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Ecosia : Le Moteur De Recherch

9 mars 2008 7 09 /03 /mars /2008 16:19
"Oedipe est le meilleur site français sur la psychanalyse " - Le Monde interactif, supplément du 19 mai 2002. 


Le texte " interview de Mme Myriam Revault d' Allonnes " est issu de ce site .

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9 mars 2008 7 09 /03 /mars /2008 15:54
 

 
Vous êtes ici : Interview de Myriam Revault D'Allones, professeur des universités à l'École Pratique des Hautes Études
Interview de Myriam Revault d’Allonnes, Philosophe, Professeur des Universités à l’École Pratique des Hautes Études. Auteur de Le pouvoir des commencements. Essai sur l'autorité. Collection « La couleur des idées ». Seuil 2006.

Laurent Le Vaguerèse: À la lecture de votre ouvrage, j’ai pensé qu’il serait intéressant de proposer cette interview aux lecteurs du site Oedipe afin de rapprocher votre réflexion philosophique des questions récurrentes sur l’autorité qui ont fait surface ces dernières années et qui ont nourri les propos des candidats à l’élection présidentielle de 2007. J’ai demandé à Pascale Hassoun qui est votre amie et qui suit de près vos travaux, de bien vouloir m’aider dans cette tâche.

Laurent Le Vaguerèse: Dans le champ philosophique qui est le vôtre, vous semblez être amenée à faire le plus souvent référence à la phénoménologie. Comment définiriez-vous la phénoménologie aujourd’hui ?

MYRIAM REVAULT D’ALLONNES 

La phénoménologie désigne un champ extrêmement large qui inclut des auteurs comme Husserl (qui en a été le « fondateur »), Sartre, Merleau-Ponty, Heidegger, Ricœur, mais aussi plus largement quelqu’un comme Hannah Arendt qui se définissait elle-même comme « une sorte de phénoménologue ». Je m’attache à ce qui, dans cette approche, concerne une philosophie pratique qui prend en compte l’expérience. Plus qu’un corps de pensée ou de doctrine, il s’agit d’un style, d’une manière d’appréhender les choses. L’attitude phénoménologique consiste au départ à décrire le monde tel qu’il apparaît à une conscience singulière, laquelle est par ailleurs toujours déjà immergée dans le monde social. Il faut alors se déprendre d’une certaine attitude immédiate ou spontanée qui nous met en rapport avec le monde comme s’il était un ensemble de choses constituées sur le mode de l’objet : un « état de choses ». L’attitude phénoménologique soulève donc la question du mode d’apparaître des choses telles qu’elles sont vécues par nous, par nos consciences ouvertes au monde (cette ouverture est ce qu’on nomme l’« intentionnalité » : toute conscience est conscience de quelque chose) mais aussi par nos corps, nos perceptions, nos imaginations. L’expérience du dehors nous est aussi enseignée par la spontanéité de notre corps. L’attitude ou le style phénoménologique doit donc donner au rapport entre l’homme et le monde, entre l’expérience vécue et la réalité ou l’objectivité des choses, le statut d’une véritable rencontre, plus encore, d’une connivence, voire d’une inhérence réciproque : à la fois le monde se donne à nous et nous sommes voués à lui.

Laurent Le Vaguerèse: Venons en maintenant au sujet qui nous réunit, la question de l’autorité. On entend beaucoup, notamment de la part de Nicolas Sarkozy et de ceux qui le soutiennent, mais aussi d’une façon plus diffuse dans la société, une réflexion que l’on pourrait résumer en disant : l’autorité a disparu ou s’est considérablement affaiblie du fait d’une insuffisance des sanctions et d’une forme de laxisme vis-à-vis des populations délinquantes ou en risque de le devenir. Est-ce que vous pouvez déjà nous éclairer sur les rapports qui existent entre pouvoir, répression et autorité ?

MYRIAM REVAULT D’ALLONNES :

Il s’agit là d’un lieu commun qui repose sur la confusion entre pouvoir et autorité. La relation de pouvoir s’instaure entre quelqu’un (ou une instance) qui commande et quelqu’un qui obéit. Elle inclut donc nécessairement un élément de contrainte. L’autorité, quant à elle, n’appelle pas l’obéissance mais la reconnaissance. L’autorité, ce n’est pas « tout ce qui fait obéir les gens ». Il y a dans la relation d’autorité - c’est ce qui la rend difficile à cerner - une dissymétrie très singulière. On peut assez facilement dire ce que n’est pas l’autorité mais la définir de façon positive est quelque chose de beaucoup plus compliqué. Je parlerai, à propos de la relation d’autorité, d’une dissymétrie non hiérarchique : dans cette relation, chacun des deux termes reconnaît la légitimité et la justesse des positions respectives. Mais si l’autorité exclut l’usage de moyens de coercition, elle diffère également d’une relation égalitaire où la persuasion et l’échange d’arguments (dans la discussion par exemple) sont les seuls opérateurs et présupposent une raison commune. Il reste alors quelque chose d’énigmatique dans cette « prééminence » ou cette « supériorité » accordée au détenteur de l’autorité. Ce qui renvoie probablement, en dernier ressort, à la question de la transcendance.

Pascale .Hassoun. je voudrais que vous nous parliez plus particulièrement, non pas tant de l’absence d’autorité mais de ce dont, dans la période moderne, l’autorité est le vecteur ?

MYRIAM REVAULT D’ALLONNE

Ce dont l’autorité est le vecteur est ce qui permet au monde commun de continuer à exister, c’est la permanence du monde commun. Si la question du pouvoir a toujours été pensée en rapport avec la spatialité (la thématique de l’espace public, de l’espace commun qui travaille toute la philosophie politique depuis la cité grecque jusqu’à la période contemporaine), la question de la temporalité a été, dans toute cette réflexion, beaucoup moins présente. On s’est peu interrogé sur la dimension temporelle, sur la générativité qui assure la permanence du monde commun. Je pense qu’il faut articuler les deux et comprendre que nous ne partageons pas seulement le monde avec nos contemporains mais avec nos prédécesseurs et avec nos successeurs, avec ceux qui sont nés avant nous et sont encore à naître. C’est par cette dimension temporelle que nous approchons la force liante de l’autorité. C’est en inscrivant le monde commun dans la durée que nous pouvons faire basculer la notion d’autorité du substantif (de la substance, de ce qui est institué) vers le verbe autoriser, c’est-à-dire vers une dynamique où la question fondamentale est : « qu’est-ce qui nous autorise ? de quoi est-ce que nous nous autorisons ? qu’est-ce que nous autorisons ? » Car l’autorité n’est pas seulement de l’ordre de l’institué, de ce qui est « établi » (comme on parle des « autorités établies ») mais elle est une force instituante, elle a une capacité dynamique. On comprend alors que si certaines formes d’autorité sont aujourd’hui révolues, la thématique de l’autorité - inscrite et éprouvée dans la durés publique – est une dimension fondamentale du « vivre-ensemble » des hommes.

Laurent Le Vaguerèse. Aujourd’hui il est habituel de réunir sous une même enseigne la question de l’autorité, familiale, politique, institutionnelle, judiciaire par exemple. Cette approche vous paraît-elle pertinente ?

MYRIAM REVAULT D’ALLONNES.

Cette approche part d’un constat que je ne récuse pas, à savoir qu’il y a bien une crise de l’autorité traditionnelle. Mais cette crise - structurelle - date du début de la modernité, encore amplifiée par la philosophie des Lumières au XVIIIe siècle. En effet, la modernité se caractérise par un mouvement d’émancipation critique qui lui fait chercher son fondement en elle-même : elle récuse d’emblée toute autorité procédant du divin ou de la tradition. Elle se veut à la fois auto-fondation rationnelle et auto-institution politique. C’est la modernité en tant que telle qui est - par rapport à l’autorité traditionnelle - un concept de crise. Elle se caractérise non pas tant par le vide de sens (comme on le prétend trop souvent) mais par la pluralité des sens qui entrent en conflit les uns avec les autres. On peut penser que cette crise a pris aujourd’hui un caractère paroxystique à travers la remise en cause d’instances qui ne sont pas directement politiques (étatiques) mais « pré-politiques » : l’autorité familiale, judiciaire, éducative.

