne produit rien
du tout, sinon l’état suivant d’exécution du programme. En ce sens il ne s’agit pas
d’un mécanisme causal. Dans le cerveau en revanche, les micros-structures sont la
cause de structures plus élevées, la conscience et l’intentionnalité. Un ordinateur
est entièrement défini par son aspect computationnal. Le cerveau, lui, ressemble
d’avantage à l’estomac : outre la manipulation de symboles, il cause des
événements, en l’occurrence les pensées et les sentiments.
Le Débat : Quelle est la contribution philosophique qui selon vous a ouvert l’ère
de la philosophie de l'esprit ?
John Searle : Aucun ouvrage en particulier. En revanche, les articles de Turing,
écrits au début des années cinquante, sont devenus une bible quelques vingt ans
plus tard, quand on a cru possible la construction de machines telles qu’il en avait
imaginées. Dès le départ j’ai pense que la métaphore de l’ordinateur menait droit à
une impasse, ce que je pense d’ailleurs avoir démontré. Les grands livres pionniers
de la philosophie de l'esprit contemporaine sont Le concept d’esprit de Ryle
(1949) et les Recherches philosophiques de Wittgenstein (1953), mais la vogue de
la philosophie de l'esprit ne fut établie que bien après. Ryle et Wittgenstein
appartiennent à une tradition anti mentaliste et, chez Wittgenstein, la philosophie
de l'esprit est inséparable de la philosophie du langage. Le tournant a eu lieu avec
la défaite du béhaviorisme. En vertu de leur caractère irréductible, l’intentionnalité,
la conscience existaient sans contestation possible et étaient donc des objets
d’étude en bonne et du forme,. La philosophie de l'esprit a alors détrôné la
philosophie du langage. Un dernier facteur : en dépit de la révolution fregéenne, un
trait de la philosophie moderne a persisté au XXème siècle, l’obsession
cartésienne de l’épistémologie, c’est-à-dire l’idée qu’on devait prendre le
scepticisme au sérieux, que la tâche première de la philosophie était de répondre au
défi sceptique, de fonder la possibilité de connaître. Wittgenstein, Quine,
Davidson ont entretenu cette perspective épistémologique dans la philosophie du
langage. Je crois qu’il faut sortir de cette obsession post-cartésienne. Les
paradoxes sceptiques contemporains sont intéressants, mais au même titre que le
paradoxe de Zenon, ils ne mettent pas plus en question la réalité de la
connaissance et de la signification que Zenon n’a mis en question la réalité de
l’espace et du temps. En dépit de son naturalisme, Quine lui-même appartient au
stade épistémologique de la philosophie, sa problématique de l’indétermination de
la traduction est typique du scepticisme épistémologique : comment savons-nous
que “Gavagaï” veut vraiment dire “lapin”?4 Ce cartésianisme résiduel n’est pas la
bonne voie. Nous sommes capables de comprendre d’autres êtres humains. C’est
là un fait que nous devons tenir pour acquis. Notre tâche est de décrire la structure
de la compréhension. Se libérer de cette obsession, c’est pouvoir se consacrer à
une philosophie constructive, ne pas se demander, par exemple, comment nous
savons que la société existe, mais quelle est la structure logique de la réalité sociale.
De ce point de vue, je crois que nous sommes en train de passer d’une ère
socratique et platonicienne, où la question de la possibilité de la connaissance était
préjudicielle, à une ère aristotélicienne, tournée vers la solution de problèmes.
C’est en tout cas l’esprit de mes travaux actuels. Aristote a pu faire une
philosophie constructive parce qu’il n’était pas obsédé par le scepticisme comme
l’était Socrate.
Il y a eu une période faste de la philosophie du langage mais, aujourd’hui, les
choses se passent ailleurs. La raison en est que la tradition fregéenne qui analyse
les relations entre le langage et la réalité sur le modèle de la notion de sens (Sinn),
c’est-à-dire de conditions de satisfaction est rejetée par la plupart des philosophes
en faveur de ce qu’on appelle l’externalisme. Je suis et je demeure internaliste.
