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Ecosia : Le Moteur De Recherch

22 janvier 2008 2 22 /01 /janvier /2008 16:47
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22 janvier 2008 2 22 /01 /janvier /2008 12:26

“Nietzsche et la philosophie”, de Deleuze

Alors que Blondel s’intéressait plus particulièrement à la notion de Christianisme, Deleuze aborde Nietzsche sous l’angle plus « classique » de la généalogie, de la déconstruction, des origines ; c’est l’abord classique de Foucault, Deleuze, Derrida.
A l’instar de Blondel, Deleuze
[1] a bien compris que le projet nietzschéen était tout sauf nihiliste ; il s’agit en effet, non pas de nier le sens, mais de le créer, de le recréer. « Le projet le plus général de Nietzsche consiste en ceci : introduire en philosophie les concepts de sens et de valeur. » Rien de moins nihiliste que cela.
Pour créer les valeurs et le sens, Nietzsche fait appel à la démarche généalogique, c’est-à-dire remonter aux sources historiques de ce que l’on croit éternel et ainsi montrer l’historicité, la relativité d’une idée ou d’une croyance. C’est ce que Deleuze suggère dans un chiasme bienvenu : « Généalogie veut dire à la fois valeur de l’origine et origine des valeurs. »
 
Mais rappelons-nous ce que nous avions décelé dans la lecture de Blondel : la volonté de puissance est jeu de différentiel, manifestation de force à l’égard du monde ; comment penser le sens dans le cadre même de la force, de la volonté de puissance ? (peut-être Derrida aurait-il pu faire un jeu de mots comme volonté de pui-sens) Chez Deleuze, le sens est précisément cela même dont s’empare la force ; la force exprime le sens en s’en emparant. « Tous les sens ne se valent pas. Une chose a autant de sens qu’il y a de forces capables de s’en emparer. » Deleuze affirme lui aussi que la volonté désire affirmer sa puissance, sa force, et le sens naît de cette volonté d’affirmation ; seulement, poursuit-il, en affirmant sa force, elle se prend dans le réseau différentiel, et loin de chercher la « réconciliation » hégélienne, elle culmine en l’affirmation de sa différence
[2]. La volonté de puissance est donc, d’emblée, chez Deleuze, marquée du sceau de l’anti-hégélianisme.
 
D’où provient le sens dans ces conditions ? Nous l’avons vu, d’une force, capable d’interpréter la chose. La volonté de puissance est interprétation. Mais comment exprimer cette interprétation, comment dire le sens ? Dire le sens, n’est-ce pas nécessairement utiliser des catégories grammaticales, elles-mêmes figées, pleines de relents métaphysiques nauséabonds ? Nietzsche est contraint d’inventer ou d’utiliser une autre forme que celle du texte construit, soumis aux catégories métaphysiques de la grammaire : ce sera l’aphorisme. « Seul l’aphorisme est capable de dire le sens, l’aphorisme est l’interprétation et l’art d’évaluer : il dit les valeurs. »

Deleuze propose pour clore le premier chapitre une des fulgurances dont il a le secret, autour du tragique. Le tragique est lié à Dionysos comme jouissance du multiple, de la différence ; le jeu différentiel, le jeu de l’irréductible pluralité c’est cela même le tragique. Le tragique survient comme la contingence du multiple, de laquelle naît la nécessité. Le monde est un nombre infini de dés, dont le résultat est la sommation nécessaire de chacun d’entre eux. « Les dés qu’on lance une fois sont l’affirmation du hasard, la combinaison qu’ils forment en tombant est l’affirmation de la nécessité. La nécessité s’affirme du hasard, au sens exact où l’être s’affirme du devenir et l’un du multiple. » Ce jeu différentiel contingent produit la nécessité comme le devenir produit l’Etre. Si bien que la tragique comme affirmation du hasard est affirmation de la nécessité, car toute affirmation est prise dans le devenir donc dans l’Etre.