Cela étant, ces différents niveaux ne sont pas du même ordre, ne serait-ce que parce que l’autorité politique met en jeu des égaux, des adultes, des citoyens et non pas des adultes face à des enfants comme dans le cadre familial ou scolaire. Le problème est donc différent mais on remarque qu’aujourd’hui la dissymétrie générationnelle qui, en matière familiale et éducative, allait de soi ne s’impose plus d’elle-même. En matière d’éducation, il paraissait évident que les enfants, nouveaux venus dans un monde qui leur est étranger et qui leur préexiste ne pouvaient y être introduits que par leurs prédécesseurs adultes (parents, éducateurs) et que ces derniers assuraient la double responsabilité du développement de l’enfant et de la continuité du monde. C’est aujourd’hui ce qui fait problème.

Pascale Hassoun : Peut-être faut-il revenir au titre de votre livre : Le pouvoir des commencements. L’origine de cette crise de l’autorité ne tient-elle pas dans le fait que la génération actuelle ne croit plus à sa propre capacité de commencer.

MYRIAM REVAULT D’ALLONNES

L’idée qui consiste à lier l’autorité au pouvoir des commencements est importante, pas seulement au regard de la conjoncture actuelle. L’autorité est instituante, elle a une capacité inaugurale inscrite dans la durée. Encore une fois, les hommes naissent dans un monde qui leur préexiste et qui leur survivra. Ces nouveaux venus par la naissance sont à la fois des « tard venus » et des « commenceurs » mais ils ne peuvent être des commenceurs que parce qu’ils sont des tard venus. Il ne s’agit pas de répéter, de reproduire, de continuer à l’identique mais de donner à ceux qui entrent dans le monde la possibilité d’innover, c’est-à-dire de renouveler le monde commun. Commencer, c’est commencer de continuer mais continuer, c’est aussi continuer de commencer.

En ce qui concerne la génération actuelle, on peut voir les choses de deux façons et elles sont d’ailleurs complémentaires. Soit la génération actuelle ne croit qu’en une création ex nihilo (du passé faisons table rase) soit elle se pense dans l’incapacité d’inventer une nouvelle forme de monde commun. Ce qu’une génération doit pouvoir dire à la suivante c’est : « je vous autorise (c’est-à-dire je vous transmets la capacité) à commencer, à créer, mais vous ne pourrez pas commencer à partir de rien ». Dans son Vocabulaire des institutions indo-européennes, Benveniste remonte en deçà de la racine latine du mot autorité (augere : augmenter, l’autorité est une augmentation) pour retrouver la racine indo-européenne, la racine « aug » qui renvoie à l’idée d’un pouvoir créateur, d’un pouvoir qui n’appartient qu’aux dieux. Nous sommes alors confrontés à la question de la transcendance comme fondement de l’autorité. Le problème de la crise de l’autorité déborde la situation actuelle, elle trouve son origine dans l’avènement de la modernité et dans la rupture qu’elle a instituée avec la transcendance, dans sa volonté de ne fonder sa légitimité qu’en elle-même.

Laurent Le Vaguerèse: La nouveauté ne réside-t-elle pas dans le lien qui semble se faire jour entre autorité familiale et autorité politique, le pouvoir politique semblant faire dépendre le rétablissement de son autorité au rétablissement préalable de l’autorité familiale. On note par exemple l’intervention de plus en plus fréquente de la police et de la justice dans le domaine familial privé à propos des violences familiales, des relations parents enfants, des sanctions proposées ou prises à l’égard des parents censés ne pas « tenir » leurs enfants etc.

MYRIAM REVAULT D’ALLONNES

Aristote disait déjà qu’il ne fallait pas confondre les différents types d’autorité. L’autorité politique n’était pas l’autorité du chef de famille sur ses enfants ni celle du maître d’esclaves sur sa maisonnée. Mais aujourd’hui on constate chez les politiques un grand désarroi et peut-être même une forme de panique devant l’apparent délitement de ce qui fonde la permanence de la communauté. Par ailleurs si l’on fait référence à la phrase de l’Internationale : « du passé faisons table rase », je crois qu’il faut bien se dire qu’aujourd’hui ce n’est pas seulement le passé mais aussi l’avenir qui fait problème quant à la crise de l’autorité. Plus question de s’appuyer ni sur l’autorité traditionnelle ni sur la figure d’un avenir pré-déterminé pour fonder son autorité, celle de la famille comme celle de l’État. Ce n’est pas étranger à une certaine confusion des rôles : des enseignants à qui l’on demande d’être des éducateurs, des juges que l’on transforme en policiers, des policiers en lieu et place d’éducateurs sociaux, etc

Laurent Le Vaguerèse: Pour aborder les choses sous un autre angle, je souhaiterais évoquer avec vous la question de la permanence des concepts. Vous évoquez des ruptures historiques qui semblent rendre caduques certaines réponses aux questions fondamentales que toute société se pose. Mais la question est : certaines réponses ne sont-elles jamais caduques ? Prenons l’exemple du religieux que la modernité semblait avoir placé dans la poubelle de l’histoire et qui fait aujourd’hui massivement retour. Pas seulement au travers du recours à l’Islam pour certains jeunes des banlieues mais aussi la référence permanente faite par Nicolas Sarkozy aux valeurs d’une France catholique où elle fonderait son identité.

MYRIAM REVAULT D’ALLONNES

Je ne soutiens ni la thèse d’une linéarité de l’Histoire, ni celle d’une discontinuité radicale. Je ne suis pas anti-moderne, je ne suis pas nostalgique, je ne pense pas que les choses étaient beaucoup mieux avant. Il faut parvenir à penser - c’est une nécessité épistémologique - un certain mode de continuité qui prend en charge la réalité des ruptures. Les réponses aux questions peuvent s’avérer obsolètes et les questions elles-mêmes doivent pouvoir être reformulées différemment, si c’est nécessaire. J’inverse la célèbre phrase de Marx pour qui l’humanité ne se pose que les questions qu’elle peut résoudre. Bien au contraire : la réponse n’est pas donnée avec la question. C’est parce que le pouvoir explicatif de réponses devenues inopérantes s’est épuisé que quelque chose de nouveau peut advenir. La modernité ne s’est pas débarrassée de la question du religieux, elle la reprend en charge différemment. Le religieux au sens étymologique c’est ce qui fait lien ! Les candidats posent effectivement la question très réelle du déficit symbolique mais ils y répondent en préconisant des recettes obsolètes.

Laurent Le Vaguerèse Vous définissez dans votre ouvrage la crise comme un moment où les préjugés, ce qui fut une habitude de pensée, deviennent inopérants pour résoudre les problèmes qui se posent à nous et qui conduisent au recours à une nécessaire créativité pour combler notamment ce déficit symbolique dont vous soulignez l’existence. On voit aujourd’hui que s’il y a bien un sentiment de crise dans la population, on constate également que les réponses apportées par les politiques ne sont pas à la hauteur des enjeux et qu’elles ont tendance au contraire à reprendre des vieilles recettes. D’où ma question : Pour vous, est-ce qu’aujourd’hui, nous sommes en crise ?