L’esprit est une entité qui établit des conditions qu’un objet doit satisfaire pour
que telle chose soit de l’eau ou telle autre une montre, par exemple. Cette tradition
aurait été réfutée en particulier par Putnam avec l’argument de la Terre-Jumelle et
par la théorie causale de la référence de Kripke.5 Je soutiens que la théorie causale
de la signification et de la référence repose sur une erreur grossière. Frege s’est
trompé quand il a supposé que le contenu d’une proposition et le contenu des
conditions de satisfaction (qui déterminent le rapport entre une expression
4 W.V.O. Quine, Le mot et la chose(1961), Paris, Flammarion, 1977.
5 Voir Hilary Putnam, Raison, vérité et histoire (1981), Paris, Minuit, 1984, p. 29-60 et Saul
Kripke, La logique des noms propres (Naming and Necessity, 1972-1980), Paris, Minuit, 1982.
linguistique et le monde) étaient une seule et même chose. C’est le cas pour les
exemples qu’il avait choisis (l’étoile du matin et l’étoile du soir, etc.). Mais il a fait
une erreur en confondant ces deux questions. Ce qui est en question quand vous
cherchez à determiner si une proposition est vraie ou fausse, dans un contexte
modal tel que, “il est nécessaire que p”, n’est pas la nature du lien entre le langage
et la réalité. La théorie causale est souvent juste pour les contextes modaux : nous
examinons l’objet — s’il s’agit d’un objet— et non ce que Frege appelait son mode
de présentation (Art des Gegebenseins), la maniére dont la proposition exprime un
sens. Frege pensait que le contenu de la proposition et son mode de présentation
revenait au même, moi, je soutiens que non. Prenons la phrase “je suis ici
maintenant”. Elle exprime nécessairement une vérité. Je suis forcément là où je
parle au moment où je parle. Mais le fait rapporté par cet énoncé n’est pas une
vérité nécessaire. Que je sois ici maintenant est un fait contingent. Il est donc
nécessaire de distinguer la proposition “Searle est à tel endroit à tel moment” du
contenu de l’expression “je suis ici maintenant”, l’une est vraie de façon
contingente, l’autre, de façon nécessaire. Pour avoir mis à la lumière cette
distinction, l’externalisme n’en est pas moins une impasse. L’adoption de cette
théorie a eu pour résultat de stériliser la recherche, car l’externalisme n’est pas
capable de décrire la chaîne causale qui est censée relier le langage à la réalité, à
quelque chose de totalement étranger à l’esprit.
Le Débat : Quelle est alors la source de votre propre intérêt pour la philosophie de
l'esprit, en dehors de la réfutation du modèle informatique ?
John Searle : Dans mes premiers travaux sur les actes de langage, j’utilisais, en
quelque sorte à crédit, les notions de croyance, de désir, d’intention, d’action. Je
savais qu’il me faudrait un jour honorer ma dette, c’est-à-dire expliciter en quoi
elles consistent. C’est avec mon livre sur L’Intentionnalité que je suis passé de la
philosophie du langage à la philosophie de l'esprit. Intentionality (1983) est donc le
point de départ de tout ce que j’ai fait depuis.6 L’Intentionnalité est un fait
biologique. Je considère le cerveau comme une machine, un mécanisme naturel,
alors que la computation, telle que la théorie de Turing la définit, est un processus
mathématique abstrait, qui peut éventuellement être implémenté dans une
machine. Il ne s’agit pas d’un type de fonctionnement, comme la photosynthèse
ou la digestion. Pour moi, la conscience et l’intentionnalité sont des phénomènes
biologiques, et la philosophie du langage est une branche de la philosophie de
6 Trad fçse, L’intentionnalité, Paris, Minuit, 1985.
l'esprit, tout comme le langage est une extension de la capacité expressive
caractéristique de l’esprit (une partie importante des capacités mentales sont
inconcevables sans le langage).
