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Ecosia : Le Moteur De Recherch

10 mai 2009 7 10 /05 /mai /2009 15:36

culture [ Article du journal : L'Humanité ]

À la recherche du paradis perdu

Berlin . Triomphe au festival de Berlin pour le nouveau film de Terrence Malick, qui sort aujourd’hui sur les écrans français.

Le Nouveau Monde,

de Terrence Malick.

États-Unis, 2 h 15.

Berlin, envoyé spécial.

Terrence Malick est un cinéaste rare. Le Nouveau Monde n’est que son quatrième film au cours d’une carrière qui s’étale sur trente-deux ans : la Ballade sauvage en 1973, petit road-movie nerveux, les Moissons du ciel en 1978, ample fresque dont la folle exigence mettra la patience des producteurs à rude épreuve, la Ligne rouge en 1998 (vingt ans plus tard, tel aura été le prix à payer), vaste exploration cosmogonique sur fond de guerre à Guadalcanal balayant les territoires de la psyché tout autant que du corps. Par ailleurs le cinéaste, attendu à Berlin, s’est fait excuser, trop pris par la rédaction de son nouveau projet. On rêve. Cela n’a pas empêché le Nouveau Monde de recueillir les bravos dans une version de deux heures et quinze minutes (15 minutes de coupes par rapport à la première version américaine, 45 minutes de moins que la version DVD à venir), tant il est évident à chaque instant que Malick joue dans une catégorie où ne figure guère aussi que Michael Cimino, autre perfectionniste torturé dont l’égale rareté de l’oeuvre témoigne de l’incapacité de là absorber l’ambition de tels créateurs.

Un peu comme les films précédents, le Nouveau Monde est l’histoire d’une genèse, cette fois au sens propre puisqu’il s’agit d’un récit des origines, celles de la fondation des États-Unis, alors qu’en 1607 des marins britanniques débarquent en Virginie pour y installer un premier avant-poste économique, religieux et culturel de colonisation. À l’image, une nature primitive comme ne l’ont saisi que les plus grands peintres, le ciel, l’air, la terre, l’eau qui reflète le ciel et la terre… Au son, le prélude de l’Or du Rhin. C’est alors que surgissent les trois caravelles, qui amènent ces hommes avec leurs armes et leur dieu. Bien entendu, on ne peut que penser à Tabou, ce film unique né de la conjonction des talents de Murnau et de Flaherty où, déjà, un monde se présumant supérieur venait en déflorer un autre, culture contre nature, civilisation d’après la faute contre pureté originelle. Ainsi se déroule ce qu’on appellerait le premier acte au théâtre ou le premier mouvement dans une symphonie. D’un côté des brutes à des degrés divers, anglophones venus dans l’esprit de conquête, forts de leur certitude en leur bon droit. De l’autre, des autochtones s’exprimant en algonquin, en symbiose avec leur milieu, société ayant une sophistication propre que les Britanniques ne peuvent évidemment percevoir.

Et, comme il faut bien que tout cela se personnalise, d’un côté il y a le capitaine John Smith (Colin Farrell), vingt-sept ans, condamné aux fers pour insubordination par le capitaine Newport (Christopher Plummer), mais néanmoins relâché afin qu’il puisse conduire une expédition exploratrice, et, de l’autre, la princesse Pocahontas (Q’Orianka Kilcher), dont il est inutile de vanter les charmes, les productions Walt Disney s’étant déjà chargées d’illustrer cette légende connue de tout Américain. L’amour va naître - un amour pur ne cédant pas à la sexualité (Malick a choisi une comédienne ayant quatorze ans au moment du tournage) -, qui pourrait conduire à la fraternisation entre les deux peuples. Pourtant, tels l’eau et le feu, les valeurs et les buts en jeu ici et là sont si antagonistes qu’il n’en sera rien. Après la chute, il n’y a plus de place pour Adam et Ève, seulement pour Roméo et Juliette. Le deuxième acte nous montre, tandis que la chrétienté détruit le jardin d’Eden, Pocahontas bannie par les siens pour avoir pris le parti de John puis vendue aux Anglais alors que ce dernier, rappelé à Londres pour d’autres missions, diffuse la nouvelle de sa mort afin de libérer la princesse de ses attaches sentimentales. Au troisième acte (c’est nous qui subdivisons), inverse du premier, Pocahontas, amenée en Angleterre pour y découvrir la vie de cour, cède finalement aux avances d’un autre colon qui en était épris, John Rolfe (Christian Bale). Elle et John Smith ne se reverront qu’une fois, quand il est trop tard pour refaire ensemble le chemin qui les a désunis.

Comme il se doit chez Malick, nous sommes là dans la forme poétique ample. Sur l’écran, une reconstitution que n’aurait pas reniée Kubrick de la vie quotidienne dans deux mondes il y a tout juste quatre siècles. Par-derrière, souvent servi par la place laissée à l’imagination que permet la voix off, un vaste suintement qui embrasse, de Rousseau à Thoreau, tout ce que la métaphysique et les religions ont pu produire en matière de réflexion sur l’ordre naturel et le contrat social. Le Nouveau Monde est une oeuvre immense dans laquelle il fait bon se perdre. Jean Roy

Marsiglia -monile maori

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