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Ecosia : Le Moteur De Recherch

21 février 2008 4 21 /02 /février /2008 12:45
 


Dans les profondeurs de l'océan... surgit un énorme requin

 

Impressionnant et beau !

 
 
 
 
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19 février 2008 2 19 /02 /février /2008 20:03

undefinedL’être humain, envisagé ici comme une des espèces vivantes, est confronté au risque le plus grave depuis son apparition sur la terre, celui de disparaître, victime de lui-même. Est-ce forcer le trait que d’énoncer une telle menace, radicale, irréversible si elle advenait ? Notre conviction est que le danger est réel, qu’il appelle à des efforts pour nous tous, à des révisions déchirantes pour certains appelés prédateurs. Nous ne pouvons pas les laisser nous mener à notre perte. Il revient à chacun de nous de participer à l’œuvre collective dont le monde a besoin.

Par quoi commencer ?

Face au désastre annoncé, il faut pouvoir identifier les dysfonctionnements, leurs auteurs et les moyens d’y remédier. Les malfaisants paraissent innombrables et les dérèglements protéiformes. Lorsque l’on se prend à réfléchir, la pelote dont on tire le fil apparaît si serrée que la tentation est forte de plonger la tête dans le sable du découragement devant tant de malheurs. Il faut bien commencer quelque part cependant. Commencer quoi ? Réformer un système si pernicieux qu’il prépare le malheur de tous en prétendant faire le bonheur de chacun ? Cela va du tarissement des ressources en énergies fossiles au voisin qui se refuse au tri sélectif, de la défiance à l’égard des institutions à la « démission des parents », de la difficulté pour son enfant à trouver un emploi à la toute-puissance de la finance internationale.

L’importance de l’éducation

Doter chacun des éléments d’appréciation de sa situation passe par l’éducation. L’éducation au sens de l’instruction et de la transmission est le seul moyen de former des citoyens debout. Ne pas savoir de quoi on souffre n’a jamais empêché personne de souffrir. Pouvoir mettre des mots sur ses maux est un pas décisif.

À partir de là des constructions sont possibles, nées de l’échange, du partage. Un être humain naît du désir qui l’a fait venir au monde, désir de ses parents d’abord, de tous ceux qui vont l’accompagner dans son chemin de vie ensuite. C’est dire que la refondation de la société, car c’est bien de cela qu’il s’agit, passe par le désir de l’autre. C’est autre chose que la course aux biens de consommation. C’est le début de la pensée en ce qu’elle reconnaît l’autre comme indispensable à la construction de soi. Permettre au désir de s’exprimer suppose de laisser ouvert le champ du manque. L’être humain n’aura de cesse de combler ce manque mais en sachant que ce qui lui permet de courir c’est la garantie qu’il n’y parviendra pas.

Nous avons épuisé les ressources de la planète ou peu s’en faut en entretenant, en nous laissant entretenir de l’illusion que nous pouvions échapper au manque. Au bout du compte, nous n’avons qu’inquiétude et ressentiment. Le ressentiment atteint en particulier les institutions. Le constat en est fait presque quotidiennement. Quelles conclusions en tirons-nous ? Abîmés dans la déploration nous laissons la maison brûler. Le champ politique est dévasté. Plus personne ne croit à rien, sauf les sectes qui n’ont pas tardé à voir là un terrain propice à leurs imprécations apocalyptiques et dangereuses. L’exploitation du malaise de la civilisation leur rapporte de substantiels profits et une influence qu’il serait imprudent de sous-estimer.

Silence et souffrance

Quand évoque-t-on la souffrance psychique que tout cela occasionne ? Si possible jamais. Et si on accepte d’en parler, lorsqu’elle est trop manifeste, c’est pour lui apporter des réponses savamment calculées. Elles ont pour but de contenir la souffrance et de remettre d’équerre les sujets fragiles affolés et réduits à l’impuissance, hors d’état de trouver une juste place dans cette société elle-même affolée. Souffrir et le dire revient à poser une question. Poser une question revient à mettre en cause le système qui produit de la souffrance. On trouvera bien un médicament, une thérapie, capable de réduire la souffrance au silence. Un sujet souffrant est traité comme un sujet déviant. Nous ne saurions ici nier qu’il existe des déviants, des délinquants, des bandits. Ce que nous voulons dire c’est que de ceux qui en ont la charge et la compétence, on doit attendre qu’ils reconnaissent la souffrance. Aider le sujet à penser sa souffrance est le seul espoir pour lui de parvenir à la surmonter, à faire avec, à en faire quelque chose. Quelque chose d’autre que les symptômes qu’il inflige à lui-même et à la société.

Le mal est double

Le mal est si profond qu’il ne peut être réparé par des individus seuls qui, par hypothèse, seraient détenteurs d’une solution miraculeuse. Le mal est double. Il est d’abord le fait de ceux qui présentent des symptômes, authentiquement à traiter. Et puis il atteint aussi tous les autres, conscients que cela va mal mais qui ne voient pas comment en sortir. Leur souffrance s’exprime sous la forme de la peur, diffuse, exagérée parfois, justifiée souvent. Peur de quoi ? Pour le savoir, nous avons besoin de pouvoir penser. Enfermer la peur dans des murs si hauts soient-ils n’est pas la solution. À la peur succédera la peur de la peur ainsi contenue.

Comment penser la situation ?

Résister suppose d’avoir les moyens de penser la situation, on y revient. Car il s’agit bien de penser. Avec quoi penser ? Où peut commencer la réflexion ? À quel niveau de l’échelle de notre quotidien, semblable et divers ? Tout semble échapper, tout échappe. Est-ce que l’on peut penser lorsque la surabondance nous envahit en même temps que la misère ? L’une et l’autre ont un effet de sidération sur la pensée. Il est insupportable d’évoquer la difficulté de certains à se nourrir quand en faisant son marché on voit des rayons surchargés de produits dont la diversité ne s’explique pas en termes de nécessité. Du moins sans nécessité pour les consommateurs. Qui a besoin d’une telle variété sinon le fabricant qui vous fait croire à votre envie des produits qu’il conçoit à partir d’études sur des groupes tests qui lui serviront à détecter un segment non encore investi de votre appétence. Laquelle est en réalité confisquée car on vous inculque l’envie en même temps qu’on vous les propose.

Autrement dit, il n’y a pas d’espace, pas de manque. Or le manque fait partie de la nature humaine, il est précieux. Le désir naît de l’impossibilité à être satisfait. Faire croire à sa satisfaction réduit les êtres humains à la souffrance. Investir le manque pour en faire le champ infini de manipulation du désir propre à chaque être humain est le moteur de la société de consommation. La spirale du toujours plus est ainsi enclenchée. Les ressources de la planète terre sont englouties dans cette course effrénée.

Et la volonté politique ?

Devons-nous nous préparer à une révolution ? Sans doute, mais si nous voulons qu’elle ne soit pas sanglante – dans les puits de misère que creuse notre société bourgeonnent les ferments de la révolte – nous devons agir en sorte qu’elle soit plutôt du type un plus un plus un. Le développement durable n’est pas autre chose.

