Depuis plus de vingt ans que les ouvrages de Giorgio Agamben sont
traduits et publiés en France, ses lecteurs auront remarqué que le philosophe a recours à plusieurs manières pour communiquer sa pensée. Il use tantôt d’un style analytique,
relativement austère et technique, propre à la tradition philosophique et en particulier universitaire, tantôt d’une écriture plus dense et plus imagée, plus poétique, et ce avec
une grâce qu’il faut saluer. La Puissance de la pensée, un recueil d’articles et de conférences couvrant trente années de travail, appartient sans conteste à la première
catégorie susdite, même si disant cela je me dépêche de préciser que cette partition est un peu sommaire et qu’une beauté propre à l’écriture philosophique pousse sur les terres les
plus sèches. Ces articles et ces conférences qui ont accompagné dans l’ombre la publication d’ouvrages tels que Idée de la prose, Stanze, La communauté qui vient, la série
des Homo sacer et plus récemment Profanations, forment le soubassement qui fut nécessaire à un travail de reprise et de développement où la fulgurance, quand elle
éclate, apparaît comme le bénéfice d’un travail plus laborieux, son résultat. Règle qui ne vaut pas que pour la philosophie mais pour toute activité artistique, comme si la vitesse
était l’effet d’un piétinement. Ce qui fait la richesse et la nouveauté de ce philosophe italien vient en partie de ce qu’il croise une érudition philosophique exceptionnelle avec
une passion pour l’art, la politique et la religion (en particulier le judaïsme et les histoires talmudiques dont il émaille ses raisonnements avec beaucoup de bonheur). Autant dire
que résumer sa philosophie relève d’une gageure. Néanmoins le titre de cet ouvrage pointe en une direction particulière qui n’est pas celle du pouvoir ou de la domination (l’éternel
malentendu avec le concept de puissance) mais celle de la nature de la pensée, de son fond qui nous affecte et nous détermine jusque dans nos actes les plus spontanés et les plus
créatifs. Mystère de la connaissance mais aussi de l’amour, ils sont liés, et pas seulement parce que la tradition philosophique le veut. Voir, le plus possible, le maximum, jusqu’à
la limite du visible, c’est s’ouvrir et faire en soi la place pour l’étranger ou l’inconnu qu’il nous revient d’accueillir. Telle serait la tâche éthique de la pensée, laquelle
implique un usage paradoxal du langage. En effet, l’exercice de la pensée à la fois se réclame de la tradition et s’oppose à elle, dans la mesure où celle-ci s’oppose au
surgissement du nouveau. Mais au-delà de cette dialectique entre langage et tradition, une force non contradictoire cherche à s’émanciper à la faveur de l’expérience ou de la
découverte. C’est celle qui est propre à la puissance de la pensée, à ce qu’elle peut, de laquelle tout dépend, le moindre de nos gestes, la plus élémentaire de nos actions, mais
aussi, c’est compatible, notre passivité, notre écoute et notre hospitalité.
Le paradoxe du langage
La philosophie supporte un nombre conséquent de définitions. Parmi elles, la
recherche d’un sens qui se confond généralement avec une recherche de fondement, une quête de l’origine, d’une cause première. A ce titre, le langage philosophique, avec la
technicité qui le caractérise, se présente comme le véhicule privilégié d’une connaissance singulière et fondamentale qui n’est pas sans relation avec le phénomène de révélation que
l’on rencontre au sein des religions. Le domaine censé circonscrire l’étude des vérités premières est le domaine de la métaphysique. Avec la perte de la croyance et le refus des
arrière-mondes, l’idée qu’un langage puisse véhiculer une vérité ineffable ne va plus de soi. Kant, en démontrant que la « chose en soi » était interdite à la connaissance humaine,
amorça le déclin de cette science des principes. On comprendra dès lors que la philosophie du XIX°, et plus encore celle du XX° siècle, ait remis le langage au cœur de ses
préoccupations : si un sens fondamental ne peut plus être présupposé comme étant au fondement de la parole philosophique, en quoi va consister sa vérité ? Le paradoxe du langage
consiste en ceci qu’il ne peut prétendre dire quelque chose – le temps qu’il fait ou la nature de l’être – sans présupposer une réalité qui lui est extérieure et en laquelle il se
ressource. Il tendrait donc à rendre manifeste quelque chose qui lui échappe par nature, à moins qu’en plus de désigner un hors-champ, il ait le pouvoir de présenter ou de faire
exister cette chose par la seule puissance du verbe. Cela impliquerait que le langage se présente comme le lieu d’une expérience sans présupposé, c’est-à-dire sans passé ou
histoire, lesquels se verraient abandonnés au profit d’une illumination, d’une épiphanie. User d’un tel vocabulaire n’est pas sans risque. Ce n’est pas celui de Giorgio Agamben qui
préfère parler de matière ou de fête, mais qu’est-ce qu’une épiphanie sinon la fête de la matière retrouvée ?