Nous sommes dans une situation philosophique comparable à celle de Bergson à
propos de la vie, quand on croyait que vitalisme et mécanisme formaient une
alternative ultime. On a du mal à imaginer aujourd’hui l’intensité de ces débats.
Or,un problème philosophique qu’on croyait insoluble a été résolu ou dissout par
la science. On peut dire que le vitalisme a perdu, mais c’est parce qu’on a conçu
une nouvelle conception du mécanisme en biologie, avec la biologie moléculaire. De
façon analogue, je crois que nous avons besoin d’une nouvelle conception, plus
riche, du fonctionnement du cerveau. Nous verrons alors que c’est un
fonctionnement naturel au même titre que la digestion.
Le Débat : Est-ce à dire que la philosophie de l’esprit va s’effacer au profit de la
science ?
John Searle : Je suis convaincu que le problème de la conscience est sur le point de
recevoir une solution scientifique grâce à la neurobiologie. Il semblerait que ces
progrès scientifiques décisifs puissent mettre la philosophie hors jeu. Mais —et
c’est là un phénomène fascinant— les scientifiques font des erreurs
philosophiques élémentaires au sein même de leur conquêtes les plus
considérables. Je n’en mentionnerai qu’une : l’orientation actuelle de la
neurobiologie est de trouver le “corrélat neurobiologique de la conscience” en
termes atomistes. On cherche les “blocs élémentaires” de la conscience, par
exemple l’expérience du rouge. Trouvons un bloc élémentaire, et nous aurons la clé
de tous les autres, nous saurons comment la conscience est construite par
assemblage de ces blocs élémentaires. Telle est la problématique standard dans ce
type de travaux. A mon avis c’est là une erreur, car seul un organisme qui est déjà
conscient peut avoir l’expérience du rouge, de la forme, de leur conjonction dans
un percept donné, etc. Avant de discuter des éléments constitutifs de tel ou tel fait
de conscience spécifique, il faut comprendre en quoi consiste la conscience de base
ou d’arrière-plan, sans laquelle les percepts spécifiques ne peuvent se produire.
Avant d’expliquer des formes spécifiques de conscience, nous avons besoin d’une
conception générale de la manière dont le cerveau peut produire la conscience. J’ai
beaucoup de discussions avec certains chercheurs en neuro-sciences sur ces
questions et j’espère être en train de les amener à partager à mes vues. Le principal
représentant de la théorie des blocs élémentaires est Francis Crick. Je corresponds
avec lui. C’est un partenaire merveilleux, qui va directement au fond, sans se
préoccuper de politesses, et je ne désespère pas de le convaincre. Gerald Edelman,
en revanche se rapproche de mes vues. Sa position est intermédiaire entre ce que
j’appelle une théorie unifiée du champ et la théorie des blocs élémentaires. Le plus
proche de ma conception est un chercheur allemand très connu de Francfort, Wolf
Singer. Il pense qu’on doit chercher des capacités globales du système cortical et
non les mécanismes spécifiques de tel ou tel percept. En effet, les corrélats
neuronaux de ces percepts peuvent exister chez des animaux dénués de conscience.
En vertu de la théorie des blocs constitutifs, si vous prenez un agent inconscient et
que vous produisez chez lui le corrélat neuronal du rouge, il verra d’un seul coup
du rouge et rien d’autre. Or, cela n’est pas possible, ce n’est pas ainsi que le
cerveau fonctionne . Il y a encore beaucoup à faire avant de pouvoir dissiper cette
illusion, ou celle qui croit à la possibilité d’un programme informatique qui soit
capable de conscience.