Disons-le tout de suite, la fulgurance deleuzienne est plus fulgurante (si je puis dire) que juste ; il y a là un pseudo-raisonnement par association, qui joue sur des concepts opposés, afin de les faire correspondre, d’une manière tout hégélienne. De surcroît, il y a un présupposé ininterrogé de la conclusion : l’Etre est nécessité. Or, rien n’est moins sûr. L’Etre comme nécessité, c’est une reprise métaphysique, dont Deleuze est somme toute coutumier. Bref, j’ai tendance à me méfier des coups d’éclat deleuziens qui ne convainquent que les inconditionnels du vieux Deleuze.
 
Le deuxième chapitre aborde un couple conceptuel au cœur de l’interprétation deleuzienne de Nietzsche : l’actif et le réactif. Deleuze propose une lecture très personnelle de ce couple : « Tout rapport de forces constitue un corps. » et « Dans un corps, les forces supérieures ou dominantes sont dites actives, les forces inférieures ou dominées sont dites réactives. » C’est typiquement là le Deleuze que je n’aime pas. Qu’est-ce qu’un corps dans ce contexte ? Evidemment pas le corps physiologique puisqu’il s’agit d’un rapport de forces, donc d’une dualité, et le corps n’est pas duel ; Deleuze emploie ici le corps au sens mathématique du terme ; c’est un ensemble défini par deux lois de composition interne. Ces pseudo-mathématiques souvent utilisées par Deleuze (et Baudrillard) sont absolument ridicules et ne cherchent qu’à asseoir un vocabulaire flottant et somme toute pédant.
Les forces supérieures du corps, on l’aura compris, ce sont les forces de la volonté ; inversement, les forces réactives, ce sont celles de la conscience ; la conscience est réaction du moi qui cherche à affirmer son unité face à la pluralité, face au jeu différentiel du monde. Volonté et conscience forment donc un corps, au sens mathématique, tout en ayant des déterminations physiologiques ; il y a là, très certainement, un jeu de mots sur le sens du « corps », dont Deleuze aurait pu faire l’économie.
Comment mesurer les forces ? Deleuze avance deux critères : qualitatifs et quantitatifs. Très curieusement, Deleuze voit chez Nietzsche un primat de la quantité sur la qualité, un passage de la qualité à la quantité, sans même s’apercevoir qu’il s’agit là, encore une fois, d’une démarche teintée d’hégélianisme. La quantité succède à la qualité, et s’oppose à l’identité comme la pluralité à l’unité. Quelle que soit la chose, elle est pourvue d’une qualité ; c’est sa première détermination, et cela c’est du Hegel. En revanche, la quantité de force est seconde, et la volonté de puissance est cela même à partir de quoi se différencient qualitativement une première fois les choses, puis quantitativement, puis à nouveau qualitativement ; différence et répétition… Nous avons donc là une volonté de puissance comme origine de la différence et de la répétition, une volonté de puissance qui n’est pas activité, qui n’est pas force, mais qui est origine ; elle est ce à partir de quoi la chose prend son sens, par le jeu différentiel.
 
Le chapitre se clôt, très curieusement, sur une dialectique de la négation de la négation, sur une négation de la réaction qui engendre l’activité, la force active. Comment Deleuze peut-il attribuer autant d’hégélianisme à Nietzsche tout en refusant radicalement le hégélianisme de Nietzsche ? La réponse est simple : parce que Deleuze a toujours davantage recherché la fulgurance et la formule que la rigueur conceptuelle.
 