MYRIAM REVAULT D’ALLONNES

Oui, bien sûr ! mais la notion de crise n’est pas forcément négative, elle n’est pas synonyme de déclin. Ce qui me frappe c’est que ce ne sont pas seulement les politiques qui font problème par l’insuffisance de leurs propositions mais également les intellectuels, les penseurs « déclinistes » qui ne proposent précisément pour sortir de la crise que le recours aux vieilles recettes en inscrivant les problèmes actuels sous le signe exclusif de la perte. L’enjeu est sans doute d’apporter des réponses nouvelles mais aussi de reformuler différemment les questions. Nous sommes de facto au cœur des questionnements propres à la modernité. A partir du moment où la société ne peut plus s’appuyer sur les valeurs du passé, où elle n’est plus une société « traditionnelle » qui croit à la validité d’un « éternel hier », elle se trouve nécessairement en proie à des conflits internes qui sont avant tout des conflits de légitimations. C’est ce que Max Weber appelait le « polythéisme des valeurs » : les gens n’arrivent plus à choisir et surtout à hiérarchiser les valeurs qui doivent normer leurs conduites. Ce n’est pas le vide, c’est le trop plein !

Laurent Le Vaguerèse Mai 68 est souvent cité comme l’origine de tous les maux que nous rencontrons. Sans doute parce que c’est l’acte majeur d’une génération Qu’en pensez-vous ?

MYRIAM REVAULT D’ALLONNES

Mai 68 sert évidemment de bouc émissaire. On aurait tout aussi bien pu partir de l’article « autorité » de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert qui récuse déjà toute autorité de type dogmatique. C’est ce que j’ai indiqué au début de cet entretien en parlant des problèmes liés à l’avènement de la modernité. En fait, Mai 68 n’a pas aboli l’autorité, mais a acté le fait que, dans un monde en mutation, certaines formes d’autorité (en matière de mœurs, de valeurs morales et « sociétales ») étaient déjà effondrées. Dans le monde actuel, on a de plus en plus de mal à repérer les acteurs des conflits. On a renoncé à la lutte des classes dont les acteurs semblaient faciles à identifier pour la remplacer par le conflit des générations. Le prisme générationnel tel qu’il est utilisé aujourd’hui est souvent une mythologie ou alors un stéréotype. Il s’agit d’une représentation figée qui immobilise les générations dans une sorte d’identité illusoire, comme si chacune d’entre elles était installée une fois pour toutes dans sa spécificité, avec des caractéristiques bien établies qui, à la limite, empêchent la mobilité et l’échange inter-générationnel. Et donc, au lieu de réfléchir sur l’inédit, sur ce qui advient, on se précipite pour donner des réponses fausses ou inadaptées mais supposées rassurantes.

Laurent Le Vaguerèse Pour terminer, je voudrais aborder avec vous la question des sondages. On se demande parfois qui suit qui dans cette affaire et si les politiques ne se transforment pas simplement en porte-parole des sondages soit explicitement soit implicitement. Qui dans cette affaire légitime qui ?

MYRIAM REVAULT D’ALLONNES

Là encore, c’est seulement une apparence de nouveauté. Il s’agit en fait de la forme renouvelée d’une question qui surgit à l’origine de la démocratie : à savoir ce que Tocqueville appelait la tyrannie de l’opinion, la puissance du nombre. C’est l’une des raisons pour lesquelles on ne saurait renoncer au principe de la représentation. Car ce principe, contrairement à une croyance commune, ce n’est pas simplement l’usage du suffrage universel : un individu, une voix. Par le principe de la représentation, une communauté politique fait lien. Le rapport entre le représentant et le représenté est un rapport complexe. La proposition de Ségolène Royal concernant la démocratie participative a pu apparaître comme une maladresse du fait de certaines ambiguïtés. Car il ne s’agit pas de substituer à la démocratie représentative le principe de la démocratie participative (c’est une absurdité, notre démocratie moderne n’est pas l’Athènes du Ve siècle av. J. C) mais plutôt d’injecter un certain nombre d’éléments (participatifs) pour redonner vie à la forme démocratique. Encore qu’il convienne de mesurer les incertitudes et les risques démagogiques que peuvent comporter par exemple le référendum d’initiative populaire ou les jurys citoyens. Mais il s’agit du risque inhérent à la démocratie, nécessairement imparfaite et vouée à l’inachèvement.

laurent le vaguerèse et Pascale Hassoun

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9 mars 2008 7 09 /03 /mars /2008 12:38
 
 
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Philosophe de l'expérience perceptive, situant dans l'ouverture sensible de notre corps le véritable lieu de l'accès à l'Être, Maurice Merleau-Ponty (1908-1961) a pu donner le sentiment de ne rencontrer la question du politique qu'à la faveur de circonstances : l'événement de la Libération, le différend avec Sartre, le débat avec le marxisme… Pourtant, une œuvre qui s'attache à récuser les prétentions au savoir absolu, qui fait de l'équivoque et de l'ambiguïté la modalité même de la révélation du monde au sujet ne pouvait que trouver dans le champ du politique une confirmation de son orientation générale. Ce n'est pas un hasard si Merleau-Ponty a interrogé l'étrange civisme de Socrate, les multiples facettes de la pensée de Marx ou encore les incertitudes de l'œuvre de Machiavel : jeu d'apparences qui n'a valeur de tromperie qu'aux yeux de celui qui vise encore l'absolu, le champ de l'histoire et du politique est le lieu par excellence où se manifestent la nature phénoménale du monde et la précarité de l'existence.

Myriam Revault d'Allonnes, philosophe et universitaire, donne à comprendre, dans ce petit ouvrage d'une grande clarté, la cohérence et la profondeur d'une œuvre dont nous avons beaucoup à apprendre.

Du Merleau-Ponty "politique", on pourra lire Les Aventures de la dialectique et la note sur Machiavel dans Signes. Dans le sillage de Merleau-Ponty : Claude Lefort, Sur une colonne absente et de Myriam Revault d'Allonnes, Le Dépérissement de la politique. Généalogie d'un lieu commun. --Émilio Balturi


Détails sur le produit
  • Broché: 123 pages
  • Editeur : Michalon (21 mars 2001)
  • Collection : Le bien commun
  • Langue : Français
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8 mars 2008 6 08 /03 /mars /2008 16:59
 

Nous les femmes...
 
 
 
 
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8 mars 2008 6 08 /03 /mars /2008 16:18

 

Essayons de comprendre s’il y a « naturellement brigue et riotte entre (les femmes et) nous », pour reprendre les mots charmants de Montaigne. 

 

Occasion pour moi de tenter mon papier le plus risqué, pour reprendre les mots de Poulain de la Barre au 17ème siècle « tout ce qui a été écrit par les hommes sur les femmes doit être suspect, car ils sont à la fois juge et partie ». 

Je pense néanmoins être habilité à pondre quelques mots d’amitié concernant la femme, car j’ai une particularité physiologique des plus étonnantes. Un très proche m’a fait remarquer il y a quelques jours que j’avais probablement un utérus dans le cerveau. A mon étonnement, pensant qu’il lisait dans mes pensées mes fantasmes les plus exrotiques, il me répondait malicieusement que j’avais toujours une idée en gestation. Ouf !