D’un certain point de vue, nous vivons un âge d’or, mais, à d’autres égards, c’est
un moment de confusion intellectuelle considérable. Par rapport à l’époque
glorieuse de la philosophie analytique du langage, la philosophie a perdu en
précision et en unité, mais elle s’est ouverte à des questions plus riches et plus
variées. Une question comme l’ontologie des faits sociaux n’est plus irrecevable en
principe comme elle l’aurait sans doute été il y a quarante ans. Il y avait alors,
dans le sillage de Frege, un consensus sur les grandes questions de la philosophie
et la manière de les traiter. De grandes choses en ont résulté, mais aussi une
certaine étroitesse. Inversement, la philosophie de l'esprit est devenue un sujet très
vaste qui inclut toutes sortes de questions. Mais l’aspect le plus saillant de la
philosophie américaine est la faveur extraordinaire qu’a retrouvée la question de la
conscience auprès du public. Quand je fais des conférences, je ne peux pas parler
d’autre chose, si je veux satisfaire mon auditoire. Peut-être est-ce en réaction à une
période où cette question était trop dépréciée.
Le Débat: Le concept d’arrière-plan (background) semble la clé de voûte de votre
philosophie de l’esprit. Pouvez-vous présenter votre théorie de l’arrière-plan ?
John Searle: .... L'idée est très simple: les mots et les phrases, pour prendre cet
exemple, ne suffisent pas en eux-mêmes à générer une interprétation. Le même
sens linguistique admettra une interprétation différente selon les présupposés
que l'on fait intervenir. Ainsi, en anglais, le mot 'open' ( 'ouvrir') s'interprète de
manière différente dans 'Open your eyes' ('Ouvre les yeux)' , 'Open a restaurant'
('Ouvre un restaurant') et 'Open the door' ('Ouvre la porte'). Ces faits de langue
m'ont amené à formuler cette thèse d'une portée tout à fait générale: Tout ce qui
est sens linguistique, en fait, toute forme d'intentionnalité s'appuie sur un
ensemble d'aptitudes , de tendances, de dispositions, et de capacités, que j'appelle
'd'arrière-plan' (en anglais, 'Background), sans lesquelles il ne lui serait pas possible
de fonctionner, d'avoir des conditions de satisfactions. L'arrière-plan ne fait pas
partie du sens et de l'intentionnalité, pourtant, sens et intentionnalité n'existent en
tant que tels que par rapport à lui. Cette idée était déjà en germe chez les
psychologues de l'école Gestalt, , lesquels ont montré qu'un même stimulus
perceptuel pouvait recevoir des interprétations perceptuelles différentes.
Wittgenstein l'a reprise et appliquée à d'autres branches de la philosophie.Pour ma
part, j'essaie, à partir de cette hypothèse, de développer une théorie générale à
propos de l'esprit et du langage. L'arrière-plan est un ensemble d'aptitudes non
représentationnelles sans lequel aucune représentation n'est possible. Ses
composantes sont à la fois d'ordre social et biologique. J'ai déjà parlé de son rôle
dans plusieurs de mes livres, et j'envisage d'approfondir ma réflexion dans ce sens
dans un proche avenir.
Le Débat : Votre dernier livre, La construction de la réalité sociale, vous amène
à un autre objet, la société.
John Searle : Ce qui est merveilleux en philosophie, c’est qu’on n’est pas
obligé de reprendre les problèmes formulés par les philosophes du passé, on peut
en inventer de nouveaux. Par exemple, nous n’avons pas de philosophie de la
société. Nous avons une philosophie politique et une philosophie des sciences
sociales, du moins selon les divisions académiques en vigueur aux Etats-Unis. On
étudie Rousseau et Rawls, l’application de la notion de loi dans les sciences
sociales, etc., mais cela ne constitue pas une philosophie de la société au sens où il
y a une philosophie du langage ou une philosophie de l'esprit. La question de base
de la philosophie de la société est l’ontologie de la réalité sociale. Mon livre est un
premier effort dans ce sens. Ce qui nous manque pour aller plus loin, c’est une
philosophie intermédiaire pour ainsi dire. Même si Max Weber a essayé de faire
une philosophie sociale au sens où je l’entends, et a créé des catégories utiles. La
description de la réalité sociale est soit très abstraite, comme dans la Théorie de la
justice de Rawls, soit à l’opposé, journalistique, directement engagée dans le débat
public. Il faudrait une philosophie moins abstraite que la République ou la Théorie
de la justice, sans tomber dans le journalisme. Nous n’avons même pas de langage
descriptif adapté aux réalités en question.