Le troisième chapitre se présente comme une mise en pratique de la démarche généalogique. Peut-il y avoir une science non réactive ? Oui, ce sera la science des « symptômes ». Au lieu d’étudier le phénomène pour lui-même, on s’intéressera à lui en tant que symptôme, en tant que porteur d’un sens qu’il s’agit de décrypter. On en établira sa typologie (qualité) et sa généalogie (noblesse / bassesse) La volonté de puissance n’est donc pas ce qui désire, elle est ce qui donne du sens, elle est ce qui octroie sa propre volonté à la chose. Le problème de Kant est qu’il « a conçu la critique comme une force qui devait porter sur toutes les prétentions à la connaissance et à la vérité, mais non pas sur la connaissance elle – même, non pas sur la vérité elle même. » Kant en est resté aux conditions par lesquelles on formait une représentation, par lesquelles on connaissait justement, mais il n’a pas exercé la critique à l’égard de la vérité elle-même ; il ne s’est pas demandé à quelle condition de possibilité on pouvait parler de vérité.
Alors que la vie est exercice de la volonté de puissance, la connaissance est réactive ; elle est recherche de l’unité au mépris de la complexité différentielle du réel. La tâche de la pensée ne doit plus être de former des connaissances, mais bien plutôt d’inventer de nouvelles possibilités de vie. « La vie faisant de la pensée quelque chose d’actif, la pensée faisant de la vie quelque chose d’affirmatif. » tel est le projet nietzschéen.
Quelles sont les conséquences d’une telle association de la vie et de la pensée ? Tout simplement que la pensée n’a plus pour tâche de fonder le vrai, le vrai n’est plus l’élément de la pensée ; désormais, le sens et la valeur sont les objets de la pensée.
 
Moralement, les forces réactives désignent une attitude très précise : le ressentiment. Consciemment, la réaction est ressentiment ; inconsciemment, elle est préservation de traces mnésiques. L’homme du ressentiment vit au passif, et au passé. Il a besoin de la méchanceté des autres pour se sentir bon ; plus les autres sont méchants, plus il se sent pur ; plus autrui est indigne, laid, plus il se croit porteur d’une valeur morale. Il forme le sophisme suivant ; tu es méchant, donc je suis bon. En somme, le positif n’existe que comme négation. (je ne voudrais pas insister lourdement, mais ça c’est encore du Hegel)
D’où proviennent le bien et le mal ? Ce sont des valeurs créées, naturellement historiques, et absolument pas absolues ; elles résultent d’une suspension de l’action ; en se retenant d’agir, on transforme le bon et le mauvais en bien et en mal. Ce qui était physiologique devient moral. « Cessant d’être agies, les forces réactives projettent l’image renversée » Et cela, c’est le prêtre judaïque qui l’a fait en premier. La force active suspendue se retourne contre soi et devient douleur, douleur intense, douleur accusatoire. Et « on fait de la douleur la conséquence d’un péché, d’une faute. » La douleur est punition volontaire, intériorisée, « la douleur ne paie plus que les intérêts de la dette ; la douleur est intériorisée, la responsabilité est devenue responsabilité culpabilité. »
L’idéal qui exprime le triomphe des idées réactives, du ressentiment, c’est l’idéal ascétique. Et le moteur de ces forces, c’est le nihilisme.
 
Le dernier chapitre est consacré à la polémique contre Hegel ; le surhomme est contre la dialectique hégélienne ; disons le tout de suite, je ne suis pas convaincu par cette interprétation. Nietzsche serait contre l’immanence des valeurs, l’homme de la réaction serait l’homme hégélien, en creux ; « il ne connaît plus de valeurs supérieures à la vie, mais seulement une vie réactive qui se contente de soi, qui prétend sécréter ses propres valeurs. » Et cela ce serait l’homme hégélien.
La mauvaise conscience est réinterprétation de la conscience malheureuse de la Phénoménologie de l’esprit. La dialectique, ce sont « les forces réactives qui s’expriment dans l’opposition, c’est la volonté de néant qui s’exprime dans le travail du négatif. » Il y a là une magnifique mauvaise foi de la part de Deleuze ; le négatif est le moteur dialectique, en aucun cas son issue ; Deleuze feint de croire que le négatif est cela même sur quoi débouche la dialectique alors qu’elle n’est que le moyen par lequel s’accomplit l’absolu. C’est d’autant plus erroné que Nietzsche ne cesse de procéder par négatif, aussi bien dans la vie active que réactive ; l’homme du ressentiment est bon par négation du méchant, mais inversement, l’homme de l’action, celui qui exerce sa volonté de puissance est pris dans un jeu différentiel qui suppose précisément, dans le cadre de son accomplissement, qu’il soit en mesure de nier tout en dépassant (aufheben) le monde en sa différence. Le par-delà bien et mal que désire Nietzsche n’est pas si éloigné que le pense Deleuze de l’absolu hégélien, de la réconciliation hégélienne qui cherche, elle aussi, à ne plus être soumise à des couples d’opposition binaire. La manière par laquelle Deleuze interprète le travail du négatif comme nihilisme est pour cette raison inacceptable : elle serait juste si le négatif était le terme de la dialectique, mais ce n’est pas le cas.
 