En d’autres termes, nous ne devons pas craindre de nous attaquer à de grands problèmes en mettant en œuvre de petites initiatives, décisives par leur multiplication. Beaucoup ne demandent pas autre chose que du bon sens. À un moment cependant il faudra bien des coordinateurs pour donner forme à l’entreprise collective. Cela suppose une analyse fine de la situation présente. Une telle analyse ne peut procéder que d’une volonté politique au sens du gouvernement de la cité, volonté qui est celle de chacun, électeur en puissance dans les pays démocratiques, transmise et portée par élus et gouvernants. Que pensons-nous, là où nous nous trouvons, dans notre ville, notre métier, notre position sociale, dans nos difficultés, dans notre ressenti, de ce qui ne va pas et de ce qu’il faudrait faire pour que cela aille mieux ?

Notre propos n’est pas ici d’entrer en campagne mais d’apporter une modeste contribution de membre de la société humaine. Que notre pays, par sa taille et son âge, ne puisse prétendre qu’à un petit rôle, ne peut pas, ne doit pas le faire renoncer en remettant à d’autres et à plus tard le soin d’ouvrir le chantier. Sous l’effet de la prise de conscience, les lignes politiques bougent. Au moment où nous entrons dans une campagne électorale, tous les candidats se voient interpellés sur des questions universelles, faisant fi des clivages habituels. Faisons-leur crédit d’une bonne volonté à faire face aux défis de l’époque. Constatons aussi leurs difficultés à sortir des sentiers battus.

Les méfaits de la sur-consommation

Un élan généreux fait croire dans un premier temps que ceux qui n’ont pas accès à la surabondance sont à plaindre. Ils le sont en effet car beaucoup manquent de tout, du minimum vital. Une plus grande justice cependant ne consiste pas à les faire à leur tour entrer dans la société de consommation telle qu’elle est devenue. Un bon consommateur, comme le rêve les as du "marketing" et des profits himalayens, est un consommateur malheureux, car jamais il ne peut être satisfait. Il a beau accumuler, incapable de prendre du recul sur sa situation, il ne parvient pas à l’impossible satisfaction de ses désirs. Au nom du progrès, basé sur différents paramètres incontestables de confort, de facilité, de bonheur même, le consommateur ne va pas cesser de convoiter tel nouveau produit, ou équipement, ou distraction, fatalement suivi d’autres envies. Il en résulte des dysfonctionnements auxquels le système va essayer d’apporter des réponses qui ne font que l’alimenter. Le surendettement, l’obésité, la délinquance, autant de symptômes dont les remèdes relèvent de la même démarche que ce qui les a provoqués.

Appel à la responsabilité de chacun

L’écologie, considérée comme l’étude des conditions d’existence et des comportements des êtres vivants en fonction de l’équilibre biologique et de la survie des espèces, gagne les esprits. Elle n’est plus l’apanage de doux illuminés rêvant du retour au char à bœufs et à la bougie. Elle apparaît comme un espoir d’arrêter la spirale infernale qui conduit l’humanité à sa perte. Les appels à la responsabilité de chacun se multiplient, provenant de tous les horizons politiques et sociaux.

Redonner toute sa légitimité au politique implique une autre façon d’aborder sa place et son rôle, de revenir à la lettre des institutions et des promesses qu’elles ne tiennent plus, qu’elles n’arrivent plus à tenir. Des myriades de pions ont envahi le champ institutionnel, simples rouages dotés des lambeaux d’un pouvoir qui ne s’exerce plus là où il devrait. Exercer le pouvoir c’est d’abord exercer une responsabilité. On ne le tient que par délégation dans une démocratie parlementaire comme la nôtre et celle de nombreux pays partenaires. Car nous ne sommes plus seuls. Le projet européen n’a de chance de survivre que s’il se dote d’une ambition politique. Il n’a d’avenir que s’il est politique au sens de ce qui a rapport avec la société organisée. Ensuite tous les choix partisans et programmatiques sont ouverts. Nous aimons tenir pour certain, pour non-négociable, notre choix de régimes démocratiques, plaçant au plus haut la république, la res publica, le rôle de l’État régulateur, vigile sourcilleux de l’intérêt général, de la paix sociale, de l’égalité des chances, de l’égalité de traitement, gardien susceptible lorsque les idéaux de liberté et de fraternité sont menacés.

Le panorama s’est-il éclairci après ce tour d’horizon ? Sans doute pas. La raison en est que même si chacun là où il est fait ce qu’il peut, il est assuré de réaliser que seul il ne peut rien. Car chacun d’entre nous, si conscient soit-il de la gravité de la situation, n’a pas toutes les réponses. Il peut cependant dire, je ne sais pas. Et ajouter aussitôt : mais je suis prêt à en discuter. Je ne sais pas ce qu’il faut faire, mais je sais que c’est ensemble que nous inventerons. Ainsi peut naître le débat fécond où chacun pourra proposer les solutions que, dans son petit bout de planète, il est parvenu à mettre sur pied, grâce auxquelles il a préservé de l’humanité et l’humanité. Combien de nos concitoyens, élus locaux, associations, responsables dans toutes sortes de secteurs, luttent et élaborent des réponses pertinentes et justes, de celles qui font naître un sourire sur le visage de celui auquel elles sont offertes. Le sourire du plaisir de constater avec soulagement qu’un dysfonctionnement n’est pas fatal, que la peur et la souffrance exprimées, traitées, sont devenues ce qu’elles peuvent être, le point de départ d’une nouvelle dynamique.

Geneviève Guicheney, reponsable du développement durable à France Télévisions
Geneviève Guicheney, reponsable du développement durable à France Télévisions

Les vœux que le calendrier m’a invitée à formuler seront pour un monde meilleur où chacun aura sa juste place. Je souhaite que nous ayons tous l’énergie, la volonté et le cœur à l’ouvrage, ouvrage collectif dont je suis convaincue qu’il est à notre portée. Ne tardons plus.

Geneviève Guicheney

La vie au prix de la pensée est paru dans l’éditorial de la revue Positions et Médias n° 36 (déc. 2006)


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19 février 2008 2 19 /02 /février /2008 12:07
Textes philosophiques
David Hume  le moi selon le phénoménisme

    "Il y a certains philosophes qui imaginent que nous avons à tout moment la conscience intime de ce que nous appelons notre moi ; que nous sentons son existence et sa continuité d'existence ; et que nous sommes certains, plus que par l'évidence d'une démonstration, de son identité et de sa simplicité parfaites. Pour ma part, quand je pénètre le plus intimement dans ce que j'appelle moi, je bute toujours sur une perception particulière ou sur une autre, de chaud ou de froid, de lumière ou d'ombre, d'amour ou de haine, de douleur ou de plaisir. Je ne peux jamais me saisir, moi, en aucun moment sans une perception et je ne peux rien observer que la perception. Quand mes perceptions sont écartées pour un temps, comme par un sommeil tranquille, aussi longtemps, je n'ai plus conscience de moi et on peut dire vraiment que je n'existe pas. Si toutes mes perceptions étaient supprimées par la mort et que je ne puisse ni penser ni sentir, ni voir, ni aimer, ni haïr après la dissolution de mon corps, je serais entièrement annihilé et je ne conçois pas ce qu'il faudrait de plus pour faire de moi un parfait néant. Si quelqu'un pense, après une réflexion sérieuse et impartiale, qu'il a, de lui-même, une connaissance différente, il me faut l'avouer, je ne peux raisonner plus longtemps avec lui".

Traité de la nature humaine, trad. A. Leroy, t. I, Aubier-Montaigne, 1968, pp. 342-344..