Le Débat : Le titre de votre ontologie sociale a été reçu de façon équivoque,
en France du moins. S’agit-il de la construction (naturelle) de la réalité sociale
ou de la construction sociale de la réalité ? Ce que vous entendez par “subjectif”
ou “relatif” (non intrinsèque) a provoqué un malentendu. Votre théorie
impliquerait qu’en dehors de la nature physique, il n’y a que des
“représentations”.
John Searle : En un sens, c’est bien ce que je dis. La question que je me
pose est la suivante : Comment des bêtes vivant à la surface du globe peuventelles
créer une réalité nouvelle ? Cette réalité est objective, en ce sens qu’elle ne
dépend pas de mon opinion ou de la vôtre, mais subjective aussi car elle
n’existe que parce que nous pensons qu’elle existe. La monnaie, la propriété, le
mariage, les cocktails et les maisons d’édition sont des créations sociales. Cela
n’a rien à voir avec la théorie absurde que tout est socialement construit, ou que
tout est texte. J’ai pris soin de consacrer les trois derniers chapitres de mon
livre au réalisme. J’y attaque le relativisme aujourd’hui à la mode, et notamment
le constructionnisme social. Je suis frappé par le succès qu’ont ces théories
extravagantes auprès de l’extrême gauche. Il s’agit pourtant d’une rupture avec
la tradition marxiste. La construction de la réalité sociale n’est pas la
construction sociale de la réalité. Si certains y ont vu des synonymes, on ne
peut rien pour eux. Dans un registre analogue, nous avons besoin d’une
philosophie de la rationalité. Le concept de rationalité est riche parce qu’il
provient d’une tradition féconde, qui culmine dans la théorie mathématique de
la décision. Elle est très influente en particulier en économie. Mais là encore,
des avancées scientifiques remarquables sont grevées par des erreurs
philosophiques fondamentales. La guerre du Viet-Nam en a donné une
illustration spectaculaire. Nos décideurs politiques étaient convaincus que les
Nord Vietnamiens avaient une courbe d’utilité marginale telle que lorsque la
désutilité des bombardements égalerait l’utilité de la résistance à l’Amérique, ils
se rendraient. Cette foi est inusable, on a fait le même raisonnement à propos de
Milosevic. Pendant la guerre du Viet-Nam, j’ai rencontré un de mes amis
travaillant au Pentagone. Comme je lui soutenais que notre stratégie de
bombardement était hasardeuse, il m’a montré des courbes, en m’expliquant que
cette stratégie s’appuyait sur un argument decisif, lequel repose uniquement sur
cette supposition que les Vietnamiens étaient rationnels de sorte que, quand
la courbe atteindrait un point donné, ils ne pourraient que se rendre. C’était
insensé de penser que Ho Chi Minh décidait de la poursuite de la guerre comme
nous nous choisirions un dentifrice. Mais il n’est pas facile d’établir exactement
ce qui ne va pas dans ce mode de raisonnement. C’est le sujet du livre sur
lequel je travaille actuellement. L’argument, assez complexe dans le détail, est
qu’on ne peut pas rendre compte du processus de raisonnement sans l’attribuer
à un sujet. Sans la notion d’un agent, celle de rationalité n’a pas de sens. Si on
réduit le moi, comme le fait Hume, à un faisceau de perceptions, il n’est pas
possible de rendre compte de la rationalité. La rationalité suppose un agent
stable dans son identité agissant dans le temps. En outre, les processus de
décision politique, par exemple en temps de guerre, mettent en jeu une
pluralité d’agents. Il faut donc concevoir des acteurs collectifs. Le modèle de la
théorie du choix rationnel, qui ne considère que la maximisation de l’utilité pour
un agent individuel est inopérant. Mais trouver un modèle opératoire n’est pas
chose aisée. C’est ce à quoi je travaille actuellement.