En conclusion, outre cet anti-hégélianisme très primaire de Deleuze, fondé sur un refus de l’activité positive du négatif, et sur une mésinterprétation profonde de Hegel, Nietzsche et la philosophie demeure un ouvrage de référence, notamment en raison du couple interprétatif réactif / actif,  et de la volonté de puissance comme source du sens. « Que le multiple, le devenir, le hasard soient objet d’affirmation pure, tel est le sens de la philosophie de Nietzsche. »
 


 


 

 

[1] Gilles Deleuze, Nietzsche et la philosophie, PUF, 1962

[2] N’oublions jamais que le maître-ouvrage de Deleuze sera Différence et répétition

 


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22 janvier 2008 2 22 /01 /janvier /2008 11:44

Les philosophies de Nietzsche et Deleuze ont en commun que la pensée, comme la vie qu’elle recèle, n’est que mouvements. Mouvements rapides et hétérogènes parcourant les surfaces, comprenant l’être lui-même comme surface à traverser. Mouvements et surface organisent un jeu, celui de la pensée. Ce jeu, que Deleuze appellera « le jeu idéal », est à comparer par ses spécificités aux sports. Mais si la pensée, par son mouvement intempestif, saute toutes les limites, le sport ne peut trouver sa validation que par la limite même. Le sport paraît alors être une pensée sédentarisée face à la déterritorialisation de toutes pensées, de celles qui réalisent l’être en dehors d’un temps, d’un sens, d’une mémoire ou d’une histoire.

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22 janvier 2008 2 22 /01 /janvier /2008 10:52
Livres
«Penser la notion d'événement»
Entretien avec François Dosse, l'auteur de la «Biographie croisée».
Par Eric AESCHIMANN
QUOTIDIEN : jeudi 20 septembre 2007
     