La pensée de Giorgio Agamben sur le langage est complexe. Elle est le fil rouge de
toute son œuvre, à ce titre je ne peux prétendre la résumer sans la réduire. L’essentiel est de comprendre que l’expérience à laquelle se prête le langage confronte une expérience
signifiante à une expérience ontologique. L’être primerait sur le sens, ou, pour mieux dire, l’épuisement des significations déboucherait sur une reconnaissance de l’être en tant
que puissance, promesse, mais maintenant et ici, si ici est le lieu de la pensée même, le lieu du langage tel que la pensée l’habite et peut-être le déborde ou le creuse.
Deux écueils se présentent : d’une part il semble impossible de s’affranchir d’un domaine de référence qui fonde la signification ; d’autre part rien ne garantit qu’une traversée du
sens comme des apparences débouche sur une vérité plutôt que sur un vide absurde et stérilisant.
C’est en réfléchissant sur la nature du langage, c’est-à-dire des noms (un
vocabulaire) et des propositions (une syntaxe) qu’Agamben a trouvé une solution à ce problème insoluble. Je vais à l’essentiel : le langage est une combinaison syntaxique, un
discours sensé, qui articule des noms qui eux n’ont pas de sens en dehors de celui que leur transmission leur a conféré. Je m’explique : on n’invente pas les noms, à moins qu’on
veuille ne pas être compris. Les noms sont dans le langage ce qui y est transmis. En d’autres termes, « tant que l’homme ne pourra faire fond sur le langage, il y aura transmission
des noms ; et tant qu’il y aura transmission des noms, il y aura histoire et destin ». On ne saurait trop méditer cette phrase. Le nom vaut pour la présence, d’un être (nom propre)
comme d’une chose (nom commun). Mais ce n’est pas elle qui est transmise par lui, c’est même le contraire, c’est son absence ou sa disparition, son oubli. Ce que nous nous
transmettons par conséquent via le nom, c’est une incapacité à accéder à l’être, et notamment à l’être du langage, qui nous détermine historiquement. Notre histoire serait
l’histoire de cet échec, d’où une aspiration à la fois politique et poétique à interrompre son cours en parlant la « langue pure des noms », selon la formule de Walter Benjamin.
Cette langue n’est pas une garde-robe où les vêtements flottent dans le vide mais un feu au contact duquel les souvenirs viennent se consumer un à un. Parlant cette langue où il
fait fond, l’homme n’éprouve plus le besoin de transmettre son passé. Tout est présent, tout est actuel, le temps est là, entier. La langue n’est plus une catégorie autonome et
séparée, elle est la matrice d’où tout renaît autrement.
Une telle expérience n’est pas qu’un idéal, elle a lieu. La seule réserve que j’émets
au regard de la merveille qu’elle représente, c’est son expérimentation à grande échelle. Car que vaut la transformation d’un seul ou de quelques-uns au regard du destin de
l’humanité ? Et puis ce fantôme de la délivrance, est-ce qu’il ne devrait pas lui aussi se brûler les ailes au contact de cette « lampe éternelle » dont parle Benjamin, et près de
laquelle Agamben se tient ?