Le Débat : Comment cette recherche se relie-t-elle à vos travaux antérieurs,
cette théorie de la rationalité est-elle le chainon intermédiaire entre la conscience et
la société ?
John Searle : C’est plutôt la continuation de mon travail sur L’Intentionnalité.
En philosophie, on construit les fondations après avoir construit la maison. Mes
amis architectes pensent que c’est de la folie, mais c’est comme ça ! Les
philosophes progressent vers les fondements. Le fondement de ma théorie des
actes de langage était l’intentionnalité. En un sens, je n’ai fait depuis qu’appliquer
la théorie de l’intentionnalité. Quand je me suis interrogé sur l’intentionnalité, je
me suis aperçu qu’il y avait une homologie fondamentale entre la structure des
actes de langage et celle des états intentionnels, et je maintiens toujours cet aspect
de ma théorie. Cette homologie est nécessaire : un énoncé descriptif est
l’expression d’une croyance, un ordre est l’expression d’un désir, une promesse
est l’expression d’une intention. Avec ce parallélisme, j’avais sous les yeux depuis
le début une théorie de l’esprit et je ne m’en était pas aperçu ! Il y avait cependant
un vide énorme dans mon livre. Je ne disais rien de la rationalité. Certes, je faisais
un parallèle entre l’action et la perception, volition et cognition. Mais cela me
paraît aujourd’hui superficiel. L’action a une structure spécifique. Nous ne
pouvons agir que sous la présupposition de la liberté, du choix, que nous croyions
ou non à la liberté. Le choix rationnel n’a de sens que si nous avons réellement à
notre disposition une gamme d’options. Les antécédents de la décision, quels
qu’ils soient, ne sont pas suffisants pour déterminer causalement ce que nous
allons faire. Je ne sais comment on peut rendre compte de la liberté de la volonté
dans le cadre de la neurobiologie, mais je sais que nous devons adopter cette
présupposition chaque fois que nous prenons une décision, que nous nous
déterminons suivant des raisons. Ce n’est pas une position originale, Kant a
soutenu le même argument. Il y avait donc une erreur dans l’Intentionnalité, que
j’essaie de corriger aujourd’hui. En insistant, non sans raison, sur le fait que
cognition et volition avaient des structures formelles parallèles : la causalité
intentionnelle, la direction d’ajustement7, je négligeais une différence cruciale. Dans
le cas de la décision rationnelle, il y a un écart entre les raisons qui conduisent à la
décision et la décision proprement dite, et un autre entre la décision et son
exécution. Or c’est tout le problème de la rationalité. La rationalité est la
manipulation de contenus intentionnels sous la présupposition de la liberté. C’est
pourquoi on ne peut pas parler d’intentionnalité sans revenir à des questions
traditionnelles sur la liberté humaine.
Le Débat : Que reste-t-il de la philosophie du langage dans votre programme
actuel ?
John Searle : J’aimerais vivre assez longtemps pour pouvoir écrire cent livres.
Je pourrais indiquer leur titres ! Pour ce qui est du langage, je crois il faudrait
parvenir à incorporer l’analyse du langage au sein d’une théorie générale de la
représentation. Comment les images, comment les symboles représentent-ils ?