3 réactions  
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Dans quelle mesure le fait que Deleuze et Guattari aient écrit à deux a-t-il été déterminant pour leur pensée ? Il y a d'autres cas semblables, comme Marx et Engels, mais la particularité de Deleuze-Guattari vient de ce que leur association a permis de lier l'élaboration des concepts et la vérification de leur efficacité dans la pratique sociale. En général, les gens qui travaillent ensemble sont du même univers. Or, Deleuze et Guattari appartenaient à deux filiations qui n'étaient pas destinées à se rencontrer. Leur «connexion» illustre à merveille l'un de leurs concepts centraux: le monde comme prolifération de flux et la nécessité de «couper» les flux par la rencontre avec d'autres flux ­ ici, la coupure de flux, ce fut 68. Gilles Deleuze venait de l'univers classique de la philosophie universitaire, Félix Guattari avait été formé par la psychiatrie, la psychanalyse et le militantisme politique. Son rôle est crucial et ceux qui tentent de «déguattariser» Deleuze commettent un contre-sens absolu: si Deleuze a tenu la plume, Guattari était présent tout au long du processus d'écriture, par les textes à l'état brut que Deleuze lui demandait d'écrire chaque jour et de lui envoyer aussitôt, sans les relire ou dans les longues séances de mise au point particulièrement joyeuses et exigeantes. Leurs livres sont loin du spontanéisme qu'on leur prêtait. Ils respectaient une distance, se vouvoyaient et ne s'interrompaient pas, chacun devait écouter l'autre, cherchait à être convaincu par la rationalité de l'autre.
Le fil sous-jacent de votre récit, c'est Mai 68. Contrairement à la thèse de Ferry et Renault, la «pensée 68» ne se trouve ni chez Lacan, ni chez Foucault, ni chez Althusser, mais chez eux ? 
Il y a eu une erreur d'interprétation sur 68. Quel courant de pensée dominait à l'époque? Le structuralisme. Par facilité, on a assimilé les deux. Il est vrai que, dans un premier temps, 68 a assuré le succès et la diffusion dans l'université des grandes figures du structuralisme des années 60 : Lévi-Strauss, Lacan, l'école des Annales, la sémiologie de Roland Barthes. Mais 68 fut tout autre chose: un événement qui a ébranlé les structures institutionnelles. Deleuze et Guattari expriment et incarnent la pensée 68 parce que l'un et l'autre cherchent à penser la notion d'«événement». Chacun y est venu par son propre chemin. Guattari porte l'expérience du militantisme de l'immédiat après-guerre, du trotskisme, de la lutte contre la guerre d'Algérie, des nouvelles pratiques psychiatriques des années 50, en particulier la psychothérapie institutionnelle, qui consiste à faire mieux fonctionner l'institution en évitant toute forme de bureaucratisation et donc en instillant en son sein une sorte de révolution permanente, un réformisme radical. Ce bouillonnement, qui établit un lien entre le politique et le désir, a été un puissant facteur de préparation à 68.
Et Deleuze ? Etait-il lui aussi programmé pour être le penseur de l'«événement»? 
Sa grande référence littéraire était le poète Joe Bousquet, blessé en 1918 et qui a passé sa vie dans une chambre en théorisant l'idée que l'événement attend chacun de nous et que l'important est d'en être digne. Dès ses premiers travaux, sur Spinoza, Bergson ou Nietzsche - dont il a activement contribué à montrer qu'il n'était pas le réactionnaire que certains disaient - Deleuze s'est distingué par une philosophie de la vie, une philosophie essentiellement vitaliste. Pour Deleuze, le désir est d'emblée la puissance d'être, le «conatus» de Spinoza, le sujet comme volonté. Sa philosophie cherche à se donner de l'air, à se saisir du corps. Or, justement, après deux décennies à écrire sur les grands philosophes, lorsqu'il rencontre Guattari en 1969, Deleuze sort d'une grave opération au cours de laquelle on lui a enlevé un poumon. Son corps lui fait faux bond, il a besoin d'air au sens propre et l'on peut dire qu'il en trouvera avec Guattari.
L'un et l'autre étaient adolescents pendant la guerre. Cela a-t-il joué ? 
Ce qui m'est apparu au cours de l'enquête, c'est que l'événement 68 rejoue un autre événement, qu'ils ont connu l'un et l'autre sans pouvoir en être les acteurs: la deuxième guerre mondiale. Félix Guattari avait 15 ans en 1945. Gilles Deleuze, lui, était en Terminale dans la classe de Guy Môquet et il aurait pu s'engager contre l'Occupant. Comme la plupart des lycéens de son âge, il ne l'a pas fait, mais son frère aîné, saint-cyrien, est mort dans la Résistance. Gilles Deleuze a beaucoup souffert de vivre à l'ombre du héros. D'où cette idée qu'il faut être digne de l'événement. Ils ont aussi vécu l'effervescence de la Libération, en particulier l'engouement pour Sartre, qu'ils n'ont jamais renié, contrairement à Foucault. C'est une génération formée par la guerre, mais qui a différé son mode d'expression.
«Philosopher, c'est inventer des concepts»: la définition s'accorde mal avec la méfiance actuelle envers l'abstraction. 
C'est un point central, qui ne va pas sans difficulté pour le lecteur. Pour eux, philosopher, c'est changer la langue, développer des mots appropriés à une pensée singulière. Cette volonté d'inventer des concepts, on en trouve la trace dès les premiers travaux de Deleuze. Le concept doit servir à penser contre son époque, il doit être intempestif, inactuel, en rupture avec la doxa. Par exemple, la «machine désirante» ­ concept que, du reste, ils abandonneront par la suite ­ était une arme de guerre contre le complexe d'OEdipe que la psychanalyse prétend déterrer derrière chaque trouble mental. Sur ce point aussi, on retrouve l'imprégnation des années 60, dont le goût pour l'interdisciplinarité, les frottements, les remises en cause favorisait la production de concepts. Mais si Deleuze était en phase avec l'ouverture de la philosophie aux sciences sociales, à la littérature et à l'art, il a toujours affirmé qu'il était surtout un pur «métaphysicien».
Réseau, rhizome, micropolitique, flux, déterritorialisation, nomadisme... Les concepts frappent par leur expressivité, mais aussi leur prescience du monde contemporain. Quelle est leur destinée aujourd'hui? 
On connaît la prédiction de Foucault, en 1969: «Le siècle sera peut-être deleuzien.» Les oeuvres de Deleuze et Guattari sont lues, relues, revisitées, labourées en tous sens. Un ouvrage comme Mille Plateaux est une boîte à outils incroyable pour de nombreuses disciplines un peu partout dans le monde: en art, en architecture, en économie, en géographie; aux Etats-Unis, au Japon, en Amérique du sud. Les concepts qui sont développés - espaces lisses/ espaces striés, révolution moléculaire/molaire, rhizome/arbres, déterritorialisation/reterritorialisation - sont des instruments fondamentaux pour comprendre la double évolution en cours vers la mondialité et le repli identitaire - avec des risques des deux côtés. Ils peuvent aider à imaginer des lignes de fuite, des points de créativité, des agencements qui, sans tourner le dos à la technique, ouvrent la voie à de nouvelles modalités de subjectivation, d'individuation et de ré-humanisation de la nature.

