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Leszek Kołakowski, Varsovie (Pologne), 23 octobre 2007
Leszek Kołakowski, né le 23 octobre 1927 à Radom (Pologne), est un philosophe, historien de la philosophie
et essayiste polonais.
Kołakowski termine ses études préuniversiatires en 1945, puis s’inscrit en philosophie à l’Université de Łódź où il poursuit ses études jusqu’en 1949. Dans un
pays où l’influence du marxisme, profonde à la fin du XIXe siècle, avait connu un
sérieux déclin, il s’engage très tôt dans le militantisme communiste (membre de l’Union
de Combat des Jeunes, ZWM). Il poursuit ses études de philosophie à l’Université
de Varsovie à partir de 1949 et y fait la carrière classique d’un grand professeur.
Dès la fin de ses études, il se fait remarquer par l'étude de la pensée des courants intellectuels chrétiens, néo-thomistes en particulier[1]. À partir de 1956, il apparaît comme le chef de file du « révisionnisme » philosophique dans l’ensemble des démocraties populaires. La tactique de ces jeunes contestataires, dans des pays récemment « déstalinisés »,
consiste à retourner contre les régimes en place les armes et les slogans du marxisme ; à confronter les promesses d’égalité, de liberté et d’abondance de la propagande avec la vie quotidienne misérable et assujettie des masses. Il s’agit donc d’une critique « de gauche », qui
recherche une forme de dialogue avec certaines tendances au sein des partis communistes et qui se réclame d’un socialisme ouvert et non dogmatique. Kołakowski livre ce combat en assumant, dans la deuxième moitié des années 1950, la rédaction en chef
de la revue La Pensée contemporaine et en participant au comité de rédaction du grand hebdomadaire Nouvelle Culture.
Leszek Kołakowski, Varsovie (Pologne), 23 octobre 2007
Mais la tentative des « révisionnistes » échoue. Dix ans après octobre 1956, qui avait vu le remplacement à la tête du pouvoir des staliniens envoyés de Moscou par des communistes « autochtones », la désillusion est complète. Kołakowski prononce une conférence à l’Université de
philosophie de Varsovie où il fait un bilan ironique des dix ans de relative libéralisation.
« Qu’avons-nous à célébrer ? Nous n’avons rien à célébrer. » Il est exclu du Parti dont le secrétaire général, Gomulka, le désigne comme « le principal adversaire »[réf. nécessaire]. À la suite des émeutes de mars 1968, durant lesquels les étudiants polonais descendent dans la rue et affrontent la police pour protester contre la censure, Kołakowski est
exclu de l’Université, puis chassé de Pologne, en compagnie des derniers représentants nationaux d’un marxisme non
dogmatique (Bronislaw
Baczko, Zygmunt Bauman, Krzysztof Pomian, Włodzimierz Brus, etc.). On remarque parmi ces intellectuels de nombreux Juifs,
accusés de « sionisme ».
Kołakowski émigre d’abord en Amérique du nord où il enseigne durant les années universitaires 1968-70, d’abord à Université McGill, au Québec, puis à Berkeley. En plein « Summer of love »
hippie, il est confronté aux thèses de la contre-culture occidentale des années 1960. Il en conservera une exaspération
tenace envers les formes contemporaines du relativisme culturel et deviendra un adversaire
sardonique du post-modernisme. Il se consacre aussi à déconstruire les mythologies
révolutionnaires[2].
En 1970, il rejoint en tant que fellow le All Souls College, l'un des plus prestigieux collèges de l’Université d'Oxford.
Professeur à la retraite, il vit et continue de travailler à Oxford.
Caractérisé par son scepticisme, Kołakowski s’inscrit dans une tradition intellectuelle universaliste et rationaliste, héritière des Lumières européennes. Écrivant en quatre langues, il a publié une trentaine d’ouvrages. Ceux-ci vont de traités de
philosophie, comme l'essai sur La Philosophie positiviste en 1966, ou le Traité sur la mortalité de la
Raison, publié en allemand en 1967, à
des essais littéraires d’un esprit assez voltairien, comportant aussi bien un recueil de réflexions que des
contes (comme Treize fables du royaume de Lailonie pour petits et grands, en polonais en 1963), des fictions et même un scénario de film
(Exilés du paradis, en 1963).
Il demeure aujourd’hui comme un grand connaisseur des développements du marxisme, auxquels il a consacré une étude
en trois volumes Les Courants principaux du marxisme (Naissance, Évolution, Effondrement)[3]. D’après Kołakowski, le système stalinien était un « système politique où tous les rapports sociaux ont été étatisés et où l’État omnipotent se
retrouve seul face à des individus réduits à l’état d’atomes ». Le stalinisme était finalement « un
marxisme-léninisme en action »[4].
Kołakowski a entretenu un constant dialogue avec le christianisme, dont il connaît précisément l’histoire
des sectes hérétiques. Étudiant les courants du marxisme d’un côté et l’histoire religieuse de l’autre, il établit des comparaisons pour conclure à la nocivité historique de toutes les formes de
manichéisme et de millénarisme.
Ouvrages traduits en français [modifier]
-
Chrétiens sans Église : la conscience religieuse et le lien confessionnel au XVIIe siècle, Gallimard, 1966.
-
L'Esprit révolutionnaire ; (suivi de) Marxisme, utopie et anti-utopie, Éditions Complexe, Bruxelles, 1978.
-
La Philosophie positiviste, Denoël, Paris, 1976.
-
Le Village introuvable, Éditions Complexe, Bruxelles, 1986.
-
Histoire du marxisme, Fayard, 1987
-
I) Les Fondateurs, Marx, Engels et leurs prédécesseurs ;
-
II) L'âge d'or de Kautsky à Lénine.
-
Horreur métaphysique, Payot, 1989.
-
Husserl et la recherche de la certitude, L'Âge d'Homme, 1991.
-
Dieu ne nous doit rien : brève remarque sur la religion de Pascal et l'esprit du jansénisme, Albin Michel, 1997.
-
Philosophie de la religion, 10/18, 1999.
-
Petite philosophie de la vie quotidienne, Éditions du Rocher, 2001.
-
La Clef céleste ou Récits édifiants de l'histoire sainte réunis pour l'instruction et l'avertissement, Bayard, 2004.
Notes et références [modifier]
-
↑ Dans Essais sur la philosophie catholique de 1956.
-
↑ En particulier dans L’Esprit révolutionnaire, publié en français en
1978.
-
↑ En français, seuls les deux premiers volumes ont été traduits. Dans le troisième tome, il traite du stalinisme ainsi que des pensées de Trotski, d'Antonio Gramsci, de Lukacs, de Karl
Korsch, de l’École de Francfort, des œuvres de Marcuse et d’Ernst Bloch.
-
↑ Leszek Kołakowski, « Marxist Roots of Stalinism », dans Robert C. Tucker (éd.), Stalinism. Essays in Historical Interpretation, New York, W. W.
Norton, 1977, p. 283-298. Les passages cités sont repris de Nicolas Werth,
« Stalinisme », dans Jean-Pierre Azéma et François Bédarida (dir.), 1938-1948 : les années de tourmente : de Munich à Prague :
dictionnaire critique, 1995, p. 1063.
Liens externes [modifier]