 

Honneur à SDB, évidement sobriquetée Notre Dame de Sartre ou La grande Sartreuse, qui a ouvert une brèche monumentale en 1949 dans son essai copieux « Le deuxième sexe » qu’il faut lire et relire. Chacune des 1000 pages écrites en 18 mois a suscité des pages et des pages de commentaires, a fait couler beaucoup d’encre et d’ancres, d’invectives et d’espoirs, a alimenté les combats machistes et féministes, mais ce texte génial et généreux génère généralement encore de multiples ouvertures. Pour moi et pour aujourd’hui, c’est la notion immanence/transcendance qui m’interpelle. « Chaque fois que la transcendance retombe en immanence, il y a dégradation de l’existence en « en soi », de la liberté en facticité; cette chute est une faute morale si elle est consentie par le sujet ». On entendra par ces termes l’acception du concept existentialiste de son Jean-Paul Sartre  dans « L’être et du néant » qu’elle reprend à son compte, en partant du corps : « le corps étant l’instrument de notre prise sur le monde, le monde se présente tout autrement selon qu’il est appréhendé d’une manière ou d’une autre »

 

  • Par transcendance, elle entend par exemple « projet », élévation, recherche de soi, exploration, vision du futur, « il est constant que le phallus incarne charnellement la transcendance » « L’homo faber est un inventeur ; pour maintenir, il crée ; il déborde le présent, il ouvre l’avenir ;  il ne travaille pas seulement à conserver le monde donné, il en fait éclater les frontières », n’accomplissant sa liberté que par son perpétuel dépassement vers d’autres libertés. Esprit combatif, domination, agressivité sont d’autres explications.
  •  
  • Par immanence, on retiendra ces mots difficiles et gentiment sexistes, mais avec les effets dialectiques que l’on connaît : « Elle subit quotidiennement son destin biologique » La femme est naturellement réceptive, passive. « L’organe femelle est un réceptacle inerte » « Engendrer, allaiter ne sont pas des activités, ce sont des fonctions naturelles ; aucun projet n’y est engagé ». « La femelle est la proie de l’espèce » « La femme est prise, c’est l’homme qui effectue activement les mouvements du coït»

 

Femme de son époque, elle décrit la femme sur un versant négatif et l’homme avec une polarité neutre ou positive. Je préfère l’idée moins péjorative du Yang et du Yin.

 

Hélas, même en France et en 2008, on comprend encore bien les choses. Pour ceux qui ont la comprenette difficile, rien ne vaut que d’observer les théocraties, véritables vitrines de ceux qui mélangent encore taille de sexe et virilité, ou pour le dire autrement qui adoptent une réponse inadaptée à l’angoisse de castration, en abandonnant la moitié de leurs capacités viriles : « Nul n’est plus arrogant à l’égard des femmes, agressif ou dédaigneux, qu’un homme inquiet de sa virilité… ». Pour la paix dans ce bas monde et remédier au syndrome du vestiaire, j’ai créé le slip et le maillot de bain Wonder Braque, renforcé là où il faut, sur le principe du soutien gorge Wonderbra qui en met plein les yeux. 

 

Pour résumer des siècles de misogynie, n’oubliez pas la lecture de quelques pages écrites en 1854 par Schopenhauer « Essai sur les femmes » (Über die Weiber).  Plus qu’un essai, c’est une réussite ! 

 

Qu’en est-il de l’exercice de la médecine générale depuis son invasion par les femmes en jupons, reléguant au placard le machisme du docteur tout puissant ? J’ai souvenir des tous débuts de l’infestation du milieu généraliste par les femmes, qu’on connaissait pourtant bien à l’hôpital et dans les spécialités plutôt médicales. Auparavant, les généralistes marchaient sans états d’âme derrière leur  pénis, se rengorgeant d’avoir la plus grosse (clientèle) ou la plus longue (liste d’attente). J’ai souvenir de médecins qui reprenaient les visites à domicile après le match de foot pour se faire des réputations insensées, réveillant la veuve et l’orphelin à 23 heures en disant « je me dépêche, j’ai encore 12 patients à voir ». S’il te plait, Jak, ne nous dessine pas un « tu la sens, ma grosse clientèle ! », j’ai peur que la censure n’apprécie pas… Grâce aux femmes, un généraliste mâle peut désormais admettre ne consulter que 100 patients par semaine sans rougir.

 

Depuis Simone et grâce à l’évolution des mentalités, la femme s’est transcendée et a su concilier son rôle reproducteur et de son travail producteur ; d’un coup, la médecine physique de bûcheron que mes aînés pratiquaient tend à être substituée par une médecine plus proche du patient. Chacun cherche assurément sa part manquante et comme je suis bien un homme (n’en déplaise à SDB qui militait plutôt pour l’épanouissement de la transcendance chez les femmes), j’apprécie que notre métier ait gagné en immanence : l’individu médecin mâle assuré et tout puisant a perdu de sa superbe, de ses certitudes cassantes, même s’il n’a aucunement abandonné sa transcendance. Il s’est juste complété. Il a découvert une médecine apaisée, plus souple, arrondie. Il a gagné au contact des femmes qui font le même métier et par compagnonnage, il a acquis des qualités qu’il ne s’imaginait pas siennes. Tant mieux. Plus encore, nous récoltons de nos consœurs la véritable intelligence de la proximité. La médecine générale est celle qui doit le plus se frotter à cette immanence (le terre-à-terre, peut être) que SDB dénonce.

 

« Si les hommes ont pu marquer l’histoire, c’est parce qu’ils ne donnent pas la vie. Les femmes, de par ce « handicap » que représente leur corps, de l’adolescence jusqu’à la ménopause, sont vouées à « l’immanence », quand les hommes peuvent, au contraire, prétendre à la «transcendance » en conquérant le monde ».

 

La médecine sans les femmes me rappellerait la route sans conductrices, avec réapparition des conduites que l’on connaît trop. J’adore observer ma honte quand je m’énerve au volant contre un chauffard qui ne démarre pas immédiatement au feu rouge, avant de m’apercevoir que le chauffard en question est en réalité ma petite voisine que je kiffe en secret et qui me fait un petit coucou mouillé avant de caler. 

 

Vous n’êtes pas sans savoir que le médecin n’est pas plus malin que ses congénères et qu’il se réplique avec ce qui se trouve à portée, c'est-à-dire avant tout avec ses petites camarades de la faculté. Les médecins maris et femmes sont maintenant monnaie courante. A la belle époque, un couple de médecins fraîchement émoulu se partageait le boulot de cette manière usuelle : monsieur faisait cinquante actes par jour, madame s’occupait du repassage et du catéchisme. De nos jours, nos deux compagnons font 25 actes par jour et tout le monde y gagne, y compris leurs patients.

 

L’arrivée des femmes a correspondu avec une véritable bouffée d’oxygène dans la profession. Pour moi, c’est assez tôt dans mon exercice que mon associé mâle arrivé à l’âge de la prostate a laissé le champ libre à Marie et ses ovaires fonctionnels, féminine jusqu’au bout de rideaux. Le cabinet a pris un coup de frais, mais plus que la forme, c’est le fond qui a changé. De la vieille école, j’avais acquis mon rôle central, irremplaçable, me pliant aux quatre volontés de tous les patients au motif que rien ne justifie de perdre un « client ».

 

Marie m’a convaincu d’une place plus légère qui ne veut pas dire moins efficiente. Le plus grand choc de mon existence professionnelle fut quand elle m’annonça prendre son mercredi complet pour sa vie civile. J’hallucinais ! Et pourtant, ça le fit et fort bien, personne ne mourut et nul ne se plaignit. Me vint vite l’idée insensée de me prendre quelques heures un jeudi après-midi ! Des années plus tard, c’est dans nos réunions professionnelles mixtes que je me délecte du compagnonnage féminin.

 

Malgré tout, il reste des difficultés à aplanir pour mieux féminiser le métier, outre les difficultés démographiques la médecinte comme chèvre émissaire : j’ai souvenir de mon associée enceinte, faisant ses visites jusqu’à 39 semaines d’aménorrhée et consultant jusqu’à la veille de ses accouchements pour reprendre 15 jours plus tard. 

