« La pensée est l’engagement par et pour la vérité de l’Etre, cet Etre dont l’histoire n’est jamais révolue, mais toujours en attente. L’histoire de l’Etre supporte
et détermine toute condition et situation historique humaine. »
Martin Heidegger, Lettre sur l’humanisme
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GRILLE DE LECTURE
Le nouvel humanisme que Martin Heidegger appelle de tous ses vœux est-il un humanisme de l’Etre ? Point n’est besoin de tenter de le contester. Que serait la philosophie sans
l’Etre ? Qu’est-ce qui serait sans le prédicat « est » ? Rien. Pas même l’histoire, le récit des évènements ayant-été. L’histoire de l’Etre
n’est pas passée, c’est un ayant-été qui s’actualise au présent sur l’horizon du devoir-être encore. L’Etre devance l’histoire pour faire être
l’histoire. L’histoire de l’Etre est encore celle de la condition historique de l’homme. L’Etre engage l’homme dans le discours pour l’élucidation de sa situation historique.
Comment l’histoire de l’Etre pourrait-elle être révolue tant que l’homme dure (Bergson), tant qu’il persévère dans l’être (Spinoza) ? Comment la philosophie se
passerait-elle de l’Etre si c’est l’Etre qui jette l’homme dans la pensée ? Ecoutons la voix prophétique et jamais révolue d’Aristote : en vérité, l’objet éternel de
toutes nos recherches présentes et passées, l’objet constant de notre embarras, c’est la question qu’est-ce que l’Etre ? Quel que soit le dessein de chaque philosophie, penser, c’est
rendre hommage à Aristote, à Platon, à Hegel, c’est renvoyer à la plus ancienne des questions de la philosophie. C’est ce qui fait dire à Ricœur, disciple éminent de Heidegger, que dire
ce qui vient à l’être et ce qui a à être, ce qui doit être et ce qui ne devrait pas être, c’est toujours cligner l’œil du côté de l’être tout en parlant d’autre chose que lui.
Tenons le pour dit, l’humanisme de l’Etre heideggérien est un humanisme d’une double historicité corrélative l’une à l’autre : celle de la condition historique du sujet du discours
philosophique et celle du questionnement historique sur la vérité de l’Etre. Cela revient au même : l’Etre questionné est l’Etre de l’homme, c’est pourquoi nous parlons d’humanisme.
Selon le dessein de Heidegger, le philosophe doit se libérer de l’interprétation technique de la pensée. La pensée est revendiquée par l’Etre pour dire la vérité de l’Etre. Elle doit
opérer un retour sur elle-même pour redonner un sens à l’humanisme. La philosophie est la pensée de l’Etre en tant qu’advenue par l’Etre, elle est encore pensée de l’Etre en tant
qu’appartenant à l’Etre.
Emmanuel AVONYO, op
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