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19 février 2008 2 19 /02 /février /2008 11:13

Quand lire c'est faire (L'autorité des communautés interprétatives)

Un lecteur n'interprète pas un texte, il le fabrique. Les textes ne sont rien d'autre que ce que nous en faisons lorsque nous les lisons. Stanley Fish opère un renversement de la posture du lecteur : du destinataire de l'oeuvre il fait un producteur, du lecteur-récepteur il fait un lecteur-faiseur des textes.

Ce nouveau personnage conceptuel – ce lecteur qui fabrique le texte – entre sur la scène théorique de Stanley Fish au cours d'un de ses enseignements, sous la forme d'une petite fable expérimentale. Nous laissons la parole à Yves Citton qui narre cet événement conceptuel dans sa préface de l'ouvrage. “Au lieu d'effacer la liste de noms propres que [le professeur Fish] avait notée au tableau noir pour indiquer aux étudiants de son cours de linguistique quels étaient les auteurs à lire pour la prochaine séance, il décide de faire passer cette liste pour un poème religieux du XVIIe siècle auprès des étudiants de son second cours de la matinée, dont le semestre avait été consacré à l'étude des poèmes religieux du XVIIe siècle. Et ça marche ! L'imposture n'est nullement suspectée, la machine à interpréter remotive ces noms propres de linguistes contemporains en références bibliques savamment cryptées et artistiquement oeuvrées. D'où la conclusion logique : il n'y avait qu'une liste de noms de linguistes (sans intention poétique d'auteur, puisque sans auteur !), et ce sont bien les interprètes qui en ont fait un poème. D'où l'extrapolation provocatrice : ce sont les lecteurs qui font les textes. CQFD” (p. 5-6).

Le lecteur-faiseur de texte

Stanley Fish réfute l'idée que le texte puisse être dépositaire de sa propre signification. Ce ne sont pas les qualités qu'il possède en soi qui expliquent qu'il sera lu comme un poème religieux du XVIIe siècle ou comme une bibliographie de cours mais c'est l'intérêt et la considération que les étudiants lui accordent qui le façonneront comme poème ou comme liste de noms. “Ce n'est pas la présence de qualités poétiques qui impose un certain type d'attention mais c'est le fait de prêter un certain type d'attention qui conduit à l'émergence de qualités poétiques” (p. 60). Certains étudiants feront naturellement de cette liste de noms une bibliographie, d'autres en feront tout aussi naturellement une poésie; tout dépend du rapport qu'ils instaurent avec ces quelques lignes inscrites au tableau. Pour l'auteur, la compétence de lecture ne renvoie pas à la faculté de discerner ce qui serait de fait déjà présent dans le texte (p. 62). Lire est avant tout un art de faire, à savoir la capacité à fabriquer le texte le plus approprié au contexte institutionnel dans lequel le lecteur évolue et le plus en phase avec la situation dans laquelle il agit. Les étudiants qui suivent l'enseignement de linguistique seront spontanément enclins à concevoir cette liste de noms comme la bibliographie indispensable à l'avancée de leurs études, comme les y incitent le propos de l'enseignant et le contexte du cours; les étudiants engagés depuis un semestre dans un enseignement de poésie réligieuse l'aborderont, pour leur part, comme un manuscrit à la portée allégorique et symbolique et l'analyseront au même titre que les nombreuses autres poésies précédemment étudiées dans ce cours. Un texte devient ce qu'il est non pas en fonction de ses propriétés formelles (structurales ou littérales) mais en fonction de l'usage qui sera fait de lui. Aucun écrit ne stipule quoi que ce soit de lui-même; seul son usage lui conférera une signification, qui plus est une signification qui paraîtra immédiatement évidente et indiscutable.

Pour construire son personnage conceptuel – le "lecteur-faiseur de texte" – Stanley Fish opère un double déplacement, ainsi que le souligne Yves Citton dans sa préface. Il établit en premier lieu le pouvoir créatif du lecteur puis, dans un deuxième temps, il rapporte ce pouvoir au contexte dans lequel il s'exerce. En effet, cette faculté de fabrication et de confection du texte ne relève pas de l'initiative isolée du lecteur; elle est foncièrement dépendante du contexte institutionnel dans lequel le lecteur se situe. Sans trahir la thèse de Stanley Fish, nous pourrions la reformuler en ces termes : ce n'est pas tant le lecteur qui fait le texte que "la situation de lecture". Stanley Fish insiste sur le conditionnement institutionnel dans lequel se trouve le lecteur et qui va l'inciter à lire plutôt une bibliographie ou plutôt un poème religieux dans une même liste de mots. Le lecteur fabrique le texte, certes, mais pas de son seul fait; il le fabrique à l'intérieur de circonstances qui imposent leurs normes (de lecture) et leurs finalités (d'usage). Il le fabrique conformément aux nombreux présuposés et déterminations induits par sa situation de lecture (les séquences d'enseignement précédentes, les attentes de l'institution universitaire ou les consignes de l'enseignant).

Les communautés interprétatives

Stanley Fish ne met pas prioritairement l'accent sur la liberté interprétative du lecteur mais sur les nombreuses conventions de lecture déjà en place avant même qu'il n'accède au texte : des catégories de compréhension, des normes d'interprétation ou, encore, des valeurs qui l'habilitent à agir. Aucun lecteur n'amorce sa lecture libre de toute détermination, innocent de toute catégorie de pensée (p. 50). Sa lecture est toujours informée par une situation et incluse dans un contexte. La thèse selon laquelle les textes ne sont que ce que nous en faisons ne tient qu'à condition de préciser qu'ils ne sont que ce que nous en faisons au sein d'une communauté interprétative (un groupe d'étudiants suivant le même enseignement, par exemple). “Les significations ne sont la propriété ni de textes stables et fixes ni de lecteurs libres et indépendants, mais de communautés interprétatives qui sont responsables à la fois de la forme des activités d'un lecteur et des textes que cette activité produit” (p. 55). Si nous revenons à la fable expérimentale de Fish, nous pouvons donc relever l'existence de deux communautés interprétatives qui “ont appliqué sur le même texte des procédures de construction de sens différentes (inculquées par le professeur Fish et par l'institution universitaire dans son ensemble)” (Yves Citton, p. 22).

les normes d'interprétations ne sont donc pas fixées dans le langage ni laissées à la libre discrétion d'un lecteur souverain mais appartiennent en propre à une "communauté interprétative" (un groupe-classe, pour rester sur notre exemple) qui fonctionne comme base d'accord partagée (p. 47) et comme guide. Autrement dit, la signification d'un texte ne survit pas au changement de situation et dc contexte. Dès que la "communauté interprétative" se recompose (un groupe d'étudiants qui succède à un autre dans une salle de cours), le texte se réagence et s'inscrit dans un nouvel horizon de sens.

La thèse de Stanley Fish provoque un double effondrement. Tout d'abord – et c'est le premier enseignement qu'il tire de sa fable expérimentale – “l'évidence de la signification de l'énoncé n'est pas fonction de la valeur de ses mots dans un système linguistique qui serait indépendant du contexte” (p. 36). Ce n'est pas la présence de qualités poétiques dans un texte qui incite à le lire comme poème mais le type d'attention qu'on lui porte, à savoir la conviction des étudiants de Fish d'avoir sous les yeux une poésie religieuse du XVIIe siècle. À la suite de cet effondrement inaugural, Fish savoure la débacle du lecteur libre de ses interprétations. “Lorsque le texte autonome s'effondre devant la suprématie (pour ne pas dire l'hégémonie) de la communauté interprétative, le lecteur autonome s'effondre aussi” (p. 130).