 

Pour terminer, je vous incite à lire Séverine Auffret ou aller écouter son cycle de conférences en cours à l‘Université Populaire de Caen : « Séminaire d’histoire des idées féministes »

 

Place particulière pour Taslima Nasreen, médecin gynécologue, que j’avais eu la chance de rencontrer lors d’une conférence au public minimaliste, soir de foot oblige. Son parcours me touche au plus haut point et je me lasse pas de soutenir les combats d’émancipation féminine dans les pays sous chape machiste : il en va de la survie de ce bas monde. 

 

 

PS : Avant d’écrire ces lignes, j’ai voulu rencontrer Simone et son « amour nécessaire » : je suis allé pleurir leur tombe au cimetière Montparnasse, comme aurait pu dire un de leurs fidèles germanopratins, Boris Vian ou Raymond Queneau…

 

 
 
 

regard alternatif, pensées déviantes, agitation de concepts

 
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6 mars 2008 4 06 /03 /mars /2008 18:39
1- "Il faut écrire ce que l'on a vu,ce que l'on a entendu,ce que l'on a ressenti,ce que l'on a vécu "
 
2- " Je n'aime pas la grande littérature ,je n'aime que la conversation écrite "
 
3- " Je me relis souvent . De là que j' écris peu . "
 
4- " pour bien écrire ,sans pédantisme ni mauvais art ,le plus sur instinct de la langue
vaut mieux que la connaissance la plus savante . "
 
5- " Rien ne vaut ,pour devenir modeste , comme de corriger les épreuves d'un livre qu ' on va publier ."
 
6 - " Le véritable écrivain est celui qui prend uniquement dans la vie la matière de ses écrits . "
 
7 - " La littérature doit ètre physique ,un point c'est tout ."
 
8 - " Quand on se lit imprimé ,on se dit : " Ce n'est que cela ?" Si on était sage ,on
ne recommencerait jamais ."
 
9 - " Le premier souci que doit avoir un écrivain : ne pas trop ennuyer les gens qui risquent de le lire . "
 
10 - " Parler de ce que l'on connait et se taire sur ce que l'on ignore ,c'est au moins le
premier signe d'un peu d'esprit . "
 
11 - " Tout livre qu'un autre que son auteur aurait pu écrire est bon à mettre au panier . "
 
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6 mars 2008 4 06 /03 /mars /2008 12:04

Philosophie des sciences.
Glissements progressifs… de la science à la manipulation

par Jean-Paul Baquiast 22/02/2008

La Revue Nouvelles Clefs a organisé le 20 février, à l'Entrepôt (Paris 14e) une «confrontation» entre Jean Staune et moi-même à l'occasion de la sortie simultanée en 2007 de nos deux livres, «Notre existence a-t-elle un sens ?» de Jean Staune et «Pour un principe matérialiste fort" de votre serviteur. J'avais précédemment expliqué, dans un article de notre magazine Automates Intelligents (http://www.automatesintelligents.com/echanges/2007/juin/staune.html), que je ne voyais pas très bien l'intérêt d'une telle confrontation. Je considère en effet que nos approches philosophiques respectives de la science sont incompatibles et qu'aucun argument rationnel ne permettrait de trancher entre nous.

J'admets en effet très bien que la science ne puisse en aucun cas prouver l'inexistence de Dieu. Mais à l'inverse, je prétends, comme la majorité des scientifiques, qu'aucun de ses résultats, passés ou actuels, ne peut prouver l'existence de Dieu. Par conséquent, toute affirmation selon laquelle la science démontrerait le bien-fondé du dualisme, c'est-à-dire l'existence d'un principe spirituel extra-matériel d'où tout proviendrait et où tout aboutirait, repose sur un véritable détournement des résultats de la science. Jean Staune croît au théisme, moi à l'athéisme. Il s'agit bien de croyances, je n'en disconviens pas. Mais comme la science n'a rien à voir avec ces croyances, qui relèvent de l'ordre du personnel, à quoi bon en discuter ? Pour ma part, quelle que soit l'estime, voire l'amitié que j'éprouve pour des chrétiens, je ne discute pas avec eux, pas plus que je ne le ferais avec des astrologues, la façon dont ils pourraient prouver scientifiquement leur foi. En général d'ailleurs, comme ce sont des gens mesurés, ils n'abordent jamais ce sujet.

Cependant, j'ai finalement accepté de rencontrer Jean Staune à l'Entrepôt (et non bien évidemment dans un lieu dépendant de son étonnante Université interdisciplinaire de Paris (http://www.uip.edu/uip/). Mais le débat s'est déroulé comme je prévoyais. Jean Staune a repris en rafales tous les arguments de son livre, tendant à démontrer le caractère scientifique du spiritualisme. J'ai pour ma part répété que ces arguments scientifiques ne m'impressionnaient pas, car ils étaient tout autant utilisables dans le cadre d'une «interprétation» athée des résultats de la science. Les lecteurs de cette revue auront la possibilité d'accéder bientôt à un enregistrement intégral du dialogue, pour qu'ils s'en fassent une idée par eux-mêmes. Mais sans attendre, je voudrais ici indiquer comment mes amis et moi avons ressenti la façon dont procède Jean Staune et ses semblables pour séduire tant d'esprits naïfs.

Dans la société française, le christianisme est encore assez répandu. Mais comme nous sommes (encore pour quelques temps) citoyens d'une république laïque, les athées, héritiers du siècle des Lumières, ont la possibilité de s'exprimer et défendre leur philosophie. Les croyants ont donc quelques scrupules à afficher la foi du charbonnier. Ils se cherchent des arguments rationnels. Ce n'est pas le cas dans le reste du monde. Partout dorénavant, des religions de combat affirment qu'ils faut croire sans discuter aux contenus de leurs Ecritures. Elles demandent à leurs affidés de combattre les armes à la main ceux qui émettent le moindre doute, quitte à se transformer eux-mêmes en bombes vivantes.

Les sciences offrent une vaste panoplie d'éléments permettant de justifier le spiritualisme. Ce n'est pas nouveau et ne présente rien d'étonnant. Le front des connaissances a pris avec le développement des nouvelles technologies d'observation, et depuis le début du XXe siècle, un caractère à la fois subtil et mouvant. Sans être spécialisé dans l'histoire de la philosophie des sciences, on sait par exemple que la double «révolution» de la relativité et de la physique quantique a été depuis les années 1930 pain béni pour les spiritualistes, des plus honorables jusqu'aux plus manipulateurs. Enfin la science reconnaissait qu'elle devait abandonner le concept, d'ailleurs lui-même métaphysique, d'un réel dur comme le roc, que le scientifique pouvait décrire en détail. Malheureusement pour les spiritualistes, depuis plus de soixante-dix ans maintenant, les scientifiques, dans leur écrasante majorité, n'ont jamais affirmé que la science admettait enfin la pertinence du paradigme dualiste spiritualiste. Pour ces scientifiques, baliser les nouveaux champs d'incertitude qu'ils croyaient déceler dans la modélisation du monde a toujours été pour eux l'occasion, par de nouvelles hypothèses, de mieux chercher à connaître ce monde. Ce n'était pas du tout le feu vert pour un retour aux Ecritures et aux croyances traditionnelles.

Il reste que les croyants raisonnables (encore une fois, je ne pense pas là aux populations misérables du tiers monde qui n'ont guère le loisir de faire de la philosophie critique), restent toujours en quête d'un discours qui pourraient à leurs yeux les réinsérer dans la modernité techno-scientifique. Les athées s'épuisent à leur dire qu'ils n'ont pas besoin d'un tel discours pour croire ce en quoi ils croient, puisqu'il s'agit d'autre chose que de science. Mais si grand est le prestige de la science qu'ils n'en démordent pas. Il leur faut un label estampillé du sceau de la scientificité. L'habileté d'un Jean Staune, commune à tous ceux qui de par le monde financent avec beaucoup d'argent le «dialogue constructif entre les sciences et les religions», est de leur fournir les arguments dont ils ont besoin. Les sciences émergentes dites de la complexité s'ajoutent aux vieux chevaux de retour de la physique quantique et de la relativité, toujours valides quant il s'agit d'embrouiller l'esprit des ignorants, pour offrir matière à manipulations.