Histoire et messianisme
On peut concevoir le temps comme un trajet linéaire ou comme une éternelle
répétition, on ne répond pas à la question de savoir ce qu’il en est pour chacun et chaque jour de l’accomplissement de sa vie. En appelant de ses vœux la survenue d’un dernier
jour, le messianisme fournit l’image d’un précipité, d’une solution de continuité dans l’ordre homogène du temps. En quoi cette rupture est souhaitable en dépit de ce qu’elle
détruit nécessairement, en quoi est-elle instauratrice ? C’est la question que l’on doit se poser si l’on veut comprendre la raison de la récurrence de cette thématique spirituelle
au sein de l’œuvre d’Agamben.
La question du sens de l’existence est inséparable de la question du bonheur qui en
est comme le terme. C’est une question politique, c’est même sans doute la question politique. Faire sens, c’est toujours plus ou moins faire une image, c’est-à-dire rompre
la continuité logique d’un discours pour en faire jaillir l’ultime vérité, le point de naissance et le terme, l’éclair qui les relie. Evidemment, il ne saurait être question à
l’heure du tout-image de prétendre que toute image nous sollicite et nous homologue à la vérité qu’elle prétend révéler. Loin s’en faut. Une image qui fait sens, qui nous instruit
et en un sens nous initie à son mystère comme à sa totalité, c’est une image du fond de laquelle nous sentons remonter une pluralité de figures comme de significations, une surface
assaillie au point que le non-sens menace de la déchirer. Benjamin a reconnu dans ces figures signifiantes la figure d’un peuple opprimé qui cherche à se libérer et, partant, a
exigé du présent qu’il mette en œuvre sa « faible force messianique » pour l’y aider.
Il s’agit bien de se souvenir, de ce qui a été comme de ce qui n’a pas été, aurait pu
être, non pas pour sombrer dans le regret ou la complaisance mais pour préparer le nouveau, lequel ne peut survenir, à l’instar du messie, qu’à la faveur d’une destruction ou d’un
sacrifice, précisément de tout ce qui nous lie au passé et entrave nos gestes d’aujourd’hui, nous ficelle à force de vouloir dire et signifier, à force de renvoyer à quelqu’un
d’autre, à un autre temps et à un autre lieu. Paradoxalement la fidélité au passé impose sa destruction symbolique, son actualisation destructrice à la lumière de ce qui vient.
Toutes les « Thèses sur la philosophie de l’histoire » de Benjamin méditent cet épineux problème. J’en extrais cette formule : « Articuler historiquement le passé ne signifie pas le
connaître « tel qu’il a été effectivement » mais bien plutôt devenir maître d’un souvenir tel qu’il brille à l’instant d’un péril ». Devenir maître de ce qui n’existe plus,
disparaît, ou n’a jamais existé, c’est lui donner une forme actuelle, par l’intermédiaire d’une œuvre d’art, d’une pensée ou d’un geste, politique ou éthique. Mais au-delà de ça,
c’est mettre en relation l’image de la totalité qui n’est plus (tous ces souvenirs qui viennent se consumer comme autant de papillons à la lumière d’une bougie) en relation avec la
vie elle-même, toute cette mémoire étalée au grand jour, ce feu inextinguible qui se perpétue et se régénère à mesure qu’il consume ses forces. Il faudrait libérer le passé pour
pouvoir se libérer de lui et découvrir le présent tel qu’au premier jour, dans une sorte d’innocence ou d’éternité retrouvées. Où l’on retrouve cette fiction d’une langue pure des
noms, langue magique composée de gestes efficaces. En un sens, cette langue est l’antithèse de ces listes de noms que l’on trouve sur les mémoriaux. Elle ne ferait pas signe en
direction de tous ceux qui ont disparu à jamais mais elle rappellerait la force vive qui traverse le langage dès lors qu’il abandonne la catégorie du passé comme l’idée de tout
présupposé. Il ne s’agit pas d’abandonner les noms de ceux qui sont morts dans des conditions terribles, mais de faire lever en leur sein une présence pure, celle du langage auquel
la vie se donne, la vie sans figure, la vie en devenir, la vie qui ne cesse pas d’arriver, de fluer et de refluer, la vie joyeuse, impétueuse et allègre, en dépit parfois de
l’épouvante.