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21 janvier 2008 1 21 /01 /janvier /2008 09:28
Association L214
L214 sur France Inter ce lundi 21 janvier

lapins en cage

Brigitte Gothière sera sur le plateau de Service Public sur France Inter ce lundi 21 janvier de 10h à 11h. Cette émission, animée par Isabelle Giordano, abordera la question de l'éthique dans la consommation des produits animaux.
Témoignage, questions, réactions... par téléphone au 01 45 24 7000.
Vous pourrez également laisser des commentaires ou ré-écouter sur le site de l'émission.
Rencontre avec les producteurs de viande de lapin
La SPA et L214 ont programmé une campagne pour faire connaître les conditions d'élevage des lapins destinés à la consommation. Alertés par les grandes surfaces, les représentants des producteurs de viande de lapin ont souhaité rencontrer les deux associations. La profession a confirmé lors de cet entretien qu'aucune alternative à l'élevage de batterie n'était envisagée dans le futur ; la filière persiste à voir l'avenir en cage ! Nous mènerons donc cette campagne comme prévu.
En savoir plus

Apprendre à tuer

Nouveauté sur la boutique de L214
Apprendre à tuer est un film de Pablo Knudsen sur les écoles taurines françaises.
Tourné durant les étés 2006 et 2007 dans le sud de la France, ce court-métrage suffit à témoigner d'un spectacle d'horreur auquel assistent librement des enfants de tous âges. De jeunes adolescents sont initiés à la pratique tauromachique dans les écoles taurines, pour la plupart subventionnées par des fonds publics. Ils se font la main sur des taurillons.

Pour commander ce DVD, rendez-vous sur la boutique de L214.