Stanley Fisch aura donc déplacé radicalement le "lieu" de la signification qui réside, pour lui, ni dans les propriétés formelles du texte ni dans l'autonomie interprétative du lecteur. Au final, après que Stanley Fish ait réalisé son travail de sape, nous en sommes rendus à cette conclusion : le lieu de la signification réside bel et bien dans le pouvoir créatif du lecteur – le lecteur-faiseur du texte – à condition d'entendre ce pouvoir créatif comme une puissance commune : la puissance des "communautés interprétatives".

Avec Fish mais au-delà de lui

Stanley Fish réalise une très belle ouverture théorique qu'il va, pourtant, s'employer à refermer, patiemment et consciencieusement. Son travail met en exergue la portée instituante et constituante des "communautés interprétatives" mais, au lieu d'investir pleinement cette question, il va la délaisser au profit d'un rappel insistant du caractère contraignant et limitatif de ces communautés. “Si le texte lui-même n'est pas [...] une contrainte pour mon activité interprétative, les contraintes intériorisées de la communauté à l'intérieur de laquelle je travaille s'exercent puissamment (on pourrait même dire tyranniquement), et ce précisément parce que je n'en suis pas moi-même conscient; elles sont la forme même de ma conscience”. (p. 129). Il insiste sur le fait que ce ne sont pas des communautés que leurs membres choisissent de rejoindre mais, au contraire, “c'est la communauté qui les choisit dans le sens où ses présupposés, préoccupations, distinctions, tâches, obstacles, récompenses, hiérarchies et protocoles deviennent, à la longue, l'aménagement même de leurs esprits, en les remplissant, selon la formule de l'ethnométhodologue Harvey Sacks, jusque dans les détails les plus minutieux” (p. 128).

Nous ne mettons nullement en cause ces observations et cette analyse. Simplement, nous constatons – et nous regrettons – que l'auteur n'appréhende sa propre question que d'un seul point de vue : la force contraignante des normes instituées et des systèmes interprétatifs intériorisés, au détriment d'un autre point de vue, autrement plus stimulant, nous semble-il, à savoir le mode de constitution de ces "communautés interprétatives" et leur capacité à "fabriquer" le texte. Comment s'agencent-elles ? Quelle est leur écologie propre ? Comment se rapportent-elles à elles-mêmes : à leur mode de fonctionnement et de développement  ? Comment se constituent-elles en tant que subjectivité collective ? Stanley Fish ne se préoccupe que de la dimension instituée de ces "communautés interprétatives" et de leur capacité d'emprise; il néglige l'autre facette de la question, à savoir la façon dont ces "communautés" émergent, s'agencent et se recomposent.

C'est en ce sens qu'il nous paraît indispensable de travailler avec Fish, dans la mesure où il porte l'analyse jusqu'au point décisif : les "communautés interprétatives", mais qu'il est également nécessaire d'aller au-delà de lui en assumant pleinement cette question qu'il a ouverte sans l'investir : la "constitution" de ces communautés et leur écologie propre.

Vers un élargissement de la problématique : les "communautés d'usage"

Dans sa préface, Yves Citton s'emploie lui aussi à renouer avec la portée subversive de l'oeuvre de Fish, parfois à l'encontre des voeux de l'auteur. Yves Citton rappelle fort à propos que la théorie du lecteur-faiseur de texte proposée par Stanley Fish appartient à la vague émancipatrice et créatrice des années 60 et du début des années 70 et qu'elle doit être reliée à “d'autres formes contemporaines de "libération", d'encapacitation (empowerment) et de revendication d'"autonomie". Pas besoin d'attendre du Maître qu'il nous donne la clé de la bonne interprétation du texte (qu'il serait seul à détenir)” (p. 17). Il souligne combien cette thèse a reconquis aujourd'hui son actualité dans un contexte de renforcement des fondamentalismes politiques et religieux. La théorie (politique) du lecteur-faiseur du texte est un recours précieux pour "défondamentaliser" nombre de situations et “ouvrir des possibles là où nous croyions faussement que la nature ou un Texte sacré nous imposent une solution unique – une seule "bonne" interprétation, inhérente à la chose elle-même” (p. 26).

Chaque texte constitue avant tout un potentiel de devenirs; il représente une opportunité et une potentialité – opportunité et potentialité de sens qui se moduleront selon les "communautés interprétatives" dans lequel il sera reçu. “Cela ouvre, comme le souligne Yves Citton, le champ à une conception de la politique très différente de celle qui domine dans la France d'aujourd'hui – une politique qui n'est à penser ni en termes d'essence, d'être ou d'action (selon le modèle "jacobin"), ni en termes d'identités (selon le modèle "communautariste"), mais en termes de devenirs, de transformations, de réappropriations créatrices, de détournements imprévisibles et de piratages enjoués” (p. 23-24).

Le déplacement opéré par Stanley Fish nous paraît essentiel car il re-situe l'enjeu d'un texte dans un rapport d'usage et d'"utilité" et le ré-inscrit au sein d'une "communauté interprétative", en fait, sur un plan plus général, au sein d'une "communauté d'usage". C'est ce point de vue de méthode qui mérite d'être démultiplié. Le lecteur-faiseur de texte nous informe sur ce que peut être un usager-faiseur de politique, faiseur de territoire, faiseur d'expertise... Avec Fish et au-delà de lui, nous pouvons concevoir une politique des usages qui évitent deux écueils : une conception toute puissante et fortement individualisée de l'usager (à l'image d'un lecteur désincarné, supposé complètement libre de ses interprétations) et l'idée d'un "usage" qui vaudrait pour lui-même et qui ferait loi en lui-même (à l'image d'un texte "fondamentalisé"). Nous revendiquons (politiquement) le double effondrement provoqué par Stanley Fish : celui d'un usage essentialisé, complètement autonomisé et, à partir de là, si facile à "fonctionnaliser" et celui d'un usager réifié, souverain dans ses choix et orientations. La déconstruction opérée par Stanley Fish permet donc de re-mettre au coeur de l'analyse (politique) la question des "communautés d'usage", à savoir les agencements collectifs susceptibles de constituer de nouveaux usages sur le mode d'une réappropriation créatrice, d'un détournement imprévisible et d'un piratage enjoué.

[Pascal Nicolas-Le Strat, novembre 2007]


 

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19 février 2008 2 19 /02 /février /2008 10:08
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Slavoj Žižek : « Il est permis de ne pas jouir »

Qu'il prenne la défense du sujet cartésien, des systèmes métaphysiques ou des grands projets idéologiques, Slavoj Žižek se veut à l'opposé du scepticisme et de l'obscurantisme qui caractérisent (...)

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Marcel Gauchet
« Le politique permet à la société de tenir ensemble »

Marcel Gauchet : « Le politique permet à la société de tenir ensemble »

Marcel Gauchet écrit la généalogie de notre condition moderne, de l'histoire politique des religions à la naissance de la psychiatrie, en passant par les nouveaux visages de l'enfance et de (...)