Une offensive venant de plus loin qu'il n'y paraît

On me reprochera de parler de manipulations. Mais il s'agit bien de cela, comme une lecture attentive du livre de Jean Staune le montre. On commence par des citations présentées hors contexte et prélevées dans des ouvrages de vulgarisation où l'auteur fait appel à des métaphores pour mieux se faire comprendre. Puis par des glissements progressifs, on arrive à des interprétations subjectives personnelles présentées comme des faits scientifiques. Si bien que l'on débouche sur des énormités comme celles relatives à la persistance de la conscience après la mort et à l'existence d'une conscience universelle extra-matérielle(1).

L'utilisation par Jean Staune et ses amis du thème de l'incomplétude pour justifier le divin est exemplaire à cet égard(2). Comme le lui ont reproché des scientifiques plus avertis que moi, Jean Staune, ou bien s'appuie sur des évidences triviales qui ne devraient susciter aucun débat, ou bien avance des interprétations dont le seul objectif est d'éliminer toute possibilité d'argumentation scientifique. C'est ainsi une trivialité de dire que le cerveau humain, en l'état actuel des connaissances hébergées par nos neurones, est incapable de décrire exhaustivement l'univers ou prédire son évolution. Mais dire que le théorème de Gödel règle le débat constitue une véritable entourloupette. Le théorème de Gödel intéresse un domaine bien particulier de la logique mathématique. Personne en dehors des polémistes ne songe aujourd'hui à prétendre qu'il peut s'appliquer à une description de l'univers entier.

On peut se demander pourquoi certains spiritualistes se donnent tant de mal pour chercher dans la science des arguments à l'appui de leur croyance en Dieu. Je pense que l'une des raisons justifiant ce qu'il faut bien appeler une «masturbatio mentis» tient à ce que la science moderne décrit dorénavant très bien les bases neurales et épigénétiques du besoin de croire. Celui-ci est apparu et s'est développé chez les hominiens dès que ceux-ci se sont rendus compte qu'ils étaient mortels. Pour affronter cette réalité décourageante, leur cerveau a généré des mythes consolateurs, à base de puissances tutélaires, d'au-delà, d'éternité. La capacité à entretenir ces mythes est devenue héréditaire et a permis à l'espèce d'éviter désespoir et suicide. Les athées eux-mêmes reconnaissent que les mêmes bases neurales de la croyances sont activées chez eux quand leur cerveau évoque des croyances plus matérielles, comme la foi irraisonnée au progrès, au triomphe de la vérité, lesquelles découlent elles aussi, si on les prend au pied de la lettre, d'une interprétation subjective d'un certain nombre d'observations statistiques.

Mais ne soyons pas angéliques. En y regardant de plus près, l'érection en dogme du principe d'incomplétude, ou d'autres analogues, représente quelque chose de plus grave. Ce n'est qu'une des armes adoptées par un spiritualisme de combat loin d'être aussi désintéressé qu'il ne le dit. L'opération est perverse et vient de loin. Ses dimensions relèvent véritablement de la géopolitique, c'est-à-dire de l'offensive de super-pouvoirs politiques extra-européens s'en prenant à la science européenne. La neutralité de celle-ci faisait sa force son universalité. Il faut donc prouver qu'en fait, cette neutralité cache une idéologie à détruire. Je m'en suis expliqué dans mon livre, auquel je n'aurai pas la prétention de renvoyer le lecteur. La science européenne «neutre» (comme la science américaine laïque qui est son héritière), doit disparaître, car elle est dorénavant un obstacle à la propagation d'idées politiques combattantes inspirées par les conceptions bibliques, islamiques ou, pourquoi pas, «contemplatives» du monde. Celles-ci n'ont évidemment rien de «neutre».

Si l'incomplétude a tout dit, si Dieu est là pour répondre aux questions posées par la science, il n'y a plus besoin en Europe de scientifiques ni de crédits de recherche provenant des budgets publics républicains. Pour extrapoler sur un propos n'ayant pas malheureusement suscité le scandale qu'il méritait(3), le curé (auquel nous ajouterons pourquoi pas l'imam, le rabbin voire le scientologue) seront bientôt considérés comme mieux placés pour parler de science aux enfants que les instituteurs, survivances d'une laïcité républicaine devenue gênante. La «laïcité ouverte» que l'on nous propose sera le véritable pandémonium où pourront s'affronter les représentants de tous ces spiritualismes, au grand bénéfice des futures «guerres de civilisation».

Notes
(1)On constatera que Jean Staune s'entête à parler de la «conscience» dans les mêmes termes que les prédicateurs de tous les temps ont parlé de l' «âme». Mais il évite ce terme d'âme, qui l'éliminerait immédiatement du champ du débat scientifique.
(2)Voir ce qu'en dit l'un de ses adhérents, Jean-François Lambert, sur le site de l'UIP (http://www.uip.edu/uip/spip.php?article629).
C'est le droit de ce monsieur de croire ce qu'il écrit, comme c'était le droit du père de Chardin de croire au point oméga. Mais un document pratiquant le «names dropping», art consultant à multiplier des citations sorties de leur contexte, ne transforme pas un article polémique en démonstration rigoureuse. J'aurais pu pour ma part écrire au moins 10 livres aussi gros que celui de Staune pour expliquer que le matérialisme (ou si l'on préfère pour parler comme les Britanniques, le «naturalisme») a toujours inspiré la pensée scientifique.
(3) Celui selon lequel le prêtre est aussi bien, sinon mieux placé que l'instituteur pour enseigner la morale aux enfants.

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6 mars 2008 4 06 /03 /mars /2008 07:31

 

Frantz Fanon : L'importun
par Christiane Chaulet Achour

 

( Livre )

2004, 79 p., 5 euros

Éditeur : Chèvre-feuille étoilée - collection : Autres Espaces - ISBN : 2914467230


Des générations de Martiniquais, de Français, d'Algériens, ne connaissent pas le nom de Franz Fanon. Pourtant, ce psychiatre, ce résistant, ce révolutionnaire a été leur concitoyen.

Christiane Chaulet Achour retrace pour nous le chemin que cet homme, mort à 36 ans, a emprunté dans le contexte de la décolonisation. Sa position sur l'irruption des femmes dans la sphère publique à l'occasion de la lutte d'indépendance de l'Algérie nous paraît exemplaire de sa pensée politique mais aussi philosophique. Plus qu'un acte de mémoire, ce texte est une invitation à découvrir à quel point la pensée dense et fulgurante de Fanon et ses analyses sur la violence et la culture restent actuelles.

« Ô mon corps, fais toujours de moi un homme qui interroge ! »

Dans BiblioMonde

Frantz Fanon, portrait

____________________________________________

Si vous commandez ce livre à partir de cette page, BiblioMonde touchera une commission et vous participerez ainsi au financement du site.