L'équipe de L214
contact@L214.com - www.L214.com

Si vous souhaitez vous désinscrire à la lettre d'information L214/Stop Gavage, signalez-le simplement à contact@L214.com

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20 janvier 2008 7 20 /01 /janvier /2008 19:15
Je pense aussi que ce déluge de décès et de naissances simultanées au niveau planétaire,
oblige a relativiser l'importance que nous nous donnons,que je me
donne éventuellement , car je suis conscient que nous ne pouvons pas
grand chose face à la bétise et à l'aveuglement humain .L'obscurantisme
est toujours là avec son cortège de sectes ,de religions ,de
superstitions en tout genre ,les guerres stupides et fratricides aussi ,
nous sommes en 2008 et l'ètre humain est aussi
sauvage,ignorant,superstitieux,intolérant qu' aux ages les plus sombres
du moyen-age,voir de la préhistoire . Les armes ont changé ,les pensées
un peu aussi (mais si peu !) , mais la bète est restée la
mème ,veule,bornée,archaique ,ridicule,obscure et méchante .
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20 janvier 2008 7 20 /01 /janvier /2008 00:18
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19 janvier 2008 6 19 /01 /janvier /2008 19:54
Videos , veuillez cliquer sur la photographie - Merci .

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17 janvier 2008 4 17 /01 /janvier /2008 17:44

Qui arrêtera Sarkozy dans la démagogie à l’égard des religions ?

Après avoir vanté le mois dernier devant des dignitaires de l'Eglise catholique les "racines chrétiennes de la France", Nicolas Sarkozy a une nouvelle fois exalté lundi 14 janvier l'héritage "civilisateur" des religions, cette fois en Arabie saoudite devant des dignitaires du très rigoriste régime saoudien, à chaque fois dans des termes inédits pour le chef d'un Etat laïque.

A Rome, en insistant sur les "racines chrétiennes de la France", il s’est permis d’affirmer qu’il défendait une laïcité dite "positive", c'est-à-dire "qui, tout en veillant à la liberté de penser, à celle de croire et de ne pas croire, ne considère pas les religions comme un danger, mais un atout". Il a critiqué une laïcité "épuisée" et menacée par "le fanatisme", allant jusqu'à juger de l'intérêt de la République d'avoir "beaucoup d'hommes et de femmes" qui "croient" et qui "espèrent".

Le 14 janvier, il s’est encore plus engagé lors de son séjour en Arabie saoudite, devant les 150 membres du Conseil consultatif (Majlis ach-Choura) du royaume. A côté de propos convenus dénonçant l'intégrisme, "négation de l'Islam" et réaffirmant sa volonté d'éviter "le choc des civilisations" , il a tenu des propos en totale contradiction avec la réserve qui doit être celle du chef d’un Etat laïc, en rappelant ce qu’il prétend être les "racines religieuses" du monde.

"Dans le fond de chaque civilisation, il y a quelque chose de religieux", a-t-il assuré, estimant que "c'est peut-être dans le religieux que ce qu'il y a d'universel dans les civilisations est le plus fort". Tel un prédicateur devant une méga-church américaine, il a évoqué "Dieu qui n'asservit pas l'homme mais qui le libère", "Dieu transcendant qui est dans la pensée et dans le coeur de chaque homme" ou encore "Dieu qui est le rempart contre l'orgueil démesuré et la folie des hommes", pour regretter que son message ait "souvent été dénaturé".

Nous ne comprenons pas que les défenseurs de la laïcité, que ce soit dans l’opposition ou dans la majorité, ne relèvent pas vertement ces propos. Une interpellation à l’Assemblée Nationale serait le minimum, face aux débordements d’un président emporté par la haute idée qu’il se fait de lui et qui manifestement abuse gravement de ses pouvoirs.