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Peter Sloterdijk
« Il faut être déchiré par quelque chose qui nous dépasse pour penser »

Peter Sloterdijk : « Il faut être déchiré par quelque chose qui nous dépasse pour penser »

Peter Sloterdijk porte sur notre époque un regard décalé, au risque de la digression, de l'exagération. Son oeuvre, aussi polémique que brillante, l'a placé sur le devant de la scène. Un succès (...)

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Axel Honneth
« Sans la reconnaissance, l'individu ne peut se penser en sujet de sa propre vie »

Axel Honneth : « Sans la reconnaissance, l'individu ne peut se penser en sujet de sa propre vie »

Axel Honneth, actuel chef de file de l'école de Francfort, où il succède à Jürgen Habermas, se réclame d'une philosophie sociale. Il s'attache à identifier les mécanismes qui, dans le capitalisme (...)

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François Jullien
« La Chine est un dépaysement de l'esprit »

François Jullien : « La Chine est un dépaysement de l'esprit »

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Jacques Bouveresse
« Les philosophes se racontent beaucoup d'histoires »

Jacques Bouveresse : « Les philosophes se racontent beaucoup d'histoires »

Jacques Bouveresse se livre peu, se méfiant d'une presse trop prompte à céder au sensationnel. Cet érudit exigeant est connu pour ses positions critiques contre l'imposture tant philosophique que (...)

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Antonio Negri
« Le pouvoir peut toujours être cassé quelque part »

Antonio Negri : « Le pouvoir peut toujours être cassé quelque part »

Antonio Negri, figure intellectuelle de la gauche italienne des années de plomb, est considéré comme un philosophe de référence par les altermondialistes. Avec les concepts d'empire et de multitude, (...)

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Marcel Conche
« La mort ne peut plus m'enlever ma vie »

Marcel Conche : « La mort ne peut plus m'enlever ma vie »

Marcel Conche, à l'occasion de la parution de son Journal étrange, nous a reçus chez lui, dans l'Ain. Il revient sur ses origines ­paysannes, son athéisme, sa conception de la nature, de la morale et (...)

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18 février 2008 1 18 /02 /février /2008 11:29
   

Clément Rosset

par Jean Blain
Lire, décembre 1999 / janvier 2000

 

 Comment s'annoncent les décennies futures? Peut-on croire encore à un progrès de l'humanité? Doit-on craindre la naissance d'utopies nouvelles? La globalisation et la standardisation du monde sont-elles inéluctables?

Deux vigies de notre société, deux philosophes, ont accepté de répondre à nos questions. L'un pessimiste, Paul Virilio; l'autre, Clément Rosset, optimiste malgré sa vision tragique de l'existence.

 Né en 1939, normalien et agrégé de philosophie, Clément Rosset poursuit en marge des modes et de l'académisme une œuvre originale, jubilatoire et pleine d'humour. Contre les miroirs et les doubles que nous inventons pour fuir une réalité insupportable, le philosophe, dont la pensée s'inscrit dans la tradition de Spinoza et de Nietzsche, défend une vision tragique de l'existence selon laquelle la sagesse consiste dans l'acceptation du réel, y compris dans ce qu'il a de cruel. La critique de l'illusion va de pair chez Rosset avec la joie et l'affirmation de la vie. Il publie chez Gallimard Route de nuit, le journal d'une dépression, et chez Minuit Loin de moi, consacré à l'identité personnelle.



Nous sommes à la veille de l'an 2000. Avez-vous des prédictions?
C.R. J'ai envie de répondre à la manière de Swift dans un texte qui s'appelle, je crois, Prédictions pour l'année 1786. Telle une Madame Soleil imperturbable, Swift dit: le 7, trois rats traverseront telle rue, le 9, le roi de France mourra mais je n'ai pu déterminer de quoi, etc. C'est aussi absurde que du Beckett. Pour ma part, j'aurais envie de répondre: Chirac aura une chiasse épouvantable à trois heures de l'après-midi pendant son discours devant l'Académie française, Clinton manquera son érection à 11 h 55. l

 

Comment voyez-vous le monde de demain?
C.R. Je ne vois pas un monde de demain différent du monde d'aujourd'hui. Il y a eu une accélération des techniques, mais je ne suis pas sûr que cette accélération continue au même rythme, il est bien possible qu'elle se ralentisse et que nous ayons vu des changements plus spectaculaires que ceux du prochain millénaire. Je ne suis, personnellement, pas inquiet de cette accélération des techniques. Je suis persuadé que l'homme s'y accoutumera. L'homme a des ressources, même si je crois que les choses sont allées un peu vite et que l'accommodation n'est pas encore faite.

De manière générale, croyez-vous au progrès?
C.R. Il y a des domaines où il n'y aura jamais de progrès: l'homme sera toujours mortel, il sera toujours soumis à la maladie. Quant au progrès historique, c'est-à-dire la diminution de la violence, je ne le nie pas tout à fait mais j'aurai un peu la prudence de Kant sur ce point: les choses n'iront pas vite. Quand je pense au progrès, je pense surtout aux progrès scientifiques qui, eux, peuvent apporter des biens immédiats et tangibles. Ne plus souffrir chez le dentiste, il est sûr que c'est mieux. Mais je ne crois guère à un progrès de l'humanité au sens où pourraient en parler Rousseau et Voltaire. Je crois en revanche à un progrès de la légalité; il est possible que l'appareil juridique soit de plus en plus efficace et diminue une part de l'injustice. Mais c'est un progrès qui sera long et qui me semble devoir toucher plutôt les mœurs que la nature humaine elle-même. C'est peut-être un peu pessimiste, mais je suis bien obligé de constater les dégâts qu'a produits au XXe siècle la croyance en la bonté de l'homme et au progrès de l'humanité, et cela ne m'incline pas à un grand optimisme.

Seriez-vous un pessimiste?
C.R. Non. Je serais peut-être classé comme pessimiste au regard des optimistes ou de gens qui ont plus de dispositions que moi à l'utopie - à ce que j'appelle utopie et qu'ils appellent le progrès -, mais je ne me considère pas comme pessimiste dans la mesure où un pessimiste, comme Schopenhauer par exemple, est un contempteur, un homme qui décrie la vie humaine et considère que c'est un drame sans justification aucune. En ce qui me concerne, j'oppose pessimisme et tragique. Le tragique est dionysiaque et affirmateur de vie. Je ne suis donc pas un pessimiste dans le sens de Schopenhauer ou de Cioran - du moins des écrits de Cioran, car l'homme, que j'ai assez bien connu, était un peu différent de ce qu'il écrivait: c'était un homme très drôle et plein de vitalité.

A vous lire, on a en effet le sentiment d'une certaine allégresse en dépit de votre conception tragique de l'existence, voire en raison même de cette conception.
C.R. Je suis le mot de Tertullien: " Credo quia absurdum ", " Je crois parce que c'est absurde ". Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la conception tragique de la vie peut nourrir le pessimisme mais peut aussi attiser la joie de vivre, en ce que celle-ci peut entendre les raisons de condamner la vie, de maudire toutes les tristesses et les misères qui lui sont attachées, et cependant résister à toutes les raisons qui lui sont contraires. C'est une expérience ultime de la joie.