 

 

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5 mars 2008 3 05 /03 /mars /2008 15:37

Éditions en ligne

Université Denis Diderot Paris 7 - CSPRP

Penser aujourd'hui avec Frantz Fanon

     

« Ouverture du colloque », Mireille Fanon-Mendes-France

Penser aujourd'hui à partir de Frantz Fanon, Actes du colloque Fanon

Éditions en ligne, CSPRP - Université Paris 7, Février 2008

Il m'incombe la lourde tâche d'ouvrir ce colloque. En effet, Pierre Sané, directeur du secteur des sciences sociales et humaines à l'Unesco, ne peut être avec nous pour des problèmes de santé. Sans lui et sans la section de la sécurité humaine, démocratie et philosophie, cette journée mondiale de la philosophie n'aurait pu avoir lieu. Qu'il en soit chaleureusement remercié, que toutes les personnes de cette section le soit aussi. Je voudrais particulièrement remercier Feriel qui travaille avec Pierre Sané et qui a fait en sorte que toutes les difficultés soient aplanies pour que ces deux jours de colloque se passent au mieux. Merci aussi à Valérie Lowit, c'est grâce à sa volonté d'organisatrice que nous sommes arrivés à ce colloque, à Sonia Dayan qui a initié l'idée de ramener Fanon sur le devant de la scène et qui a bravé les intempéries administratives pour que ce colloque ait lieu ; merci à toutes celles et tous ceux qui ont permis que l'on se retrouve ensemble pour parler de Fanon et de son actualité dans le monde d'aujourd'hui, monde globalisé, violent et dans lequel les régressions sociales, politiques, civiles et des droits fondamentaux affichent une hausse telle qu'elle met en péril la paix et la sécurité internationales en bien des endroits.

Me retrouver ici aujourd'hui est à la fois un honneur mais aussi une difficulté. Je me trouve face à des personnes qui ont travaillé les problématiques soulevées par Fanon alors que je ne l'ai jamais fait. Certes, j'ai lu ses ouvrages mais par intérêt politique et militant. Ses écrits ne sont pas l'objet de mon travail. Je dirai simplement que je ne suis que sa fille, ce qui explique que je n'ai pas l'expertise que vous en avez et que d'autres liens m'unissent à lui.

À l'occasion de ce colloque, je me suis interrogée sur ce qui fait que d'aussi loin que je me souvienne, je me suis toujours élevée contre l'injustice et qu'à un moment donné cela m'a amené à lire à Fanon au regard de cet engagement.

Je dirai simplement que cela ne passe, peut être pas, par mon père ; nous avons été séparés rapidement, mais j'ai vécu dans des lieux où il était passé ou simplement il aurait certainement fait le choix de vivre. Très jeune, j'étais à Saint Alban où Tosquelles m'offrait des poupées d'une blondeur outrancière qui faisaient mon bonheur et qui me permettaient de penser que j'étais comme mes camarades de classe, qui souvent me traitaient de sale négresse. J'en ressentais un grand sentiment d'injustice et d'incompréhension... Puis ce fut Saint Anne où terrorisée des dégâts de l'alcoolisme, je déversais dans l'évier, les bouteilles de vin destinées aux médecins et internes de l'hôpital. J'ai fini par me faire prendre. Pour mes 8 ans, j'ai rejoint ma mère et son mari à La Borde. J'y ai passé une partie de mon enfance et de mon adolescence. A 11 ans, j'étais fascinée par Jean Oury. J'entrais partout, connaissais tout le monde, soignants/soignés, ma famille était étendue - au sens africain du terme - et se composait des uns et des autres. Nous vivions parmi et avec les fous, cette confrontation me paraissait normale ; le monde extérieur, quant à lui, était difficile et source de nombreuses incompréhensions. Je dois ajouter qu'à La Borde il se passait toujours quelque chose ; tous pensaient ensemble pour mettre en mots les maux dont souffraient celles et ceux qui y passaient le temps de se restaurer ; se retrouvaient aussi des militants connus ou inconnus, des Français, des Africains des Algériens. La Borde, à la fois un lieu de soins, d'élaboration de la pensée et aussi un lieu d'engagement politique, pas de dissociation entre tous ces engagements.

Dès lors tout ce qui se passait à l'extérieur me semblait étrange, ennuyeux et curieux. La normalité était le quotidien avec la folie : le droit à la différence, le vivre avec et ensemble, la souffrance à vivre, à être debout me semblait normal et parfaitement légitime. On pourrait parler d'intérieur et d'extérieur, oui, deux mondes s'affrontaient... l'un où il était normal de vivre avec les dysfonctionnements de l'âme, l'autre qui rejetait en bloc et les soignants et les soignés.

De là peut être à penser que mon combat pour le droit à la différence s'origine en ces lieux de vie particuliers. Je pense que l'interprétation est valide.

À ce moment, je n'étais que la fille de Fanon, lequel était admiré par toutes les personnes engagées passant par La Borde ; aujourd'hui, je suis une militante engagée dans la lutte contre les nombreuses violations des droits humains et celles faites au droit des peuples. Et comme tous les militants dénonçant les dérives d'un système inégalitaire, violent et discriminatoire, j'ai lu Fanon pour comprendre la relation et la nature de la relation dominant/dominé ainsi que les variations de cette relation.

Et il se trouve qu'à cette lecture, j'ai trouvé des réponses permettant de continuer à élaborer de la pensée.

Oui, nous sommes toujours dans « L'Europe, ce continent gras et blême, Cocteau s'agaçait de Paris, cette ville qui parle tout le temps d'elle-même. Et l'Europe, que fait-elle d'autre ? Et ce monstre sureuropéen, l'Amérique du Nord ? Quel bavardage : liberté, égalité, fraternité, amour, honneur, patrie, que sais-je ? Cela ne nous empêchait pas de tenir en même temps des discours racistes. De bons esprits, libéraux et tendres - des néo-colonialistes en somme - se prétendaient choqués par cette inconséquence, erreur ou mauvaise foi : rien de plus conséquent, chez nous, qu'un humanisme raciste puisque l'Européen n'a pu se faire homme qu'en fabriquant des esclaves et des monstres ».

Je ne fais que citer Jean-Paul Sartre, 1961, extrait de la Préface aux Damnés de la terre.

Penser Fanon aujourd'hui c'est prendre des risques, c'est se mettre sur cette fameuse ligne de sorcière dont parle Deleuze ; c'est prendre le risque de se voir affublé de l'adjectif terroriste ; de nombreux critiques se sont contentés de mettre en avant la violence dont parlait Fanon en lui faisant jouer un rôle qui n'était pas celui qu'il lui attribuait. Est-ce pour cela qu'en France, voire même en Europe, Fanon paraît relégué dans les sous-sols du musée de l'histoire ?

Je ne sais, mais il me semble qu'il y en a eu une instrumentalisation négative.

Le monde a changé et change encore, au regard des changements qui nous font dangereusement revenir en arrière et nous mettent tous ensemble dans une relation au monde mortifère, il est, dès lors, normal et même sain de se demander si Fanon peut encore contribuer à l'émancipation des peuples et de l'être humain dans un contexte différent de celui qu'il a connu et combattu ?

Le constat est simple : où que l'on se tourne, le racisme du dominant revient en force sous de nouvelles formes : culture supérieure de paix- logiquement la culture occidentale issue du capitalisme et du colonialisme- ; culture religieuse judéo-chrétienne par opposition à d'autres cultures et religions synonymes de mort, de haine, de désordre, d'invasion, adoptées par des peuples sous-développés qui, par ignorance et par incapacité à participer à l'histoire - je me réfère au discours de Dakar tenu par Sarkozy sur l'homme africain - ne comprennent pas les vertus et les bienfaits du capitalisme et sont incapables d'assimiler l'inéluctabilité des lois de marché. En fait, l'axe du bien se défend de ce qu'il nomme sous-cultures composées de sous-hommes, pour cet axe, ces dits sous-hommes ne méritent pas la protection du droit. A ces sous-hommes, il faut mettre des barrières : lois contre les migrants, répression policière, suppression des droits du travail, des droits à la vie privée, remise en cause des acquis sociaux, sans oublier les violations nombreuses des normes impératives du droit international et du droit humanitaire international...

Alors dans ce contexte, pourquoi encore Fanon ? Psychiatre, oui, mais il était avant tout un militant convaincu. Sa pensé et sa pratique n'ont jamais prétendu substituer la lutte pour l'émancipation des peuples à la lutte contre le système de domination par la négritude.