Le messianisme d’Agamben s’oppose au désenchantement contemporain. Proche de Deleuze
en cela, il met sa pensée au service d’une affirmation qui n’aspire à briser la continuité historique que parce que la tradition s’oppose au devenir. C’est par fidélité à la
tradition qu’il cherche à la dépasser, de même que c’est par fidélité à la loi qu’après en avoir dénoncé l’ineffectivité il en a souligné le peu de vigueur, pour ainsi dire la
caducité. A cet égard, ses analyses sur la souveraineté et l’état d’exception sont capitales pour comprendre les finalités politiques et révolutionnaires de son messianisme. Je ne
vais pas les résumer ici mais plutôt chercher à préciser en quoi la « puissance de la pensée » participe d’une maîtrise, relative, du temps et d’un renversement du sens l’histoire,
« puissant » voulant d’abord dire être capable de surmonter le pire, de descendre dans l’abîme pour en ramener non pas le souvenir d’Eurydice mais Eurydice elle-même en tant qu’elle
parle, en tant qu’elle est la puissance même du chant, la vie rendue possible.
La puissance de la pensée
La tradition philosophique oppose la puissance à l’acte. Je suis
en puissance de faire quelque chose. Agir c’est détruire un possible en lui donnant corps, en l’inscrivant dans le cours du temps. De ce point de vue la conséquence de l’acte c’est
l’impuissance, ne plus pouvoir faire ce qu’on a fait. Est-ce que j’aurais pu ne pas faire ce que j’ai fait ? Autrement dit, est-ce que ma puissance est une puissance de faire
doublée d’une puissance de ne pas faire ? Aristote, la référence obligée en la matière, précise que « ce » qui peut marcher peut aussi ne pas marcher tout comme « ce » qui peut voir
peut aussi ne pas voir. Il prend l’exemple de l’obscurité pour dire que même si nous ne voyons rien dans le noir, notre faculté de voir n’est entamée en rien par cette nuit. Au
contraire, elle culmine : d’une part nous pouvons voir, d’autre part notre impuissance à voir change de signe pour devenir une puissance d’un type nouveau. Il s’agit de pouvoir
exercer une puissance sur quelque chose qui n’est pas, sur une privation, on pourrait presque dire une perte (de là viendrait la maîtrise, non pas d’une chose, mais du rapport qui
nous lie à elle, possession ou dépossession).
En exergue à la première partie d’un livre d’Agamben sur la mélancolie, Stanze, on
trouve cette formule de Rilke : « La perte, pour cruelle qu’elle soit, ne peut rien contre la possession : elle la complète, si l’on veut, elle l’affirme : elle n’est, au fond,
qu’une seconde acquisition – tout intérieure cette fois – et tout aussi intense. » En effet, il semble difficile de prendre la mesure de tout ce qu’on peut ou de tout ce qu’on
aurait pu, avant d’avoir fait une expérience de l’impuissance, c’est-à-dire de ce qu’on ne peut plus faire. Que la puissance de faire et de penser, inséparable puisqu’on pense à
partir d’un agir et qu’on agit en fonction de représentations, se ressource et se régénère dans ce qui a priori la diminue, c’est un tour de force à la portée de tous, puisqu’en
dernière instance la puissance ne dépend pas de l’individu mais de « ce » qui en lui peut.
On ne sait évidemment pas ce qu’on peut. Et la puissance de penser est tout entière
bordée par un impensé qui la traverse, la stimule et l’épouvante. Idem pour la faculté de voir, et là je pense à Goya et aux ténèbres desquelles émergent certaines de ses figures.