L'expérience de la dépression a-t-elle modifié en quoi que ce soit cette conception de l'existence?
C.R. Non. C'est comme lorsque vous avez les oreillons. Je considère que la dépression est une maladie comme la grippe ou comme les oreillons, et une maladie ne peut pas remettre en cause une philosophie, à plus forte raison une philosophie qui prétend accepter toute la cruauté du monde. Dans le pire des moments, jamais je n'ai pensé: " La vie est horrible. "

Dans ces conditions, quelles leçons tirez-vous de la dépression?
C.R. J'ai parfois imaginé que la déesse grecque qui punit l'outrecuidance des hommes avait mis le nez dans mon dossier et m'avait renvoyé ma philosophie dans la gueule pour que j'aille voir un peu ce que c'est que la douleur. J'avais toujours pensé sottement que la dépression nerveuse était un terme inventé pour exprimer une espèce de faiblesse psychologique, un manque d'énergie. Maintenant, je suis persuadé du contraire, et je l'explique dans mon livre en montrant que c'est le corps qui commande et qu'il n'y a aucune énergie à opposer aux décisions du corps dépressif. La première leçon, c'est donc que la dépression nerveuse peut arriver à tout le monde. Perdre le sens de la joie de vivre pour quelqu'un qui n'a parlé que de ça dans toute son œuvre et toute sa vie, c'est tout de même un peu vexant, mais cela prouve que personne n'est à l'abri de cet ouragan. La deuxième leçon est plutôt rassérénante, nietzschéenne: si l'on arrive, non pas à triompher de la dépression, mais à vivre avec elle, quand ça ne va pas avaler un comprimé d'anxiolytique, quand ça va encore plus mal prendre un petit verre de whisky, c'est d'une certaine façon une fortification de la joie, puisqu'elle a été capable de résister au mal et on rejoint la formule de Nietzsche: " Tout ce qui ne me tue pas me fortifie. "

Vous publiez en même temps un autre livre, Loin de moi, consacré au problème de l'identité personnelle. Y a-t-il un rapport entre les deux livres?
C.R. Il y a bien trouble identitaire dans les deux cas, mais le problème de Loin de moi c'est d'essayer de montrer que le trouble identitaire n'implique pas que nous ayons derrière notre identité officielle, visible, et pour le dire d'un mot, sociale, une identité cachée, intime, une espèce de moi secret qui ne se révélerait à personne et même pas à moi. Je crois que cette idée d'un moi secret qui se cache derrière le moi visible est une illusion d'origine notamment romantique, comme c'est le cas chez Rousseau, et ma critique s'inscrit dans la ligne générale de ma critique de l'illusion. Si perte d'identité il y a, tant dans un livre que dans l'autre, c'est dans mon esprit toujours une perte de ce moi réel que j'appelle le moi social pour l'opposer à l'illusion ou à la fantasmagorie d'un moi intime, à ce que j'appelle la hantise du soi, comme si on était hanté par un autre moi qui serait le vrai moi. Je raconte à ce sujet dans Loin de moi une anecdote que je trouve tout à fait fascinante. C'est l'histoire d'un imprimeur qui a repris l'affaire de son père, qui est mort. Au lendemain des funérailles, il trouve une enveloppe qui porte de la main de son père la mention " à ne pas ouvrir ". Après avoir résisté six ans, il finit par violer le secret, et dans l'enveloppe il trouve trois cents petites étiquettes destinées à la clientèle avec " à ne pas ouvrir ". Je trouve que cette histoire illustre de façon saisissante la déception qu'il y a toujours à vouloir percer ce qu'on s'imagine être la personnalité secrète d'autrui, car je crois que cette personnalité secrète n'existe pas. C'est ce que j'ai voulu dire dans mon livre. D'où le titre: Loin de moi.

Votre critique de l'illusion est aussi une critique du moralisme.
C.R. Ce que je reproche au moralisme c'est de favoriser le goût de l'utopie, le goût du double, de l'illusion, et d'écarter de la sagesse qui est l'acceptation du réel tel qu'il est, avec ses misères, ses injustices et ses crimes. L'indignation me paraît impuissante. L'indignation morale ne lutte pas contre le mal au sens concret du terme. La légalité seule permet de sanctionner, c'est pourquoi je prétends que le plus sage, si l'on veut réduire les maux terrestres, consiste, comme le disait Kant, à favoriser un progrès de la légalité: la moralité suivra et non le contraire. Je suis né en 1939 et j'ai entendu à la table paternelle un discours culpabilisant et un peu pétainiste: nous ne méritions pas le pain, nous ne méritions pas le charbon, nous n'avions pas encore expié toutes nos fautes, toute la musique que connaît bien la psychiatrie et qu'elle regroupe sous le nom de névrose obsessionnelle. Si l'on mangeait de bon appétit, alors nous étions des goinfres. J'étais responsable de la défaite de 1940. C'est la raison pour laquelle j'ai été également très hostile à Sartre, parce que j'ai estimé qu'il prônait un discours de culpabilité et que, pour dire quelque chose qui peut paraître une monstruosité, il avait repris le flambeau de la chanson triste qui consiste à dire que nous sommes des salauds. Je suis persuadé que les historiens du prochain millénaire reconnaîtront qu'il y a eu filiation, non pas politique mais philosophique, intellectuelle et morale, entre Pétain et Sartre, qui lui a d'ailleurs immédiatement succédé, en quelque manière, comme autorité morale. Tout ceci fait que je ne supporte pas les propos d'indignation morale, je suis vraiment immoraliste d'éducation, d'éducation trop morale.

Vous n'avez donc pas beaucoup de goût pour Sartre. Quels sont les auteurs dont vous vous sentez le plus proche?
C.R. Tous les auteurs qui ont dénié le platonisme. On a dit: " La philosophie se résume à des notes au bas de Platon. " Pour moi, c'est le contraire: la philosophie se résume à tout ce qui réfute le platonisme et j'ai été enthousiasmé par Nietzsche parce que, pour la première fois, je voyais un auteur qui disait noir sur blanc que Socrate c'est l'homme du ressentiment! Je me suis dit: il n'y a pas que moi, et après je me suis aperçu que quelqu'un l'avait dit beaucoup mieux que moi, bien sûr, et même que Nietzsche, c'était Spinoza. Platon est un très grand philosophe, mais Aristote m'est beaucoup plus sympathique: il a dit qu'il y avait tout de même des choses qui se passent sur terre.

Si vous deviez résumer l'idée fondamentale de votre philosophie?
C.R. C'est le mystère de l'adhésion au réel ou à la vie.

Pourquoi " mystère "?
C.R. C'est très simple de vivre quand on n'est pas instruit du tout. C'est pour ça que nos frères animaux supérieurs, comme les grands singes, ont une vie au fond très heureuse parce qu'ils ignorent le temps, ils ignorent leur condition éphémère, tandis que l'homme a un savoir en trop, les dieux lui ont donné la vie et, en plus, la conscience. Ainsi la vie est la plus difficile des tâches, et l'amour de la vie le plus difficile des amours mais aussi le plus gratifiant. La philosophie est donc l'amour de la vie quand même, de sorte que je dis ce qu'ont dit tous les bons philosophes: pour les mêmes raisons que Montaigne intitule un chapitre " que philosopher c'est apprendre à mourir ", il est tout aussi vrai que philosopher c'est apprendre à vivre. La philosophie, c'est le savoir-vivre dans tous les sens du terme.

 
 
 
 
 
 
 

 
 
 
 
   
 
 
 
 
 
 
 


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17 février 2008 7 17 /02 /février /2008 19:11
Une Amérique disséquée

INTERVIEW DE CHUCK PALAHNIUK


“Les maladies mentales, la schizophrénie, c’est parce qu’il est impossible, si l’on est attentif au monde qui nous entoure, de ne pas devenir fou”. C’est de ce monde dont il est question dans le dernier roman de Chuck Palahniuk, ‘A l’estomac’.


