Sortie DVD : Mars 2008
Version : DVD 9, Zone 2
Format vidéo : PAL
Format image : Couleurs, 4/3
Format audio : Mono
Sous-titres : Aucun
Les Films :
- D'ailleurs Derrida de Safaa Fathy (68mn)
- Nom à la mer de Safaa Fathy (29 mn)
- De tout coeur de Safaa Fathy (54 mn)
L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est l’auteur de Le Cinéma de Woody Allen(Aléas) et collabore à la revue littéraire
L'Atelier du roman(Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal.
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Jacques Derrida est né
le 15 juillet 1930 à El Biar (Algérie). D'origine juive et sarde, il subit la répression liée aux évènements de la fin des années 1930. A cette époque, il lit des philosophes et
écrivains comme Jean-Jacques Rousseau, Friedrich Nietzsche, André Gide et Albert Camus. Après trois années de classes préparatoires littéraires au lycée Louis-le-Grand à Paris, il
entre à l'ENS en 1952 où il découvre Kierkegaard et Martin Heidegger. En 1959, il enseigne au lycée du Mans et est invité à la première décade de Cerisy. En 1965, il est professeur
de philosophie à Normale Sup où il occupe la fonction de «caïman», c'est-à-dire de directeur d'étude, avec Louis Althusser. Sa participation au colloque de Baltimore à l'Université
Johns Hopkins marque le début de ses voyages aux États-Unis. En 1967, ses trois premiers livres sont publiés : De la grammatologie (1967, Éditions de Minuit), La Voix
et le phénomène (1967, PUF), L'Ecriture et la différence(1967, Seuil). Viendront plus tard La Dissémination (1972, Seuil), Heidegger et la question
(1990, Flammarion), Spectres de Marx(1993, Galilée). Il côtoie régulièrement Maurice Blanchot et s'associe à Jean-Luc Nancy, Philippe Lacoue-Labarthe et Sarah Kofman.
En 1978, Jacques Derrida lance les États généraux de la philosophie à la Sorbonne. Il s'implique dans des actions politiques. En 1981, il fonde l'association Jean-Hus avec
Jean-Pierre Vernant, qui aide les intellectuels tchèques dissidents. Il sera arrêté et emprisonné à Prague. Il fonde le Collège international de philosophie en 1983. À partir de
1984, il est directeur d'études à l'EHESS. En 1995, Jacques Derrida est membre du comité de soutien à Lionel Jospin et refuse ensuite de l'être en 2002, en raison du jugement qu'il
porte sur la politique du gouvernement socialiste sur l'immigration. Il meurt le 9 octobre 2004 à Paris.
Jacques Derrida bénéficie d'une reconnaissance des deux côtés de l'Atlantique, qui va bien au-delà du monde universitaire. C'est aux États-Unis qu'il connaîtra la plus grande
audience. Il est très controversé et nombre de philosophes se sont élevés contre le doctorat honoris causa que lui a décerné l'Université de Cambridge en 1992, lui
reprochant une «inadéquation aux standards de clarté et de rigueur». Il a développé la méthode de la déconstruction. Cette pratique d'analyse textuelle est employée pour
décortiquer de nombreux écrits (philosophie, littérature, journaux), afin de révéler leurs décalages et confusions de sens, par le moyen d'une lecture se focalisant sur les
postulats sous-entendus et les omissions dévoilées par le texte lui-même. Ce concept est assimilé à la philosophie postmoderne. Jacques Derrida entendait que la signification d'un
texte donné est le résultat de la différence entre les mots employés, plutôt que de la référence aux choses qu'ils représentent ; il s'agit d'une différence active, qui travaille en
creux le sens de chacun des mots qu'elle oppose. Pour marquer le caractère actif de cette différence, Derrida suggère le terme de différance (combinant «différence» et «différer»).
Sa remise en cause de la philosophie occidentale le conduit à déconstruire l'approche phénoménologique.
Le premier film proposé ici, D'ailleurs Derrida, commence par un texte obscur : "Ce qui vient à moi depuis longtemps sous le nom de l'écriture, de la déconstruction, du
phallogocentrisme, etc., n'a pas pu ne pas procéder d'une étrange référence à un ailleurs, l'enfance, l'au-delà de la Méditerranée, la culture française, l'Europe finalement. Il
s'agit de penser à partir de ce passage de la limite. L'ailleurs, même quand il est très près, c'est toujours l'au-delà d'une limite mais en soi, on a l'ailleurs dans le coeur, on
l'a dans le corps. C'est ça que veut dire l'ailleurs, l'ailleurs est ici, si l'ailleurs était ailleurs, ce ne serait pas un ailleurs."
C'est tout le problème d'un tel film qui, non seulement ne rend pas plus compréhensible une telle philosophie, mais renforce le côté obscur et abstrait de celle-ci. C'est aussi
l'impression que laisse la lecture de ses oeuvres, pourrait-on dire : son style est dense, pratiquant les jeux de mots. Sa lecture nécessite de nombreuses relectures et il n'est pas
sûr que celles-ci soient véritablement efficaces, au point que le philosophe Clément Rosset, sous le pseudonyme de Roger Crémant, dans une chronique au Nouvel Observateuren
1969, intitulée «Discours sur l'écrithure», raillera le style de Derrida. Lors de sa mort, le New York Times, sous la plume de Jonathan Kandell, titrait : "Un
théoricien abscons est mort".
Quoi qu'il en soit, nous sommes ici avec Jacques Derrida et ce dernier se promène parmi des paysages algériens et parle de l'écriture, de la perte de l'identité, de l'Algérie, de
l'histoire coloniale, du secret, du Nous, de la torture, de la multiplicité des voix, de la spectralité, de son séjour en prison, etc. Mais même à travers tous ces thèmes, il est
bien difficile de retracer sa philosophie. Sans doute que certains possèdent les clefs pour comprendre et d'autres non. Peu de fils conducteurs nous sont donnés pour pénétrer cette
oeuvre close sur elle-même. Car pour pouvoir juger ou avoir un avis, encore faut-il comprendre ! Si l'auteur ne nous aide guère, on pouvait s'attendre à ce qu'un documentaire sur
lui le fasse un peu. Ce ne sera pas le cas. Nous restons en dehors, essayant de rassembler tel ou tel propos sans parvenir à saisir l'ensemble. Et même quand on parvient à réunir
quelques fils, le tout reste abstrait et vain.
Le second film, Nom à la mer, est étrange puisqu'il consiste en deux chapitres où Jacques Derrida récite un texte avec des plans fixes sur des bassins en pierre. Certains
plans sont accélérés. On a l'impression en vérité d'un documentaire-poème mais auquel on ne comprend strictement rien, sinon qu'on y aligne des mots et des mots. Parfois, on saisit
un bout de texte pour se perdre ensuite. Enfin, le troisième film, De tout coeur, est une série de conférences où Jacques Derrida (avec Elisabeth Roudinesco) répond à des
étudiants (Librairie Kléber à Strasbourg en 2001), notamment sur le clonage puis avec Jean-Luc Nancy (à Reid Hall, à Paris en février 2000) à propos du motif du coeur.
Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 28/03/2008 )
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