Nous ne voulons ni ne pouvons voir ce fond sans figure qui menace de nous absorber et de nous faire disparaître. Cependant nous vivons avec lui et dans certaines circonstances nous
apprenons de lui. Nous apprenons que tout ce que nous percevons vient de là, aussi bien ce qui a figure que ce qui est informe, et que c’est cela en propre la puissance, ce qui nous
pousse à être, à désirer, à concevoir. Et je précise qu’aussi éprouvante que paraisse cette remontée du fond à la surface du visible ou du penser, les forces qui l’animent sont
telles qu’elles nous emportent et nous ravissent. Il y a une jubilation à disparaître et à se transformer, à devenir autre, à devenir multiple, et c’est elle que nous devons laisser
s’affirmer. Néanmoins, à travers l’expérience de la puissance, et en particulier de la puissance de la pensée, il ne s’agit pas de se livrer à un démembrement extatique voire
mortel. Il s’agit au contraire de voir dans la puissance une faculté de se conserver, une faculté de conserver ce qui est et ce qui n’est pas, le visible avec l’invisible duquel il
tire sa figure et sa vitalité. Ce qui n’est pas, ce qui est en puissance, conserve une image de ce qui est ou a été mais telle qu’elle ne se distingue plus de ce qui n’a pas été,
peut être, ne sera jamais. La virtualité qui caractérise le domaine de la puissance est à l’image de cette tablette de cire dont parle Aristote et sur laquelle rien n’est écrit.
Eternellement vierge, cette surface s’offre cependant et à force de passivité se laisse écrire ou dessiner, mais de telle sorte que ce qui s’écrit s’efface, disparaît pour mieux
réapparaître. Ce qui est ne s’oppose plus à ce qui n’est pas, tout collabore si l’on peut dire, tout s’enchaîne, avec bonheur et même béatitude.
Il y a une parabole que j’ai rencontrée dans un livre de Pietro Citati, un
intellectuel italien à l’érudition impressionnante, qui me semble illustrer à merveille cette problématique de la puissance liée à celle de la création et du devenir. Elle met
l’accent sur la dimension artistique de cette affaire, plus que sur la dimension politique pourtant chère à Agamben, et dont l’essentiel consiste à ne plus se croire missionné mais
à laisser advenir le présent sans chercher à le conformer à tout pris à un idéal. Je restitue cette historiette telle que ma mémoire l’a conservée, c’est-à-dire avec beaucoup
d’imprécision et sans doute, je le crains, d’inexactitude.
Nous sommes à l’intérieur d’un palais splendide. Peut-être parce qu’il s’ennuie ou
parce qu’il a à cœur de trouver une image qui coïncide avec sa puissance, le souverain convoque les deux artistes les plus en vue de son royaume et leur propose le marché suivant. «
Vous aurez l’un et l’autre une pièce dans laquelle travailler durant un temps limité. Celui d’entre-vous qui réalisera l’œuvre la plus parfaite se verra couvert de richesses et de
gloire. » Les deux artistes s’exécutent. Dans l’une des deux pièces contiguës, un artiste travaille avec application à donner figure à une beauté que jusque là aucun cerveau n’avait
encore conçue. A côté, l’autre artiste s’acharne avec une rage surprenante à frotter la paroi du mur. Vient le jour J. On découvre la première pièce et le spectacle est si sublime
que le roi croit défaillir. On n’ose à peine se tourner vers le numéro deux qui présente un mur lisse, presque transparent. Le souverain est perplexe. L’artiste demande alors qu’on
abatte la cloison qui sépare les deux pièces. On découvre alors avec sidération non plus le chef d’œuvre mais son image immatérielle, son reflet inaccessible, insaisissable, perdu
dans un lointain qui pourtant est là.
Exposer dans son œuvre l’image de son désœuvrement, telle est la merveille des
merveilles, l’exploit à la portée de tous que chaque jour semble exiger de nous.