Pour sa nouvelle expérience littéraire, Chuck a sélectionné 23 personnages, 23 destins qui s’entrelacent et rendent compte d’une humanité aux tendances autodestructrices.

Lire la critique du livre de Chuck Palahniuk ‘A l’estomac’

Quel a été le point de départ de l’écriture de votre roman ‘A l’estomac’ ?

Je récolte en permanence les histoires des gens. Certaines des histoires que j’ai utilisées dans ‘A l’estomac’, je les gardais avec moi depuis vingt ans, cherchant un moyen de les préserver. J’ai simplement assemblé les vies de centaines de mes pairs.


Votre écriture est incisive, percutante, obsessionnelle parfois. Quelle relation entretenez-vous avec l’écriture ? Considérez-vous l’écriture comme un exutoire ? La thérapie par l’écriture ?

C’est en écrivant que je reste sain d’esprit. La voix qui est dans ma tête, cette petite voix que nous avons tous, qui se plaint et qui nous ronge, je dois la maintenir occupée avec une histoire inventée de toutes pièces ou elle me rend fou.


De quoi se nourrit l’univers de Chuck Palahniuk ?

Ce qui me motive, c’est d’organiser, préserver et contrôler. Je suis journaliste avant tout. Aux Etats-Unis, on devient romancier après une carrière académique ou dans le journalisme. Comme je viens d’une formation de reporter, je suis à l’affût d’histoires vraies et intéressantes que je m’efforce de ne pas faire oublier.


De l’horreur la plus sordide vous extirpez le burlesque le plus déjanté. Susciter le rire pour aller loin dans l’horreur, est-ce votre mode opératoire ?

C’est ainsi que je vis ! Après toute l’horreur qu’a connue ma vie familiale (meurtre, suicide, cancer, alcoolisme…) mes proches ont toujours trouvé un moyen de rire des événements les plus sombres.

Commandez ‘A l’estomac’ sur alapage.com

Pensez-vous que l’on puisse rire de tout ?

Je n’écris jamais de scène comique dans laquelle une personne innocente ou un animal est attaqué. Tous mes personnages créent les problèmes qui les détruisent. C’est pour ça que ces histoires peuvent être drôles.


Vos personnages mettent leur vie de côté pour pouvoir écrire. Peut-on extrapoler et voir dans votre livre une réflexion sur le processus de création en général ? Comment être le propre créateur de sa vie au coeur d’un monde de plus en plus globalisant ?

Pour garder sa vie en main, il faut contrôler la quantité et les genres de messages auxquels on est exposé. Les médias de masse (films, radio, télévision, magazines, Internet…) envahissent notre esprit et nous contrôlent. Il faut s’éloigner de cette distraction et focaliser son attention sur son art et les gens qui nous entourent.


Le désir de reconnaissance, la célébrité sont-ils, selon vous, les nouveaux moteurs existentiels de notre monde “civilisé” ?

Je pense que le problème existentiel de notre époque est un combat permanent pour comprendre qui dit la “vérité”. Notre version de la réalité était autrefois contrôlée par très peu de gens (le roi, le pape, le prêtre, le président…) A présent, chacun a sa propre vision des choses et tous se battent pour imposer leur histoire comme l’unique réalité.


Sont-ils les instincts révélateurs d’une société déshumanisée en quête d’identification ?

Non. Les gens font ce qu’ils ont toujours fait : ils essaient de se lier, de dominer, de créer une communauté.


Mutilations, autodestructions, meurtres… Dans votre livre, la mort est souvent violente. Quel sentiment avez-vous à propos de cette ultime étape ?

Ca viendra bien assez tôt. Je ne peux que m’inquiéter d’aujourd’hui, de quoi seront faits demain et la semaine prochaine. La mort se gérera d’elle-même.


Pourquoi avoir choisi d’enfermer vos personnages dans un théâtre ?

Le but d’un théâtre est d’isoler les spectateurs, les séparer du monde extérieur pour mieux présenter une réalité différente : un opéra, un film, une pièce.


Dans ‘A l’estomac’, vous jonglez avec les genres. Le roman, la nouvelle, le poème. Pourquoi ce choix ?

Pour varier les méthodes narratives et les différentes “textures” de l’information afin de donner au lecteur une expérience plus riche. Je l’ai également fait pour imiter la structure complexe d’un vaudeville dans lequel il y a différents types d’actes.


Etes-vous toujours membre de la Cacophony Society ? Pouvez-vous nous en dire plus sur cette organisation ?

La première règle concernant la ‘Cacophony Society’ est de ne pas parler de la ‘Cacophony Society’…


A quoi ressemblerait la société idéale de Chuck Palahniuk ?

Chacun aurait le loisir de pratiquer une forme d’expression personnelle qui permettrait de se divertir les uns les autres (et non d’engager des professionnels pour le faire). Cette forme de théâtre serait notre religion.


Comment imaginez-vous votre lectorat ?

Comme mon éditeur, Gerry. C’est la seule personne que j’imagine en train de lire mon travail. Si je peux choquer Gerry et le faire rire, j’ai réussi mon coup.


Vos projets à venir ?

Au printemps prochain, j’aurai un nouveau roman à promouvoir, ‘Rant’. C’est la fausse biographie orale d’un Tom Sawyer devenu jeune adulte qui participe à des courses de voitures destructrices, une sorte de sous-culture secrète appelée “la fête du crash”. Tard le soir, des Américains participent à ces jeux secrets, se chassent et se fuient mutuellement en tentant de provoquer des accidents mineurs. Au delà de ça, je prépare un nouveau roman pour 2008, travail sur les films “snuff” pornographiques. Un autre univers drôle, affreux et horrible à explorer…

Propos recueillis par Mathieu Menossi et traduits par Jonathan Journiac pour Evene.fr - Octobre 2006

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17 février 2008 7 17 /02 /février /2008 18:42
Ses citations

«Le but d’un théâtre est d’isoler les spectateurs, les séparer du monde extérieur pour mieux présenter une réalité différente.»
[ Chuck Palahniuk ] - Extrait d'une interview sur Evene.fr - Octobre 2006

«Pour garder sa vie en main, il faut contrôler la quantité et les genres de messages auxquels on est exposé.»
[ Chuck Palahniuk ] - Extrait d'une interview sur Evene.fr - Octobre 2006

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17 février 2008 7 17 /02 /février /2008 18:15
 

(GIF)Contemporain, Fantastique & Nihiliste...

Descendant d’immigrés Russes et Français, Chuck PALAHNIUK est le fils d’un aiguilleur des chemins de fer. Il mène des études de journalisme à l’Université d’Oregon, mais, malgrè son diplôme, il ne parvient pas à vivre de ce métier.

Il travaille alors pendant plus de dix ans comme mécanicien chez Freightliner, où il fabrique des camions diesel. Comme il s’ennuie profondément dans son boulot , il passe une partie de son temps libre comme volontaire dans des hospices pour jeunes malades du SIDA ou du cancer. C’est là qu’il développe la peur de mourir très jeune, et cela le convainc enfin de se concentrer sur ses projets d’écriture tant qu’il est en pleine santé. C’est donc sur le tard, passé 30 ans, qu’il se met vraiment à écrire.