Nous aimerions par ailleurs savoir comment les représentants de mouvements religieux islamistes particulièrement agressifs prendront de telles déclarations. Comme un encouragement à poursuivre la conversion des Européens à leurs valeurs ? 16/01/08

 

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16 janvier 2008 3 16 /01 /janvier /2008 18:11
mardi 15 janvier 2008 - par Claire Mercier
Avis aux fumeurs
Bureau de tabac
par Fernando Pessoa

" Imaginons que dans les années 1910-1920 Valéry, Cocteau, Cendrars, Apollinaire et Larbaud aient été un seul et même homme, caché sous plusieurs « masques » : on aura une idée de l'aventure vécue à la même époque au Portugal par celui qui a écrit à lui tout seul les œuvres d'au moins cinq « écrivains de génie. »
" En 1968, seulement, on commence l'inventaire de la malle où il entreposait ses écrits. On découvre plus de 27 000 manuscrits signés par soixante-douze auteurs différents. Par le jeu de ses hétéronymes, mystérieux doubles littéraires, Pessoa entendait être toute la littérature portugaise à lui seul. »

Bureau de Tabac

Recueil de poésie
Editions Caractères
Langue d'origine : portugais,
Traduit par Armand Guibert 2000,
Première édition : 1955

Extrait

« Je ne suis rien
Jamais je ne serai rien.
Je ne puis vouloir être rien.
Cela dit, je porte en moi tous les rêves du monde.

Fenêtres de ma chambre,
de ma chambre dans la fourmilière humaine unité ignorée (et si l'on savait ce qu'elle est, que saurait-on de plus ?),
vous donnez sur le mystère d'une rue au va-et-vient continuel,
sur une rue inaccessible à toutes les pensées,
réelle, impossiblement réelle, précise, inconnaissablement précise,
avec le mystère des choses enfoui sous les pierres et les êtres,
avec la mort qui parsème les murs de moisissure et de cheveux blancs les humains,
avec le destin qui conduit la guimbarde de tout sur la route de rien.

Je suis aujourd'hui vaincu, comme si je connaissais la vérité;
lucide aujourd'hui, comme si j "étais à l'article de la mort,
n'ayant plus d'autre fraternité avec les choses
que celle d'un adieu, cette maison et ce côté de la rue
se muant en une file de wagons, avec un départ au sifflet venu du fond de ma tête,
un ébranlement de mes nerfs et un grincement de mes os qui démarrent.

Je suis aujourd'hui perplexe. comme qui a réfléchi, trouvé, puis oublié.
Je suis aujourd'hui partagé entre la loyauté que je dois
au Bureau de Tabac d'en face, en tant que chose extérieurement réelle
et la sensation que tout est songe, en tant que chose réelle vue du dedans.

J'ai tout raté.
Comme j'étais sans ambition, peut-être ce tout n'était-il rien.
Les bons principes qu'on m'a inculqués,
je les ai fuis par la fenêtre de la cour.
Je m'en fus aux champs avec de grands desseins,
mais là je n'ai trouvé qu'herbes et arbres,
et les gens, s'il y en avait, étaient pareils à tout le monde.
Je quitte la fenêtre, je m'assieds sur une chaise. A quoi penser ? … »


La première traduction française de ce livre, par Armand Guibert, fut publiée par Bruno Durocher en 1955. Le recueil réédité en 2000 reste un ouvrage de référence.

Une édition bilingue de l'ouvrage est parue chez Unes, augmentée d'une préface de Adolfo Casais Monteiro et d'une postface de Pierre Hourcade.

Sites pour découvrir Fernando Pessoa 

Club des poètes

Bibliographie

Publications sur Pessoa et le Portugal

Association Française des Amis de Fernando Pessoa


 
lundi 31 décembre 2007 - par Claire Mercier
Naissance
Le blog de L'Originel
Meilleurs Voeux pour 2008

Pour saluer le Nouvel An, les Editions L'Originel ouvrent un Blog sur My Space à l'adresse suivante Le blog de L'Originel C'est toujours une aventure éditoriale phare de la Tradition, une réflexion large, puisée à la source première des différentes cultures d'Orient et d'Occident, la volonté de faire redécouvrir des idées intemporelles, d'autres philosophies et approches de l'existence, au-delà des grandes religions...

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