La preuve : son engagement dans la lutte de libération nationale du peuple algérien soumis à la domination coloniale alors que le problème de la « négritude » ne se posait pas avec la même intensité.

Aujourd'hui, le Choc des civilisations, les guerres d'agression, les nouvelles formes de racisme et de xénophobie, le saccage, sans vergogne, des ressources naturelles et autres des pays du sud, les crimes internationaux, l'institutionnalisation de l'impunité, les dérégulations des normes du droit international sont les actes quotidiens des pays développés, au sein du système capitaliste, qui construisent leur culture identitaire sur le mépris de l'autre, de l'étranger. En France par exemple, mais aussi dans d'autres pays développés. Ainsi, on trouve maintenant la généralisation de la traçabilité sur l'origine raciale- évidemment pas celle de l'homme blanc et occidental- ; mais aussi la naissance d'un ministère de l'identité nationale, des lois qui sont la manifestation des nouvelles formes de racisme et de xénophobie.

De tels constats démontrent que la lutte pour l'émancipation a été substituée par l'aliénation des peuples des pays dominants -à l'exception d'une minorité. Ces nouvelles poussées, (institutionnalisation et matérialisation du mépris et du racisme sous de formes nouvelles), sont les témoins des dégâts causés par le système dominant et témoignent de l'aliénation et de l'appropriation des esprits par les dominateurs.

Le combat de Fanon ne visait pas seulement la libération de l'homme noir ou du colonisé, mais visait l'émancipation des peuples, la libération de l'homme de l'aliénation par la lutte. La seule issue possible est l'action sur le réel. Il en va ainsi de l'action du peuple palestinien, et un de nos échecs en tant qu'européens c'est que cette lutte, juste et légitime, devient de plus en plus hors du réel ; il en va ainsi de la lutte des peuples latino-américains qui, eux, ont pris le pas sur le « réel » impérialiste nord-américain et européen, sur le « réel des lois du marché », sur le « réel » de la violence des dominants », sur le « réel » du pillage des richesses par les pays capitalistes développés... de là tout l'intérêt des transformations sociales qui s'y opèrent. Il en va ainsi de l'action de ces peuples pour l'émancipation des peuples, pour l'émancipation de l'homme, pour l'émancipation du dominé

Alors, oui Fanon est d'actualité car il fait sens à la lutte des peuples qui tentent de construire des alternatives réelles et concrètes au modèle néo-libéral et à l'impérialisme nord-américain et européen, à la lutte d'émancipation de l'homme en interrelation avec celle des peuples.

Lutte d'émancipation des peuples, d'émancipation de l'homme, refus de toute nouvelle forme de racisme et de domination, lutte pour un homme debout, Fanon n'a pas fini de nous apprendre à nous dégager des modèles que veut imposer la vieille Europe, qui n'en finit pas de mourir. Dans ces derniers soubresauts de domination, elle tente encore de se protéger par un déchaînement de violence contre l'homme et contre les peuples préférant entraîner les uns et les autres dans sa décomposition. A nous de résister et de mettre en avant les dynamiques constructrices de sens et de vie, c'est bien pour cela que nous sommes ici. Tenter de trouver des éléments de résistance et de construction d'une pensée refusant les éléments de la relation dominant/dominé, trouver tout cela dans l'actualité de Fanon.

* * * * * * * * * * * *

Je profite de cette occasion pour annoncer la création de la Fondation Fanon, c'est chose faite depuis le mois de septembre.

La Fondation Frantz Fanon, structure ouverte et en réseau, prend son sens dans une série de questionnements que Fanon lui-même posait au monde, mais aussi à partir de la question que posent les évènements et la lecture du monde: qu'arrive t il, aujourd'hui, à l'oeuvre de Fanon, qu'en est il de sa présence et de ce qu'il pensait de la construction d'une « nouvelle humanité », d'un universel pluriel? Cette Fondation positionnée en réseaux (Antilles, Etats-Unis, /Amérique latine, France-Europe, Moyen-Orient, Afrique de l'Ouest et Afrique de l'Est, Asie), travaillant de manière transversale, doit assurer la présence du travail de et à partir de Fanon aujourd'hui et dans le monde.

Une des particularités de la pensée de Fanon, à travers les différents terrains qu'il a lui-même investis, est d'avoir relié entre eux des lieux qui paraissaient éloignés l'un de l'autre, géographiquement (la France, la Caraïbe, le Maghreb, l'Afrique sub-saharienne) ou institutionnellement (l'hôpital psychiatrique et la scène politique). Ce travail transversal en réseaux doit servir à relier des lieux et à confronter sa pensée aux expériences, aux problèmes et aux problématiques du présent et en montrer l'actualité, car l'une des dimensions de la pensée de Fanon est sa mondialité.

L'alternative montrée par les engagements de Fanon se présentait hier, entre le système capitaliste et le système socialiste, Fanon appelant à l'inauguration d'une autre voie. Et aujourd'hui, ce même choix alternatif se présente entre un universalisme récupéré par les puissants dans le contexte du système capitaliste dit aussi mondialisation et les luttes pour la construction d'une société internationale fondée sur la solidarité, la coopération et l'amitié entre les peuples. C'est cette face politique de Fanon - connue - et qui aujourd'hui se révèle d'une actualité incontestable.

Merci à chacune et chacun de vous d'être là, merci de réfléchir à haute voix et de permettre d'actualiser la pensée de Fanon au regard du monde dans lequel nous vivons, merci à celles et ceux qui nous ont réunis et encore merci pour mettre en commun votre pensée.

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3 mars 2008 1 03 /03 /mars /2008 20:11
Maurice Merleau-Ponty
Citations « Maurice Merleau-Ponty » sur Wikiquote, le recueil de citations libre
 
 

Maurice Merleau-Ponty, né en 1908 et mort en 1961, philosophe français, fut professeur à la Sorbonne puis au Collège de France. Ses travaux s’inscrivent dans le courant du mouvement phénoménologique.

 Éloge de la philosophie, 1953

Celui qui est témoin de sa propre recherche, c’est-à-dire de son désordre intérieur, ne peut guère se sentir l’héritier des hommes accomplis dont il voit les noms sur ces murs. Si, de plus, il est philosophe, c’est-à-dire s’il sait qu’il ne sait rien, comment se croirait-il fondé à prendre place à cette chaire, et comment a-t-il pu même le souhaiter ?

  • Éloge de la philosophie et autres essais (1953), Maurice Merleau-Ponty, éd. Gallimard, coll. Folio/Essais, 1996 (ISBN 2-07-032510-5), p. 13

 

Le philosophe se reconnaît à ce qu’il a inséparablement le goût de l’évidence et le sens de l’ambiguïté.

  • Éloge de la philosophie et autres essais (1953), Maurice Merleau-Ponty, éd. Gallimard, coll. Folio/Essais, 1996 (ISBN 2-07-032510-5), p. 14

 

Si philosopher est découvrir le sens premier de l’être, on ne philosophe donc pas en quittant la situation humaine : il faut, au contraire, s’y enfoncer. Le savoir absolu du philosophe est la perception.

  • Éloge de la philosophie et autres essais (1953), Maurice Merleau-Ponty, éd. Gallimard, coll. Folio/Essais, 1996 (ISBN 2-07-032510-5), p. 23

 

Philosopher, c’est chercher, c’est impliquer qu’il y a des choses à voir et à dire. Or, aujourd’hui, on ne cherche guère. On « revient » à l’une ou l’autre des traditions, on la « défend ».

  • Éloge de la philosophie et autres essais (1953), Maurice Merleau-Ponty, éd. Gallimard, coll. Folio/Essais, 1996 (ISBN 2-07-032510-5), p. 45

 

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