Son premier texte, "Invisible Monsters" est refusé par les éditeurs, choqués par le contenu et le style de cette nouvelle très trash.

PALAHNIUK en est très amer et s’attèle à un roman, décidé à se venger du système en écrivant plus trash, plus violent, plus choquant...

Une part d’autobiographie

(GIF)Ainsi né "Fight Club" [1996], écrit en trois mois seulement, son premier roman. Les combats-défouloirs des fight club lui ont été inspirés par le souvenir d’une bagarre à poings nus lors d’un week-end en camping. Il s’était plaint auprès de ses voisins qui jouaient de la musique trop fort. La discussion dégénéra et lui laissa le visage tuméfié pendant trois mois. Là, Chuck découvrit que, à cause de ces hématomes, plus aucun de ses collègues de travail n’osait lui adresser la parole ou s’occuper de ce qu’il faisait... Il se mis alors à réfléchir à la liberté qu’apporte l’image de la violence. D’où l’idée d’une organisation terroriste structurée par des fight club où chacun apprend à se libérer totalement, à se sentir capable d’affronter tout et n’importe qui...

Il faut aussi savoir que la violence est très présente dans la vie de la famille PALAHNIUK. Dans un accès de démence, le grand-père de Chuck a assassiné sa grand-mère à coup de fusil, puis s’est donné la mort. Le père de Chuck, Fred, a échappé de peu au massacre.

Paradoxalement les éditeurs, loin d’être choqués, acceptent le manuscrit de Fight Club ! Le bouquin fait rapidement entrer Chucky [c’est son surnom] parmi les auteurs dont on parle dans le milieu de l’édition et de la critique : prose frappée, métaphore assassine et idées anti-conformistes, la recette cogne fort.

Mais si la critique adore, si les prix littéraires tombent du ciel, en revanche le public n’accroche pas : Fight Club ne se vend qu’à 5 000 exemplaire l’année de sa parution, pas de quoi entrer dans les palmarès des best-sellers.

En revanche, lorsque qu’on apprend, deux ans plus tard, que le réalisateur David FINCHER va adapter le roman pour la Twentieth Century Fox, avec le duo Brad PITT - Edward NORTON, le bouquin commence à se vendre un peu plus...

(GIF)Violence

L’été 1999, lorsque le film sort sur les écrans, la vie privée de PALAHNIUK est à nouveau frappé par la violence moderne : son père Fred, divorcé de sa mère , est tué avec sa nouvelle compagne par le mari dément de celle-ci. Leur deux corps, criblés de balles, sont retrouvés dans la carcasse calcinée de leur voiture. Leur assassin a été condamné en 2001.

Un deuxième roman, Survivor, vient confirmer l’originalité de ce nouveau talent, la cohérence de son univers, et la pertinence de sa vision vis à vis de la société occidentale. Une vision sarcastique, outrancière, à contre-courant.

"Invisible Monsters", la première nouvelle, est devenu son troisième roman. Le quatrième, Choke, vient tout juste de paraître en France, chez Denoël.

"Lullaby", un roman cette fois classé au rayon horreur, est paru aux Etats-Unis en septembre 2002 et devrait être traduit en France d’ici l’an prochain.

Chuck PALAHNIUK n’a pas perdu tout lien avec le journalisme puisqu’il collabore régulièrement avec des magazines comme Gear, Bikini, BlackBook ou The Stranger.

Il possède deux Bostons terriers, baptisés « Imp » et « Chick ». Il n’est pas anodin que le chanteur horrifique Marilyn Manson [que Chuck a interviewé pour Gear] possède deux chiens de la même race.

Il vit dans son ranch de Portland, dans l’Oregon, avec sa famille et ses amis - mais sans télévision. Il est membre de la Cacophony Society, organisation américaine gentiment émeutière fondée en 1977 dans le but de chahuter l’Amérique.




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« Peste » de Chuck PALAHNIUK

[« Rant », MAI 2007]

Peste est la biographie documentaire de Buster Casey, dit Rant, soit le plus grand serial killer de tous les temps, à moins qu’il ne soit qu’un sombre crétin dégénéré de Middletown, à moins qu’il ne soit un génial voyageur spatio-temporel aux pouvoirs divins, à moins qu’il ne soit le seul mec capable de déterminer le détail du dernier repas d’une femme après un cuninlingus, à moins qu’il n’ait jamais existé.


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« Monstres invisibles » de Chuck PALAHNIUK

[« Invisible Monsters », 2000]

 

« Monstres invisibles » est le premier roman écrit par PALAHNIUK. Refusé partout parce que jugé trop trash, il poussera son auteur à aller encore plus loin, ce qui nous donnera l’inoubliable « Fight club ».

Voici donc enfin en poche le premier roman écrit par l’incontournable Chuck.

 


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"A l’estomac" de Chuck PALAHNIUK

["Haunted", Mai 2005]

Vrai recueil d’excellentes nouvelles déguisé en mauvais roman, "A l’estomac” ne fait certes pas dans la dentelle, mais colle la tête du lecteur suffisamment longtemps dans les toilettes de la gare de l’Est pour qu’on y réfléchisse à deux fois avant de l’ouvrir [et livre et la gueule].


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« Choke » de Chuck PALAHNIUK

[« Choke »]

Résumer un livre de PALAHNIUK n’est jamais simple. L’exercice devient périlleux avec Choke ["S’étouffer" en français]. Pour faire vite, on peut commencer par dire que le personnage principal, Victor Mancini bosse dans un musée vivant, où il campe un colon américain du début du XVIIIe siècle.


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"Le festival de la couille et autres histoires vraies"

["Stranger than fiction"]

Premier recueil non-fiction de PALAHNIUK paru en français, "Le festival de la couille et autres histoires vraies" fait partie de ces livres qui hantent longtemps le lecteur. Enfin débarrassé de la médiocre prestation de Freddy Michalsky aux manettes traductantes, le texte se distille comme un alcool délicieusement fruité sous la houlette de Bernard Blanc. Un changement bienvenue qui permettra aux nouveaux venus de découvrir un PALAHNIUK au meilleur de sa forme, là où les connaisseurs se contenteront d’apprécier ces tranches de vies douces amères, racontées tranquillement par un auteur décidément majeur.


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"Berceuse" de Chuck PALAHNIUK

["Lullaby"]

Première histoire véritablement fantastique de Chuck PALAHNIUK, « Berceuse » a quand même végété une vingtaine de mois après sa parution outre-atlantique avant de faire son apparition dans les librairies hexagonales. Une attente curieusement longue, dans la mesure où PALAHNIUK fait partie de ces auteurs « best-sellerisés » qui font beaucoup de bien aux finances d’une maison d’édition...

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17 février 2008 7 17 /02 /février /2008 17:58

Charles Michael « Chuck » Palahniuk (né le 21 février 1962 à Pasco, dans l'État de Washington) est un romancier satirique américain et un journaliste indépendant vivant à Portland, Oregon. Après des études de journalisme qui ne lui permettent pas de vivre de ce métier, il devient mécanicien pendant 10 ans. Il écrit à cette époque Monstres Invisibles qui est refusé par les éditeurs en raison de son contenu trop provoquant. Il entreprend alors l'écriture de Fight Club qui rencontre un succès notable et est porté à l'écran en 1999 par David Fincher. Il est assimilé au mouvement dit d'Anticipation sociale.


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