Comment une partition représente-t-elle des sons ? Si la partition et la musique
sont isomorphes, pourquoi les sons ne représentent-ils pas la partition ? Il y a là
toute une gamme de questions fascinantes... Il y a aussi des questions de base
auxquelles il faut revenir. La métaphore par exemple. C’est un peu comme un
rendez-vous chez le dentiste. J’ai tout fait pour retarder le moment d’aborder la
métaphore, mais j’ai toujours su qu’il faut qu’un jour ou l’autre je écrive un article
sur elle. En fait je l’ai fait, mais je n’en suis pas satisfait et j’aimerais réouvrir cette
question. Il n’y a pas de théorie satisfaisante de la métaphore. Il y a même des
philosophes, tels que Donald Davidson8, qui pensent qu’une théorie de la
métaphore est impossible, les mots,selon eux, disent ce qu’ils veulent dire. Mais
ça ne saurait être le dernier mot. Il doit y avoir des mécanismes par lesquels nous
produisons des métaphores. Il reste donc beaucoup à faire en philosophie du
langage...
7 La théorie des actes de langage baptise ainsi une distinction dégagée par GEM Anscombe : Soit
un homme qui fait des courses muni une liste d’achats. La relation entre une liste d’objets et les
objets achetés n’est la même selon qu’il s’agit d’une liste établie par l’homme (ou par sa femme),
ou d’une liste faite par un détective chargé d’observer ses faits et gestes. La première liste est
l’expression d’une intention ou d’une instruction, la seconde une description. La “direction
d’ajustement entre les mots et le monde” n’est pas la même dans les deux cas : « si la liste et les
choses achetés effectivement ne coïncident pas (...) l’erreur est dans l’action de l’agent et pas dans
la liste (Si sa femme disait : “regarde, il est écrit “beurre” et tu as acheté de la margarine”, il serait
très surprenant que l’homme réponde : “Quelle erreur, il faut réparer ça !” et en efface le mot
“beurre” pour le remplacer par margarine); tandis que si la liste du détective ne coïncide pas avec
ce que l’homme a acheté, l’erreur est dans la liste. » (Intention, Oxford, 1957, p. 56). Voir
également John Searle, Sens et expression, p. 41-44.
8 “Ce que signifient les métaphores”(1978), in Enquêtes sur la vérité et l’interprétation, Nîmes,
Jacqueline Chambon, 1993, p. 349-376.
Le Débat : En dépit de cet intérêt maintenu pour le langage, n’avez-vous pas
renoncé à mettre la philosophie du langage en position de philosophie première,
alors que d’autres philosophes analytiques — Michael Dummett, les
wittgensteiniens — insistent sur ce point, contre le courant cognitiviste. Selon
eux, l’intentionnalité du langage permet d’expliquer l’intentionnalité de la
conscience et non l’inverse. Ils voient votre philosophie soit comme un
centrisme mou, soit comme une variante du cognitivisme.
John Searle : Mon approche est intégralement naturaliste, et l’a toujours été.
Ma mère était médecin, mon père ingénieur. J’ai été élevé dans un
environnement naturaliste. Il y avait à la maison des spécimens médicaux. Je
les regardais en me disant : voilà de quoi nous sommes tous faits. Je n’ai jamais
été tenté par l’idée qu’une part de nous-même puisse être au-delà de la nature,
qu’il y a un règne nouménal de la liberté, etc. Nous vivons dans un seul monde.
Ce n’est donc pas une conversion récente de ma part. L’existence humaine est
un fait biologique au même titre que la vie des bêtes. Dans ce cadre, la
philosophie du langage ne peut être qu’une branche de la philosophie de
l'esprit. La capacité à parler est une capacité biologique, qui repose sur des
capacités mentales plus fondamentales, comme la perception et l’action. Le
langage est une capacité dérivée. La perception implique déjà l’intentionnalité.
La continuité de l’esprit au langage est impliquée par mon naturalisme. C’est
pourquoi je me sens étranger au clivage qui occupe beaucoup de philosophes
analytiques.
Le Débat : Dans la philosophie française, la conscience a toujours été un
thème opposé au naturalisme. Une philosophie naturaliste de la conscience a
donc de quoi surprendre.
John Searle : Je ne suis pas représentatif de ce point de vue. Pour beaucoup
de mes collègues, naturaliser la conscience, c’est la réduire à d’autres
phénomènes, et donc en nier l’existence. Dennett ou Fodor pensent que le
naturalisme élimine nécessairement la conscience. Je soutiens au contraire qu’il
n’y a pas à naturaliser la conscience, car elle est naturelle, et réelle, au même
titre que la digestion ou la photosynthèse. De ce point de vue, la philosophie
analytique et la philosophie souffrent du même préjugé dualiste post-cartésien.
Comme personne en Amérique ne veut être dualiste, on essaie d’éliminer la
conscience. J’essaie de n’être ni dualiste ni matérialiste.
Oeuvres de John Searle en français :
La construction de la réalité sociale, Gallimard, 1998
La redécouverte de l’esprit, Gallimard, 1992
Déconstruction, le langage dans tous ses états, L’Éclat, 1991
Pour réitérer les différences, réponse à Derrida, L’Éclat, 1991 L’intentionnalité,
Minuit, 1985
Du cerveau au savoir, Hermann, 1985
Sens et expression, Minuit, 1982
Les actes de langage, Hermann, 1972
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3 octobre 2007 3 03 /10 /octobre /2007 13:08

Alan Wilson Watts (6 janvier 191516 novembre 1973) est l'un des pères de la contre-culture en Amérique. Philosophe, écrivain, conférencier et expert en religion comparée, il est l'auteur de vingt-cinq livres et de nombreux articles traitant de sujets comme l'identité individuelle, la véritable nature des choses, la conscience et la recherche du bonheur. Dans ses ouvrages, il s'appuie sur la connaissance scientifique et sur l'enseignement des religions et des philosophies d'Orient et d'Occident (bouddhisme Zen, taoïsme, christianisme, hindouisme). Par ailleurs, il était intéressé par les nouvelles tendances apparaissant en Occident à son époque, et se fit l'apôtre d'un certain changement des mentalités quant à la société, la nature, les styles de vie et l'esthétique. Alan Watts était un autodidacte réputé et c'est son interprétation des philosophies asiatiques qui l'a rendu populaire.

A quelqu'un qui lui demanda pourquoi il était végétarien, Alan Watts répondit : « Parce que les vaches crient plus fort que les carottes. »

Bibliographie [modifier]

  • Le bouddhisme zen (Payot, 2002)
  • Eloge de l'insécurité (Payot)
  • Face à Dieu (Denoël/Gonthier, 1981)
  • Joyeuse cosmologie : Aventures dans la chimie de la conscience (Fayard, 1971)
  • L'esprit du Zen (Dangles, 1976)
  • Etre dieu (Denoël/Gonthier, 1977)
  • Le livre de la sagesse (Denoël/Gonthier, 1974)
  • Mémoires (Fayard, 1977)
  • Psychothérapie orientale et occidentale (Fayard, 1974)

Liens externes [modifier]

Voir aussi [modifier]

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2 octobre 2007 2 02 /10 /octobre /2007 23:05

citation de John Searle à propos du Journal of Consciousness Studies que j'ai laissée en anglais

"You guys have a marvelous magazine. You publish a lot of things that would not be published in routine philosophical and scientific journals, and that seems to me exactly right at our present state of the investigation of consciousness. We don't know how it works and we need to try all kinds of different ideas." … mais que je peux essayer de vous traduire

Il dit donc au gens du Journal of consciousness: « Vous faites un magazine merveilleux. Vous publiez beaucoup de choses qui ne seraient pas publiées dans des journaux philosophiques ou scientifiques plus classiques, et ça me semble exactement ce qu'il faut faire dans l'état actuel de nos connaissances sur la conscience. On ne sait pas comment ça marche et on a besoin d'essayer toutes sortes d'idées. »  

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